8h30. Je pars d’Aulnay sous Bois. Et plutôt que de prendre la route du travail, je vais rendre visite à quelqu’un dans le 20ème arrondissement de Paris. Il y a 1 mois environ, je l’ai contacté. Difficile par mail ou sms de caler une date. Nous nous sommes vus samedi 22 septembre. Cela me remplit profondément d’aller à la découverte, de pousser une porte pour voir ce qu’il y a à l’intérieur et de rencontrer un nouvel artiste. Et surtout ce qui me plait c’est de vous partager tout ça.
9h08. La Plaine Stade de France. Il fait beau. Le soleil s’infiltre dans le RER B. Le flux des travailleurs est impressionnant. Cela rentre et sort à chaque station. Je pense à toutes ces petits fusées qui courent en ce mardi matin. Moi, je vais prendre le temps. Je m’en vais interviewer Philippe Hérard, un artiste époustouflant. J’apprécie ses oeuvres par leur dimension poétique, onirique, par leur côté touchant, sur le fil de ma vie.
9h20. Châtelet les Halles. A moi l’interconnexion gigantesque, les couloirs interminables. Direction ligne 11, métro Pyrénées. Nous avons rendez vous à 10h dans son atelier. Je vais entrer dans son antre, apercevoir ce qui reste au dedans, tenter de le faire se raconter. Qu’est ce qui l’anime? Qu’est ce qu’il veut montrer?
9h29. Assis dans le métro. Je me remémore les lieux et moments où j’ai vu certaines de ses oeuvres, où je lui ai parlé. Au Cabinet d’Amateur. Dans la rue de Jourdain dans le 20ème. A la galerie Joel Knafo Art. J’ai rendez vous à son atelier. Un peu plus bas dans la rue, il a oeuvré sur un mur. Sans me l’avouer, j’aimerais bien collaborer avec Philippe et écrire une histoire pour ces gugusses.
10h01 nous nous installons autour d’un café. En avant pour l’interview.
(Nous nous installons à une table). Ce qui est important pour moi c’est la manière dont l’interview se vit, c’est avant tout une rencontre. Ensuite je la retranscris intégralement. Je souhaite garder les propos, comment ils ont été dits. Je modifie pour ne pas qu’il y ait de redites, pour que cela soit plus facile à lire. J’ai de la place sur mon site donc je préfère aussi que cela soit long, que cela corresponde vraiment à nos échanges. Je ne souhaite pas réinterpréter ce que la personne a dit, couper ou faire dire des choses. J’aime que cela reste sur ce qui s’est vécu. Il y a une authenticité qui me parle. Ce que je me dis à la fin de l’interview, c’est que je connais mieux l’artiste, la personne et il/elle me connaît mieux aussi. Il y a une trame mais nous ne sommes pas obligé de la suivre à la lettre. Nous pouvons y aller en zigzaguant. C’est bien aussi que cela aille dans les deux sens. Les questions viennent de ce que l’on a envie de connaître de l’autre. Je me souviens avant de sortir l’interview pour Akiza, j’avais fait un questionnaire en ligne pour savoir comment les gens voyaient son univers. J’ai sollicité mes ami(e)s, ma famille. C’était intéressant de confronter cela avec l’interview.
C’était concordant ?
Il y avait des choses oui. Mais parfois les gens partaient dans ce qu’ils projetaient, dans ce q.u’ils ressentaient.
C’est ça qui est intéressant. Le reste apparemment c’est une évidence parce que la majeure partie des gens voit la même chose. Quand les gens y voient leur propre histoire, c’est bien ça. C’est étonnant. De redécouvrir une autre face de ton truc. J’aime bien ça.
C’est ce qui est magique dans la création, quand elle dépasse l’artiste, l’œuvre en elle-même, qu’elle devient une évidence pour certains. Comme s’ils l’avaient toujours vu. L’écho que cela produit. Après, il y a une alchimie assez mystérieuse
La trame permet aux lectrices et lecteurs de se dire qu’elles/ils retrouveront les mêmes choses.
On dirait une interro.
L’idée c’est peut être de ne pas toutes les poser. Il y a des choses auxquelles tu répondras peut être avant que la question ne soit arriver. Nous sommes libres de nous en affranchir.
Alors dis moi.
Pseudo, enfin de ce que j’entrevois c’est ton vrai prénom et nom : Philippe Hérard. Je n’ai pas trouvé mieux.
Est-ce que tu as une explication de ne pas avoir pris un pseudo ?
Vu que j’ai commencé la peinture en galerie, tu signes avec ton prénom et ton nom. Ce n’est pas illégal à la base. Donc j’ai pas eu à me trouver un pseudo comme les autres artistes de Street art. En même temps je n’y connais pas grand-chose. Mais bon j’imagine que beaucoup se cache derrière un pseudo pour ne pas être emmerdé par la police. Moi je n’avais pas à faire ça. C’est pas en 2009, à presque 50 ballets, que je vais commencer à avoir un pseudo. Ça serait ridicule. Comme je n’avais pas l’impression de faire quelque chose de méchant et illégale, j’ai utilisé mon nom tout simplement. C’était plus simple.
Age : je vais en avoir 50 ans au mois de juin. Je suis de 66.
Il y a deux choses différentes : la première fois où tu as peint, que tu as produit quelque chose pour le montrer puis la première fois sur un mur, tu disais que cela remonte à pas si longtemps que ça.
2009.
Et la première fois que tu as peint ? Après, c’est une histoire qui peut être longue sur la peinture.
Tout a commencé… c’était en classe de 4ème/3ème. Je ne sais plus vraiment maintenant. Il se trouve qu’en sport, notamment un détail important en jeux d’adresse, je me suis cassé la cheville. J’étais pas très adroit à cette époque là. J’ai été immobilisé pendant 3 mois. Du coup, un grand oncle, curé d’une petite paroisse du coin, peintre plus que curé d’ailleurs, est venu me voir tous les après midi et on dessinait. On s’est super bien entendu avec ce grand oncle. Je me suis éclaté à dessiner. Après je passais mes vacances au presbytère chez lui. On se baladait et on faisait des peintures. C’est là que j’ai commencé à peindre et que j’ai fait mes premières toiles. C’était des natures mortes. Je me suis éclaté comme un malade.
Tous les 15 jours, dans le presbytère, il y avait une pièce à l’extérieur où, sur les bancs, il mettait ses peintures. Les gens de la paroisse venaient voir pour parfois acheter une toile. J’avais mis deux ou trois toiles que j’avais faites dans ce capharnaüm de toiles. Une dame est venue et dans ce qu’elle avait acheté il y avait une ou deux toiles à moi. Je venais de les faire. J’avais été énormément flatté. Il m’avait demandé combien je les vendais. Je lui avais répondu « comme toi ». Et voilà.
Mes œuvres, mes peintures au milieu de toutes les siennes, c’était à chier. On voyait que ça, c’était presque des tâches. Et pourtant cela a plu à quelqu’un. Cela fait quelque chose. Surtout quand tu es gamin. Quand tu fais un dessin, tu demandes, tout le monde trouve ça beau. Là, cela prend une autre proportion. De voir quelqu’un acquérir une de mes toiles, cela faisait bizarre.
Donc il y a toute une carrière sportive que tu n’as pas faite. Cela s’est tourné vers une carrière artistique. Et donc la première fois sur un mur en 2009. C’est intéressant de voir un artiste passer de la peinture, de la galerie à la rue. Par rapport aux artistes de Street art qui commence dans la rue, avec leur pseudo et qui finissent certain(e)s en galerie. Là pour toi, il y a eu l’envie de sortir de l’atelier, de la galerie pour mettre tes œuvres dans la rue.
C’est encore toujours un peu par accident. C’est parce que je ne pouvais plus montrer ce que je faisais parce que j’avais plus de galeries en 2009. C’est un peu chiant quand tu veux partager quelque chose qui te nourrit. Le partage fait partie de l’aventure. Donc tu as une production et tu n’as plus de galerie, c’est un peu con. Elles ont décidé de toute fermées en même temps. Je ne devais pas être assez doué, avoir assez de talent pour les faire vivre.
Je me suis dis qu’il fallait que je montre mon travail. Je venais de finir la série avec les bouées sur toile en 2008, et des suspensions aussi. Je me suis dit que j’allais en faire sur papier et aller les coller. Cela faisait chier de laisser tout ça dans l’atelier. J’ai commencé comme ça. Je faisais ça la journée. J’allais coller mon gugusse sur un mur. Je ne faisais rien de méchant. Les contacts que j’avais avec les gens, c’était super. Je trouvais que les personnages s’adaptaient bien, que le mur prenait vie. C’était curieux. Cela m’a bien plu.
Dernières fois sur un mur : J’étais allé coller pour l’accrochage à la galerie du 13ème.
Les matins ?
Oui. J’y allais le matin comme il y avait beaucoup à installer et on commençait à accrocher assez tôt, 9h-10h. J’y allais vers 6-7h, me balader dans le 13ème. J’en ai pas collé beaucoup, 6 je crois. Là c’est la dernière fois.
Comme lieux de prédilection, est-ce qu’il y a ici, autour de ton atelier ? Autour des galeries où tu exposes ? Dans l’idée de rayonner autour du lieu d’exposition pour provoquer un échange avec le quartier ?
J’ai fait la même chose chez Patrick (au Cabinet d’Amateurs). Mais c’était carrément en face. Oui parce que c’est par là que je suis revenu en galerie, par la rue. C’est là qu’il s’est passé quelque chose. J’existe dehors. C’est important, pas énormément, même si j’aimerais bien, d’en mettre un peu à l’extérieur. C’est bien.
Cela permet aussi des dimensions sur le mur différentes que sur toile.
Oui, c’est sûr. Un mur de façade, ce n’est pas pareil qu’au dessus d’une cheminée. C’est important d’être présent à l’extérieur. Pour être aussi exposer à l’intérieur.
Tu te définirais comment ? Un homme d’aujourd’hui ? Un peintre ? Une personne qui s’amuse en peignant ?
Ça oui, je me fais du bien en peignant. J’en ai besoin. Je me définis comme compliqué déjà.
La définition serait trop grande ?
Oui. Compliqué cela va bien. Cela peut être en positif ou négatif.
Tu fais quoi (en quelques mots), que ce soit en galerie ou dans la rue. J’entendais parler des gugusses, pourquoi ce nom ? Qu’est-ce qu’ils évoquent ? Est-ce qu’ils ont toujours été là dans ton travail ? Ou est-ce qu’ils sont apparus à un certain moment ?
Ils ont toujours été là. Ils ont évolué. Ils étaient au départ assez bateau. Moins figuratifs. En fait, ils expriment l’inconfort de tout un chacun, dans la vie, dans le quotidien. L’inconfort relationnel. Une sorte de paradoxe. Ils se retrouvent toujours dans des situations un peu à la con. Mais pas dénuées d’humour. Parce que je n’aime pas si c’est que glauque. Justement il y a le paradoxe entre les deux. Mais cela a toujours été plus ou moins là. C’est une manière, comme pour tous les artistes, de se raconter. J’espère que tout le monde y trouve son compte. Mais bon, je ne les analyse pas trop.
C’est intéressant, notamment leur accessoire, ces fils, ces bouées, dans ces paysages oniriques, très vaporeux et pourtant où l’on voit quelqu’un. Un des tableaux me faisait penser à une pièce de théâtre de Ionesco, les chaises. Dans cette pièce, que j’ai vu il y a quelques années à Avignon, il y a un plateau remplie de chaises. Elles symbolisent la montée du fascisme. Plus l’histoire avance, plus le plateau est remplie de chaises par les comédiens. Au début elles sont installées de manière très linéaire. Et puis cela déborde. Un grand dictateur se retrouve au dessus d’un amas de chaise. Comme tu le disais, voilà ce que j’ai vu dans ta toile, ce côté confort et inconfort. Dans la pièce, un personnage qui est propulsé en haut, qui cherche le pouvoir. A la fin, le noir se fait, avec un système mécanique, toutes les chaises se retrouvent à avancer vers le public. Elles finissent par avaler ce dictateur. Le noir est complet et on entend encore les chaises avancer. Quand la lumière revient, il y avait une sorte de mur de chaises à moins d’un mètre du premier rang. Cette mise en scène provoquait un lien fort avec le spectateur.
