Le rendez vous est pris au mardi 23 janvier 2017 mais décalé à 15h pour me laisser un peu de temps. Je plonge ce matin avec le club associatif Gloria Maris, dont font partie des amis de mes parents de Madrid. Direction St Gilles les Bains. Je prends la route du littoral. Au premier rond-point, deux jeunes font du stop. Comme le dirait ma maman, je m’arrête, en bon réunionnais d’adoption (qui ne klaxonne plus, qui laisse passer les voitures,…). Ils vont à St Leu, c’est sur ma route. Nous voilà donc, sans plus nous connaitre, à discuter.
Je les dépose en plein rond point. Et poursuit ma route jusqu’à St Gilles. Comme nous avions fait le chemin une fois avec mes parents, je retrouve mes repères. Moins de monde sur le parking puisqu’il est à peine 8h30 quand j’arrive. Le club est en face de l’aquarium. Il est ouvert et l’équipe s’affaire déjà pour préparer la plongée. Je vous raconterai mes deux expéditions sous-marines dans un autre article avec quelques photos.
Midi et demi nous déjeunons sur le port de St Gilles avec mes parents. Puis je prends le voiture. Direction le Port. J’avais une adresse et heureusement son téléphone portable. Une fois garé, je me trouve vers un grand hangar. Je l’appelle. Dernière porte au fond. Il sort m’accueillir et m’invite à rentrer dans son atelier.
J’entre dans l’univers de GorG one comme un enfant dans un magasin de jouet. Emerveillé par ce que je vois. Il m’explique que les locaux appartiennent à la municipalité qui l’ont mis à disposition d’artistes et de collectifs en attendant une possible transformation. Il n’est dispo que jusqu’à 16h30 et me donne le choix entre une visite des oeuvres du Port ou l’interview. J’opte pour l’interview. Nous nous installons au coin buvette. Je lui explique le déroulé et nous nous lançons. Je vous invite à prendre le temps et découvrir un artiste multifacette étonnant.
Je n’ai pas pris mon Zoom, Je ne l’ai pas ramené avec moi. J’avais déjà beaucoup d’autres choses à prendre dans mes valises. Donc je vais enregistrer l’interview sur l’iPhone. Je vais t’expliquer comment cela va faire dérouler. L’idée est d’être dans l’échange. Il y a une trame de questions pour que les lecteurs retrouvent les mêmes informations. Après suivant les artistes, cela peut partir un petit peu ailleurs. Tu peux éluder une question, me dire que je devrais te poser celle-là. Tout est possible.
D’accord
Ce sont des questions que l’on m’a demandé de poser. Ma famille et mes amis entre autres.
D’accord.
Cela suit une logique. L’idée, s’il y a des moments que tu veux zapper, si tu veux dire autre chose, il n’y a pas de souci. Après, de mon côté, j’essaie de la suivre sans que cela soit trop dirigé.
On va essayer.
A la fin, je la retranscris. Je la modifie pour que cela soit plus facile pour la lecture. Et avant de la publier je te la soumets si jamais il y a des modifications à faire ou que tu veux enlever une partie.
D’accord.
On va se lancer.
Ton pseudo : GorG one.
Est-ce que cela a une signification particulière ?
Non.
D’où cela t’est venu ? C’est toi qui l’a choisi ?
C’est vieux en fait. C’est avant même que je fasse du Graffiti. J’ai bossé dans une boite d’internet, c’est des potes de là-bas qui m’ont surnommé comme ça. GorG, tout simplement. Et le One il est venu avec le Graffiti, quand j’ai commencé. Parce que quand on pose pour la première fois un nom dans le Graffiti ou pour différencier quand plusieurs personnes portent le même nom, on dit 1, 2, 3. Y’a Seth2, JonOne, etc. Le One est venu après. Le GorG, c’est les potes et je sais même plus pourquoi.
La première fois sur un mur : Je m’en souviens. C’est, il y a, j’essaie de calculer vite fait, 9 – 10 ans. En fait, je viens surtout du dessin. Je me suis dit que cela me plairait de faire du Graffiti. Le médium me plait. Le fait de peindre sur des murs. J’ai jamais vraiment osé franchir le pas. Et un jour, une pote de ma femme, lui a dit « mon mari fait du Graffiti. Il a qu’à essayer avec lui ». Cela s’est fait comme ça. Et donc on est parti tous les deux ici à la Réunion, la première fois. On est parti dans un fameux spot où tous les débutants commencent. C’est l’ancienne miroiterie à St Paul, à Savannah. J’ai fait un petit perso, qui me suivait, que je faisais assez souvent. J’ai peint sur le mur. Tout de suite, j’ai voulu faire gros. Les petits graffs cela ne m’a jamais vraiment intéressé.
La dernière fois sur un mur. Est-ce que cela remonte à 2016 ? depuis le début de l’année je n’ai rien fait encore. J’étais en vacances. Mon dernier mur c’est fin 2016.
Ici, à la Réunion ?
Oui.
Il y a ton atelier ici au Port, mais tes lieux de prédilection c’est où à la Réunion, autour de ce lieu ?
Oui. Surtout le Port. C’est un peu mon terrain de jeu en fait. J’ai mon atelier qui est ici, depuis mars 2016. Je suis là assez souvent pour pouvoir préparer des expos, mes prochains graffs, bosser tout simplement. Et puis, cela fait presque 10 ans que je travaille avec les quartiers ici au Port, que je fais des ateliers avec les gamins. C’est vraiment un endroit où je bosse beaucoup. Et donc, c’est là aussi où j’ai fait le plus de murs.
Comment tu te définirais : Alors je suis pas graffeur. Je dirais pas que j’en suis un sinon beaucoup de gens vont s’arracher la tête. Parce que je fais que du personnage. Je suis un muraliste, peut-être, tu vois. J’aime pas trop… il y a tellement de gens qui disent « ouai, Street art, Graffiti, muraliste,… ». C’est des étiquettes au final. Je sais pas trop où je me situe. Oui effectivement je peins sur des murs mais je fais un peu de sculptures, je peins sur toile, je dessine.
Pas obligé non plus.
Dans le milieu du Street art, qui englobe beaucoup de choses au final, je serai muraliste.
Les grands murs. Le mode d’expression. On parlera peut-être après de la technique et de choix des supports pour voir comment tu fais. Est-ce que tu fais, pas forcément que sur les murs, comment tu le qualifierais ? Est-ce qu’il t’y met des choses particulières dedans ?
Oui, j’ai des intentions. Je travaille beaucoup autour de la nature. Parce que quand je suis revenu vivre à la Réunion, cela m’avait manqué énormément. J’ai toujours grandi dans la nature. Quand je suis revenu ici, après avoir passé 3 ans en centre-ville, en métropole, je me suis dit que c’était pas possible. Cela m’avait trop manqué. Et du coup, j’avais envie de parler de cette beauté de la nature, j’ai eu envie de la défendre. Voilà, tout en parlant de moi, de nous. On est tous des mondes à part entière. On est tous des univers à nous seul. C’est pour ça que mes animaux portent en général des arbres sur leur dos, sur leur tête, dans leur cœur. Comme s’ils portaient ce monde à l’intérieur d’eux même.
Une chose m’a frappé dans ton travail, au niveau du choix des animaux, je ne sais pas si tu y mets une symbolique particulière. Mais la baleine, les cerfs, les oiseaux, …
Oui, c’est les 3 principaux.
3 animaux qui portent une vraie dimension environnementale, même par rapport à l’homme, même dans la manière dont on les regarde, dont on les envisage. Est-ce que cela aussi c’est délibéré d’une certaine manière, d’utiliser ces animaux-là.
Ouai. Alors la baleine c’est parce que vraiment je suis tombé amoureux de cet animal. Et puis après en réfléchissant à ce que je voulais raconter, ce que je voulais dire, bien évidemment ce n’est pas par hasard que j’utilise la baleine, qui est une espèce de monstre, qui est en même temps très gracieux. C’est un animal qui représente la mer, tout ce qui est marin.
On a le cerf qui est tout ce qui vient de la terre, la forêt, la nature qu’il y a autour de nous. C’est aussi un animal majestueux. Et l’oiseau, qui est notre lien avec le ciel. C’est pour ça en général qu’il y a ces trois-là.
Après j’aime bien travaille aussi sur des animaux monstres un peu. L’éléphant, l’hippopotame. Des espèces d’animaux énormes, super imposant. Mais qui en même temps ont une grâce, une beauté que j’essaie de faire ressortir. Peut-être que c’est un clin d’œil à ma grande taille…
Et c’est vrai qu’après c’est aussi soit un unique trait qui va représenter l’animal, soit il est rempli de couleurs qui ne lui correspondent pas naturellement.
Pas du tout même.
Mais qui viennent l’embarquer dans un univers. Est-ce que ce choix-là, de plonger un animal que l’on connaît tous dans des couleurs comme celles-là, te permet de véhiculer d’autres émotions ? Cela résonne différemment ?
Déjà, cela me permet de véhiculer l’onirisme. Tout de suite cela nous embarque dans un autre monde, dans un autre univers. Même si l’on connaît cet animal, tout à coup il est différent, on peut l’appréhender différemment. Et pas juste, « ah tiens c’est un cerf » « c’est une baleine ». Tout à coup, la baleine, elle est rose, jaune. Pourquoi ? d’où elle vient ? pourquoi cette couleur ? tout à l’heure si on a le temps, je te montrerai. J’ai fait une baleine sur les tons jaunes. Très terreuse. Jaune, brun, marron, doré. Elle porte un tas d’arbres. C’est une vraie île qui se balade.
Et puis c’est une forme de magie. Ce sont aussi des animaux qui racontent des histoires, qui inspirent des contes.
Oui, tout de suite.
Ils montrent un lien avec la nature, que l’homme entretient. Ils ont une partie de féérie.
De magie. De poésie. Complètement.
Une chose également qui me troublait c’est le regard… quand il y a un œil, le regard de ton œuvre sur nous d’une certaine manière. Avoir le sentiment d’être observé.
En général, elles te regardent.
Ouai.
Ben oui, « salut, je suis là. Qu’est-ce que t’en penses ? Et alors ? ». C’est pas juste toi qui passe, qui va regarder et te poser des questions. Elles, il faut qu’elles t’interpellent, qu’elles t’accrochent. En général, on le fait par le regard. C’est pas en fuyant le regard que l’on accroche les gens. Donc ouai, je fais en sorte qu’elles nous regardent. Ou qu’elles regardent, là-bas, qu’est ce qui va se passer.
Faudrait regarder par là.
Oui, là-bas derrière, il y a peut-être quelque chose qui arrive. Je trouve cela important. Le regard.
Est-ce que là, en ce moment, tu as une actualité ? des choses qui vont venir cette année ? tu parlais de projet de personnages plantes qui vont sortir du sol, du béton, et qui vont revégétaliser la ville.
C’est ça.
Montrer l’endroit où la terre ressort. Est-ce qu’il y a d’autres choses, des expos ?
Il y a une expo collective en avril, que l’on doit faire dans un entrepôt juste à côté. Où là je vais travailler du volume et de la toile, de la gravure. Essentiellement je pense. En expo pour l’instant c’est tout. Début d’année assez tranquille.
Y’a donc ce gros projet qui me tient vraiment à cœur et qui va me prendre une bonne partie de l’année, qui s’appelle « retour aux sources ». Ce que tu disais, ces animaux qui sortent du sol, du béton pour ramener la nature dans nos villes. Ils seront végétalisés avec des vrais végétaux. Après, y’a un autre projet plus peinture, sur façade, qui va se passer au Port et à St Denis aussi. Voilà, il y a plusieurs choses qui se mettent en place.
Et plusieurs média, manières d’investir la ville.
C’est une petite section qui s’appelle « racontes-moi ton histoire ». Je vais te poser plusieurs questions d’un coup pour que tu vois où cela veut aller et ensuite on se lance. Comment tu en es venu à dessiner, à peindre sur des murs ? A vouloir offrir cela à l’extérieur ?
C’est plusieurs questions différentes.
Mais je t’en pose une autre. Quelles seraient les étapes à connaître de toi, qui t’ont fait devenir GorG one ? Je te les livre ensemble pour que tu mêles.
GorG One c’est pas très vieux. Sur les murs, cela a 9 ans. Mais GorG one, tel qu’on le connaît maintenant, cela a 5 ans. Parce que avant c’était pas du tout ce travail-là que je faisais, c’était vraiment autre chose. C’était beaucoup plus noir, tourner sur la mort. C’était beaucoup plus un travail que je faisais pour correspondre à ce que les gens voulaient au final. GorG one, tel qu’on le connaît maintenant, a 5 ans parce que j’ai décidé un jour d’enfin peindre pour moi.
Voilà. Et c’est à la suite d’un gros événement où tout mon travail a brulé dans un incendie. L’atelier que j’avais à cette époque-là à bruler. Et du coup, je me suis dit, il faut peut-être changer des choses. J’ai modifié ma manière de voir les choses, j’ai décidé de continuer, de vraiment en vivre et pas juste d’espérer en vivre au final. J’ai pris le taureau par les cornes. Je me suis mis à travailler, faire des ateliers, travailler mon tracé, ce que j’avais envie de raconter, chercher ma technique, que je cherche encore. J’espère que je chercherais jusqu’à la fin d’ailleurs. Et, voilà. Avant ça, j’ai fait une école de dessin, d’illustration, de graphisme. J’ai fait de l’internet, des animations sur l’actualité du jour. J’ai fait de la sérigraphie. J’ai un peu touché à tout, en essayant les choses et sans trop approfondir. Jusqu’à y’a 5 ans où je me suis lancé corps et âme là-dedans.
C’est l’image du phénix. Le feu qui vient générer une nouvelle histoire.
Exactement.
Se dire « aller, on y va ».
Après j’ai eu des petites histoires avant qui m’ont boosté, des rencontres. Une très belle à Toulouse, avant ce feu, cet incendie, j’ai rencontré Reso. J’avais déjà commencé à graffer. C’est une des personnes les plus actif sur la scène Graffiti à Toulouse depuis des années. Je sais pas si tu connais. IL m’a pris sous son aile, m’a dit « viens voir comment cela se passe. On peut en vivre. On peut faire des décos, des ateliers ». Il a apporté la couleur dans mon travail aussi. Du coup, j’ai fait plusieurs rencontres comme celle-là, qui ont fait que je suis devenu qui je suis maintenant. C’est la vie, les rencontres et le boulot. A partir du moment où j’ai décidé de travailler, pour moi et pas pour les autres, cela à tout changer.
