Interview du Baron

Depuis quelques semaines, nous nous tournons autour, tantôt là, tantôt ici. lorsqu’il est de passage sur Paris, une fois par mois environ, son temps est précieux. Encore faut il être libre au bon moment, ou ne pas être malade (j’avais du annulé pour cause de grippe en février). Faire coïncider les agendas est parfois complexe, mais dans mon fort intérieur je savais que cette rencontre aurait lieu.

Finalement, en prenant des nouvelles l’un de l’autre, il me dit être présent à l’anniversaire d’Epsylon point au Lavomatik le 10 mars. Je suis disponible. Je me rendrai disponible. Tellement envie de découvrir qui se cache derrière ce pseudo, cet ami Facebook, ce barbu aux yeux rieur et sérieux. Car oui, je l’avais déjà rencontré au Lavomatik (lieu au combien important, vous le découvrirez plus loin). Nous avions pu mettre un visage sur un nom, une voix avec ce visage et prendre également l’engagement de faire une interview ensemble.

Nous nous donnons rencard à l’Indiana café, avenue de France, 17h45. Cela nous permet de ne pas être trop loin du LavoMatik, où il doit retourner après. A ses côtés, sa femme, Angélique. J’espère secrètement qu’elle m’aidera pour qu’il se raconte, pour découvrir des choses inédites. Même si, d’après ce qu’il m’a dit, il lui en faut peu pour parler pendant des heures. A voir combien de temps durera notre rencontre.

J’enchaine après ma journée de travail celle de Street Art. Mais quel bonheur que de renouer avec cette activité, que de devenir le pont entre un artiste et ma famille, mes ami(e)s et les lecteurs de mon site. Je suis ravi de reprendre cet chemin avec Le Baron, j’ai le sentiment, quelqu’un de bien en face de moi.


L’interview est un échange. Donc tout peut s’envisager. Rectifier, enlever, si cela ne va pas. Il y a une trame commune pour avoir le même sens de lecture. Après on peut sortir de ça, imaginer d’autres questions.

Angélique : Ne l’incite pas dans ses conneries.

Tu nous rappelleras à l’ordre. Tu nous dis quand on doit passer à autre chose. L’idée est que cela corresponde à ce que tu aies envie de dire, des choses que tu n’as jamais partagées.

Pas de souci. De toute façon je vais avoir une claque à chaque fois que je dis une connerie.

A : C’est pour ça que je suis venue.

Pour surveiller ?

A : j’ai été payé par des gens.

Pour qu’il dise certaines choses

A : Et pas d’autres, surtout.

Moi je dis rien.

A : Ah ben ça va être compliqué si tu parles pas

Après, il faut que l’on se dise combien de temps nous prenons. Il y a des festivités au LavoMatik qui nous attendent.

On dit combien : une heure ?

A : Tu vas réussir à faire en une heure ?

Ça va être un défi. Une p’tite heure. Après on n’a pas de problème.

Il y a eu parfois des questions auxquelles on m’a répondu vraiment et d’autres auxquelles on me donnait pas la vérité mais c’était deux fois plus drôle. Donc sache que tu peux aussi te laisser aller à dire ou non les choses.

Pseudo : Le Baron

Il y a eu un problème avec le livre (pour Epsy) parce qu’ils ont pris les pseudos sur Facebook. Il y en a beaucoup qui n’ont pas leur vrai pseudo ou il a été arrangé.

Age : 35 ans

Je me suis rendu compte que je connaissais peu ce que tu faisais. J’en ai vu au LavoMatik ou sur Facebook. Je me suis posé la question à savoir s’il m’était arrivé de trouver une de tes œuvres dans la rue et de l’avoir en photo. A quand remontes donc la première fois sur un mur ? Est-ce lié à un souvenir ? Est-ce il y a des années ?

L’histoire c’est qu’avant je n’étais pas dans l’art. Je dessinais, je faisais quelques petites peintures. Mais comme ça, pour les amis et autres. Le problème c’est que l’on ne m’a pas incité à continuer plus. Puis après j’ai trouvé un travail, alimentaire, et j’ai tout abandonné. Mes parents m’ont toujours dit quand étant artiste je ne gagnerai pas ma vie.