Dans les accessoires de tes personnes ou dans le fait que l’on voit ou pas leur visage, leur expression, j’écrivais qu’il y avait de la poésie sur les murs, de choses qui permettent à chacun d’y mettre une histoire. Est-ce que tu es d’accord avec cela ?
Bien sûr. J’espère que mes œuvres provoquent cela. Je n’ai pas envie de raconter mon truc. Au contraire, que chacun y mette sa propre histoire, son émotion, son ressenti. C’est un partage. Pour le coup, le besoin de l’autre est primordial.
Tu disais aussi d’avoir de l’humour.
Si c’était que noir, que l’inconfort ça serait trop. Je ne peux pas. Il y a toujours par la couleur, par l’attitude autre chose pour pas que cela soit glauque. Je suis compliqué. Mais l’humour j’aime bien. L’humour noir.
Il y a en qui tire la langue, qui semble crier. Tirer la langue est assez universel, cela parle à chacun. Mais c’est aussi plein d’émotion en même temps. Cela peut être pour provoquer, pour dégouter, pour aguicher.
Tirer la langue, c’est une forme de grimace.
C’est assez rigolo. Ma marraine est artiste. Elle sculpte de la terre. Elle a fait une série Langue de terre. Elle m’a fait en terre, en tirant la langue. Je fais le parallèle entre ton univers et le sien, car quand elle fait une expo avec toutes ses têtes, qui tirent la langue, il y a un réel impact sur les gens. Il y a d’un coup plein de regard et de gens qui leur tirent la langue. Finalement cela donne un sourire. Cela ne laisse pas indifférent. C’est une chose qui me plait dans tes œuvres. Dans la subtilité. Chacun y trouve une porte d’entrée. C’est aussi intéressant le reflet de la vie. Le côté sur le fil, comme dans ton expo, tirer, tirailler. En même temps, on aimerait tirer le fil pour voir jusqu’où cela pourrait aller. Alors que l’on sait que c’est impossible à faire. Et pourtant c’est tentant.
Tu n’as pas envie de couper le fil pour voir.
Oui. Ou dans l’autre sens, de le tirer. Cela provoque en nous cette part d’enfant, que tout est possible. Au delà de l’œuvre, il y a quelque chose qui se passe. C’est ce que je ressentais. D’avoir utiliser certaines dimensions, de sortir du cadre.
Rajouter une dimension supplémentaire, j’adore ça. De ne pas avoir que de la 2D, de jouer, de creuser, de dépasser le carré de la toile. D’aller au delà.
C’était très joli, dans l’entrée de la galerie, les mobiles. Avec le vent, suivant comment ils tournaient, j’ai fait des photos où cela donne l’impression que les personnages se répondent, qu’ils vont se foutre sur la gueule. Puis quelques secondes plus tard, l’attitude était différente, les personnages semblaient ne plus vouloir se parler. C’est vraiment chouette, toutes ces facettes avec peu de chose. L’instant où l’on voit l’œuvre, l’émotion dans laquelle on est.
Voilà un paquet de question, en mode « raconte moi ton histoire », tu as commencé à l’évoquer d’avoir été initié à l’art, au dessin. Comment la vie a fait qu’il y a eu cette rencontre, ce lien avec ce grand oncle ? Comment cela t’a impacté ? Est-ce qu’après il y a eu d’autres étapes ?
(Passage d’un ami)
A partir de là je n’ai plus arrêté. J’ai chopé le virus. L’épidémie est passée par là. Après, je ne faisais plus que ça en cours. Je dessinais. Il a fallu trouver des écoles pour assouvir ma soif de dessins et contenter mes parents sur mon avenir.
Est-ce qu’il y a eu d’autres rencontres artistiques ?
Ben oui. Au fur et à mesure de mes découvertes. Je suis de province. D’un tout petit village. Donc après je suis allé dans une ville un peu plus importante. Et puis, je me documentais. Chez mon grand oncle je voyais des bouquins, des classiques jusqu’aux impressionnistes. Ça s’arrêtait là, de part sa religion, après cela aurait été mal vu. Je voyais des belles choses et cela me faisait du bien. Après, je suis venu à Paris. A 17 ans. Une école de graphique en expression publicitaire. Il y avait toute l’académie. On avait une formation de graphiste-illustrateur. Donc accès à tous les musées. Un truc de dingue.
D’un coup là possibilité de se remplir de tout ça.
T’en prends plein la gueule. Peinture. Photo. Film. Musique. Dans tous les domaines. A 17 ans, quand tu arrives ici, de ton bled de 110 habitants.
Après, est-ce que c’est aussi la possibilité de découvrir des techniques ? D’avoir également des outils pour aller plus loin?
Oui. Et puis des moyens, des techniques. Tu regardes les choses différemment. Tu aiguise ton regard quand tu vas dans des musées, voir des expos. Tu t’enrichis. C’est important.
A un moment donné, est-ce que ton univers artistique s’est créé ? Au fur et à mesure, d’avoir une facilité pour certaines techniques, avec certains matériaux. De préférer la peinture au dessin.
Moi j’avais envie d’avoir ce talent là, que je n’ai jamais eu, de pouvoir utiliser toutes les matières. Je voyais tellement de truc, de gens qui travaillaient au couteau, à l’aquarelle, à l’encre, à l’acrylique. Même en photo. J’avais envie de tout manier et de pouvoir m’exprimer comme eux pouvaient le faire. Je voulais être tout le monde et avoir toutes ces techniques. Enfin j’avais envie de m’exprimer, que cela me plaise. J’ai essayé plein de trucs. Cela n’a pas été top. Mais cela t’apprend.
Au fils des années, il y a des outils, des supports qui te correspondent moins. J’ai travaillé longtemps à l’huile. Au bout d’un moment, je me suis rendu compte que c’était pas mon truc. Mais comme j’avais commencé comme ça, avec mon grand oncle. En fait cela ne me correspondait pas, cela m’était trop longtemps à sécher. Je travaillais par couche successive. Il fallait que j’attende une semaine, voire plus. Je devenais dingue. Puis j’ai découvert l’acrylique.
Ça permet de tâtonner, de tenter des choses.
C’est quoi une sanguine, un fusain. L’école était vachement importante. J’étais toujours avec mon collègue. Lui il était toujours au critérium. La prof de dessin est venue un jour, elle m’a donné son critérium, elle lui a filé mon 6b, dégueulasse. « Vous, vous allez bosser comme ça, pendant 2-3 mois, cela va vous faire du bien ». Fallait que je sois propre d’un coup. Et lui se trouvait avec un gros tas de merde alors qu’il était hyper minutieux. C’était marrant.
Cela venait bouleverser les choses qui commençaient à s’établir pour à un moment aller plus loin.
Essayer plein de techniques différentes. Cela te bouscule un peu.
Etant petit, tu as eu la surprise de vendre une toile. Mais à un moment, quand est-ce que la possibilité d’exposer est arrivée ? Est-ce que quelqu’un est venu te pousser à le faire ? On se pose plein de questions. Comment à un moment cela bascule ?
Bien sûr. Moi j’ai jamais arrêté. J’ai fait toutes ces écoles là. J’exposais en province pas mal. Et puis, j’ai fait de l’illustration dans la publicité. J’ai tout mélangé. Je ne savais plus. Quand je peignais, je faisais ce que je faisais au boulot. J’ai voulu tout arrêter à un moment.
En Champagne, il y a une association qui s’appelle Peintres en Champagne. J’ai rencontré des membres de cette association. Ils ont énormément aimé mon boulot. Enfin suffisamment pour me dire « Philippe, il faut arrêter le côté publicitaire parce que tu vas pas forcément être heureux ». Et puis, comment ils m’ont dit ça : « va falloir énormément de temps pour que tu puisse vivre, être reconnu et te faire plaisir dans l’illustration, dans ton métier que dans la peinture, dans ton truc à toi». « Laisse tomber l’illustration, de toute manière cela sera galère autant. Tu gagneras peut être un petit peu moins d’argent et encore c’est pas sûr. »
Ils m’ont dit de venir exposer à Chalon en Champagne. Il faisait des belles expositions avec des invités prestigieux. Eux ils m’ont foutu un coup de fouet. Et là j’ai tout arrêté. A côté, je faisais des boulots à la con, mais au moins quand je finissais ces boulots, je me m’étais à la peinture. Y’avait pas de quiproquo.
Cela ne mélangeait pas.
J’étais plus simili illustrato-peintro.
Comme quoi, c’est aussi la beauté de la vie à mon sens, mais c’est des rencontres qui font basculer, qui permettent de s’émanciper de certains carcans, de faire des choix en se disant que l’on est soutenu, encouragé.
Cela fait du bien. Tu m’étonnes.
Être propulsé dans un lieu où on avait pas imaginé être. Finalement de lancer une belle dynamique.
Cela motive. Cela flatte aussi. Tu ne connais pas ces gens là. Tu es allé voir leur expo. Ils viennent te voir. Tu es tout jeune. C’est évident que c’est un gros moteur.
Il ne faut pas décevoir.
Ah, non. Il faut y aller à donf.
Je les ai rajouté, c’est 3 petites questions. Si tu pouvais refaire dans ton parcours quelque chose différemment ou plus intensément, une occasion ratée ou un moment que tu aimerais savourer de nouveau, qu’est-ce que tu choisirais ?
On a tous plus ou moins envie mais on sait tous que cela ne sert à rien et que cela se reproduira toujours pareil. Là, avec le recul, je te dirais que j’aurais essayer de mieux travailler à l’école pour manier des langues, tout ça. Quand tu vas à l’étranger, quand tu discutes avec des gens de ta peinture, il y a parfois la barrière de la langue. Je ne parle même pas l’anglais.
C’est intéressant les langues. C’est aussi une ouverture vers l’autre.
J’ai fait le con la dessus. J’avais d’autre chose à faire que ça.
C’est des histoires de parcours. Moi par exemple j’ai vécu à l’étranger quand j’étais petit. En Espagne notamment. Y’a pas photo, je ne parlais pas espagnol avant d’arriver à Madrid. En repartant de là-bas, je n’étais pas dans les bons de ma classe, mais en France j’étais dans les bons à l’Université en espagnol. Parce que le niveau à Madrid était très fort, que j’étais immergé dans la langue, dans la culture. C’est sûr que cela a changé ma vie d’aller à l’étranger et d’être dans ce bain là. De voir des gens rires, parler, échanger dans plein de langues différentes. Etre fasciné par eux. De me dire que je n’y arriverai pas. De fils en aiguilles, on se rend compte qu’il y a des choses qui restent.
C’est une ouverture.
Vivre son adolescence à Madrid. Etre curieux, essayer de comprendre la culture. Après, se rendre compte, que l’on est pas si mauvais que ça. Cela permet d’aller vers l’autre, de continuer à être curieux. J’ai fait des études un peu dans tous les sens. Un Master de Français Langue Etrangère, pour comprendre mon parcours, comment et pourquoi il y a des gens qui ont envie d’apprendre le français, qui n’y connaissent rien, dont leur famille n’ont rien à voir avec cette langue. Comment ils arrivent à intégrer cette langue et cette culture. J’ai beaucoup d’amis espagnols qui sont venus travailler en France. Notamment parce que les conditions étaient favorables au niveau du travail. C’est assez magique. Dans ce cursus là, on devait choisir une langue nouvelle, pour se mettre nous même dans la place d’un apprenant. Dans la liste des langues possibles, il y en avait une qui m’a toujours attiré, c’était la Langue des Signes Française. J’en ai fait un an. Je me disais que la LSF était pas si éloigné que ça du français. Que cela vient de la même culture. Est-ce que cela est international ? En fait, c’est très culturel, très régional presque. La LSF ne se dise pas pareil que dans la langue des signes espagnole.