Et, est-ce qu’il y a eu personnellement ou dans d’autres aspects que l’artistique des sources d’inspiration qui t’ont amené à faire des choix ? Des rencontres déterminantes ?
Dans le visuel, je peux pas passer à côté de Sozie, qui fait des aplats, avec des personnages. Il y a des similitudes dans notre travail. Après, c’est plein de choses. Les dessins animés avec Miyazaki. J’aime beaucoup tous ces univers. Je n’en rate pas un. Je suis à fond. Après, dans tout ce qui est artistes graffiti, forcément il y a des gens qui ont fait du personnage qui m’ont vraiment attiré comme Ariz, avec ces grands persos. Cela m’a attiré dans le grand, de faire des murs gigantesques. Je me suis dit « c’est ça que je veux faire ».
Cela ouvre la voie de voir cela.
Cela ouvre des possibles. Tous les gens qui m’ont inspiré, m’ont montré des possibles, m’ont montré qu’il n’y a pas juste cela, mais y’a ça, et ça. Après il faut faire le tri au milieu, se l’approprier. Pour ne pas pomper et faire les mêmes choses. Il faut faire un tri, trouver sa place, son énergie. Et le faire.
Et tu évoquais être revenu sur l’île. Tu as fait des aller-retours entre la Réunion et la Métropole.
La première fois que j’ai mis les pieds ici c’est il y a 10 ans. Je suis resté 3 ans, j’ai rencontré ma femme. On est parti 3 ans en Métropole ensemble. Puis on est revenu, il y a 5 ans, parce que l’on a eu un petit gars. Pour qu’il grandisse ici. Parce que l’on était mieux ici. On vit bien. Une belle qualité de vie. La nature est très présente, ce qui est très important pour moi. On n’a pas hésité une seconde.
Moi qui, comme dirait ma mère, vit en Ile de France, qui est une autre île qui n’a rien à voir. Je lui faisais la réflexion, quel superbe cadre de vie que la Réunion. Même si tout n’est pas rose. Peu importe parfois l’endroit, il peut y avoir des difficultés, des problèmes. Il faut savoir avancer dans l’environnement dans lequel on est. Mais après, il y a un rapport aux gens, à l’île en elle-même, ce qu’elle apporte. Il y a de sacrées dynamiques.
Je trouve cela très humain.
Mes parents qui m’avaient raconté l’anecdote du cyclone, qui ravage certes, mais qui fait repartir de plus belles. 2 – 3 mois après cela redevient comme avant. Cela emporte. C’est un décalage aussi au niveau d’un rythme de vie.
Oui. Par rapport à la vie de tous les jours. Après, vivre ici, comme partout, on peut travailler sans compter ses heures, être un acharné du boulot. Parfois j’ai des périodes comme ça, où je travaille, je dors pas. Mais d’un coup quand tu t’arrêtes de travailler tu as l’impression d’être en vacances. Tu vas te poser sur la plage, te balader dans la nature, dans la forêt, dans les cirques. Et d’un coup tu es transporté ailleurs. C’est vraiment…
Déconnecté.
Oui. Immédiatement.
Une partie niveau technique. Tu parlais avoir touché à plusieurs choses. Mais es-tu passé par une école d’art ou d’art appliqué ? Est-ce que cela faisait partie de toi étant petit ou pas du tout ? comment cela t’est venu ? les gens veulent savoir, parce que pour beaucoup une personne qui peint a du faire une école. Dans l’esprit des gens on a parfois bien séparé qu’il y a les artistes d’un côté et le reste du monde de l’autre. Moi j’estime que la force créatrice est en chacun de nous.
Bien sûr.
On peut s’amuser à gribouiller.
Surtout dans le milieu du Graffiti, il y en a beaucoup qui n’ont jamais fait d’école de dessins et pourtant c’est des gros tueurs. Là, c’est vrai que c’est un milieu où on sort du cursus normal. Mais moi, j’ai fait une école. J’ai toujours dessiné, j’ai toujours aimé ça, depuis marmaille. Et un jour je me suis dit, juste avant de passer mon bac, c’est ça que je veux faire. J’ai cherché une école. Je suis allé sur Marseille. 3 ans. C’était un super moment. C’était une école où on faisait que dessiner. C’est ce que je voulais. C’était pas un peu de dessin, beaucoup de cours et de théories. Cela ne m’intéressait pas du tout. Je voulais faire que du dessin. Apprendre toutes les bases.
Pendant 3 ans j’ai fait que ça. C’est quelque chose qui m’a plu même si maintenant je regrette de ne pas avoir fait d’histoire de l’art, de droit pour ne pas se faire avoir dans la vie. Parce que forcément on se fait avoir à un moment donné. Donc j’ai regretté un peu ça. J’ai fait une école qui s’appelle Axe Sud, sur Marseille. Maintenant je crois qu’ils en ont ouvert une sur Toulouse.
Cela t’a permis de tester.
De faire que du dessin.
Sur des techniques différentes ?
Oui, crayon, pinceau, acrylique, gouache, du graphisme, de la mise en page. Enfin on a vraiment testé tout plein de choses. Et puis, vraiment à la fin, c’était la grosse époque des CD roms et le début d’internet. Avec les StartUp qui étaient en train d’exploser. Même ça j’ai touché un tout petit peu. Mais ce qui m’intéressait c’était surtout apprendre à dessiner. Bien connaître les bases. Genre le truc, tu as un plâtre devant toi, un buste, le truc académique de base. Construit ton dessin. Les ombres, les lumières. Les nus. Je me rappelle le prof qui venait avec une grappe de raisins qu’il fallait redessiner. Un morceau de sucre. Lui, il s’amusait à chaque fois. C’était surprise. Un crabe, cuit de la veille. Il y a eu tout ce travail-là.
Qui donne une certaine rigueur aussi.
Oui, des bonnes bases. C’est ce que je trouve vraiment important. Le conceptuel est important mais dans l’artistique il y a l’artisanat. Le fait de faire avec ses mains, ou avec sa bouche ou ses pieds je m’en fous. Mais le faire soi-même et pas par quelqu’un d’autre. Voilà, c’est quelque chose que je trouve important.
D’avoir été dans le faire plutôt que dans la réflexion.
Oui, pas que dans le conceptuel. Je trouve qu’il faut un doux mélange des deux.
Et aujourd’hui, quand tu conçois, que tu crées, là dans l’atelier, est-ce que c’est un travail sur papier pour poser des intentions, est-ce que tu gardes des traces d’œuvres possibles dans un carnet ? Ou est-ce que cela vient de manière spontanée en fonction du lieu, du mur ?
C’est un peu les deux. Cela dépend. Quand tu as des gros projets comme Ville musée, et qu’on te dit « là tu vas avoir cette façade à peindre », là je la travaille un peu avant. Je réfléchis à ce que j’ai envie de faire. Je peux avoir fait des dessins avant et me dire que j’aimerai bien mettre cela sur un mur. Donc du coup, une fois que je suis en face de la façade, l’idée est très vite crayonnée. Je fais pas un dessin très léché sur papier pour après le faire pareil sur le mur.
Cela va jeter une idée.
Oui, pour garder de la spontanéité.
Avoir une direction ?
Oui, à peu près. Une fois que je suis sur le mur, le tracé ne sera pas le même parce que c’est un lâcher prise. J’essaie de faire sans contrôler trop mon trait, pour qu’il y ait une énergie qui passe, pour qu’il y ait des erreurs, et que l’on sache que c’est moi et pas quelqu’un d’autres qui le fait. Que ce n’est pas une imprimante.
Ou une projection ?
Voilà. Garder cette énergie-là. Donc du coup, je peux pas faire un dessin bien léché et refaire le même après sur la façade. Ce n’est pas possible. Donc ce que je fais en général c’est plutôt comme ça. Après il y a des fois où je vais arriver sur un mur et je ne sais pas ce que je vais faire. J’y vais et puis c’est sur le moment, en discutant avec les gens autour que cela va se faire.
La plupart de tes œuvres sont soient horizontales ou verticales, des rectangles ? j’ai vu sur internet, des œuvres très longues. C’est vrai qu’après, même si la baleine pourrait être verticale, elle porte aussi quelque chose parce qu’elle est dans ce sens-là. En même temps, ce qui est assez chouette, c’est le côté brut de faire le dessin, le contour, le poser à main levé, cela crée un choix, un parti pris qui fait que l’œuvre va s’adapter…
Au support.
Elle va trouver sa place, se décaler un peu de l’intention de départ. Entre ce qui est posé dès le début et ce qui va se faire, il faut faire attention que ce qui est posé ne bloque pas trop la créativité.
Des fois tu as envie, parce que ton croquis il est bien, de trouver la même chose sur le mur. Mais bon, après, en règle générale, je suis beaucoup plus content de mon résultat sur le mur que sur le papier. Franchement, je préfère toujours plus.
Il y a quelque chose qui me fascine beaucoup. Je trouve cela fort d’arriver à respecter les proportions. Il y a une artiste que j’apprécie beaucoup, je l’avais prise en photo avec une feuille A4 où elle avait posé son dessin et son mur faisait 20 m. je me disais, même si elle n’a pas fait le même dessin, comment on arrive à garder et avoir des proportions harmonieuses. Est-ce que c’est beaucoup de retouches ?
Après, cela dépend. Si tu es dans un bon jour, tu n’as besoin d’aucune retouche. Des fois, tu es dans un mauvais jour, tu vas dire « et merde ». Tu refais tout. Mais après c’est comme quand tu fais une toile, tu te recules, tu regardes, tu reviens. Après, les proportions c’est les mêmes par rapport à ta feuille. Tu sais où va se placer tel élément.
Il y a certaines personnes qui vont construire leur personnage, qui vont faire la tête, un cercle. Tu vas la poser. J’ai vu bosser par exemple, ECB Hendrick. Il travaille tout au petit rouleau. On dirait une imprimante le gars. Tu ne le vois pas d’en bas mais il pose des points, un quadrillage pour faire ses repères de bords de tête, etc. Après, une fois qu’il attaque, il sait que s’il est là, il va y avoir les bords, là les yeux. Il fait son boulot comme ça. Le plus dur c’est de poser la trame. Une fois que c’est fait, c’est relativement facile.
Moi je bosse avec une perche. Comme encore une fois il y a le tracé. Le bras est trop court pour la surface, pour avoir une belle amplitude. En général, je mets un petit rouleau au bout d’une perche et je trace. Donc du coup, j’ai du recul déjà avec ça.
Et je me disais, dans tes compositions, on voit parfois les tracés sur certaines œuvres mais après je trouvais soit de la symétrie, soit des courbes, des formes géométriques. Est-ce que ça aussi te sert pour construire ? Comme tu le dis, la perche qui va pouvoir permettre de faire un arc de cercle. Ou pas du tout ?
Oui. La perche elle m’aide à faire un plus joli arc de cercle que si je devais le faire avec le bras, m’arrêter, reprendre. Ce qui me bloque sur le mur, c’est que j’aimerai avoir un pinceau que je trempe et ne pas avoir à le retremper pour pouvoir faire tout mon tracé en un seul coup. Sans avoir à m’arrêter, reprendre, repartir. Cela me bloque, cela m’embête. J’aimerai comme avec un crayon sur une feuille, pour faire en une fois mon tracé. Je suis sûr qu’il y aurait une énergie beaucoup plus belle là-dessus. Mais ce n’est pas possible. Donc je m’arrête, je reprends pour faire tout ça.
La photo qu’il y a derrière toi, c’est assez symétrique mais ce n’est pas la symétrie qui me plait le plus. En général, je n’aime pas trop ça. Ce mur, c’était ma 2ème grande façade que j’ai faite. Donc j’étais pas super à l’aise encore. Il y avait sur le mur des rainures, je me suis dit que j’allais m’en servir pour bien me caler. Maintenant si c’était à refaire, je le ferai différemment. Il n’y aurait rien de symétrique. Je suis un matheux à l’origine et j’essaie de sortir de la symétrie, du truc bien carré. Depuis que j’ai commencé avec cette technique j’ai envie de faire péter tout ça.
S’affranchir aussi.
Oui, trouver de la liberté, du lâcher prise. Pour moi le tracé c’est ça. Encore, des fois, je cherche à ce que cela soit bien fait. Alors que quand je me lâche, c’est dix fois plus beau.
Je ne sais pas si c’est une idée à développer l’histoire du pinceau qui pourrait diffuser de la peindre au fur et à mesure. Cela n’a rien à voir mais il y a des techniciennes de surface qui ont des balais où il y a le produit qui est intégré. Elles aspergent au fur et à mesure et n’ont pas à recharger à chaque fois.
Moi j’aimerai me fabriquer un beau pinceau pour mur. Où effectivement je peux faire des beaux pleins, des déliés dans mon tracé. Comme si j’étais sur toile, avoir l’énergie du pinceau mais en grand. J’aimerai bien trouver ce moyen-là. Après s’il faut que je m’arrête, que je reprenne, tant pis. C’est pas le plus grave.
Est-ce que sur les choses que tu fais, sur les œuvres, est-ce que tu as un mode opératoire ? est-ce que tu vas repérer des lieux ? est-ce que l’on te sollicite ? entre ton atelier et chez toi, tu repères des espaces en te disant que tu aimerais bien poser quelque chose là ? est-ce que c’est spontané ? Est-ce que tu vas commencer à peindre, que ce soit légal ou illégal, de jour ou de nuit ?
Alors je repère. Il y a des murs que j’aimerais faire mais comme je bosse beaucoup je prend pas le temps. C’est le truc chiant parce que avant quand je me disais « j’aimerai en vivre », j’avais tout le temps d’aller m’amuser, d’aller peindre sur un mur à droite, à gauche, pour mon bon plaisir. J’ai de moins en moins le temps de faire ça en fait. Ce qui est dommage. Et en même temps, tant mieux parce que j’arrive à vivre de ma passion. En général, je repère le mur. Celui-là j’aimerais bien l’avoir. Je vais démarcher la personne. Je trouve un moyen de le faire. Sinon c’est des commandes, des personnes qui viennent me chercher, me demander d’être sur tel ou tel projet.