Il faut apprendre des signes…
Et il existe une langue des signes internationale. Entrer dans le monde du silence. Les cours étaient très calmes. On apprenait à ne pas parler entre les stagiaires car notre professeur était sourd et muet. C’était irrespectueux de notre part de nous mettre à discuter alors que lui n’allait pas comprendre. Cette langue qui est très imaginée. Il y a beaucoup de choses qui sont de faire avec les mains un personnage. De marcher, de s’asseoir. Beaucoup de choses sont très expressifs. Avec le visage, il faut donner l’émotion de ce que l’on dit. Je me revois dans certains cours, lorsque l’on disait que l’on était malheureux, il fallait que le visage soit marqué, il ne fallait pas avoir un grand sourire sur le visage. Il y a une forme de théâtralité qui est très forte. De me dire que la langue des signes même française était très éloignée de moi, de mon quotidien. Je me rendais compte de la distance encore à parcourir pour aussi intégrer les personnes sourdes et malentendantes, pour être vigilant à eux. Cela a été très fort.
Ils sont énormément coupés du monde.
Dans la vitesse des choses. Dans le temps que cela demande pour rentrer en contact. Des fois, quand nous n’avions pas le mot en LSF et que notre professeur lisait sur nos lèvres. Apprendre à dire les mots avec un rythme pour qu’il puisse lire nos lèvres. Plutôt que de parler sans réfléchir.
Etre dans l’instant, sans exagérer en plus.
Non il ne fallait pas forcer les traits.
(Pause)
On part dans l’autre sens. Si tu pouvais voir l’avenir, te voir dans quelques années, qu’est-ce que t’aimerais trouver ? Que tu n’es pas un vieux con par exemple ? Même si c’est un exercice encore une fois un peu compliqué.
1m90, beau, séduisant. J’en sais rien. J’aimerai pouvoir… on sera toujours un vieux con vis-à-vis de nos enfants, des jeunes. Le plus possible dans l’air du temps, dans le mouvement, même s’il y a toujours un fossé. Etre toujours présent. Pouvoir faire. Toujours agile, toujours dynamique. J’espère. Faudrait que j’arrêter de boire…
(Deux nouveaux cafés arrivent)
Sur la technique, voilà une série de questions. C’est celles que mon entourage m’a demandé de poser. Tu en as parlé tout à l’heure mais beaucoup se pose la question de l’enseignement artistique qu’a reçu la personne. Est-elle passée par telle ou telle grande école ? Je l’analyse par le fait que l’on a très bien découpé à une époque donnée le côté artistique des gens entre les peintres, ceux que l’on voyait, ceux qui étaient en galerie et puis les autres, ceux qui le font « pour le loisir ». Ce découpage semble légitimer le fait qu’une personne soit reconnue.
Ce n’est pas parce qu’il est passé par là ou pas. C’est parce qu’il raconte quelque chose aux gens en fait. Après il y a tous ceux qui n’ont rien à foutre là, mais on va pas parler d’eux. Sinon je pense qu’il y en a qui ont bossé et qui sont devenus connus parce qu’ils ont osé montrer et que cela a touché un bon nombre de personnes. Je pense pas qu’il faut absolument passer par des écoles. Même si je suis persuadé que quand tu veux en faire, comme la musique, que tu veux t’exprimer, plus tu as d’outils, plus cela est facile. Si tout petit on te donne 10 mots et que tu dois te débrouiller avec ça, cela va être beaucoup plus compliquer pour écrire un roman. Plus tu as d’outils, plus c’est facile pour s’exprimer.
Presque de s’en libérer, de faire des choix.
Tout est possible. Mais cela te facilite vachement. Cela t’ouvre encore plus. Certes c’est un peu académique au départ. Mais c’est énorme. En tout cas moi, je pense que c’est un bel outil. Sinon, tu t’astreins à ce que tu sais faire. Même si tu es hyper créatif, forcément à un moment tu vas être bloqué.
C’est aussi, comme pour les musiciens, cela se travaille.
La langue internationale par excellence.
La musique.
Enfin pas la langue, mais les notes sont l’écriture compréhensible par des chinois, des néo-zélandais, des belges. Tu joues avec la même partition. Et tu fais un trio formidable. On a jamais fait mieux.
Des fois, sans la note, par la rencontre, mais il faut arriver encore une fois à un niveau de maitrise important pour se permettre de comprendre l’autre.
Interpréter quelque chose en commun alors que les musiciens viennent d’endroits différents, c’est fascinant.
Cela vient parler à tout le monde. C’est la manière dont je conçois la musique. Cela crée un écho, une vibration. Comme l’art vient aussi créer cela avec l’intérieur, avec le cœur, avec la tête. La musique, je vis cela dans certains concert, vient faire vibrer le corps. Il y a des musiques qui me font pleurer.
Suivant ton état, tu mets une musique qui va justement te faire t’émouvoir. Je sais puisque je le fais. A une certaine période, je mettais de la musique pour verser ma larme.
Lorsque tu peins, est-ce que tu aimes utiliser des matériaux différents ? Je me souviens de l’exposition sur les ardoises notamment. Ce qui m’avait plus c’était les deux faces de ces ardoises, comment d’un simple geste, l’œuvre change. Est-ce que cela te permet de montrer plus que sur une toile ? Dans ta dernière exposition, il y avait les tableaux reliés par des fils ou les gugusses suspendus en l’air. Il y a les œuvres dans la rue qui, j’imagine, sont sur du papier kraft. Est-ce que au niveau de la peinture, c’est la même technique que tu utilises ?
Toujours la même technique. Sauf que je vais moins approfondir ce qui se trouve dans la rue. Parce que c’est un gros boulot. J’y passerai trop de temps. Il faut que j’en fasse beaucoup pour avoir énormément de choix quand je me balade. Il faut que cela aille vite. Souvent il y a des erreurs anatomiques d’ailleurs, mais peu importe.
Après les dimensions ? Le choix de l’emplacement dans la rue ? Le collage ? Est-ce que c’était des choses compliquées ? C’est une technique qui permet d’œuvrer rapidement, suivant la taille du collage bien sûr. Par rapport à dessiner à la bombe ou avec des feutres, cela prend moins de temps. Est-ce que cela te permet de pouvoir t’adapter aux lieux ?
En fait, je n’arrive pas à travailler avec les autres. Je vais pas me mettre dans la rue avec mes pinceaux et tout ça. De toute manière, je sais que cela va être raté parce que je vais avoir un public. Je suis pas une rock star.
Donc voilà pourquoi tu crées dans ton atelier.
Même si je vais vite ou quoi. Je suis tranquille. Je fais mon truc.
Est-ce que tu crées plein de personnes et en fonction de tes balades tu te dis que tu vas le coller ici ou là ? Est-ce que des fois c’est arriver que ce soit l’emplacement qui te fasse dire « là il faut que je fasse un truc » ?
Oui. Quand je me balade avec mes centaines de collages, divers et variés, des fois je vois un mur et je me dis qu’il faut que je fasse quelque chose spécialement là. J’apprécie les belles dimensions, accessibles avec mon échelle. A certains endroits, je veux faire un truc spécial. Souvent dans le même sujet. Ou alors j’ai rien qui pourrait être dans la dimension sur moi et je reviens à l’atelier.
L’atelier te permet aussi, de ce que l’on voyait tout à l’heure en y passant, de créer directement sur le mur, dans des dimensions spécifiques.
Je remplis. Quand c’est des grandes œuvres, je fais des baies que je colle entre-elles. Cela fait tout le mur. Je dessine. Je découpe. Je fais dérouler. Je ne peux pas voir ce que cela donne à la fin, en grand. Je vais coller et c’est là que je vois ce que cela donne. Il y a un côté frustrant. Un côté « est-ce que cela va concorder ? ». Après c’est la surprise. Moi-même je découvre. Un amas de bouée.
Pas mal d’artiste n’ont pas d’atelier. Cela te permet d’expérimenter, d’être au calme comme tu le disais.
Avant je peignais là haut, chez moi, parce que l’on avait pas les enfants. Mais c’est pas pareil. Avoir un lieu dédié à ça, où tu n’es pas obligé de ranger. En même temps quand j’étais chez moi je ne rangeais pas.
C’est vrai qu’après c’est une ambiance particulière. Pour en revenir à ma marraine, qui habite à Avignon, il y a un atelier chez elle. Cela reste un souvenir très curieux, d’aller dans l’atelier, de voir ce qui s’y passait.
C’est un univers.
Et des odeurs, et une lumière. A des moments, d’avoir le droit de toucher à certaines choses. A d’autres de se faire disputer si on touchait un truc que l’on ne devait pas. D’être modèle. Un moment privilégié parce qu’elle n’acceptait pas trop qu’il y ait une tierce personne. Poser et voir l’œuvre évoluée. Prendre le temps et la pose. C’est un exercice.
Te voir naitre.
Voir ce que l’autre montre de toi.
Fais de toi.
Est-ce que c’est toi ? Comment l’autre te voir ? Plein de questions. Quand elle fait les têtes de terre, notamment mes parents ou moi, certaines personnes de notre entourage ne nous reconnaissent pas. J’aime beaucoup la manière dont elle le dit, elle s’arrête à partir du moment où elle nous voit, où elle se dit que c’est nous. C’est pas un portrait. C’est pas un développement réel de la photo en 3D. Il y a des gens qui ne nous reconnaissent pas, où ne se voient pas dans ce qu’elle a créé d’eux. Pourtant c’est un détail, il y a le regard, une forme particulière.
C’est pas un portrait justement.
Ce qui est recherché c’est l’émotion que cela provoque aussi.
Est-ce que, sur une création que tu as faite dans la rue ou au moment de coller, il y a eu des rencontres sympathiques ? Quel est l’accueil des gens ? Est-ce qu’il y a eu des retours que tu as entendus concernant l’une de tes œuvres ?
Y’en a plein. Mais j’ai aussi des moments pas bien du tout. Une fois, une petite vieille qui passait. Elle me dit « vous vous rendez compte le temps que cela va prendre pour enlever vos trucs ». Non je ne m’en étais pas rendu compte en fait. C’est vrai. On entame la conversation. Elle est restée 2h avec moi, à discuter pendant que je collais. Elle devait se faire chier. Elle passait faire ses courses et elle trouvait inadmissible de salir les murs. En même temps elle s’en fout complètement. Elle a juste envie de partager quelque chose avec quelqu’un. Tu réponds et elle est repartie pour ¼ d’heure. Cela lui fait du bien. Quand elle voit le boulot fini, elle est contente et satisfaite. Elle te remercie, alors tu sais pas si c’est parce que tu as passé deux heures avec elle à l’écouter ou si c’est pour le truc. C’est pas grand-chose mais c’est marrant.
Cela vient provoquer un dialogue.
Ce n’est pas tout le temps. Il y a ça aussi.
C’est vrai, c’est ce que je me dis, dans l’art de rue, cela vient provoquer dans son environnement, dans ce que l’on a plus l’habitude de regarder, on va à sa station de métro, on rentre chez soi, on va à la superette, on a ses trajectoires bien définies, où l’on ne vois plus. Ces œuvres viennent changer le quotidien.
Dans l’inverse, il y a des gens qui viennent te voir. Notamment rue des cascades. Ils me disent « tous les jours je passe pour rentrer chez moi devant vos trucs, c’est complètement anxiogène, c’est insupportable ». C’est vrai que tu obliges, tu ne demandes pas aux gens. Tu imposes quelque chose. Je comprends ça aussi. Je suis désolé, je ne veux pas faire de mal. Mais bon, elle était plutôt très très conne puisqu’elle m’a dit des choses bien pires.
Cela impose dans l’espace public. Dans une anecdote, Jace et Seth faisait une œuvre dans le 13ème, dans le cadre du festival Lézart de la Bièvre. Ils ont repeint sur un des murs où il avait fait quelque chose. Ils étaient en train de recouvrir l’œuvre. Une dame arrive. « Ah non c’est pas possible, c’était mon rayon de soleil ». Elle avait pas du tout comme info que c’était les mêmes artistes qui étaient en train de défaire pour refaire autre chose. Elle était en larme. « Vous vous rendez compte de ce que vous faites ». Elle était désespérée. Ils n’ont même pas osé dire que c’était eux, ce qu’ils faisaient. Elle est revenue dans l’après-midi, parce que je pense qu’elle avait un peu les boules, et elle s’est rendu compte que c’était les mêmes, qu’ils provoquaient autre chose. Elle a dit « j’avais pas compris ». Elle avait les artistes devant elle. Elle ne les connaissait pas, elle ne les avait jamais vu. Elle était ravie, elle les a remercié. Elle s’était vraiment attachée à l’œuvre. Cela peut être dans les deux sens.
Lorsque les gars de la ville passe, parfois ils se font engueuler par les gens. Je l’ai vu, le mec se faire incendier. C’est génial. Le mec de dire « mais moi, on me demande de faire ça, je le fais ».
Comme quoi cela fait partie du paysage sur les gens.
Pour avancer et parler des collaborations. Est-ce que cela t’arrive de t’amuser dans la rue avec des œuvres qui existent déjà et provoquer un dialogue avec un de tes gugusses ? Dans une autre idée, je me souviens de l’exposition vis-à-vis au Cabinet d’Amateur. Le jeu était de se mettre avec un autre artiste. Tu viens de dire que quand tu crées, tu aimes bien le faire seul. Est-ce que ce jeu là te plait ?
J’adore.
Est-ce que tu aimerais collaborer avec certains artistes ou est-ce que l’on vient te chercher ?
Cela se fait au détour des rencontres. Tu sais, j’ai rencontré les gens au Cabinet d’Amateur. Cela s’est fait par hasard, au grès des gens que je découvrais petit à petit. Collaborer c’est top. C’est intéressant. C’est pareil, cela t’oblige à te mettre en danger.
Cela décale les habitudes.
Qu’est-ce que va faire l’autre ? c’est un peu comme le cadavre exquis. L’expo « vis-à-vis » c’était un peu ça. Soit c’est moi qui commençais et l’autre suivait et je voyais ce qui se passait. Soit c’était l’inverse. Je trouve cela génial. Et même après dans la rue avec Ender. On s’amuse bien ensemble. Il fait son truc, je fais à côté. On s’est pas ce que cela va donner.
Est-ce que provoquer avec d’autres arts comme l’écriture, la photo, cela t’intéresserait ?
Oui j’aimerais bien. J’ai déjà fait d’autres trucs. Des clips. Avec un ami un générique d’émission. Et là, c’est image par image. J’aimerais bien illustrer une histoire. En fait, mieux que ça, faire une exposition histoire, où tu rentres quelque part et tu as l’histoire, l’image en grand. Au fur et à mesure de ton parcours, tu suives l’histoire. Soit sur toiles, soit en photos. Soit projeté. Employé différents matériaux.
J’aimerais bien avoir le temps de faire tous ces projets là. Comme vouloir faire une expo, où tout peut être manipulé par les gens. Comme les ardoises qui se retournent. J’aimerais bien que tu puisse prendre une à un endroit et là mettre à un autre bout. Construire des trucs comme ça.
Dans tes œuvres, c’est l’une des choses qui m’interpelle le plus. J’aime écrire. Ce matin en venant je me disais que j’aimerais bien écrire sur ton univers, où raconter une histoire. Je me disais que cela pouvait être beau. Pas forcément que moi je le fasse. Mais en tout cas écrire l’histoire de tes œuvres. Cela me plairait effectivement de voir une expo avec du texte. C’est une excellente idée. Je voyais aussi, un peu à la Royal De Luxe, un livre gigantesque, où à chaque page il y a un personnage qui sort. Un livre pop-up. Cela serait percutant avec ton univers. Cela emmènerait au delà.
C’est une question que j’ai posé à tous les artistes, dans mon rôle de passeur, c’est si par l’intermédiaire de cette interview tu pouvais poser une question à un ou plusieurs artistes de Street art qu’est-ce que tu poserais comme question ?
Non. Arrêtez de faire vos conneries sur les murs, laissez moi les.
Est-ce que je pourrais avoir toute la place ?
Non, justement je n’ai pas envie d’avoir toute la place. Faites des belles choses, allez-y.
Il reste deux parties. Passons à celle intitulée, niveau financier. Les gens se posent la question sur le fait de vivre de son art. Tu disais qu’à un moment tu as fait des petits boulots. Est-ce qu’aujourd’hui cela s’équilibre ? Est-ce que c’est compliqué ?
J’ai toujours fait des petits boulots sauf que, aujourd’hui, je me suis spécialisé dans les chantiers. Je refais des apparts. Mais de moins en moins. J’aimerais dans l’absolu ne plus en faire du tout. Enfin, on ne sait jamais ce qui peut se passer dans 2 ou 3 ans. Il vaut mieux avoir toujours un pied dedans, garder une certaine clientèle.
C’est un bon équilibre à trouver.
Dans les expos. On se pose la question dans quel sens cela marche ? Est-ce que tu cherches des lieux où exposer ou globalement des galeristes viennent te chercher ? En tout cas, on est dans des dimensions différentes. Quand on est dans le cabinet d’amateur qui est plus petit, quand on est dans la galerie Joel Knafo là il y a de l’espace. Cela permet de proposer des choses différentes.
C’est indispensable pour montrer un travail, pour le mettre en situation, créer un univers. Ce que j’ai fait au Cabinet d’amateur et chez Joel Knafo. C’est hyper important. Comme je te disais, avant de venir dans la rue, j’étais en galerie. Même si j’ai eu une grande interruption de 2009 à 2014, j’ai fait mon retour en galerie chez Patrick en 2014. J’avais toujours un peu de collectionneurs qui venaient. Même si j’étais moins présent.
Cela permet de créer une histoire dans un lieu.
Et puis de montrer un travail. C’est comme un cadre.
Est-ce que cela permet la rencontre avec le public et les collectionneurs ?
Aussi.
C’est une interface.
Oui. En tout cas pour moi c’est indispensable. Je peux vraiment créer. Dans la mise en place. Cela enrichit ton univers. Tu peux vraiment découvrir pleinement des gens, tranquillement.
Je sais que l’on s’était croisé au Cabinet d’amateur. Est-ce que c’est important d’être là, pas seulement au vernissage ou finissage de l’expo, mais d’être présent pour rencontrer le public ?
De savoir que j’ai tous mes bébés quelque part exposés et qu’il y a des gens qui vont venir, si je suis pas à côté je deviens dingue. Même si je fais rien. Après, quand on parle, on ressasse un petit peu les mêmes choses. C’est bien d’être là, de présenter un minimum son travail, d’avoir un ressenti. C’est très peu de temps dans l’année, finalement les expos on en fait pas tant que ça. Donc le côté relationnel m’intéresse, c’est pas mondain. Après y’a des soirs, comme les vernissages ou quand il y a beaucoup de monde, c’est un peu chiant. Mais bon c’est une seule soirée. Un peu chiant d’être le clou de la soirée.
Le cœur, les attentions sont toutes sur toi.
Ça c’est un peu pénible. Mais sinon c’est important. Ce lien avec le public. Cela ne dure pas longtemps.
J’ai pris l’habitude, je ne sais pas si elle est bonne ou pas, de ne pas venir au vernissage. Il y a une telle effervescence, une telle énergie, une telle sollicitation de l’artiste que…
Tu vois tout le monde et tu ne vois personne.
Voilà. Je ne m’y retrouve pas. Cela m’est arrivé à des moments de partir dans l’autre sens. Tu ne peux pas prendre en photo les œuvres. Cela se bouscule. Tu es dans une discussion avec des artistes et puis on t’interrompt. On ne peut pas être là, autour d’un café, à prendre le temps de se rencontrer.
Je sais même pas si, dans un vernissage, j’ai fini une discussion avec quelqu’un. Même ma mère qui était là, qui ne vient jamais, cela faisait des décennies, je sais même pas si j’ai discuté avec elle.
Y’a tout le monde qui veut s’arracher un petit bout de l’artiste.
Ben oui. Tu vois quelqu’un rentrer, tu veux le saluer. Tu ne sais pas si tu vas le revoir, s’il va rester longtemps. Pour le remercier. C’est ta soirée mondaine.
Sur internet et l’utilisation de ce média, vecteur de ce qui est montré dans la rue, est-ce que cela participe à faire connaître ce que tu fais ? Il y a pas mal de photographes amateurs qui publient, qui vont à la recherche, qui vont tel des détectives sur les traces des œuvres. Tu n’es pas forcément sur Facebook. Est-ce que c’est un média sur lequel tu n’es pas à l’aise ?
Je serai pas à l’aise. Je pense pas. Après, c’est indéniable que cela participe énormément à la diffusion. Internet c’est incroyable. C’est bien. C’est impressionnant.
Quand on te tient au courant, quand tu vois certains articles ou photos prises de tes œuvres, est-ce tu surveilles ce qui tourne sur toi? Est-ce que tu jettes un œil pour voir ce que l’on dit ?
Dans ce que je suis au courant oui. Après, il y a tout ce dont je ne suis pas au courant. Sur Facebook, des fois j’apprends par les autres. Mais c’est bien en même temps parce que c’est les autres qui font le lien. C’est toujours un peu la surprise de voir ce que l’on dit de moi.
Un jour j’étais en train de coller, y’a un mec qui est passé. Il m’a dit « je vous ai vu dans Manière de voir, magazine du monde ». Il est parti et il est revenu avec. J’étais dans plein d’endroit. Je savais pas du tout. Enfin, on ne parle pas de moi tous les jours non plus. Mais bon, c’est intéressant de voir ce que l’on dit, ce que l’on montre.
C’est une série de questions. Si tu avais un morceau de musique ou un groupe à me conseiller?
Il y en a tellement. C’est par période. Là j’ai écouté beaucoup, Archive – Controlling crowd. J’ai écouté pas mal le CD des Innocents. Y’en à tellement. Dans l’absolu, j’aimerai bien jouer l’intégrale des nocturnes de Chopin. Mais ça va être un peu compliqué. Le jazz aussi. J’adore Baschung. J’ai une playlist qui fait je sais pas combien. Je mets tout en aléatoire. J’aime bien ce qui est mélancolique, dramatique. Biolay aussi. Un univers glauque et romantique à la fois.
Ecorché. Avec une dimension poétique.
Je crois que je suis un romantique.
Si tu avais un bar où prendre un verre ou un restaurant où manger ? Ici (rue de la Mare)
Y’en a partout. Je vais faire de la pub. Au 21 rue du Transvaal. Chez Nasser.
Si tu avais un message, un coup de cœur un coup de gueule, une dédicace à passer?
Cela serait bien que plutôt que de foutre un mec qui n’a rien à dire comme Jeff Koons à Beaubourg de mettre un mec comme Jean Rustin ou des gens comme ça, qui ont fait beaucoup plus et qui resteront dans l’histoire de l’art. Plutôt que de ces financiers que l’on nous fait passer pour des artistes. De mettre des vrais artistes où il faut qu’il soit. Rien que d’en parler ça me hérisse. Cela serait plutôt intéressant de mettre des gens de qualité.
S’il y avait un voyage à faire, une destination où aller ?
Et bien écoutes, j’ai un projet pour la Norvège. Je t’en parlerai plus tard. J’irais bien dans le nord. Le problème c’est que je veux plus prendre l’avion. Donc cela devient compliqué. Alors là-bas, je peux y aller en traineau. Je vais essayer d’aller dans le nord, j’aimerai bien. Après le Nord cela commence en Belgique. Je vais aller y faire des collages. Je suis pas très voyage.
Et enfin, si tu me posais une question pour laquelle tu étais assuré que je te donne une réponse et que je te dise la vérité, tu me demanderais quoi ? C’est le jeu inversé, de l’intervieweur interviewé.
Je sais pas. On t’a souvent répondu à ça.
Oui. Toujours. Et même la dernière fois, on m’a demandé plusieurs choses. Après cela peut venir… ou pas.
(Pause)
Je ne vais pas te poser de question. Mais par contre toi tu vas me faire une dédicace. Moi j’ai répondu à tes questions alors que c’est pas mon fort. En général je ne parle pas beaucoup.
D’accord.
Je ne vais pas te poser une question dans une semaine.
Est-ce que je peux avoir un peu de temps pour te faire cela ? C’est une belle colle.