La taille des murs, le fait que l’œuvre va en imposer dans l’environnement, l’immersion de ton œuvre dans un espace, est-ce que cela te plait dans l’impact que cela va avoir ?
Grave. Cela me plait pour plein de raisons. Ce média-là, le mur, c’est un truc qui me plait. Parce que comme tu le dis, quand tu fais des grands, cela impose, c’est présent. Mais surtout, quand tu le fais, tu as ton corps entier qui est immergé dedans. C’est pas juste ta main. Il y a vraiment un truc qui fait que tu es obligé d’y être corps et âme. Sinon ce n’est pas possible. C’est une dépense d’énergie. Cela me plait beaucoup.
Après, tout à coup, c’est poser dans un cadre, dans un endroit, cela prend une dimension autre. Aussi parce que les adultes peuvent redevenir des gosses, parce que c’est tellement plus grand qu’eux qu’ils se sentent tout petit devant. Et ce qui me plait surtout c’est que c’est populaire. Au final, c’est offert à la vue de tout le monde. N’importe qui peut le voir. Ce n’est pas juste des élites dans une galerie, pas juste parce que la personne a de l’argent et qu’elle peut en profiter. C’est pour ça que j’aime beaucoup le faire aussi au Port, parce que c’est une ville très populaire. Et tout à coup, de faire ça là, je trouve que c’est offrir à un maximum de personnes qui n’en ont pas l’occasion la possibilité d’avoir accès à une certaine forme de culture. C’est peut-être prétentieux mais je trouve cela fort.
Tous ceux qui font ça je trouve ça courageux parce qu’il y a beaucoup plus de personnes au final qui vont voir ton travail que si tu le mets dans une galerie. Dans une galerie tu vas avoir 300, 1000 personnes qui vont le voir. Maximum. Dehors là, il y a combien de personnes qui le voit, qui passe devant tous les jours. Le nombre de touristes, de chalands. Tout le monde peut voir ça. Tout à coup, c’est plus le même regard.
Carrément. C’est une belle transition avec la prochaine partie. Mais cela me fait penser à une anecdote. J’avais vu à Paris, Seth et Jace faire une œuvre ensemble. Quand tu parles de l’impact pour les gens. Ils ont défait un mur de Seth pour refaire une œuvre ensemble. J’étais là toute l’après-midi. J’ai fait des photos. Je les regardais faire et aussi les gens autour. Et une dame les voit défaire l’œuvre, recouvrir avec de la peinture. Elle se met à crier. « C’est un scandale. Vous ne pouvez pas faire ça. C’était tellement beau. Je passais tous les jours devant et c’était mon rayon de soleil ». Vraiment, très énervée, déçue. Eux n’ont pas osé dire qui ils étaient. Elle est partie. Et le soir, en revenant, elle a vu que c’était encore Seth. « Ouf, merci ». Cet impact-là, est-ce que cela t’intéresse ?
Bien sûr. D’ailleurs, si tu regardes, j’ai fait quelques petits films. A chaque fois on a voulu un peu accès sur ça, sur le regard des gens autour, ce qu’ils en pensent, comment est-ce qu’ils voient la chose. Et Ville musée a un peu découlé de tout ça aussi. C’est pour les quartiers, pour les gens qui vivent là, pour leur offrir un autre cadre de vie. Effectivement, quand tu écoutes les interviews des gens, il y a une fierté, ils sont heureux parce que cela embellit. Avant de vraiment poser la question, je peignais et je m’en allais, sans savoir réellement ce qu’ils en pensaient. Et à force de travailler dans les quartiers, de bosser avec eux, de leur poser des questions, je me suis rendu compte que cela avait un vrai impact. Les gens étaient heureux, contents, que cela leur faisait du bien. C’est pour ça que l’on a fait 2 – 3 films comme ça, où l’on accentuait sur les habitants.
C’est l’aspect politique, dans le sens où cela vient provoquer quelque chose dans la ville, dans le quotidien des gens. On le disait tout à l’heure, sur les enjeux autour de la nature, de l’écologie, du changement climatique. Est-ce que via tes œuvres, sans être des étendards d’un parti politique, mais est-ce que tu souhaites véhiculer un regard, des interrogations sur notre planète ?
J’espère.
Sur ces animaux en danger. Nous aussi, qui malmenons notre planète. Avec des enjeux du quotidien, des déchets, les incivilités, le recyclage. Je lisais sur le net un projet que tu menais concernant les bornes de récupération du verre. Les rendre belles pour donner envie. Ce n’est pas juste une é-nième poubelle mais c’est aussi un bel objet, qui me fait me dire que cela est important. Est-ce que tu souhaites faire partie de ce mouvement-là ?
Comme je te l’ai dit, je veux pas être sous un étendard. Je vais pas monter sur les barricades et gueuler. Mon étendard à moi c’est ce que je dessine, ce que je peins. C’est ma façon à moi de dire les choses. Mais bien évidemment que j’ai envie de la défendre, c’est pour ça que j’en parle, que j’ai envie de sensibiliser les gens. Montrer le bon côté de la nature, la beauté. Que les gens ne l’oublient pas. Cela peut nous faire rêver.
Chacun est aussi responsable.
A toi de voir ce que tu en fais, si tu as envie de continuer à ce que ce soit beau. C’est à chacun de faire ce travail-là.
Ma maman ramasse les déchets un peu partout. Je lui faisais part d’une anecdote, j’ai participé à un festival sur le Zero waste (zéro déchet, zéro gaspillage). Il y avait un projet de ramassage d’un déchet par jour avec un hashtag spécifique. Si chacun, on ramassait un déchet et on le mettait à la poubelle, il y aurait un certain nombre de millions de déchets qui seraient pas à être ramassé ou qui ne partiraient pas dans la nature.
C’est sûr.
On se faisait la réflexion. Je l’ai entendu aussi à la radio, sur Freedom. On s’est baladé pendant les vacances dans certaines plages. On se disait « merde, elle est magnifique et il y a une canette, une bouteille en verre ».
C’est un gros problème ici.
A 500 m, il y avait une poubelle.
Les gens font de plus en plus attention. Mais combien de fois j’étais en voiture et tu vois le gars de devant qui jette un truc par la fenêtre, qui ne comprends pas qu’il est en train de pourrir sa propre vie, son île. Il va être le premier à la défendre, à dire qu’elle est belle. Et en même temps il est le premier à jeter sa bouteille en plastique par la fenêtre de sa voiture.
Après je ne vais pas faire de généralité mais les réunionnais en règle générale, créoles, zarabe, malbar, zoreil, tout confondus font de plus en plus attention. Il y a de grosses campagnes de pub pour sensibiliser et faire attention. Mais c’est vrai que les premières fois que je suis venu ici, j’ai halluciné. Cela m’a choqué, cela m’a fait du mal de me balader dans des forets de dingue, que je n’avais jamais vu de ma vie, dans laquelle tu imagines voir sortir un elfe devant toi. Et à la place de l’elfe, tu vois un tas de bouteilles, de merdes qui sont là. C’est incroyable. Heureusement, y’en a de moins en moins.
C’est un des aspects d’intervention de la structure dans laquelle je travaille. Je suis dans une Régie de quartiers qui intervient là-dessus, sur les déchets, le cadre de vie. Cela me parle. Pour moi, le souci, c’est que là en plus on a un cadre qui est magnifique. D’autant plus magnifique qu’il suffit d’une petite chose pour que l’on se dise « oh non, c’est dommage ».
Hélas, quand je vois la banlieue parisienne, le souci c’est que souvent déjà, c’est pas folichon, au niveau du cadre de vie. L’immeuble qui se pête la gueule à moitié. Le hall qui est cassé à un endroit. Cela n’invite pas à être très respectueux du reste parce que le cadre est déjà malmené. Et pourtant je ne suis pas défaitiste, je ne me dis pas « ah ben que puisque c’est comme ça, on passe à autre chose ». Je pense que chacun, nous avons des étapes à faire sur ces sujets là, sur l’environnement, sur l’écologie, savoir d’où on part et d’essayer de faire mieux. On se lance pas un défi de passer du jour au lendemain du tout au tout.
Déjà si l’on faisait attention à nous et autour de nous, à l’échelle humaine. Je pense que là où à chaque fois on baisse les bras c’est quand tout à coup on se rend compte que cela nous dépasse. La mondialisation a quelque chose de bien et en même temps on a peur de tout. Parce que c’est tellement énorme ce qu’il y a à faire et à gérer, que tout le monde baisse les bras. A ben non, c’est trop. Tu as raison, faisons à notre échelle. Un par un. C’est comme cela qu’on y arrivera. Ce n’est pas en se mettant des challenges trop grand. Il y a des personnes qui le font et bravo à eux. Mais déjà, si chacun faisait attention à soi, autour de soi.
Cela me ramène à cette jolie phrase que j’aime, et qui me revient à chaque voyage « take only picture, leave only footprints » (ne prend que des photos, ne laisse que des traces de pas). On ne dépose pas ses déchets et on ne ramène pas de là-bas des choses que l’on arrache.
Par exemple, des morceaux de coraux.
Oui, on pourrait se dire cela ici.
Est-ce que tu aurais une anecdote à raconter lors d’une création ? un retour d’une personne qui t’a vu œuvrer ? C’est quelque chose qui t’a interpellé quand tu as fait tes vidéos. Quelqu’un qui s’arrête, qui habite le coin ou pas, et qui te voit faire, qui vient te parler. Est-ce que cela t’arrive ? ou est-ce que les gens sont plus distant ?
Cela m’arrive parce que je suis pas quelqu’un qui peint illégalement et qui du coup se cache, qui part vite en courant. J’aime prendre le temps. Je demande les permissions. Donc généralement, quand je peins, je suis tranquille, les gens peuvent venir me parler, me poser des questions. On discute souvent. Une anecdote. J’en ai plein.
On les verra dans les vidéos.
Oui. Tu verras. Quand j’ai fait la façade avec le cerf, je l’ai faite avec les gamins du quartier. C’est à dire je les ai faits monter avec moi sur la nacelle, je faisais les contours et c’est eux qui remplissaient les zones. Ils ont vraiment participé à tout. Et y’a une nana dans le quartier, tous les midis elle nous faisait à manger. Pour remercier du boulot. Les marmailles avaient une sourire comme ça de participer à ça. Des échanges du coup. A partir du moment où tu prends ton temps, où tu restes, où tu partages ça avec les gens du quartier, tu as toujours plein de retours, plein de questions.
Quand j’ai peint la baleine, dans un quartier au Port, cela n’était pas une commande. J’avais vraiment envie de la faire. Je travaillais souvent dans ce quartier. Je suis allé demander. J’avais repéré ce mur depuis un moment. Je suis allé demander au propriétaire si je pouvais peindre. Il m’a dit oui. Un petit peu sur la retenue. J’ai fait cette baleine, qui porte les arbres sur le dos. Et là, il a été super emballé. C’était un pêcheur, qui partait au Kerguelen, avec des baleines qui suivaient son bateau. Du coup, il a été super ému, super touché alors que c’était pas du tout voulu à la base, que ce n’était pas pour lui que je le faisais au départ. C’est très bien tombé. Tous les jours il était là, à regarder, discuter avec moi.
Donc des fois même de manière spontanée l’écho est là.
Le gros oiseau qui fait toute une façade au Port, c’est pareil. J’arrive en dessous de cet immeuble. Un mec me gueule dessus. Dès la première minute. « Fais attention, tu ne me fais pas tomber de peinture sur mon mur ; c’est quoi ce truc, on ne m’a pas prévenu ». Je lui dis « monsieur, je ne peins pas votre maison, je fais la façade de l’immeuble, je ferai attention ». Il me regardait peindre. Et au fur et à mesure que je peins, il commence à me poser des questions, à regarder. Il était complètement à fond dedans. « Mais c’est génial, c’est super beau. Il faudrait que tu fasses les feuilles comme ça, que tu fasses une branche parce que l’on comprend pas que c’est des feuilles ». À la fin il était complètement emballé alors qu’au début il m’a pourri.
C’est un beau revirement.
J’étais bien content de l’avoir fait changé d’avis.
Partie sur les collaborations, sur le réseau. Est-ce qu’il y a des artistes qui ont eu un impact sur ton travail, avec qui tu as fait des choses ? Est-ce qu’il y a eu des personnes qui t’ont marqué dans ton parcours ?
Il y a eu Reso. Il m’a vraiment marqué. On est toujours très ami. J’essaie de le faire venir de temps en temps ici. Parce que cela a vraiment été une rencontre autant artistique qu’humaine.
Après il y a eu des rencontres avec d’autres : Wow, un allemand. Mais c’est surtout sur l’humain. Je suis très attaché à ça. En général, les rencontres passent d’abord par l’humain que par l’artistique. Y’a eu cette grosse période avec Reso, où j’ai intégré un lieu à Toulouse qui s’appelle le Mix-art Myrys. C’était un gros lieu, avec des résidences d’artistes. On était assez nombreux. A l’époque où je suis arrivé, on était 5 – 6, des mecs qui faisaient du Graffiti, des toiles. On s’est retrouvé en groupe. Il y a eu une belle émulation. Moi, d’un coup, j’ai fait « oulaaa, il va falloir bosser parce que cela envoie la patate ».
Il faut suivre.
Y’avait 100taur de Toulouse. Paum Sarin qui maintenant s’appelle Sarin et qui fait du tatouage. Y’avait Franek, qui ce matin même m’a envoyé un petit bouquin sérigraphié. Lob qui faisait de la sculpture. Il y avait une énorme émulation.
Après c’est des rencontres, en bougeant. Ici il y a Jace, qui, forcément quand tu peins sur les murs, est quand même important. Parce qu’il a désacralisé pas mal de choses pour les gens ici. Du coup, dans ton travail, les gens ont une autre approche qu’en métropole. Il est aussi une belle personne. C’est des rencontres comme ça mais qui en général sont beaucoup lié à l’humain.
Et si, par l’intermédiaire de cette interview, tu avais un message à faire passer à un artiste, un groupe ou à tous les artistes ? une question à poser ?
Chaque fois les questions c’est : d’où ils viennent ?
Comprendre l’humain.