Interview de Philippe Hérard
Étiquettes : Interview, Street Art
8h30. Je pars d’Aulnay sous Bois. Et plutôt que de prendre la route du travail, je vais rendre visite à quelqu’un dans le 20ème arrondissement de Paris. Il y a 1 mois environ, je l’ai contacté. Difficile par mail ou sms de caler une date. Nous nous sommes vus samedi 22 septembre. Cela me remplit profondément d’aller à la découverte, de pousser une porte pour voir ce qu’il y a à l’intérieur et de rencontrer un nouvel artiste. Et surtout ce qui me plait c’est de vous partager tout ça.
9h08. La Plaine Stade de France. Il fait beau. Le soleil s’infiltre dans le RER B. Le flux des travailleurs est impressionnant. Cela rentre et sort à chaque station. Je pense à toutes ces petits fusées qui courent en ce mardi matin. Moi, je vais prendre le temps. Je m’en vais interviewer Philippe Hérard, un artiste époustouflant. J’apprécie ses oeuvres par leur dimension poétique, onirique, par leur côté touchant, sur le fil de ma vie.
9h20. Châtelet les Halles. A moi l’interconnexion gigantesque, les couloirs interminables. Direction ligne 11, métro Pyrénées. Nous avons rendez vous à 10h dans son atelier. Je vais entrer dans son antre, apercevoir ce qui reste au dedans, tenter de le faire se raconter. Qu’est ce qui l’anime? Qu’est ce qu’il veut montrer?
9h29. Assis dans le métro. Je me remémore les lieux et moments où j’ai vu certaines de ses oeuvres, où je lui ai parlé. Au Cabinet d’Amateur. Dans la rue de Jourdain dans le 20ème. A la galerie Joel Knafo Art. J’ai rendez vous à son atelier. Un peu plus bas dans la rue, il a oeuvré sur un mur. Sans me l’avouer, j’aimerais bien collaborer avec Philippe et écrire une histoire pour ces gugusses.
10h01 nous nous installons autour d’un café. En avant pour l’interview.
(Nous nous installons à une table). Ce qui est important pour moi c’est la manière dont l’interview se vit, c’est avant tout une rencontre. Ensuite je la retranscris intégralement. Je souhaite garder les propos, comment ils ont été dits. Je modifie pour ne pas qu’il y ait de redites, pour que cela soit plus facile à lire. J’ai de la place sur mon site donc je préfère aussi que cela soit long, que cela corresponde vraiment à nos échanges. Je ne souhaite pas réinterpréter ce que la personne a dit, couper ou faire dire des choses. J’aime que cela reste sur ce qui s’est vécu. Il y a une authenticité qui me parle. Ce que je me dis à la fin de l’interview, c’est que je connais mieux l’artiste, la personne et il/elle me connaît mieux aussi. Il y a une trame mais nous ne sommes pas obligé de la suivre à la lettre. Nous pouvons y aller en zigzaguant. C’est bien aussi que cela aille dans les deux sens. Les questions viennent de ce que l’on a envie de connaître de l’autre. Je me souviens avant de sortir l’interview pour Akiza, j’avais fait un questionnaire en ligne pour savoir comment les gens voyaient son univers. J’ai sollicité mes ami(e)s, ma famille. C’était intéressant de confronter cela avec l’interview.
C’était concordant ?
Il y avait des choses oui. Mais parfois les gens partaient dans ce qu’ils projetaient, dans ce q.u’ils ressentaient.
C’est ça qui est intéressant. Le reste apparemment c’est une évidence parce que la majeure partie des gens voit la même chose. Quand les gens y voient leur propre histoire, c’est bien ça. C’est étonnant. De redécouvrir une autre face de ton truc. J’aime bien ça.
C’est ce qui est magique dans la création, quand elle dépasse l’artiste, l’œuvre en elle-même, qu’elle devient une évidence pour certains. Comme s’ils l’avaient toujours vu. L’écho que cela produit. Après, il y a une alchimie assez mystérieuse
La trame permet aux lectrices et lecteurs de se dire qu’elles/ils retrouveront les mêmes choses.
On dirait une interro.
L’idée c’est peut être de ne pas toutes les poser. Il y a des choses auxquelles tu répondras peut être avant que la question ne soit arriver. Nous sommes libres de nous en affranchir.
Alors dis moi.
Pseudo, enfin de ce que j’entrevois c’est ton vrai prénom et nom : Philippe Hérard. Je n’ai pas trouvé mieux.
Est-ce que tu as une explication de ne pas avoir pris un pseudo ?
Vu que j’ai commencé la peinture en galerie, tu signes avec ton prénom et ton nom. Ce n’est pas illégal à la base. Donc j’ai pas eu à me trouver un pseudo comme les autres artistes de Street art. En même temps je n’y connais pas grand-chose. Mais bon j’imagine que beaucoup se cache derrière un pseudo pour ne pas être emmerdé par la police. Moi je n’avais pas à faire ça. C’est pas en 2009, à presque 50 ballets, que je vais commencer à avoir un pseudo. Ça serait ridicule. Comme je n’avais pas l’impression de faire quelque chose de méchant et illégale, j’ai utilisé mon nom tout simplement. C’était plus simple.
Age : je vais en avoir 50 ans au mois de juin. Je suis de 66.
Il y a deux choses différentes : la première fois où tu as peint, que tu as produit quelque chose pour le montrer puis la première fois sur un mur, tu disais que cela remonte à pas si longtemps que ça.
2009.
Et la première fois que tu as peint ? Après, c’est une histoire qui peut être longue sur la peinture.
Tout a commencé… c’était en classe de 4ème/3ème. Je ne sais plus vraiment maintenant. Il se trouve qu’en sport, notamment un détail important en jeux d’adresse, je me suis cassé la cheville. J’étais pas très adroit à cette époque là. J’ai été immobilisé pendant 3 mois. Du coup, un grand oncle, curé d’une petite paroisse du coin, peintre plus que curé d’ailleurs, est venu me voir tous les après midi et on dessinait. On s’est super bien entendu avec ce grand oncle. Je me suis éclaté à dessiner. Après je passais mes vacances au presbytère chez lui. On se baladait et on faisait des peintures. C’est là que j’ai commencé à peindre et que j’ai fait mes premières toiles. C’était des natures mortes. Je me suis éclaté comme un malade.
Tous les 15 jours, dans le presbytère, il y avait une pièce à l’extérieur où, sur les bancs, il mettait ses peintures. Les gens de la paroisse venaient voir pour parfois acheter une toile. J’avais mis deux ou trois toiles que j’avais faites dans ce capharnaüm de toiles. Une dame est venue et dans ce qu’elle avait acheté il y avait une ou deux toiles à moi. Je venais de les faire. J’avais été énormément flatté. Il m’avait demandé combien je les vendais. Je lui avais répondu « comme toi ». Et voilà.
Mes œuvres, mes peintures au milieu de toutes les siennes, c’était à chier. On voyait que ça, c’était presque des tâches. Et pourtant cela a plu à quelqu’un. Cela fait quelque chose. Surtout quand tu es gamin. Quand tu fais un dessin, tu demandes, tout le monde trouve ça beau. Là, cela prend une autre proportion. De voir quelqu’un acquérir une de mes toiles, cela faisait bizarre.
Donc il y a toute une carrière sportive que tu n’as pas faite. Cela s’est tourné vers une carrière artistique. Et donc la première fois sur un mur en 2009. C’est intéressant de voir un artiste passer de la peinture, de la galerie à la rue. Par rapport aux artistes de Street art qui commence dans la rue, avec leur pseudo et qui finissent certain(e)s en galerie. Là pour toi, il y a eu l’envie de sortir de l’atelier, de la galerie pour mettre tes œuvres dans la rue.
C’est encore toujours un peu par accident. C’est parce que je ne pouvais plus montrer ce que je faisais parce que j’avais plus de galeries en 2009. C’est un peu chiant quand tu veux partager quelque chose qui te nourrit. Le partage fait partie de l’aventure. Donc tu as une production et tu n’as plus de galerie, c’est un peu con. Elles ont décidé de toute fermées en même temps. Je ne devais pas être assez doué, avoir assez de talent pour les faire vivre.
Je me suis dis qu’il fallait que je montre mon travail. Je venais de finir la série avec les bouées sur toile en 2008, et des suspensions aussi. Je me suis dit que j’allais en faire sur papier et aller les coller. Cela faisait chier de laisser tout ça dans l’atelier. J’ai commencé comme ça. Je faisais ça la journée. J’allais coller mon gugusse sur un mur. Je ne faisais rien de méchant. Les contacts que j’avais avec les gens, c’était super. Je trouvais que les personnages s’adaptaient bien, que le mur prenait vie. C’était curieux. Cela m’a bien plu.
Dernières fois sur un mur : J’étais allé coller pour l’accrochage à la galerie du 13ème.
Les matins ?
Oui. J’y allais le matin comme il y avait beaucoup à installer et on commençait à accrocher assez tôt, 9h-10h. J’y allais vers 6-7h, me balader dans le 13ème. J’en ai pas collé beaucoup, 6 je crois. Là c’est la dernière fois.
Comme lieux de prédilection, est-ce qu’il y a ici, autour de ton atelier ? Autour des galeries où tu exposes ? Dans l’idée de rayonner autour du lieu d’exposition pour provoquer un échange avec le quartier ?
J’ai fait la même chose chez Patrick (au Cabinet d’Amateurs). Mais c’était carrément en face. Oui parce que c’est par là que je suis revenu en galerie, par la rue. C’est là qu’il s’est passé quelque chose. J’existe dehors. C’est important, pas énormément, même si j’aimerais bien, d’en mettre un peu à l’extérieur. C’est bien.
Cela permet aussi des dimensions sur le mur différentes que sur toile.
Oui, c’est sûr. Un mur de façade, ce n’est pas pareil qu’au dessus d’une cheminée. C’est important d’être présent à l’extérieur. Pour être aussi exposer à l’intérieur.
Tu te définirais comment ? Un homme d’aujourd’hui ? Un peintre ? Une personne qui s’amuse en peignant ?
Ça oui, je me fais du bien en peignant. J’en ai besoin. Je me définis comme compliqué déjà.
La définition serait trop grande ?
Oui. Compliqué cela va bien. Cela peut être en positif ou négatif.
Tu fais quoi (en quelques mots), que ce soit en galerie ou dans la rue. J’entendais parler des gugusses, pourquoi ce nom ? Qu’est-ce qu’ils évoquent ? Est-ce qu’ils ont toujours été là dans ton travail ? Ou est-ce qu’ils sont apparus à un certain moment ?
Ils ont toujours été là. Ils ont évolué. Ils étaient au départ assez bateau. Moins figuratifs. En fait, ils expriment l’inconfort de tout un chacun, dans la vie, dans le quotidien. L’inconfort relationnel. Une sorte de paradoxe. Ils se retrouvent toujours dans des situations un peu à la con. Mais pas dénuées d’humour. Parce que je n’aime pas si c’est que glauque. Justement il y a le paradoxe entre les deux. Mais cela a toujours été plus ou moins là. C’est une manière, comme pour tous les artistes, de se raconter. J’espère que tout le monde y trouve son compte. Mais bon, je ne les analyse pas trop.
C’est intéressant, notamment leur accessoire, ces fils, ces bouées, dans ces paysages oniriques, très vaporeux et pourtant où l’on voit quelqu’un. Un des tableaux me faisait penser à une pièce de théâtre de Ionesco, les chaises. Dans cette pièce, que j’ai vu il y a quelques années à Avignon, il y a un plateau remplie de chaises. Elles symbolisent la montée du fascisme. Plus l’histoire avance, plus le plateau est remplie de chaises par les comédiens. Au début elles sont installées de manière très linéaire. Et puis cela déborde. Un grand dictateur se retrouve au dessus d’un amas de chaise. Comme tu le disais, voilà ce que j’ai vu dans ta toile, ce côté confort et inconfort. Dans la pièce, un personnage qui est propulsé en haut, qui cherche le pouvoir. A la fin, le noir se fait, avec un système mécanique, toutes les chaises se retrouvent à avancer vers le public. Elles finissent par avaler ce dictateur. Le noir est complet et on entend encore les chaises avancer. Quand la lumière revient, il y avait une sorte de mur de chaises à moins d’un mètre du premier rang. Cette mise en scène provoquait un lien fort avec le spectateur.
Dans les accessoires de tes personnes ou dans le fait que l’on voit ou pas leur visage, leur expression, j’écrivais qu’il y avait de la poésie sur les murs, de choses qui permettent à chacun d’y mettre une histoire. Est-ce que tu es d’accord avec cela ?
Bien sûr. J’espère que mes œuvres provoquent cela. Je n’ai pas envie de raconter mon truc. Au contraire, que chacun y mette sa propre histoire, son émotion, son ressenti. C’est un partage. Pour le coup, le besoin de l’autre est primordial.
Tu disais aussi d’avoir de l’humour.
Si c’était que noir, que l’inconfort ça serait trop. Je ne peux pas. Il y a toujours par la couleur, par l’attitude autre chose pour pas que cela soit glauque. Je suis compliqué. Mais l’humour j’aime bien. L’humour noir.
Il y a en qui tire la langue, qui semble crier. Tirer la langue est assez universel, cela parle à chacun. Mais c’est aussi plein d’émotion en même temps. Cela peut être pour provoquer, pour dégouter, pour aguicher.
Tirer la langue, c’est une forme de grimace.
C’est assez rigolo. Ma marraine est artiste. Elle sculpte de la terre. Elle a fait une série Langue de terre. Elle m’a fait en terre, en tirant la langue. Je fais le parallèle entre ton univers et le sien, car quand elle fait une expo avec toutes ses têtes, qui tirent la langue, il y a un réel impact sur les gens. Il y a d’un coup plein de regard et de gens qui leur tirent la langue. Finalement cela donne un sourire. Cela ne laisse pas indifférent. C’est une chose qui me plait dans tes œuvres. Dans la subtilité. Chacun y trouve une porte d’entrée. C’est aussi intéressant le reflet de la vie. Le côté sur le fil, comme dans ton expo, tirer, tirailler. En même temps, on aimerait tirer le fil pour voir jusqu’où cela pourrait aller. Alors que l’on sait que c’est impossible à faire. Et pourtant c’est tentant.
Tu n’as pas envie de couper le fil pour voir.
Oui. Ou dans l’autre sens, de le tirer. Cela provoque en nous cette part d’enfant, que tout est possible. Au delà de l’œuvre, il y a quelque chose qui se passe. C’est ce que je ressentais. D’avoir utiliser certaines dimensions, de sortir du cadre.
Rajouter une dimension supplémentaire, j’adore ça. De ne pas avoir que de la 2D, de jouer, de creuser, de dépasser le carré de la toile. D’aller au delà.
C’était très joli, dans l’entrée de la galerie, les mobiles. Avec le vent, suivant comment ils tournaient, j’ai fait des photos où cela donne l’impression que les personnages se répondent, qu’ils vont se foutre sur la gueule. Puis quelques secondes plus tard, l’attitude était différente, les personnages semblaient ne plus vouloir se parler. C’est vraiment chouette, toutes ces facettes avec peu de chose. L’instant où l’on voit l’œuvre, l’émotion dans laquelle on est.
Voilà un paquet de question, en mode « raconte moi ton histoire », tu as commencé à l’évoquer d’avoir été initié à l’art, au dessin. Comment la vie a fait qu’il y a eu cette rencontre, ce lien avec ce grand oncle ? Comment cela t’a impacté ? Est-ce qu’après il y a eu d’autres étapes ?
(Passage d’un ami)
A partir de là je n’ai plus arrêté. J’ai chopé le virus. L’épidémie est passée par là. Après, je ne faisais plus que ça en cours. Je dessinais. Il a fallu trouver des écoles pour assouvir ma soif de dessins et contenter mes parents sur mon avenir.
Est-ce qu’il y a eu d’autres rencontres artistiques ?
Ben oui. Au fur et à mesure de mes découvertes. Je suis de province. D’un tout petit village. Donc après je suis allé dans une ville un peu plus importante. Et puis, je me documentais. Chez mon grand oncle je voyais des bouquins, des classiques jusqu’aux impressionnistes. Ça s’arrêtait là, de part sa religion, après cela aurait été mal vu. Je voyais des belles choses et cela me faisait du bien. Après, je suis venu à Paris. A 17 ans. Une école de graphique en expression publicitaire. Il y avait toute l’académie. On avait une formation de graphiste-illustrateur. Donc accès à tous les musées. Un truc de dingue.
D’un coup là possibilité de se remplir de tout ça.
T’en prends plein la gueule. Peinture. Photo. Film. Musique. Dans tous les domaines. A 17 ans, quand tu arrives ici, de ton bled de 110 habitants.
Après, est-ce que c’est aussi la possibilité de découvrir des techniques ? D’avoir également des outils pour aller plus loin?
Oui. Et puis des moyens, des techniques. Tu regardes les choses différemment. Tu aiguise ton regard quand tu vas dans des musées, voir des expos. Tu t’enrichis. C’est important.
A un moment donné, est-ce que ton univers artistique s’est créé ? Au fur et à mesure, d’avoir une facilité pour certaines techniques, avec certains matériaux. De préférer la peinture au dessin.
Moi j’avais envie d’avoir ce talent là, que je n’ai jamais eu, de pouvoir utiliser toutes les matières. Je voyais tellement de truc, de gens qui travaillaient au couteau, à l’aquarelle, à l’encre, à l’acrylique. Même en photo. J’avais envie de tout manier et de pouvoir m’exprimer comme eux pouvaient le faire. Je voulais être tout le monde et avoir toutes ces techniques. Enfin j’avais envie de m’exprimer, que cela me plaise. J’ai essayé plein de trucs. Cela n’a pas été top. Mais cela t’apprend.
Au fils des années, il y a des outils, des supports qui te correspondent moins. J’ai travaillé longtemps à l’huile. Au bout d’un moment, je me suis rendu compte que c’était pas mon truc. Mais comme j’avais commencé comme ça, avec mon grand oncle. En fait cela ne me correspondait pas, cela m’était trop longtemps à sécher. Je travaillais par couche successive. Il fallait que j’attende une semaine, voire plus. Je devenais dingue. Puis j’ai découvert l’acrylique.
Ça permet de tâtonner, de tenter des choses.
C’est quoi une sanguine, un fusain. L’école était vachement importante. J’étais toujours avec mon collègue. Lui il était toujours au critérium. La prof de dessin est venue un jour, elle m’a donné son critérium, elle lui a filé mon 6b, dégueulasse. « Vous, vous allez bosser comme ça, pendant 2-3 mois, cela va vous faire du bien ». Fallait que je sois propre d’un coup. Et lui se trouvait avec un gros tas de merde alors qu’il était hyper minutieux. C’était marrant.
Cela venait bouleverser les choses qui commençaient à s’établir pour à un moment aller plus loin.
Essayer plein de techniques différentes. Cela te bouscule un peu.
Etant petit, tu as eu la surprise de vendre une toile. Mais à un moment, quand est-ce que la possibilité d’exposer est arrivée ? Est-ce que quelqu’un est venu te pousser à le faire ? On se pose plein de questions. Comment à un moment cela bascule ?
Bien sûr. Moi j’ai jamais arrêté. J’ai fait toutes ces écoles là. J’exposais en province pas mal. Et puis, j’ai fait de l’illustration dans la publicité. J’ai tout mélangé. Je ne savais plus. Quand je peignais, je faisais ce que je faisais au boulot. J’ai voulu tout arrêter à un moment.
En Champagne, il y a une association qui s’appelle Peintres en Champagne. J’ai rencontré des membres de cette association. Ils ont énormément aimé mon boulot. Enfin suffisamment pour me dire « Philippe, il faut arrêter le côté publicitaire parce que tu vas pas forcément être heureux ». Et puis, comment ils m’ont dit ça : « va falloir énormément de temps pour que tu puisse vivre, être reconnu et te faire plaisir dans l’illustration, dans ton métier que dans la peinture, dans ton truc à toi». « Laisse tomber l’illustration, de toute manière cela sera galère autant. Tu gagneras peut être un petit peu moins d’argent et encore c’est pas sûr. »
Ils m’ont dit de venir exposer à Chalon en Champagne. Il faisait des belles expositions avec des invités prestigieux. Eux ils m’ont foutu un coup de fouet. Et là j’ai tout arrêté. A côté, je faisais des boulots à la con, mais au moins quand je finissais ces boulots, je me m’étais à la peinture. Y’avait pas de quiproquo.
Cela ne mélangeait pas.
J’étais plus simili illustrato-peintro.
Comme quoi, c’est aussi la beauté de la vie à mon sens, mais c’est des rencontres qui font basculer, qui permettent de s’émanciper de certains carcans, de faire des choix en se disant que l’on est soutenu, encouragé.
Cela fait du bien. Tu m’étonnes.
Être propulsé dans un lieu où on avait pas imaginé être. Finalement de lancer une belle dynamique.
Cela motive. Cela flatte aussi. Tu ne connais pas ces gens là. Tu es allé voir leur expo. Ils viennent te voir. Tu es tout jeune. C’est évident que c’est un gros moteur.
Il ne faut pas décevoir.
Ah, non. Il faut y aller à donf.
Je les ai rajouté, c’est 3 petites questions. Si tu pouvais refaire dans ton parcours quelque chose différemment ou plus intensément, une occasion ratée ou un moment que tu aimerais savourer de nouveau, qu’est-ce que tu choisirais ?
On a tous plus ou moins envie mais on sait tous que cela ne sert à rien et que cela se reproduira toujours pareil. Là, avec le recul, je te dirais que j’aurais essayer de mieux travailler à l’école pour manier des langues, tout ça. Quand tu vas à l’étranger, quand tu discutes avec des gens de ta peinture, il y a parfois la barrière de la langue. Je ne parle même pas l’anglais.
C’est intéressant les langues. C’est aussi une ouverture vers l’autre.
J’ai fait le con la dessus. J’avais d’autre chose à faire que ça.
C’est des histoires de parcours. Moi par exemple j’ai vécu à l’étranger quand j’étais petit. En Espagne notamment. Y’a pas photo, je ne parlais pas espagnol avant d’arriver à Madrid. En repartant de là-bas, je n’étais pas dans les bons de ma classe, mais en France j’étais dans les bons à l’Université en espagnol. Parce que le niveau à Madrid était très fort, que j’étais immergé dans la langue, dans la culture. C’est sûr que cela a changé ma vie d’aller à l’étranger et d’être dans ce bain là. De voir des gens rires, parler, échanger dans plein de langues différentes. Etre fasciné par eux. De me dire que je n’y arriverai pas. De fils en aiguilles, on se rend compte qu’il y a des choses qui restent.
C’est une ouverture.
Vivre son adolescence à Madrid. Etre curieux, essayer de comprendre la culture. Après, se rendre compte, que l’on est pas si mauvais que ça. Cela permet d’aller vers l’autre, de continuer à être curieux. J’ai fait des études un peu dans tous les sens. Un Master de Français Langue Etrangère, pour comprendre mon parcours, comment et pourquoi il y a des gens qui ont envie d’apprendre le français, qui n’y connaissent rien, dont leur famille n’ont rien à voir avec cette langue. Comment ils arrivent à intégrer cette langue et cette culture. J’ai beaucoup d’amis espagnols qui sont venus travailler en France. Notamment parce que les conditions étaient favorables au niveau du travail. C’est assez magique. Dans ce cursus là, on devait choisir une langue nouvelle, pour se mettre nous même dans la place d’un apprenant. Dans la liste des langues possibles, il y en avait une qui m’a toujours attiré, c’était la Langue des Signes Française. J’en ai fait un an. Je me disais que la LSF était pas si éloigné que ça du français. Que cela vient de la même culture. Est-ce que cela est international ? En fait, c’est très culturel, très régional presque. La LSF ne se dise pas pareil que dans la langue des signes espagnole.