Ouai. Pourquoi est-ce qu’ils font ça ? Leur parcours ? Après, comment ils font là maintenant pour réussir à se démerder, à vivre de ça ? C’est des plans ? Comment ils font pour se faire inviter à droite et à gauche ? C’est les ficelles du métier que j’ai envie de leur demander.
Qui ne sont pas forcément enseigner en école.
Ben non ; pas du tout.
Et je sais pas s’il y a vraiment une recette.
Cette partie-là je ne l’ai pas du tout. C’était un truc très académique, juste tourner sur l’illustration et le graphisme. Même si j’ai des trucs dans mon école qui résonnent encore dans ma tête. Mais c’est pas du tout des trucs que l’on enseigne. Par contre, les rencontres avec les autres artistes, le fait de bouger dans d’autres pays, là effectivement tu vas voir comment cela se passe. Comment est-ce qu’ils font pour en vivre ? Est-ce qu’ils ont des aides ou pas ? Est-ce qu’ils ont des commandes ou pas ? C’est tout ce genre de trucs. Par rapport aux galeries, comment ils font ?
Au niveau collab, y’a plusieurs choses que j’ai trouvées sur le net et qui m’ont bien plu. Une qui m’a donné envie de découvrir un groupe, c’est une intervention que tu as fait dans le clip de Gren Sémé.
Ouai.
J’ai trouvé la musique géniale, le clip éblouissant. Au boulot, j’ai lancé une webradio avec une structure municipale sur la ville de Nanterre qui est autour de l’écologie, du jardinage. Je place toujours de la musique. Et là, je me suis dit que j’en avais une géniale à mettre dans ma prochaine émission.
Elle est énorme.
Est-ce que ce genre de projet te plait ? te prêter au jeu pour quelqu’un d’autre ?
Ben oui. Carrément. Des collabs j’ai toujours aimé ça. J’en fait moins parce que…
Faut être disponible aussi.
Oui. Etre dispo.
Mais par exemple, ce projet « retour aux sources » c’est de la collab. C’est mon projet mais je suis obligé de le faire avec d’autres. Faire les structures en métal, je fais les bosser avec Fred, parce que c’est quelque chose qui lui sait faire et que je ne sais pas faire. La partie végétale je vais me renseigner auprès de quelqu’un qui connaît et qui va pouvoir m’aider là-dessus. Après la partie façonnage, béton, c’est moi. La partie visuelle c’est moi. Ce que je veux, l’histoire, c’est moi. Mais c’est une collab.
Oui, s’entourer des bonnes personnes pour faire quelque chose de qualité.
Voilà. Tout comme ce clip de Gren Sémé. Là, c’est le réal qui est venu me chercher. Il m’a dit « est-ce que cela t’intéresserait ? on aimerait que tu participes à ça ». j’ai dit oui. Parce que l’histoire m’a plu. Et puis je trouvais ça sympa de s’essayer à ça. Quand j’ai vu le clip, la fin. Cela m’a touché énormément. Tout à coup, je trouvais que mon travail et la chanson allaient bien ensemble.
On parlait de festivals ou d’événements comme ça, est-ce que cela t’arrive d’aller en Métropole, à l’étranger ?
Pas assez souvent à mon goût.
J’entendais parler du projet Jardin Orange. J’ai rencontré Olivier Neri, qui m’a fait me balader dans le sud de l’Île. Il m’a parlé de ce lieu, qui permet la rencontre avec d’autres. De mélanger du monde. Je voyais aussi sur ton site des festivals en France, qui te permettaient de revenir et en tout cas être avec d’autres.
C’est à Toulouse. Ben après, ce n’est pas assez souvent à mon goût. J’aimerai sortir plus que ça. Mais c’est sûr que quand on est à la Réunion, il y a le billet qui coute cher. Donc les gens qui organisent n’ont pas forcément envie de te faire venir parce que tu es loin.
Katre ? qui fait entre photo en graff. Je l’ai vu à Aulnay une fois, c’est superbe.
Voilà. Quand j’étais à Toulouse, Reso a monté une association qui s’appelle Photograff. On était plusieurs artistes Katre, Gris qui est sur Lyon, moi même si je suis loin maintenant, Reso. Y’a toujours cette association qui organise cette grosse expo à Toulouse qui s’appelle Mister Freeze. J’ai eu envie de venir. Il faisait également un gros jam. J’étais venu faire ça avec eux.
L’avant dernier Mister Freeze ils m’ont invité. Donc c’était cool. Là tu fais des supers rencontres avec des artistes. Tu discutes avec eux. Tu te rends compte qu’ils sont comme toi. Bien humain. Qu’ils sont à fond pour préparer leur truc comme toi, donc c’est plutôt chouette. Cela permet des superbes rencontres.
Jardin Orange c’est Ceet, qui vient souvent à la Réunion en tant que DJ et qui peint aussi. Il a monté ça. Il est toulousain et vit en Chine. Du coup, on s’est croisé plusieurs fois. Et pour la pré-ouverture, il m’a invité avec une douzaine d’artistes (Jace, Dheo, Wow 123, Won ABC, ECB Hendrik). Après ce que j’aime bien là-dedans, c’est que tu croises les mêmes gars dans différents pays. Cela crée des liens.
Des envies.
J’aimerais pouvoir sortir plus que ça. Les prochaines années, je vais faire en sorte qu’il y ait des fenetres qui s’ouvrent.
Il reste deux parties. La partie financière. Tu disais qu’aujourd’hui tu as fait le choix.
De vivre de ça.
Voilà. Que l’art te fasse vivre. C’est un vrai choix qui ne doit pas être simple. Comment trouver l’équilibre ? comme tu le disais, savoir les bons plans, comment faire ? entre exposer en galerie ? faire des commandes ? te permettre de jongler ? est-ce qu’aujourd’hui tu t’y retrouves ? ou cela dépend des mois ?
Là, depuis 5 ans, j’en vis. Suffisamment. C’est pas tout le temps la grande fête mais ça va. A la fin de l’année quand je comptabilise tout va bien. Même si là par exemple cela fait deux mois où c’est serré, où je tire la langue. Mais comme y’a eu des mois avant qui étaient bien, cela s’équilibre. J’ai pas à me plaindre.
Après c’est des mélanges entre des ateliers, des commandes, des toiles. Après c’est rigolo parce que c’était beaucoup d’ateliers et pas beaucoup de murs et de toiles. Après y’a eu plus de murs et toujours pas beaucoup de toiles. Là y’a de plus en plus de toiles, de moins en moins d’ateliers. Cela fluctue. Et cela touche d’autre monde. Il faut comprendre comment cela marche. Je te dis d’un coup tu poses des questions. Comment tu fais avec le galeriste ? combien tu demandes ? tes tarifs ?
Combien il prend, combien je prends ?
Oui. Qu’est-ce que j’ai le droit de faire ou pas ? comment cela se passe au niveau des droits ? etc. tu as plein de questions qui se posent. Là, j’ai de plus en plus de commandes de toiles et de murs. C’est cool. J’arrive à vivre de ça.
Est-ce que, à des moments, on vient te solliciter dans des choses inattendus ? est-ce que l’on te contacte pour t’exposer ? et avec tout ce que tu as à faire, est-ce que c’est plus ou moins difficile ? est-ce que tu arrives à répondre globalement à tout ?
J’arrive à répondre. Après des fois cela traine un peu. J’essaie de les prévenir avant. Mais des fois, t’es emporté par des choses, de la vie. En règle générale, j’arrive à répondre.
Après, oui, comme pour le clip, y’a des trucs que je ne m’attendais pas. Au final cela tombe et c’est génial. J’essaie de faire au mieux et parfois les nuits sont trop courtes. Comme tu as pu le voir, je n’ai pas beaucoup de stock dans mes toiles. J’ai pratiquement rien. Donc quand on me propose une expo, j’ai quasiment tout à faire. Donc il faut arriver à caler la préparation de l’expo au milieu des autres commandes ou murs à faire. Ça jongle pas mal. Le travail est quand même bien acharné. Et j’ai parfois pas beaucoup la tête ailleurs que dans le boulot. Mais y’a des fois, comme là, fin d’année, où j’ai strictement rien.
Ou tu prends le temps aussi.
Après cela permet soit de se reposer. Soit de travailler pour soi. Ce qui est bien aussi.
C’est la dernière partie. Elle commence par la visibilité sur les réseaux sociaux. Beaucoup de gens aujourd’hui ont accès à des artistes à l’autre bout du monde via internet. Tu as un site, un Facebook. Est-ce que c’est un média intéressant pour toi ? est-ce que tu montres ce que tu veux montrer ?
On en parlait des fois avec des artistes, comme Jace par exemple. Des gens partent à la chasse aux Gouzous, certains passionnés partent à la recherche de la dernière œuvre pour la mettre sur Facebook. Ou Jace, lui-même, qui va mettre une photo de son œuvre sur Instagram pour montrer ce qu’il fait. Est-ce que c’est un endroit qui te permet également d’aller à la rencontre d’autres personnes ? ou est-ce plus un endroit où on vient te solliciter ?
C’est les deux. Après le site il est pas très à jour. Il faut que je le fasse. J’utilise beaucoup Facebook. Je n’aime pas beaucoup son côté voyeurisme. Mais après c’est un super média pour le boulot. Au point de vue com, je peux pas me passer de ça. Le nombre de travail que j’ai eu grâce à ça est impressionnant. Comme tu dis, il y a une visibilité, une fenêtre sur le monde entier, tout le monde peut voir ton travail. Et ce qui est important dans notre boulot c’est d’être vu. Donc c’est plutôt moi qui vais poster mes photos pour montrer ce que je fais. Tout comme y’en a qui vont afficher des 4×3, moi cela va être sur Facebook. Je vais envoyer, montrer.
C’est intéressant aussi de faire des vidéos, de montrer une création.
Un cheminement. Cela permet de montrer différentes choses. Après montrer l’impact sur les gens, cela me plait. Dans mon travail cela se retrouve beaucoup. J’ai fait des ateliers. J’ai fait une fois une forme de sculpture participative. J’aime cela. Que tout à coup le public se sente concerné. Et pas juste je fais mon truc dans mon coin et terminé. Les vidéos, elles permettent de montrer ça. Elles font participer ceux qui n’ont pas pu être là.
Cela laisse une trace sur ce qui s’est vécu.
Voilà. Petite série de questions. Et la dernière est la pire, pour moi, et tu comprendras pourquoi. Si tu avais :
Un morceau de musique, un groupe, un style musical qui te plait et avec lequel nous devrions écouter l’interview : je crée beaucoup sur du Pink Floyd. Beaucoup. Cela me calme, me transporte ailleurs. Pour moi, c’est des indémodables. Ils ont fait avancer tellement de choses dans la musique. Je les apprécie toujours autant. Quand je n’arrive pas à bosser, je mets du Pink Floyd et c’est bon.
Cela t’embarque.
Oui. Cela me permet de rêver. Plus facilement.
Un bar, un resto, un endroit où se poser, boire un verre. Est-ce que ce serait ici sur l’Ile ou ailleurs ? je suis quelqu’un qui adore la bouffe.
Donc il y aurait plein d’endroit.
A ma table. Chez moi. Et c’est moi qui cuisine. J’adore ça. J’aime cuisine, j’adore le bon vin, la bonne bouffe. C’est quelque chose de vachement important pour moi. Après, je peux pas t’en dire un en particulier. Cela dépend aussi de qui t’accompagne en particulier.
Un message, un coup de gueule, une dédicace à dire, à chuchoter, à crier : il y en a plein des trucs à dire. Ben, c’est « fais attention à toi, pour pouvoir faire attention aux autres », regardes qui tu es avant de regarder ou critiquer les autres. Si on fait attention à soi, on fait forcément attention aux autres, à ce qui nous entoure.
Un voyage, une destination : ouai. Là y’en a une en particulier. Mais ce serai un retour. C’est en projet cette année. C’est le Cambodge. Quand j’y suis allé, cela a changé ma vie. Et là, j’aimerais y retourner pour y apporter quelque chose.
Une envie de redonner….
J’aimerai beaucoup y aller pour y apporter quelque chose. Je pense que je me reprendrai une claque, encore une fois. Mais j’ai envie d’y aller avec mes pinceaux et essayer d’y apporter un truc.
Enfin, la dernière, qui me mettra peut-être ou non dans l’embarras. Tu vas comprendre pourquoi. Si tu avais une question à me poser, pour laquelle tu sois sûr que je te réponde mais surtout (comme me l’a dit le premier artiste) te dire la vérité, ce serait quoi ?
Qu’est-ce que je te demanderai : Est-ce que tu es honnête avec toi même ?
Alors… de plus en plus, je pense. En tout cas être en adéquation personnellement et professionnellement. A des moments je dois faire des choix, dire non. Après j’ai un bon travail à faire sur moi, car je suis parfois très perfectionniste, très cérébral, que les choses soient toutes bien rangées. Et en même temps un côté artistique qui va me faire déborder. Arriver à concilier cela, trouver une voie assez juste dans les émotions, dans ce que je demande aux autres. Parce que des fois je suis exigeant sur mon travail, donc si l’autre doit me donner des éléments pour que j’arrive à faire des choses, je finis par être très exigeant vis à vis de lui et parfois trop.
Ce qui fait que les objectifs de cette année 2017 sont : de faire du yoga, de la méditation, de reprendre les interviews. 2016 a été vide à ce niveau-là comme je te le disais. Je me suis rendu compte en fin d’année que ma dernière interview remontait à novembre 2015. Et pourquoi ? je me suis dit que je passais peut-être beaucoup trop de temps au boulot. Finalement il y a un côté qui me remplit d’aller à la rencontre des gens. J’aime bien être passeur dans cette histoire, mais j’aime surtout rencontrer une personne, un humain. Et cela m’embarque. C’est ce que j’ai envie de repartager aux gens. Trouver, sans demander trop. J’avance et je ne me crée pas des frustrations énormes en me disant « je suis pas bon là-dessus, je n’y arrive pas ». Arriver à se fixer des objectifs que l’on peut atteindre. Se réjouir de ça.
Il y a une dernière chose que je vais te demander, si tu as une inspiration, c’est une petite dédicace.