Il faut apprendre des signes…
Et il existe une langue des signes internationale. Entrer dans le monde du silence. Les cours étaient très calmes. On apprenait à ne pas parler entre les stagiaires car notre professeur était sourd et muet. C’était irrespectueux de notre part de nous mettre à discuter alors que lui n’allait pas comprendre. Cette langue qui est très imaginée. Il y a beaucoup de choses qui sont de faire avec les mains un personnage. De marcher, de s’asseoir. Beaucoup de choses sont très expressifs. Avec le visage, il faut donner l’émotion de ce que l’on dit. Je me revois dans certains cours, lorsque l’on disait que l’on était malheureux, il fallait que le visage soit marqué, il ne fallait pas avoir un grand sourire sur le visage. Il y a une forme de théâtralité qui est très forte. De me dire que la langue des signes même française était très éloignée de moi, de mon quotidien. Je me rendais compte de la distance encore à parcourir pour aussi intégrer les personnes sourdes et malentendantes, pour être vigilant à eux. Cela a été très fort.
Ils sont énormément coupés du monde.
Dans la vitesse des choses. Dans le temps que cela demande pour rentrer en contact. Des fois, quand nous n’avions pas le mot en LSF et que notre professeur lisait sur nos lèvres. Apprendre à dire les mots avec un rythme pour qu’il puisse lire nos lèvres. Plutôt que de parler sans réfléchir.
Etre dans l’instant, sans exagérer en plus.
Non il ne fallait pas forcer les traits.
(Pause)
On part dans l’autre sens. Si tu pouvais voir l’avenir, te voir dans quelques années, qu’est-ce que t’aimerais trouver ? Que tu n’es pas un vieux con par exemple ? Même si c’est un exercice encore une fois un peu compliqué.
1m90, beau, séduisant. J’en sais rien. J’aimerai pouvoir… on sera toujours un vieux con vis-à-vis de nos enfants, des jeunes. Le plus possible dans l’air du temps, dans le mouvement, même s’il y a toujours un fossé. Etre toujours présent. Pouvoir faire. Toujours agile, toujours dynamique. J’espère. Faudrait que j’arrêter de boire…
(Deux nouveaux cafés arrivent)
Sur la technique, voilà une série de questions. C’est celles que mon entourage m’a demandé de poser. Tu en as parlé tout à l’heure mais beaucoup se pose la question de l’enseignement artistique qu’a reçu la personne. Est-elle passée par telle ou telle grande école ? Je l’analyse par le fait que l’on a très bien découpé à une époque donnée le côté artistique des gens entre les peintres, ceux que l’on voyait, ceux qui étaient en galerie et puis les autres, ceux qui le font « pour le loisir ». Ce découpage semble légitimer le fait qu’une personne soit reconnue.
Ce n’est pas parce qu’il est passé par là ou pas. C’est parce qu’il raconte quelque chose aux gens en fait. Après il y a tous ceux qui n’ont rien à foutre là, mais on va pas parler d’eux. Sinon je pense qu’il y en a qui ont bossé et qui sont devenus connus parce qu’ils ont osé montrer et que cela a touché un bon nombre de personnes. Je pense pas qu’il faut absolument passer par des écoles. Même si je suis persuadé que quand tu veux en faire, comme la musique, que tu veux t’exprimer, plus tu as d’outils, plus cela est facile. Si tout petit on te donne 10 mots et que tu dois te débrouiller avec ça, cela va être beaucoup plus compliquer pour écrire un roman. Plus tu as d’outils, plus c’est facile pour s’exprimer.
Presque de s’en libérer, de faire des choix.
Tout est possible. Mais cela te facilite vachement. Cela t’ouvre encore plus. Certes c’est un peu académique au départ. Mais c’est énorme. En tout cas moi, je pense que c’est un bel outil. Sinon, tu t’astreins à ce que tu sais faire. Même si tu es hyper créatif, forcément à un moment tu vas être bloqué.
C’est aussi, comme pour les musiciens, cela se travaille.
La langue internationale par excellence.
La musique.
Enfin pas la langue, mais les notes sont l’écriture compréhensible par des chinois, des néo-zélandais, des belges. Tu joues avec la même partition. Et tu fais un trio formidable. On a jamais fait mieux.
Des fois, sans la note, par la rencontre, mais il faut arriver encore une fois à un niveau de maitrise important pour se permettre de comprendre l’autre.
Interpréter quelque chose en commun alors que les musiciens viennent d’endroits différents, c’est fascinant.
Cela vient parler à tout le monde. C’est la manière dont je conçois la musique. Cela crée un écho, une vibration. Comme l’art vient aussi créer cela avec l’intérieur, avec le cœur, avec la tête. La musique, je vis cela dans certains concert, vient faire vibrer le corps. Il y a des musiques qui me font pleurer.
Suivant ton état, tu mets une musique qui va justement te faire t’émouvoir. Je sais puisque je le fais. A une certaine période, je mettais de la musique pour verser ma larme.
Lorsque tu peins, est-ce que tu aimes utiliser des matériaux différents ? Je me souviens de l’exposition sur les ardoises notamment. Ce qui m’avait plus c’était les deux faces de ces ardoises, comment d’un simple geste, l’œuvre change. Est-ce que cela te permet de montrer plus que sur une toile ? Dans ta dernière exposition, il y avait les tableaux reliés par des fils ou les gugusses suspendus en l’air. Il y a les œuvres dans la rue qui, j’imagine, sont sur du papier kraft. Est-ce que au niveau de la peinture, c’est la même technique que tu utilises ?
Toujours la même technique. Sauf que je vais moins approfondir ce qui se trouve dans la rue. Parce que c’est un gros boulot. J’y passerai trop de temps. Il faut que j’en fasse beaucoup pour avoir énormément de choix quand je me balade. Il faut que cela aille vite. Souvent il y a des erreurs anatomiques d’ailleurs, mais peu importe.
Après les dimensions ? Le choix de l’emplacement dans la rue ? Le collage ? Est-ce que c’était des choses compliquées ? C’est une technique qui permet d’œuvrer rapidement, suivant la taille du collage bien sûr. Par rapport à dessiner à la bombe ou avec des feutres, cela prend moins de temps. Est-ce que cela te permet de pouvoir t’adapter aux lieux ?
En fait, je n’arrive pas à travailler avec les autres. Je vais pas me mettre dans la rue avec mes pinceaux et tout ça. De toute manière, je sais que cela va être raté parce que je vais avoir un public. Je suis pas une rock star.
Donc voilà pourquoi tu crées dans ton atelier.
Même si je vais vite ou quoi. Je suis tranquille. Je fais mon truc.
Est-ce que tu crées plein de personnes et en fonction de tes balades tu te dis que tu vas le coller ici ou là ? Est-ce que des fois c’est arriver que ce soit l’emplacement qui te fasse dire « là il faut que je fasse un truc » ?
Oui. Quand je me balade avec mes centaines de collages, divers et variés, des fois je vois un mur et je me dis qu’il faut que je fasse quelque chose spécialement là. J’apprécie les belles dimensions, accessibles avec mon échelle. A certains endroits, je veux faire un truc spécial. Souvent dans le même sujet. Ou alors j’ai rien qui pourrait être dans la dimension sur moi et je reviens à l’atelier.
L’atelier te permet aussi, de ce que l’on voyait tout à l’heure en y passant, de créer directement sur le mur, dans des dimensions spécifiques.
Je remplis. Quand c’est des grandes œuvres, je fais des baies que je colle entre-elles. Cela fait tout le mur. Je dessine. Je découpe. Je fais dérouler. Je ne peux pas voir ce que cela donne à la fin, en grand. Je vais coller et c’est là que je vois ce que cela donne. Il y a un côté frustrant. Un côté « est-ce que cela va concorder ? ». Après c’est la surprise. Moi-même je découvre. Un amas de bouée.
Pas mal d’artiste n’ont pas d’atelier. Cela te permet d’expérimenter, d’être au calme comme tu le disais.
Avant je peignais là haut, chez moi, parce que l’on avait pas les enfants. Mais c’est pas pareil. Avoir un lieu dédié à ça, où tu n’es pas obligé de ranger. En même temps quand j’étais chez moi je ne rangeais pas.
C’est vrai qu’après c’est une ambiance particulière. Pour en revenir à ma marraine, qui habite à Avignon, il y a un atelier chez elle. Cela reste un souvenir très curieux, d’aller dans l’atelier, de voir ce qui s’y passait.
C’est un univers.
Et des odeurs, et une lumière. A des moments, d’avoir le droit de toucher à certaines choses. A d’autres de se faire disputer si on touchait un truc que l’on ne devait pas. D’être modèle. Un moment privilégié parce qu’elle n’acceptait pas trop qu’il y ait une tierce personne. Poser et voir l’œuvre évoluée. Prendre le temps et la pose. C’est un exercice.
Te voir naitre.
Voir ce que l’autre montre de toi.
Fais de toi.
Est-ce que c’est toi ? Comment l’autre te voir ? Plein de questions. Quand elle fait les têtes de terre, notamment mes parents ou moi, certaines personnes de notre entourage ne nous reconnaissent pas. J’aime beaucoup la manière dont elle le dit, elle s’arrête à partir du moment où elle nous voit, où elle se dit que c’est nous. C’est pas un portrait. C’est pas un développement réel de la photo en 3D. Il y a des gens qui ne nous reconnaissent pas, où ne se voient pas dans ce qu’elle a créé d’eux. Pourtant c’est un détail, il y a le regard, une forme particulière.
C’est pas un portrait justement.
Ce qui est recherché c’est l’émotion que cela provoque aussi.
Est-ce que, sur une création que tu as faite dans la rue ou au moment de coller, il y a eu des rencontres sympathiques ? Quel est l’accueil des gens ? Est-ce qu’il y a eu des retours que tu as entendus concernant l’une de tes œuvres ?
Y’en a plein. Mais j’ai aussi des moments pas bien du tout. Une fois, une petite vieille qui passait. Elle me dit « vous vous rendez compte le temps que cela va prendre pour enlever vos trucs ». Non je ne m’en étais pas rendu compte en fait. C’est vrai. On entame la conversation. Elle est restée 2h avec moi, à discuter pendant que je collais. Elle devait se faire chier. Elle passait faire ses courses et elle trouvait inadmissible de salir les murs. En même temps elle s’en fout complètement. Elle a juste envie de partager quelque chose avec quelqu’un. Tu réponds et elle est repartie pour ¼ d’heure. Cela lui fait du bien. Quand elle voit le boulot fini, elle est contente et satisfaite. Elle te remercie, alors tu sais pas si c’est parce que tu as passé deux heures avec elle à l’écouter ou si c’est pour le truc. C’est pas grand-chose mais c’est marrant.
Cela vient provoquer un dialogue.
Ce n’est pas tout le temps. Il y a ça aussi.
C’est vrai, c’est ce que je me dis, dans l’art de rue, cela vient provoquer dans son environnement, dans ce que l’on a plus l’habitude de regarder, on va à sa station de métro, on rentre chez soi, on va à la superette, on a ses trajectoires bien définies, où l’on ne vois plus. Ces œuvres viennent changer le quotidien.
Dans l’inverse, il y a des gens qui viennent te voir. Notamment rue des cascades. Ils me disent « tous les jours je passe pour rentrer chez moi devant vos trucs, c’est complètement anxiogène, c’est insupportable ». C’est vrai que tu obliges, tu ne demandes pas aux gens. Tu imposes quelque chose. Je comprends ça aussi. Je suis désolé, je ne veux pas faire de mal. Mais bon, elle était plutôt très très conne puisqu’elle m’a dit des choses bien pires.
Cela impose dans l’espace public. Dans une anecdote, Jace et Seth faisait une œuvre dans le 13ème, dans le cadre du festival Lézart de la Bièvre. Ils ont repeint sur un des murs où il avait fait quelque chose. Ils étaient en train de recouvrir l’œuvre. Une dame arrive. « Ah non c’est pas possible, c’était mon rayon de soleil ». Elle avait pas du tout comme info que c’était les mêmes artistes qui étaient en train de défaire pour refaire autre chose. Elle était en larme. « Vous vous rendez compte de ce que vous faites ». Elle était désespérée. Ils n’ont même pas osé dire que c’était eux, ce qu’ils faisaient. Elle est revenue dans l’après-midi, parce que je pense qu’elle avait un peu les boules, et elle s’est rendu compte que c’était les mêmes, qu’ils provoquaient autre chose. Elle a dit « j’avais pas compris ». Elle avait les artistes devant elle. Elle ne les connaissait pas, elle ne les avait jamais vu. Elle était ravie, elle les a remercié. Elle s’était vraiment attachée à l’œuvre. Cela peut être dans les deux sens.
Lorsque les gars de la ville passe, parfois ils se font engueuler par les gens. Je l’ai vu, le mec se faire incendier. C’est génial. Le mec de dire « mais moi, on me demande de faire ça, je le fais ».
Comme quoi cela fait partie du paysage sur les gens.
Pour avancer et parler des collaborations. Est-ce que cela t’arrive de t’amuser dans la rue avec des œuvres qui existent déjà et provoquer un dialogue avec un de tes gugusses ? Dans une autre idée, je me souviens de l’exposition vis-à-vis au Cabinet d’Amateur. Le jeu était de se mettre avec un autre artiste. Tu viens de dire que quand tu crées, tu aimes bien le faire seul. Est-ce que ce jeu là te plait ?
J’adore.
Est-ce que tu aimerais collaborer avec certains artistes ou est-ce que l’on vient te chercher ?
Cela se fait au détour des rencontres. Tu sais, j’ai rencontré les gens au Cabinet d’Amateur. Cela s’est fait par hasard, au grès des gens que je découvrais petit à petit. Collaborer c’est top. C’est intéressant. C’est pareil, cela t’oblige à te mettre en danger.
Cela décale les habitudes.
Qu’est-ce que va faire l’autre ? c’est un peu comme le cadavre exquis. L’expo « vis-à-vis » c’était un peu ça. Soit c’est moi qui commençais et l’autre suivait et je voyais ce qui se passait. Soit c’était l’inverse. Je trouve cela génial. Et même après dans la rue avec Ender. On s’amuse bien ensemble. Il fait son truc, je fais à côté. On s’est pas ce que cela va donner.
Est-ce que provoquer avec d’autres arts comme l’écriture, la photo, cela t’intéresserait ?
Oui j’aimerais bien. J’ai déjà fait d’autres trucs. Des clips. Avec un ami un générique d’émission. Et là, c’est image par image. J’aimerais bien illustrer une histoire. En fait, mieux que ça, faire une exposition histoire, où tu rentres quelque part et tu as l’histoire, l’image en grand. Au fur et à mesure de ton parcours, tu suives l’histoire. Soit sur toiles, soit en photos. Soit projeté. Employé différents matériaux.
J’aimerais bien avoir le temps de faire tous ces projets là. Comme vouloir faire une expo, où tout peut être manipulé par les gens. Comme les ardoises qui se retournent. J’aimerais bien que tu puisse prendre une à un endroit et là mettre à un autre bout. Construire des trucs comme ça.
Dans tes œuvres, c’est l’une des choses qui m’interpelle le plus. J’aime écrire. Ce matin en venant je me disais que j’aimerais bien écrire sur ton univers, où raconter une histoire. Je me disais que cela pouvait être beau. Pas forcément que moi je le fasse. Mais en tout cas écrire l’histoire de tes œuvres. Cela me plairait effectivement de voir une expo avec du texte. C’est une excellente idée. Je voyais aussi, un peu à la Royal De Luxe, un livre gigantesque, où à chaque page il y a un personnage qui sort. Un livre pop-up. Cela serait percutant avec ton univers. Cela emmènerait au delà.
C’est une question que j’ai posé à tous les artistes, dans mon rôle de passeur, c’est si par l’intermédiaire de cette interview tu pouvais poser une question à un ou plusieurs artistes de Street art qu’est-ce que tu poserais comme question ?
Non. Arrêtez de faire vos conneries sur les murs, laissez moi les.
Est-ce que je pourrais avoir toute la place ?
Non, justement je n’ai pas envie d’avoir toute la place. Faites des belles choses, allez-y.
Il reste deux parties. Passons à celle intitulée, niveau financier. Les gens se posent la question sur le fait de vivre de son art. Tu disais qu’à un moment tu as fait des petits boulots. Est-ce qu’aujourd’hui cela s’équilibre ? Est-ce que c’est compliqué ?
J’ai toujours fait des petits boulots sauf que, aujourd’hui, je me suis spécialisé dans les chantiers. Je refais des apparts. Mais de moins en moins. J’aimerais dans l’absolu ne plus en faire du tout. Enfin, on ne sait jamais ce qui peut se passer dans 2 ou 3 ans. Il vaut mieux avoir toujours un pied dedans, garder une certaine clientèle.
C’est un bon équilibre à trouver.
Dans les expos. On se pose la question dans quel sens cela marche ? Est-ce que tu cherches des lieux où exposer ou globalement des galeristes viennent te chercher ? En tout cas, on est dans des dimensions différentes. Quand on est dans le cabinet d’amateur qui est plus petit, quand on est dans la galerie Joel Knafo là il y a de l’espace. Cela permet de proposer des choses différentes.
C’est indispensable pour montrer un travail, pour le mettre en situation, créer un univers. Ce que j’ai fait au Cabinet d’amateur et chez Joel Knafo. C’est hyper important. Comme je te disais, avant de venir dans la rue, j’étais en galerie. Même si j’ai eu une grande interruption de 2009 à 2014, j’ai fait mon retour en galerie chez Patrick en 2014. J’avais toujours un peu de collectionneurs qui venaient. Même si j’étais moins présent.
Cela permet de créer une histoire dans un lieu.
Et puis de montrer un travail. C’est comme un cadre.
Est-ce que cela permet la rencontre avec le public et les collectionneurs ?
Aussi.
C’est une interface.
Oui. En tout cas pour moi c’est indispensable. Je peux vraiment créer. Dans la mise en place. Cela enrichit ton univers. Tu peux vraiment découvrir pleinement des gens, tranquillement.
Je sais que l’on s’était croisé au Cabinet d’amateur. Est-ce que c’est important d’être là, pas seulement au vernissage ou finissage de l’expo, mais d’être présent pour rencontrer le public ?
De savoir que j’ai tous mes bébés quelque part exposés et qu’il y a des gens qui vont venir, si je suis pas à côté je deviens dingue. Même si je fais rien. Après, quand on parle, on ressasse un petit peu les mêmes choses. C’est bien d’être là, de présenter un minimum son travail, d’avoir un ressenti. C’est très peu de temps dans l’année, finalement les expos on en fait pas tant que ça. Donc le côté relationnel m’intéresse, c’est pas mondain. Après y’a des soirs, comme les vernissages ou quand il y a beaucoup de monde, c’est un peu chiant. Mais bon c’est une seule soirée. Un peu chiant d’être le clou de la soirée.
Le cœur, les attentions sont toutes sur toi.
Ça c’est un peu pénible. Mais sinon c’est important. Ce lien avec le public. Cela ne dure pas longtemps.
J’ai pris l’habitude, je ne sais pas si elle est bonne ou pas, de ne pas venir au vernissage. Il y a une telle effervescence, une telle énergie, une telle sollicitation de l’artiste que…
Tu vois tout le monde et tu ne vois personne.
Voilà. Je ne m’y retrouve pas. Cela m’est arrivé à des moments de partir dans l’autre sens. Tu ne peux pas prendre en photo les œuvres. Cela se bouscule. Tu es dans une discussion avec des artistes et puis on t’interrompt. On ne peut pas être là, autour d’un café, à prendre le temps de se rencontrer.
Je sais même pas si, dans un vernissage, j’ai fini une discussion avec quelqu’un. Même ma mère qui était là, qui ne vient jamais, cela faisait des décennies, je sais même pas si j’ai discuté avec elle.
Y’a tout le monde qui veut s’arracher un petit bout de l’artiste.
Ben oui. Tu vois quelqu’un rentrer, tu veux le saluer. Tu ne sais pas si tu vas le revoir, s’il va rester longtemps. Pour le remercier. C’est ta soirée mondaine.
Sur internet et l’utilisation de ce média, vecteur de ce qui est montré dans la rue, est-ce que cela participe à faire connaître ce que tu fais ? Il y a pas mal de photographes amateurs qui publient, qui vont à la recherche, qui vont tel des détectives sur les traces des œuvres. Tu n’es pas forcément sur Facebook. Est-ce que c’est un média sur lequel tu n’es pas à l’aise ?
Je serai pas à l’aise. Je pense pas. Après, c’est indéniable que cela participe énormément à la diffusion. Internet c’est incroyable. C’est bien. C’est impressionnant.
Quand on te tient au courant, quand tu vois certains articles ou photos prises de tes œuvres, est-ce tu surveilles ce qui tourne sur toi? Est-ce que tu jettes un œil pour voir ce que l’on dit ?
Dans ce que je suis au courant oui. Après, il y a tout ce dont je ne suis pas au courant. Sur Facebook, des fois j’apprends par les autres. Mais c’est bien en même temps parce que c’est les autres qui font le lien. C’est toujours un peu la surprise de voir ce que l’on dit de moi.
Un jour j’étais en train de coller, y’a un mec qui est passé. Il m’a dit « je vous ai vu dans Manière de voir, magazine du monde ». Il est parti et il est revenu avec. J’étais dans plein d’endroit. Je savais pas du tout. Enfin, on ne parle pas de moi tous les jours non plus. Mais bon, c’est intéressant de voir ce que l’on dit, ce que l’on montre.
C’est une série de questions. Si tu avais un morceau de musique ou un groupe à me conseiller?
Il y en a tellement. C’est par période. Là j’ai écouté beaucoup, Archive – Controlling crowd. J’ai écouté pas mal le CD des Innocents. Y’en à tellement. Dans l’absolu, j’aimerai bien jouer l’intégrale des nocturnes de Chopin. Mais ça va être un peu compliqué. Le jazz aussi. J’adore Baschung. J’ai une playlist qui fait je sais pas combien. Je mets tout en aléatoire. J’aime bien ce qui est mélancolique, dramatique. Biolay aussi. Un univers glauque et romantique à la fois.
Ecorché. Avec une dimension poétique.
Je crois que je suis un romantique.
Si tu avais un bar où prendre un verre ou un restaurant où manger ? Ici (rue de la Mare)
Y’en a partout. Je vais faire de la pub. Au 21 rue du Transvaal. Chez Nasser.
Si tu avais un message, un coup de cœur un coup de gueule, une dédicace à passer?
Cela serait bien que plutôt que de foutre un mec qui n’a rien à dire comme Jeff Koons à Beaubourg de mettre un mec comme Jean Rustin ou des gens comme ça, qui ont fait beaucoup plus et qui resteront dans l’histoire de l’art. Plutôt que de ces financiers que l’on nous fait passer pour des artistes. De mettre des vrais artistes où il faut qu’il soit. Rien que d’en parler ça me hérisse. Cela serait plutôt intéressant de mettre des gens de qualité.
S’il y avait un voyage à faire, une destination où aller ?
Et bien écoutes, j’ai un projet pour la Norvège. Je t’en parlerai plus tard. J’irais bien dans le nord. Le problème c’est que je veux plus prendre l’avion. Donc cela devient compliqué. Alors là-bas, je peux y aller en traineau. Je vais essayer d’aller dans le nord, j’aimerai bien. Après le Nord cela commence en Belgique. Je vais aller y faire des collages. Je suis pas très voyage.
Et enfin, si tu me posais une question pour laquelle tu étais assuré que je te donne une réponse et que je te dise la vérité, tu me demanderais quoi ? C’est le jeu inversé, de l’intervieweur interviewé.
Je sais pas. On t’a souvent répondu à ça.
Oui. Toujours. Et même la dernière fois, on m’a demandé plusieurs choses. Après cela peut venir… ou pas.
(Pause)
Je ne vais pas te poser de question. Mais par contre toi tu vas me faire une dédicace. Moi j’ai répondu à tes questions alors que c’est pas mon fort. En général je ne parle pas beaucoup.
D’accord.
Je ne vais pas te poser une question dans une semaine.
Est-ce que je peux avoir un peu de temps pour te faire cela ? C’est une belle colle.
Oui. (Il commence ma dédicace)
Donc ma question est un défi.
Une dédicace. Entre dessin et écrit.