Interview de GorG one
Étiquettes : Interview, Street Art
Le rendez vous est pris au mardi 23 janvier 2017 mais décalé à 15h pour me laisser un peu de temps. Je plonge ce matin avec le club associatif Gloria Maris, dont font partie des amis de mes parents de Madrid. Direction St Gilles les Bains. Je prends la route du littoral. Au premier rond-point, deux jeunes font du stop. Comme le dirait ma maman, je m’arrête, en bon réunionnais d’adoption (qui ne klaxonne plus, qui laisse passer les voitures,…). Ils vont à St Leu, c’est sur ma route. Nous voilà donc, sans plus nous connaitre, à discuter.
Je les dépose en plein rond point. Et poursuit ma route jusqu’à St Gilles. Comme nous avions fait le chemin une fois avec mes parents, je retrouve mes repères. Moins de monde sur le parking puisqu’il est à peine 8h30 quand j’arrive. Le club est en face de l’aquarium. Il est ouvert et l’équipe s’affaire déjà pour préparer la plongée. Je vous raconterai mes deux expéditions sous-marines dans un autre article avec quelques photos.
Midi et demi nous déjeunons sur le port de St Gilles avec mes parents. Puis je prends le voiture. Direction le Port. J’avais une adresse et heureusement son téléphone portable. Une fois garé, je me trouve vers un grand hangar. Je l’appelle. Dernière porte au fond. Il sort m’accueillir et m’invite à rentrer dans son atelier.
J’entre dans l’univers de GorG one comme un enfant dans un magasin de jouet. Emerveillé par ce que je vois. Il m’explique que les locaux appartiennent à la municipalité qui l’ont mis à disposition d’artistes et de collectifs en attendant une possible transformation. Il n’est dispo que jusqu’à 16h30 et me donne le choix entre une visite des oeuvres du Port ou l’interview. J’opte pour l’interview. Nous nous installons au coin buvette. Je lui explique le déroulé et nous nous lançons. Je vous invite à prendre le temps et découvrir un artiste multifacette étonnant.
Je n’ai pas pris mon Zoom, Je ne l’ai pas ramené avec moi. J’avais déjà beaucoup d’autres choses à prendre dans mes valises. Donc je vais enregistrer l’interview sur l’iPhone. Je vais t’expliquer comment cela va faire dérouler. L’idée est d’être dans l’échange. Il y a une trame de questions pour que les lecteurs retrouvent les mêmes informations. Après suivant les artistes, cela peut partir un petit peu ailleurs. Tu peux éluder une question, me dire que je devrais te poser celle-là. Tout est possible.
D’accord
Ce sont des questions que l’on m’a demandé de poser. Ma famille et mes amis entre autres.
D’accord.
Cela suit une logique. L’idée, s’il y a des moments que tu veux zapper, si tu veux dire autre chose, il n’y a pas de souci. Après, de mon côté, j’essaie de la suivre sans que cela soit trop dirigé.
On va essayer.
A la fin, je la retranscris. Je la modifie pour que cela soit plus facile pour la lecture. Et avant de la publier je te la soumets si jamais il y a des modifications à faire ou que tu veux enlever une partie.
D’accord.
On va se lancer.
Ton pseudo : GorG one.
Est-ce que cela a une signification particulière ?
Non.
D’où cela t’est venu ? C’est toi qui l’a choisi ?
C’est vieux en fait. C’est avant même que je fasse du Graffiti. J’ai bossé dans une boite d’internet, c’est des potes de là-bas qui m’ont surnommé comme ça. GorG, tout simplement. Et le One il est venu avec le Graffiti, quand j’ai commencé. Parce que quand on pose pour la première fois un nom dans le Graffiti ou pour différencier quand plusieurs personnes portent le même nom, on dit 1, 2, 3. Y’a Seth2, JonOne, etc. Le One est venu après. Le GorG, c’est les potes et je sais même plus pourquoi.
L’histoire d’où cela venait.
Je sais pas. Mais cela m’a suivi.
Quel est ton âge : 40 ans. Je vais sur mes 41.
Moi 35. On se suit.
Site internet : http://gorg1.re
La première fois sur un mur : Je m’en souviens. C’est, il y a, j’essaie de calculer vite fait, 9 – 10 ans. En fait, je viens surtout du dessin. Je me suis dit que cela me plairait de faire du Graffiti. Le médium me plait. Le fait de peindre sur des murs. J’ai jamais vraiment osé franchir le pas. Et un jour, une pote de ma femme, lui a dit « mon mari fait du Graffiti. Il a qu’à essayer avec lui ». Cela s’est fait comme ça. Et donc on est parti tous les deux ici à la Réunion, la première fois. On est parti dans un fameux spot où tous les débutants commencent. C’est l’ancienne miroiterie à St Paul, à Savannah. J’ai fait un petit perso, qui me suivait, que je faisais assez souvent. J’ai peint sur le mur. Tout de suite, j’ai voulu faire gros. Les petits graffs cela ne m’a jamais vraiment intéressé.
La dernière fois sur un mur. Est-ce que cela remonte à 2016 ? depuis le début de l’année je n’ai rien fait encore. J’étais en vacances. Mon dernier mur c’est fin 2016.
Ici, à la Réunion ?
Oui.
Il y a ton atelier ici au Port, mais tes lieux de prédilection c’est où à la Réunion, autour de ce lieu ?
Oui. Surtout le Port. C’est un peu mon terrain de jeu en fait. J’ai mon atelier qui est ici, depuis mars 2016. Je suis là assez souvent pour pouvoir préparer des expos, mes prochains graffs, bosser tout simplement. Et puis, cela fait presque 10 ans que je travaille avec les quartiers ici au Port, que je fais des ateliers avec les gamins. C’est vraiment un endroit où je bosse beaucoup. Et donc, c’est là aussi où j’ai fait le plus de murs.
Comment tu te définirais : Alors je suis pas graffeur. Je dirais pas que j’en suis un sinon beaucoup de gens vont s’arracher la tête. Parce que je fais que du personnage. Je suis un muraliste, peut-être, tu vois. J’aime pas trop… il y a tellement de gens qui disent « ouai, Street art, Graffiti, muraliste,… ». C’est des étiquettes au final. Je sais pas trop où je me situe. Oui effectivement je peins sur des murs mais je fais un peu de sculptures, je peins sur toile, je dessine.
Pas obligé non plus.
Dans le milieu du Street art, qui englobe beaucoup de choses au final, je serai muraliste.
Les grands murs. Le mode d’expression. On parlera peut-être après de la technique et de choix des supports pour voir comment tu fais. Est-ce que tu fais, pas forcément que sur les murs, comment tu le qualifierais ? Est-ce qu’il t’y met des choses particulières dedans ?
Oui, j’ai des intentions. Je travaille beaucoup autour de la nature. Parce que quand je suis revenu vivre à la Réunion, cela m’avait manqué énormément. J’ai toujours grandi dans la nature. Quand je suis revenu ici, après avoir passé 3 ans en centre-ville, en métropole, je me suis dit que c’était pas possible. Cela m’avait trop manqué. Et du coup, j’avais envie de parler de cette beauté de la nature, j’ai eu envie de la défendre. Voilà, tout en parlant de moi, de nous. On est tous des mondes à part entière. On est tous des univers à nous seul. C’est pour ça que mes animaux portent en général des arbres sur leur dos, sur leur tête, dans leur cœur. Comme s’ils portaient ce monde à l’intérieur d’eux même.
Une chose m’a frappé dans ton travail, au niveau du choix des animaux, je ne sais pas si tu y mets une symbolique particulière. Mais la baleine, les cerfs, les oiseaux, …
Oui, c’est les 3 principaux.
3 animaux qui portent une vraie dimension environnementale, même par rapport à l’homme, même dans la manière dont on les regarde, dont on les envisage. Est-ce que cela aussi c’est délibéré d’une certaine manière, d’utiliser ces animaux-là.
Ouai. Alors la baleine c’est parce que vraiment je suis tombé amoureux de cet animal. Et puis après en réfléchissant à ce que je voulais raconter, ce que je voulais dire, bien évidemment ce n’est pas par hasard que j’utilise la baleine, qui est une espèce de monstre, qui est en même temps très gracieux. C’est un animal qui représente la mer, tout ce qui est marin.
On a le cerf qui est tout ce qui vient de la terre, la forêt, la nature qu’il y a autour de nous. C’est aussi un animal majestueux. Et l’oiseau, qui est notre lien avec le ciel. C’est pour ça en général qu’il y a ces trois-là.
Après j’aime bien travaille aussi sur des animaux monstres un peu. L’éléphant, l’hippopotame. Des espèces d’animaux énormes, super imposant. Mais qui en même temps ont une grâce, une beauté que j’essaie de faire ressortir. Peut-être que c’est un clin d’œil à ma grande taille…
Et c’est vrai qu’après c’est aussi soit un unique trait qui va représenter l’animal, soit il est rempli de couleurs qui ne lui correspondent pas naturellement.
Pas du tout même.
Mais qui viennent l’embarquer dans un univers. Est-ce que ce choix-là, de plonger un animal que l’on connaît tous dans des couleurs comme celles-là, te permet de véhiculer d’autres émotions ? Cela résonne différemment ?
Déjà, cela me permet de véhiculer l’onirisme. Tout de suite cela nous embarque dans un autre monde, dans un autre univers. Même si l’on connaît cet animal, tout à coup il est différent, on peut l’appréhender différemment. Et pas juste, « ah tiens c’est un cerf » « c’est une baleine ». Tout à coup, la baleine, elle est rose, jaune. Pourquoi ? d’où elle vient ? pourquoi cette couleur ? tout à l’heure si on a le temps, je te montrerai. J’ai fait une baleine sur les tons jaunes. Très terreuse. Jaune, brun, marron, doré. Elle porte un tas d’arbres. C’est une vraie île qui se balade.
Et puis c’est une forme de magie. Ce sont aussi des animaux qui racontent des histoires, qui inspirent des contes.
Oui, tout de suite.
Ils montrent un lien avec la nature, que l’homme entretient. Ils ont une partie de féérie.
De magie. De poésie. Complètement.
Une chose également qui me troublait c’est le regard… quand il y a un œil, le regard de ton œuvre sur nous d’une certaine manière. Avoir le sentiment d’être observé.
En général, elles te regardent.
Ouai.
Ben oui, « salut, je suis là. Qu’est-ce que t’en penses ? Et alors ? ». C’est pas juste toi qui passe, qui va regarder et te poser des questions. Elles, il faut qu’elles t’interpellent, qu’elles t’accrochent. En général, on le fait par le regard. C’est pas en fuyant le regard que l’on accroche les gens. Donc ouai, je fais en sorte qu’elles nous regardent. Ou qu’elles regardent, là-bas, qu’est ce qui va se passer.
Faudrait regarder par là.
Oui, là-bas derrière, il y a peut-être quelque chose qui arrive. Je trouve cela important. Le regard.
Est-ce que là, en ce moment, tu as une actualité ? des choses qui vont venir cette année ? tu parlais de projet de personnages plantes qui vont sortir du sol, du béton, et qui vont revégétaliser la ville.
C’est ça.
Montrer l’endroit où la terre ressort. Est-ce qu’il y a d’autres choses, des expos ?
Il y a une expo collective en avril, que l’on doit faire dans un entrepôt juste à côté. Où là je vais travailler du volume et de la toile, de la gravure. Essentiellement je pense. En expo pour l’instant c’est tout. Début d’année assez tranquille.
Y’a donc ce gros projet qui me tient vraiment à cœur et qui va me prendre une bonne partie de l’année, qui s’appelle « retour aux sources ». Ce que tu disais, ces animaux qui sortent du sol, du béton pour ramener la nature dans nos villes. Ils seront végétalisés avec des vrais végétaux. Après, y’a un autre projet plus peinture, sur façade, qui va se passer au Port et à St Denis aussi. Voilà, il y a plusieurs choses qui se mettent en place.
Et plusieurs média, manières d’investir la ville.
C’est une petite section qui s’appelle « racontes-moi ton histoire ». Je vais te poser plusieurs questions d’un coup pour que tu vois où cela veut aller et ensuite on se lance. Comment tu en es venu à dessiner, à peindre sur des murs ? A vouloir offrir cela à l’extérieur ?
C’est plusieurs questions différentes.
Mais je t’en pose une autre. Quelles seraient les étapes à connaître de toi, qui t’ont fait devenir GorG one ? Je te les livre ensemble pour que tu mêles.
GorG One c’est pas très vieux. Sur les murs, cela a 9 ans. Mais GorG one, tel qu’on le connaît maintenant, cela a 5 ans. Parce que avant c’était pas du tout ce travail-là que je faisais, c’était vraiment autre chose. C’était beaucoup plus noir, tourner sur la mort. C’était beaucoup plus un travail que je faisais pour correspondre à ce que les gens voulaient au final. GorG one, tel qu’on le connaît maintenant, a 5 ans parce que j’ai décidé un jour d’enfin peindre pour moi.
Voilà. Et c’est à la suite d’un gros événement où tout mon travail a brulé dans un incendie. L’atelier que j’avais à cette époque-là à bruler. Et du coup, je me suis dit, il faut peut-être changer des choses. J’ai modifié ma manière de voir les choses, j’ai décidé de continuer, de vraiment en vivre et pas juste d’espérer en vivre au final. J’ai pris le taureau par les cornes. Je me suis mis à travailler, faire des ateliers, travailler mon tracé, ce que j’avais envie de raconter, chercher ma technique, que je cherche encore. J’espère que je chercherais jusqu’à la fin d’ailleurs. Et, voilà. Avant ça, j’ai fait une école de dessin, d’illustration, de graphisme. J’ai fait de l’internet, des animations sur l’actualité du jour. J’ai fait de la sérigraphie. J’ai un peu touché à tout, en essayant les choses et sans trop approfondir. Jusqu’à y’a 5 ans où je me suis lancé corps et âme là-dedans.
C’est l’image du phénix. Le feu qui vient générer une nouvelle histoire.
Exactement.
Se dire « aller, on y va ».
Après j’ai eu des petites histoires avant qui m’ont boosté, des rencontres. Une très belle à Toulouse, avant ce feu, cet incendie, j’ai rencontré Reso. J’avais déjà commencé à graffer. C’est une des personnes les plus actif sur la scène Graffiti à Toulouse depuis des années. Je sais pas si tu connais. IL m’a pris sous son aile, m’a dit « viens voir comment cela se passe. On peut en vivre. On peut faire des décos, des ateliers ». Il a apporté la couleur dans mon travail aussi. Du coup, j’ai fait plusieurs rencontres comme celle-là, qui ont fait que je suis devenu qui je suis maintenant. C’est la vie, les rencontres et le boulot. A partir du moment où j’ai décidé de travailler, pour moi et pas pour les autres, cela à tout changer.
Et, est-ce qu’il y a eu personnellement ou dans d’autres aspects que l’artistique des sources d’inspiration qui t’ont amené à faire des choix ? Des rencontres déterminantes ?
Dans le visuel, je peux pas passer à côté de Sozie, qui fait des aplats, avec des personnages. Il y a des similitudes dans notre travail. Après, c’est plein de choses. Les dessins animés avec Miyazaki. J’aime beaucoup tous ces univers. Je n’en rate pas un. Je suis à fond. Après, dans tout ce qui est artistes graffiti, forcément il y a des gens qui ont fait du personnage qui m’ont vraiment attiré comme Ariz, avec ces grands persos. Cela m’a attiré dans le grand, de faire des murs gigantesques. Je me suis dit « c’est ça que je veux faire ».
Cela ouvre la voie de voir cela.
Cela ouvre des possibles. Tous les gens qui m’ont inspiré, m’ont montré des possibles, m’ont montré qu’il n’y a pas juste cela, mais y’a ça, et ça. Après il faut faire le tri au milieu, se l’approprier. Pour ne pas pomper et faire les mêmes choses. Il faut faire un tri, trouver sa place, son énergie. Et le faire.
Et tu évoquais être revenu sur l’île. Tu as fait des aller-retours entre la Réunion et la Métropole.
La première fois que j’ai mis les pieds ici c’est il y a 10 ans. Je suis resté 3 ans, j’ai rencontré ma femme. On est parti 3 ans en Métropole ensemble. Puis on est revenu, il y a 5 ans, parce que l’on a eu un petit gars. Pour qu’il grandisse ici. Parce que l’on était mieux ici. On vit bien. Une belle qualité de vie. La nature est très présente, ce qui est très important pour moi. On n’a pas hésité une seconde.
Moi qui, comme dirait ma mère, vit en Ile de France, qui est une autre île qui n’a rien à voir. Je lui faisais la réflexion, quel superbe cadre de vie que la Réunion. Même si tout n’est pas rose. Peu importe parfois l’endroit, il peut y avoir des difficultés, des problèmes. Il faut savoir avancer dans l’environnement dans lequel on est. Mais après, il y a un rapport aux gens, à l’île en elle-même, ce qu’elle apporte. Il y a de sacrées dynamiques.
Je trouve cela très humain.
Mes parents qui m’avaient raconté l’anecdote du cyclone, qui ravage certes, mais qui fait repartir de plus belles. 2 – 3 mois après cela redevient comme avant. Cela emporte. C’est un décalage aussi au niveau d’un rythme de vie.
Oui. Par rapport à la vie de tous les jours. Après, vivre ici, comme partout, on peut travailler sans compter ses heures, être un acharné du boulot. Parfois j’ai des périodes comme ça, où je travaille, je dors pas. Mais d’un coup quand tu t’arrêtes de travailler tu as l’impression d’être en vacances. Tu vas te poser sur la plage, te balader dans la nature, dans la forêt, dans les cirques. Et d’un coup tu es transporté ailleurs. C’est vraiment…
Déconnecté.
Oui. Immédiatement.
Une partie niveau technique. Tu parlais avoir touché à plusieurs choses. Mais es-tu passé par une école d’art ou d’art appliqué ? Est-ce que cela faisait partie de toi étant petit ou pas du tout ? comment cela t’est venu ? les gens veulent savoir, parce que pour beaucoup une personne qui peint a du faire une école. Dans l’esprit des gens on a parfois bien séparé qu’il y a les artistes d’un côté et le reste du monde de l’autre. Moi j’estime que la force créatrice est en chacun de nous.
Bien sûr.
On peut s’amuser à gribouiller.
Surtout dans le milieu du Graffiti, il y en a beaucoup qui n’ont jamais fait d’école de dessins et pourtant c’est des gros tueurs. Là, c’est vrai que c’est un milieu où on sort du cursus normal. Mais moi, j’ai fait une école. J’ai toujours dessiné, j’ai toujours aimé ça, depuis marmaille. Et un jour je me suis dit, juste avant de passer mon bac, c’est ça que je veux faire. J’ai cherché une école. Je suis allé sur Marseille. 3 ans. C’était un super moment. C’était une école où on faisait que dessiner. C’est ce que je voulais. C’était pas un peu de dessin, beaucoup de cours et de théories. Cela ne m’intéressait pas du tout. Je voulais faire que du dessin. Apprendre toutes les bases.
Pendant 3 ans j’ai fait que ça. C’est quelque chose qui m’a plu même si maintenant je regrette de ne pas avoir fait d’histoire de l’art, de droit pour ne pas se faire avoir dans la vie. Parce que forcément on se fait avoir à un moment donné. Donc j’ai regretté un peu ça. J’ai fait une école qui s’appelle Axe Sud, sur Marseille. Maintenant je crois qu’ils en ont ouvert une sur Toulouse.
Cela t’a permis de tester.
De faire que du dessin.
Sur des techniques différentes ?
Oui, crayon, pinceau, acrylique, gouache, du graphisme, de la mise en page. Enfin on a vraiment testé tout plein de choses. Et puis, vraiment à la fin, c’était la grosse époque des CD roms et le début d’internet. Avec les StartUp qui étaient en train d’exploser. Même ça j’ai touché un tout petit peu. Mais ce qui m’intéressait c’était surtout apprendre à dessiner. Bien connaître les bases. Genre le truc, tu as un plâtre devant toi, un buste, le truc académique de base. Construit ton dessin. Les ombres, les lumières. Les nus. Je me rappelle le prof qui venait avec une grappe de raisins qu’il fallait redessiner. Un morceau de sucre. Lui, il s’amusait à chaque fois. C’était surprise. Un crabe, cuit de la veille. Il y a eu tout ce travail-là.
Qui donne une certaine rigueur aussi.
Oui, des bonnes bases. C’est ce que je trouve vraiment important. Le conceptuel est important mais dans l’artistique il y a l’artisanat. Le fait de faire avec ses mains, ou avec sa bouche ou ses pieds je m’en fous. Mais le faire soi-même et pas par quelqu’un d’autre. Voilà, c’est quelque chose que je trouve important.
D’avoir été dans le faire plutôt que dans la réflexion.
Oui, pas que dans le conceptuel. Je trouve qu’il faut un doux mélange des deux.
Et aujourd’hui, quand tu conçois, que tu crées, là dans l’atelier, est-ce que c’est un travail sur papier pour poser des intentions, est-ce que tu gardes des traces d’œuvres possibles dans un carnet ? Ou est-ce que cela vient de manière spontanée en fonction du lieu, du mur ?
C’est un peu les deux. Cela dépend. Quand tu as des gros projets comme Ville musée, et qu’on te dit « là tu vas avoir cette façade à peindre », là je la travaille un peu avant. Je réfléchis à ce que j’ai envie de faire. Je peux avoir fait des dessins avant et me dire que j’aimerai bien mettre cela sur un mur. Donc du coup, une fois que je suis en face de la façade, l’idée est très vite crayonnée. Je fais pas un dessin très léché sur papier pour après le faire pareil sur le mur.
Cela va jeter une idée.
Oui, pour garder de la spontanéité.
Avoir une direction ?
Oui, à peu près. Une fois que je suis sur le mur, le tracé ne sera pas le même parce que c’est un lâcher prise. J’essaie de faire sans contrôler trop mon trait, pour qu’il y ait une énergie qui passe, pour qu’il y ait des erreurs, et que l’on sache que c’est moi et pas quelqu’un d’autres qui le fait. Que ce n’est pas une imprimante.
Ou une projection ?
Voilà. Garder cette énergie-là. Donc du coup, je peux pas faire un dessin bien léché et refaire le même après sur la façade. Ce n’est pas possible. Donc ce que je fais en général c’est plutôt comme ça. Après il y a des fois où je vais arriver sur un mur et je ne sais pas ce que je vais faire. J’y vais et puis c’est sur le moment, en discutant avec les gens autour que cela va se faire.
La plupart de tes œuvres sont soient horizontales ou verticales, des rectangles ? j’ai vu sur internet, des œuvres très longues. C’est vrai qu’après, même si la baleine pourrait être verticale, elle porte aussi quelque chose parce qu’elle est dans ce sens-là. En même temps, ce qui est assez chouette, c’est le côté brut de faire le dessin, le contour, le poser à main levé, cela crée un choix, un parti pris qui fait que l’œuvre va s’adapter…
Au support.
Elle va trouver sa place, se décaler un peu de l’intention de départ. Entre ce qui est posé dès le début et ce qui va se faire, il faut faire attention que ce qui est posé ne bloque pas trop la créativité.
Des fois tu as envie, parce que ton croquis il est bien, de trouver la même chose sur le mur. Mais bon, après, en règle générale, je suis beaucoup plus content de mon résultat sur le mur que sur le papier. Franchement, je préfère toujours plus.
Il y a quelque chose qui me fascine beaucoup. Je trouve cela fort d’arriver à respecter les proportions. Il y a une artiste que j’apprécie beaucoup, je l’avais prise en photo avec une feuille A4 où elle avait posé son dessin et son mur faisait 20 m. je me disais, même si elle n’a pas fait le même dessin, comment on arrive à garder et avoir des proportions harmonieuses. Est-ce que c’est beaucoup de retouches ?
Après, cela dépend. Si tu es dans un bon jour, tu n’as besoin d’aucune retouche. Des fois, tu es dans un mauvais jour, tu vas dire « et merde ». Tu refais tout. Mais après c’est comme quand tu fais une toile, tu te recules, tu regardes, tu reviens. Après, les proportions c’est les mêmes par rapport à ta feuille. Tu sais où va se placer tel élément.
Il y a certaines personnes qui vont construire leur personnage, qui vont faire la tête, un cercle. Tu vas la poser. J’ai vu bosser par exemple, ECB Hendrick. Il travaille tout au petit rouleau. On dirait une imprimante le gars. Tu ne le vois pas d’en bas mais il pose des points, un quadrillage pour faire ses repères de bords de tête, etc. Après, une fois qu’il attaque, il sait que s’il est là, il va y avoir les bords, là les yeux. Il fait son boulot comme ça. Le plus dur c’est de poser la trame. Une fois que c’est fait, c’est relativement facile.
Moi je bosse avec une perche. Comme encore une fois il y a le tracé. Le bras est trop court pour la surface, pour avoir une belle amplitude. En général, je mets un petit rouleau au bout d’une perche et je trace. Donc du coup, j’ai du recul déjà avec ça.
Et je me disais, dans tes compositions, on voit parfois les tracés sur certaines œuvres mais après je trouvais soit de la symétrie, soit des courbes, des formes géométriques. Est-ce que ça aussi te sert pour construire ? Comme tu le dis, la perche qui va pouvoir permettre de faire un arc de cercle. Ou pas du tout ?
Oui. La perche elle m’aide à faire un plus joli arc de cercle que si je devais le faire avec le bras, m’arrêter, reprendre. Ce qui me bloque sur le mur, c’est que j’aimerai avoir un pinceau que je trempe et ne pas avoir à le retremper pour pouvoir faire tout mon tracé en un seul coup. Sans avoir à m’arrêter, reprendre, repartir. Cela me bloque, cela m’embête. J’aimerai comme avec un crayon sur une feuille, pour faire en une fois mon tracé. Je suis sûr qu’il y aurait une énergie beaucoup plus belle là-dessus. Mais ce n’est pas possible. Donc je m’arrête, je reprends pour faire tout ça.
La photo qu’il y a derrière toi, c’est assez symétrique mais ce n’est pas la symétrie qui me plait le plus. En général, je n’aime pas trop ça. Ce mur, c’était ma 2ème grande façade que j’ai faite. Donc j’étais pas super à l’aise encore. Il y avait sur le mur des rainures, je me suis dit que j’allais m’en servir pour bien me caler. Maintenant si c’était à refaire, je le ferai différemment. Il n’y aurait rien de symétrique. Je suis un matheux à l’origine et j’essaie de sortir de la symétrie, du truc bien carré. Depuis que j’ai commencé avec cette technique j’ai envie de faire péter tout ça.
S’affranchir aussi.
Oui, trouver de la liberté, du lâcher prise. Pour moi le tracé c’est ça. Encore, des fois, je cherche à ce que cela soit bien fait. Alors que quand je me lâche, c’est dix fois plus beau.
Je ne sais pas si c’est une idée à développer l’histoire du pinceau qui pourrait diffuser de la peindre au fur et à mesure. Cela n’a rien à voir mais il y a des techniciennes de surface qui ont des balais où il y a le produit qui est intégré. Elles aspergent au fur et à mesure et n’ont pas à recharger à chaque fois.
Moi j’aimerai me fabriquer un beau pinceau pour mur. Où effectivement je peux faire des beaux pleins, des déliés dans mon tracé. Comme si j’étais sur toile, avoir l’énergie du pinceau mais en grand. J’aimerai bien trouver ce moyen-là. Après s’il faut que je m’arrête, que je reprenne, tant pis. C’est pas le plus grave.
Est-ce que sur les choses que tu fais, sur les œuvres, est-ce que tu as un mode opératoire ? est-ce que tu vas repérer des lieux ? est-ce que l’on te sollicite ? entre ton atelier et chez toi, tu repères des espaces en te disant que tu aimerais bien poser quelque chose là ? est-ce que c’est spontané ? Est-ce que tu vas commencer à peindre, que ce soit légal ou illégal, de jour ou de nuit ?
Alors je repère. Il y a des murs que j’aimerais faire mais comme je bosse beaucoup je prend pas le temps. C’est le truc chiant parce que avant quand je me disais « j’aimerai en vivre », j’avais tout le temps d’aller m’amuser, d’aller peindre sur un mur à droite, à gauche, pour mon bon plaisir. J’ai de moins en moins le temps de faire ça en fait. Ce qui est dommage. Et en même temps, tant mieux parce que j’arrive à vivre de ma passion. En général, je repère le mur. Celui-là j’aimerais bien l’avoir. Je vais démarcher la personne. Je trouve un moyen de le faire. Sinon c’est des commandes, des personnes qui viennent me chercher, me demander d’être sur tel ou tel projet.
La taille des murs, le fait que l’œuvre va en imposer dans l’environnement, l’immersion de ton œuvre dans un espace, est-ce que cela te plait dans l’impact que cela va avoir ?
Grave. Cela me plait pour plein de raisons. Ce média-là, le mur, c’est un truc qui me plait. Parce que comme tu le dis, quand tu fais des grands, cela impose, c’est présent. Mais surtout, quand tu le fais, tu as ton corps entier qui est immergé dedans. C’est pas juste ta main. Il y a vraiment un truc qui fait que tu es obligé d’y être corps et âme. Sinon ce n’est pas possible. C’est une dépense d’énergie. Cela me plait beaucoup.
Après, tout à coup, c’est poser dans un cadre, dans un endroit, cela prend une dimension autre. Aussi parce que les adultes peuvent redevenir des gosses, parce que c’est tellement plus grand qu’eux qu’ils se sentent tout petit devant. Et ce qui me plait surtout c’est que c’est populaire. Au final, c’est offert à la vue de tout le monde. N’importe qui peut le voir. Ce n’est pas juste des élites dans une galerie, pas juste parce que la personne a de l’argent et qu’elle peut en profiter. C’est pour ça que j’aime beaucoup le faire aussi au Port, parce que c’est une ville très populaire. Et tout à coup, de faire ça là, je trouve que c’est offrir à un maximum de personnes qui n’en ont pas l’occasion la possibilité d’avoir accès à une certaine forme de culture. C’est peut-être prétentieux mais je trouve cela fort.
Tous ceux qui font ça je trouve ça courageux parce qu’il y a beaucoup plus de personnes au final qui vont voir ton travail que si tu le mets dans une galerie. Dans une galerie tu vas avoir 300, 1000 personnes qui vont le voir. Maximum. Dehors là, il y a combien de personnes qui le voit, qui passe devant tous les jours. Le nombre de touristes, de chalands. Tout le monde peut voir ça. Tout à coup, c’est plus le même regard.
Carrément. C’est une belle transition avec la prochaine partie. Mais cela me fait penser à une anecdote. J’avais vu à Paris, Seth et Jace faire une œuvre ensemble. Quand tu parles de l’impact pour les gens. Ils ont défait un mur de Seth pour refaire une œuvre ensemble. J’étais là toute l’après-midi. J’ai fait des photos. Je les regardais faire et aussi les gens autour. Et une dame les voit défaire l’œuvre, recouvrir avec de la peinture. Elle se met à crier. « C’est un scandale. Vous ne pouvez pas faire ça. C’était tellement beau. Je passais tous les jours devant et c’était mon rayon de soleil ». Vraiment, très énervée, déçue. Eux n’ont pas osé dire qui ils étaient. Elle est partie. Et le soir, en revenant, elle a vu que c’était encore Seth. « Ouf, merci ». Cet impact-là, est-ce que cela t’intéresse ?
Bien sûr. D’ailleurs, si tu regardes, j’ai fait quelques petits films. A chaque fois on a voulu un peu accès sur ça, sur le regard des gens autour, ce qu’ils en pensent, comment est-ce qu’ils voient la chose. Et Ville musée a un peu découlé de tout ça aussi. C’est pour les quartiers, pour les gens qui vivent là, pour leur offrir un autre cadre de vie. Effectivement, quand tu écoutes les interviews des gens, il y a une fierté, ils sont heureux parce que cela embellit. Avant de vraiment poser la question, je peignais et je m’en allais, sans savoir réellement ce qu’ils en pensaient. Et à force de travailler dans les quartiers, de bosser avec eux, de leur poser des questions, je me suis rendu compte que cela avait un vrai impact. Les gens étaient heureux, contents, que cela leur faisait du bien. C’est pour ça que l’on a fait 2 – 3 films comme ça, où l’on accentuait sur les habitants.
C’est l’aspect politique, dans le sens où cela vient provoquer quelque chose dans la ville, dans le quotidien des gens. On le disait tout à l’heure, sur les enjeux autour de la nature, de l’écologie, du changement climatique. Est-ce que via tes œuvres, sans être des étendards d’un parti politique, mais est-ce que tu souhaites véhiculer un regard, des interrogations sur notre planète ?
J’espère.
Sur ces animaux en danger. Nous aussi, qui malmenons notre planète. Avec des enjeux du quotidien, des déchets, les incivilités, le recyclage. Je lisais sur le net un projet que tu menais concernant les bornes de récupération du verre. Les rendre belles pour donner envie. Ce n’est pas juste une é-nième poubelle mais c’est aussi un bel objet, qui me fait me dire que cela est important. Est-ce que tu souhaites faire partie de ce mouvement-là ?
Comme je te l’ai dit, je veux pas être sous un étendard. Je vais pas monter sur les barricades et gueuler. Mon étendard à moi c’est ce que je dessine, ce que je peins. C’est ma façon à moi de dire les choses. Mais bien évidemment que j’ai envie de la défendre, c’est pour ça que j’en parle, que j’ai envie de sensibiliser les gens. Montrer le bon côté de la nature, la beauté. Que les gens ne l’oublient pas. Cela peut nous faire rêver.
Chacun est aussi responsable.
A toi de voir ce que tu en fais, si tu as envie de continuer à ce que ce soit beau. C’est à chacun de faire ce travail-là.
Ma maman ramasse les déchets un peu partout. Je lui faisais part d’une anecdote, j’ai participé à un festival sur le Zero waste (zéro déchet, zéro gaspillage). Il y avait un projet de ramassage d’un déchet par jour avec un hashtag spécifique. Si chacun, on ramassait un déchet et on le mettait à la poubelle, il y aurait un certain nombre de millions de déchets qui seraient pas à être ramassé ou qui ne partiraient pas dans la nature.
C’est sûr.
On se faisait la réflexion. Je l’ai entendu aussi à la radio, sur Freedom. On s’est baladé pendant les vacances dans certaines plages. On se disait « merde, elle est magnifique et il y a une canette, une bouteille en verre ».
C’est un gros problème ici.
A 500 m, il y avait une poubelle.
Les gens font de plus en plus attention. Mais combien de fois j’étais en voiture et tu vois le gars de devant qui jette un truc par la fenêtre, qui ne comprends pas qu’il est en train de pourrir sa propre vie, son île. Il va être le premier à la défendre, à dire qu’elle est belle. Et en même temps il est le premier à jeter sa bouteille en plastique par la fenêtre de sa voiture.
Après je ne vais pas faire de généralité mais les réunionnais en règle générale, créoles, zarabe, malbar, zoreil, tout confondus font de plus en plus attention. Il y a de grosses campagnes de pub pour sensibiliser et faire attention. Mais c’est vrai que les premières fois que je suis venu ici, j’ai halluciné. Cela m’a choqué, cela m’a fait du mal de me balader dans des forets de dingue, que je n’avais jamais vu de ma vie, dans laquelle tu imagines voir sortir un elfe devant toi. Et à la place de l’elfe, tu vois un tas de bouteilles, de merdes qui sont là. C’est incroyable. Heureusement, y’en a de moins en moins.
C’est un des aspects d’intervention de la structure dans laquelle je travaille. Je suis dans une Régie de quartiers qui intervient là-dessus, sur les déchets, le cadre de vie. Cela me parle. Pour moi, le souci, c’est que là en plus on a un cadre qui est magnifique. D’autant plus magnifique qu’il suffit d’une petite chose pour que l’on se dise « oh non, c’est dommage ».
Hélas, quand je vois la banlieue parisienne, le souci c’est que souvent déjà, c’est pas folichon, au niveau du cadre de vie. L’immeuble qui se pête la gueule à moitié. Le hall qui est cassé à un endroit. Cela n’invite pas à être très respectueux du reste parce que le cadre est déjà malmené. Et pourtant je ne suis pas défaitiste, je ne me dis pas « ah ben que puisque c’est comme ça, on passe à autre chose ». Je pense que chacun, nous avons des étapes à faire sur ces sujets là, sur l’environnement, sur l’écologie, savoir d’où on part et d’essayer de faire mieux. On se lance pas un défi de passer du jour au lendemain du tout au tout.
Déjà si l’on faisait attention à nous et autour de nous, à l’échelle humaine. Je pense que là où à chaque fois on baisse les bras c’est quand tout à coup on se rend compte que cela nous dépasse. La mondialisation a quelque chose de bien et en même temps on a peur de tout. Parce que c’est tellement énorme ce qu’il y a à faire et à gérer, que tout le monde baisse les bras. A ben non, c’est trop. Tu as raison, faisons à notre échelle. Un par un. C’est comme cela qu’on y arrivera. Ce n’est pas en se mettant des challenges trop grand. Il y a des personnes qui le font et bravo à eux. Mais déjà, si chacun faisait attention à soi, autour de soi.
Cela me ramène à cette jolie phrase que j’aime, et qui me revient à chaque voyage « take only picture, leave only footprints » (ne prend que des photos, ne laisse que des traces de pas). On ne dépose pas ses déchets et on ne ramène pas de là-bas des choses que l’on arrache.
Par exemple, des morceaux de coraux.
Oui, on pourrait se dire cela ici.
Est-ce que tu aurais une anecdote à raconter lors d’une création ? un retour d’une personne qui t’a vu œuvrer ? C’est quelque chose qui t’a interpellé quand tu as fait tes vidéos. Quelqu’un qui s’arrête, qui habite le coin ou pas, et qui te voit faire, qui vient te parler. Est-ce que cela t’arrive ? ou est-ce que les gens sont plus distant ?
Cela m’arrive parce que je suis pas quelqu’un qui peint illégalement et qui du coup se cache, qui part vite en courant. J’aime prendre le temps. Je demande les permissions. Donc généralement, quand je peins, je suis tranquille, les gens peuvent venir me parler, me poser des questions. On discute souvent. Une anecdote. J’en ai plein.
On les verra dans les vidéos.
Oui. Tu verras. Quand j’ai fait la façade avec le cerf, je l’ai faite avec les gamins du quartier. C’est à dire je les ai faits monter avec moi sur la nacelle, je faisais les contours et c’est eux qui remplissaient les zones. Ils ont vraiment participé à tout. Et y’a une nana dans le quartier, tous les midis elle nous faisait à manger. Pour remercier du boulot. Les marmailles avaient une sourire comme ça de participer à ça. Des échanges du coup. A partir du moment où tu prends ton temps, où tu restes, où tu partages ça avec les gens du quartier, tu as toujours plein de retours, plein de questions.
Quand j’ai peint la baleine, dans un quartier au Port, cela n’était pas une commande. J’avais vraiment envie de la faire. Je travaillais souvent dans ce quartier. Je suis allé demander. J’avais repéré ce mur depuis un moment. Je suis allé demander au propriétaire si je pouvais peindre. Il m’a dit oui. Un petit peu sur la retenue. J’ai fait cette baleine, qui porte les arbres sur le dos. Et là, il a été super emballé. C’était un pêcheur, qui partait au Kerguelen, avec des baleines qui suivaient son bateau. Du coup, il a été super ému, super touché alors que c’était pas du tout voulu à la base, que ce n’était pas pour lui que je le faisais au départ. C’est très bien tombé. Tous les jours il était là, à regarder, discuter avec moi.
Donc des fois même de manière spontanée l’écho est là.
Le gros oiseau qui fait toute une façade au Port, c’est pareil. J’arrive en dessous de cet immeuble. Un mec me gueule dessus. Dès la première minute. « Fais attention, tu ne me fais pas tomber de peinture sur mon mur ; c’est quoi ce truc, on ne m’a pas prévenu ». Je lui dis « monsieur, je ne peins pas votre maison, je fais la façade de l’immeuble, je ferai attention ». Il me regardait peindre. Et au fur et à mesure que je peins, il commence à me poser des questions, à regarder. Il était complètement à fond dedans. « Mais c’est génial, c’est super beau. Il faudrait que tu fasses les feuilles comme ça, que tu fasses une branche parce que l’on comprend pas que c’est des feuilles ». À la fin il était complètement emballé alors qu’au début il m’a pourri.
C’est un beau revirement.
J’étais bien content de l’avoir fait changé d’avis.
Partie sur les collaborations, sur le réseau. Est-ce qu’il y a des artistes qui ont eu un impact sur ton travail, avec qui tu as fait des choses ? Est-ce qu’il y a eu des personnes qui t’ont marqué dans ton parcours ?
Il y a eu Reso. Il m’a vraiment marqué. On est toujours très ami. J’essaie de le faire venir de temps en temps ici. Parce que cela a vraiment été une rencontre autant artistique qu’humaine.
Après il y a eu des rencontres avec d’autres : Wow, un allemand. Mais c’est surtout sur l’humain. Je suis très attaché à ça. En général, les rencontres passent d’abord par l’humain que par l’artistique. Y’a eu cette grosse période avec Reso, où j’ai intégré un lieu à Toulouse qui s’appelle le Mix-art Myrys. C’était un gros lieu, avec des résidences d’artistes. On était assez nombreux. A l’époque où je suis arrivé, on était 5 – 6, des mecs qui faisaient du Graffiti, des toiles. On s’est retrouvé en groupe. Il y a eu une belle émulation. Moi, d’un coup, j’ai fait « oulaaa, il va falloir bosser parce que cela envoie la patate ».
Il faut suivre.
Y’avait 100taur de Toulouse. Paum Sarin qui maintenant s’appelle Sarin et qui fait du tatouage. Y’avait Franek, qui ce matin même m’a envoyé un petit bouquin sérigraphié. Lob qui faisait de la sculpture. Il y avait une énorme émulation.
Après c’est des rencontres, en bougeant. Ici il y a Jace, qui, forcément quand tu peins sur les murs, est quand même important. Parce qu’il a désacralisé pas mal de choses pour les gens ici. Du coup, dans ton travail, les gens ont une autre approche qu’en métropole. Il est aussi une belle personne. C’est des rencontres comme ça mais qui en général sont beaucoup lié à l’humain.
Et si, par l’intermédiaire de cette interview, tu avais un message à faire passer à un artiste, un groupe ou à tous les artistes ? une question à poser ?
Chaque fois les questions c’est : d’où ils viennent ?
Comprendre l’humain.
Ouai. Pourquoi est-ce qu’ils font ça ? Leur parcours ? Après, comment ils font là maintenant pour réussir à se démerder, à vivre de ça ? C’est des plans ? Comment ils font pour se faire inviter à droite et à gauche ? C’est les ficelles du métier que j’ai envie de leur demander.
Qui ne sont pas forcément enseigner en école.
Ben non ; pas du tout.
Et je sais pas s’il y a vraiment une recette.
Cette partie-là je ne l’ai pas du tout. C’était un truc très académique, juste tourner sur l’illustration et le graphisme. Même si j’ai des trucs dans mon école qui résonnent encore dans ma tête. Mais c’est pas du tout des trucs que l’on enseigne. Par contre, les rencontres avec les autres artistes, le fait de bouger dans d’autres pays, là effectivement tu vas voir comment cela se passe. Comment est-ce qu’ils font pour en vivre ? Est-ce qu’ils ont des aides ou pas ? Est-ce qu’ils ont des commandes ou pas ? C’est tout ce genre de trucs. Par rapport aux galeries, comment ils font ?
Au niveau collab, y’a plusieurs choses que j’ai trouvées sur le net et qui m’ont bien plu. Une qui m’a donné envie de découvrir un groupe, c’est une intervention que tu as fait dans le clip de Gren Sémé.
Ouai.
J’ai trouvé la musique géniale, le clip éblouissant. Au boulot, j’ai lancé une webradio avec une structure municipale sur la ville de Nanterre qui est autour de l’écologie, du jardinage. Je place toujours de la musique. Et là, je me suis dit que j’en avais une géniale à mettre dans ma prochaine émission.
Elle est énorme.
Est-ce que ce genre de projet te plait ? te prêter au jeu pour quelqu’un d’autre ?
Ben oui. Carrément. Des collabs j’ai toujours aimé ça. J’en fait moins parce que…
Faut être disponible aussi.
Oui. Etre dispo.
Mais par exemple, ce projet « retour aux sources » c’est de la collab. C’est mon projet mais je suis obligé de le faire avec d’autres. Faire les structures en métal, je fais les bosser avec Fred, parce que c’est quelque chose qui lui sait faire et que je ne sais pas faire. La partie végétale je vais me renseigner auprès de quelqu’un qui connaît et qui va pouvoir m’aider là-dessus. Après la partie façonnage, béton, c’est moi. La partie visuelle c’est moi. Ce que je veux, l’histoire, c’est moi. Mais c’est une collab.
Oui, s’entourer des bonnes personnes pour faire quelque chose de qualité.
Voilà. Tout comme ce clip de Gren Sémé. Là, c’est le réal qui est venu me chercher. Il m’a dit « est-ce que cela t’intéresserait ? on aimerait que tu participes à ça ». j’ai dit oui. Parce que l’histoire m’a plu. Et puis je trouvais ça sympa de s’essayer à ça. Quand j’ai vu le clip, la fin. Cela m’a touché énormément. Tout à coup, je trouvais que mon travail et la chanson allaient bien ensemble.
On parlait de festivals ou d’événements comme ça, est-ce que cela t’arrive d’aller en Métropole, à l’étranger ?
Pas assez souvent à mon goût.
J’entendais parler du projet Jardin Orange. J’ai rencontré Olivier Neri, qui m’a fait me balader dans le sud de l’Île. Il m’a parlé de ce lieu, qui permet la rencontre avec d’autres. De mélanger du monde. Je voyais aussi sur ton site des festivals en France, qui te permettaient de revenir et en tout cas être avec d’autres.
C’est à Toulouse. Ben après, ce n’est pas assez souvent à mon goût. J’aimerai sortir plus que ça. Mais c’est sûr que quand on est à la Réunion, il y a le billet qui coute cher. Donc les gens qui organisent n’ont pas forcément envie de te faire venir parce que tu es loin.
Katre ? qui fait entre photo en graff. Je l’ai vu à Aulnay une fois, c’est superbe.
Voilà. Quand j’étais à Toulouse, Reso a monté une association qui s’appelle Photograff. On était plusieurs artistes Katre, Gris qui est sur Lyon, moi même si je suis loin maintenant, Reso. Y’a toujours cette association qui organise cette grosse expo à Toulouse qui s’appelle Mister Freeze. J’ai eu envie de venir. Il faisait également un gros jam. J’étais venu faire ça avec eux.
L’avant dernier Mister Freeze ils m’ont invité. Donc c’était cool. Là tu fais des supers rencontres avec des artistes. Tu discutes avec eux. Tu te rends compte qu’ils sont comme toi. Bien humain. Qu’ils sont à fond pour préparer leur truc comme toi, donc c’est plutôt chouette. Cela permet des superbes rencontres.
Jardin Orange c’est Ceet, qui vient souvent à la Réunion en tant que DJ et qui peint aussi. Il a monté ça. Il est toulousain et vit en Chine. Du coup, on s’est croisé plusieurs fois. Et pour la pré-ouverture, il m’a invité avec une douzaine d’artistes (Jace, Dheo, Wow 123, Won ABC, ECB Hendrik). Après ce que j’aime bien là-dedans, c’est que tu croises les mêmes gars dans différents pays. Cela crée des liens.
Des envies.
J’aimerais pouvoir sortir plus que ça. Les prochaines années, je vais faire en sorte qu’il y ait des fenetres qui s’ouvrent.
Il reste deux parties. La partie financière. Tu disais qu’aujourd’hui tu as fait le choix.
De vivre de ça.
Voilà. Que l’art te fasse vivre. C’est un vrai choix qui ne doit pas être simple. Comment trouver l’équilibre ? comme tu le disais, savoir les bons plans, comment faire ? entre exposer en galerie ? faire des commandes ? te permettre de jongler ? est-ce qu’aujourd’hui tu t’y retrouves ? ou cela dépend des mois ?
Là, depuis 5 ans, j’en vis. Suffisamment. C’est pas tout le temps la grande fête mais ça va. A la fin de l’année quand je comptabilise tout va bien. Même si là par exemple cela fait deux mois où c’est serré, où je tire la langue. Mais comme y’a eu des mois avant qui étaient bien, cela s’équilibre. J’ai pas à me plaindre.
Après c’est des mélanges entre des ateliers, des commandes, des toiles. Après c’est rigolo parce que c’était beaucoup d’ateliers et pas beaucoup de murs et de toiles. Après y’a eu plus de murs et toujours pas beaucoup de toiles. Là y’a de plus en plus de toiles, de moins en moins d’ateliers. Cela fluctue. Et cela touche d’autre monde. Il faut comprendre comment cela marche. Je te dis d’un coup tu poses des questions. Comment tu fais avec le galeriste ? combien tu demandes ? tes tarifs ?
Combien il prend, combien je prends ?
Oui. Qu’est-ce que j’ai le droit de faire ou pas ? comment cela se passe au niveau des droits ? etc. tu as plein de questions qui se posent. Là, j’ai de plus en plus de commandes de toiles et de murs. C’est cool. J’arrive à vivre de ça.
Est-ce que, à des moments, on vient te solliciter dans des choses inattendus ? est-ce que l’on te contacte pour t’exposer ? et avec tout ce que tu as à faire, est-ce que c’est plus ou moins difficile ? est-ce que tu arrives à répondre globalement à tout ?
J’arrive à répondre. Après des fois cela traine un peu. J’essaie de les prévenir avant. Mais des fois, t’es emporté par des choses, de la vie. En règle générale, j’arrive à répondre.
Après, oui, comme pour le clip, y’a des trucs que je ne m’attendais pas. Au final cela tombe et c’est génial. J’essaie de faire au mieux et parfois les nuits sont trop courtes. Comme tu as pu le voir, je n’ai pas beaucoup de stock dans mes toiles. J’ai pratiquement rien. Donc quand on me propose une expo, j’ai quasiment tout à faire. Donc il faut arriver à caler la préparation de l’expo au milieu des autres commandes ou murs à faire. Ça jongle pas mal. Le travail est quand même bien acharné. Et j’ai parfois pas beaucoup la tête ailleurs que dans le boulot. Mais y’a des fois, comme là, fin d’année, où j’ai strictement rien.
Ou tu prends le temps aussi.
Après cela permet soit de se reposer. Soit de travailler pour soi. Ce qui est bien aussi.
C’est la dernière partie. Elle commence par la visibilité sur les réseaux sociaux. Beaucoup de gens aujourd’hui ont accès à des artistes à l’autre bout du monde via internet. Tu as un site, un Facebook. Est-ce que c’est un média intéressant pour toi ? est-ce que tu montres ce que tu veux montrer ?
On en parlait des fois avec des artistes, comme Jace par exemple. Des gens partent à la chasse aux Gouzous, certains passionnés partent à la recherche de la dernière œuvre pour la mettre sur Facebook. Ou Jace, lui-même, qui va mettre une photo de son œuvre sur Instagram pour montrer ce qu’il fait. Est-ce que c’est un endroit qui te permet également d’aller à la rencontre d’autres personnes ? ou est-ce plus un endroit où on vient te solliciter ?
C’est les deux. Après le site il est pas très à jour. Il faut que je le fasse. J’utilise beaucoup Facebook. Je n’aime pas beaucoup son côté voyeurisme. Mais après c’est un super média pour le boulot. Au point de vue com, je peux pas me passer de ça. Le nombre de travail que j’ai eu grâce à ça est impressionnant. Comme tu dis, il y a une visibilité, une fenêtre sur le monde entier, tout le monde peut voir ton travail. Et ce qui est important dans notre boulot c’est d’être vu. Donc c’est plutôt moi qui vais poster mes photos pour montrer ce que je fais. Tout comme y’en a qui vont afficher des 4×3, moi cela va être sur Facebook. Je vais envoyer, montrer.
C’est intéressant aussi de faire des vidéos, de montrer une création.
Un cheminement. Cela permet de montrer différentes choses. Après montrer l’impact sur les gens, cela me plait. Dans mon travail cela se retrouve beaucoup. J’ai fait des ateliers. J’ai fait une fois une forme de sculpture participative. J’aime cela. Que tout à coup le public se sente concerné. Et pas juste je fais mon truc dans mon coin et terminé. Les vidéos, elles permettent de montrer ça. Elles font participer ceux qui n’ont pas pu être là.
Cela laisse une trace sur ce qui s’est vécu.
Voilà. Petite série de questions. Et la dernière est la pire, pour moi, et tu comprendras pourquoi. Si tu avais :
Un morceau de musique, un groupe, un style musical qui te plait et avec lequel nous devrions écouter l’interview : je crée beaucoup sur du Pink Floyd. Beaucoup. Cela me calme, me transporte ailleurs. Pour moi, c’est des indémodables. Ils ont fait avancer tellement de choses dans la musique. Je les apprécie toujours autant. Quand je n’arrive pas à bosser, je mets du Pink Floyd et c’est bon.
Cela t’embarque.
Oui. Cela me permet de rêver. Plus facilement.
Un bar, un resto, un endroit où se poser, boire un verre. Est-ce que ce serait ici sur l’Ile ou ailleurs ? je suis quelqu’un qui adore la bouffe.
Donc il y aurait plein d’endroit.
A ma table. Chez moi. Et c’est moi qui cuisine. J’adore ça. J’aime cuisine, j’adore le bon vin, la bonne bouffe. C’est quelque chose de vachement important pour moi. Après, je peux pas t’en dire un en particulier. Cela dépend aussi de qui t’accompagne en particulier.
Un message, un coup de gueule, une dédicace à dire, à chuchoter, à crier : il y en a plein des trucs à dire. Ben, c’est « fais attention à toi, pour pouvoir faire attention aux autres », regardes qui tu es avant de regarder ou critiquer les autres. Si on fait attention à soi, on fait forcément attention aux autres, à ce qui nous entoure.
Un voyage, une destination : ouai. Là y’en a une en particulier. Mais ce serai un retour. C’est en projet cette année. C’est le Cambodge. Quand j’y suis allé, cela a changé ma vie. Et là, j’aimerais y retourner pour y apporter quelque chose.
Une envie de redonner….
J’aimerai beaucoup y aller pour y apporter quelque chose. Je pense que je me reprendrai une claque, encore une fois. Mais j’ai envie d’y aller avec mes pinceaux et essayer d’y apporter un truc.
Enfin, la dernière, qui me mettra peut-être ou non dans l’embarras. Tu vas comprendre pourquoi. Si tu avais une question à me poser, pour laquelle tu sois sûr que je te réponde mais surtout (comme me l’a dit le premier artiste) te dire la vérité, ce serait quoi ?
Qu’est-ce que je te demanderai : Est-ce que tu es honnête avec toi même ?
Alors… de plus en plus, je pense. En tout cas être en adéquation personnellement et professionnellement. A des moments je dois faire des choix, dire non. Après j’ai un bon travail à faire sur moi, car je suis parfois très perfectionniste, très cérébral, que les choses soient toutes bien rangées. Et en même temps un côté artistique qui va me faire déborder. Arriver à concilier cela, trouver une voie assez juste dans les émotions, dans ce que je demande aux autres. Parce que des fois je suis exigeant sur mon travail, donc si l’autre doit me donner des éléments pour que j’arrive à faire des choses, je finis par être très exigeant vis à vis de lui et parfois trop.
Ce qui fait que les objectifs de cette année 2017 sont : de faire du yoga, de la méditation, de reprendre les interviews. 2016 a été vide à ce niveau-là comme je te le disais. Je me suis rendu compte en fin d’année que ma dernière interview remontait à novembre 2015. Et pourquoi ? je me suis dit que je passais peut-être beaucoup trop de temps au boulot. Finalement il y a un côté qui me remplit d’aller à la rencontre des gens. J’aime bien être passeur dans cette histoire, mais j’aime surtout rencontrer une personne, un humain. Et cela m’embarque. C’est ce que j’ai envie de repartager aux gens. Trouver, sans demander trop. J’avance et je ne me crée pas des frustrations énormes en me disant « je suis pas bon là-dessus, je n’y arrive pas ». Arriver à se fixer des objectifs que l’on peut atteindre. Se réjouir de ça.
Il y a une dernière chose que je vais te demander, si tu as une inspiration, c’est une petite dédicace.
Je vais te faire la baleine.
Merci encore.
De rien.