Ce n’est pas la voie rêvée pour les parents

Il y a beaucoup de préjugés. D’ailleurs, ils m’ont empêché de faire les beaux arts. Pour eux, c’était devenir médecin ou travailler à la SNCF. Et encore maintenant, c’est comme ça. Pour te dire. J’ai tout arrêté, j’ai tout abandonné. On m’a dégouté de l’art.

J’ai eu un accident au travail. Ils m’ont bousillé le dos. Ils m’ont pas reclassé. Ils m’ont jeté comme ça. Je me suis remis petit à petit à faire de la peinture, du pochoir et à reprendre une bombe dans la main. Reprendre mes premières amours et me relancer. J’ai créée une petite entreprise, toute bête, où je faisais des têtes de Mickey sur des chaises, où des Charlotte aux fraises pour les petites filles. Faire, suivant la demande du client, des portraits.

A force, à côté, on m’a incité à monter plus haut et on m’a dit « faut te lancer à Paris, te faire connaître pour réussir en tant qu’artiste». Donc c’était ça ou profiter du chômage, du RSA. Mais bon, c’est pas un travail, c’est pas ça qui fait vivre les enfants. On a quand même 4 enfants donc faut bien les nourrir. On a des factures.

Oui, cette réalité là.

Donc c’est comme cela que je suis apparu au Lavo. Quand je me suis lancé sur mon Facebook, j’ai été contacté par Nathalie pour le livre pour Epsy. A partir de là, dès que j’ai eu mon nom sur le projet, j ai commencé à avoir des contacts dans le milieu.

Mais avant, au tout début, est-ce qu’il y a eu des expériences ou des moments ?

Cela a débuté petit. Je prenais le journal Minutes, celui de mon grand père. Je sais pas si tu connais un peu ce journal politique. Et je m’amusais à reproduire les caricatures. C’est pour ça que j’ai voulu faire les beaux arts. Et comme on m’a interdit de le faire, cela a tout arrêté. Cela m’a dégouté. J’ai repris il y a quelques années puis je me suis lancé à 100% dans l’art.

Et cette reprise là, ces premiers moments où tu as repris…

Ça a été compliqué

Il faut ré-apprivoiser

C’était dur. Heureusement ma femme m’a poussé à aller plus haut. Parce qu’on arrivait à un moment où j’avais pas mal de problème avec le boulot. Un licenciement. Des problèmes personnels et ainsi de suite. J’étais en black-out. Je me cherchais. J’ai essayé de faire pas mal de chose. Je suis électricien de formation. J’ai tenté de créer ma boite mais je ne pouvais plus avec mon dos. Puis y’a un moment où c’était pas génial.

A : C’était thérapeutique au départ.

Reprendre gout à quelque chose, qui est là, qui a toujours été là.

Oui mais on m’a empêché de le sortir.

A : Tu sortais ça aussi par la guitare.

C’est pour ça que je me suis mis à la guitare il y a une dizaine d’année. Pour faire quelque chose d’artistique. Parce que j’étais obligé de sortir quelque chose, sinon j’explosais.

Je suis pas sûr de t’avoir vu sauf au LavoMatik. Est-ce que cela t’arrive de créer spécialement pour la rue ? Vous venez de temps en temps sur Paris. Est-ce que tu crées où vous êtes, dans votre région ?

Chez nous c’est compliqué, ils ont une politique concernant le Street art qu’ils considèrent comme une pollution visuelle. Il y a plus de facilité sur Paris de pouvoir le faire sur le mur, d’en mettre partout. Dans le 13ème en plus, le maire est pro-street art. Y’a quand même plus de possibilités de faire même si je sais bien que ça reste illégal et que certains street artiste ou graffeur ont déjà eu de gros problèmes. Il y a des galeries partout. Chez nous, non. Tu viens chez nous, les murs ils sont peints d’origine. Il y a rien. Parce que les gens ont des images, du p’tit jeune avec la casquette retournée qui écrit n’importe quoi, genre « nique la police ». Les gens sont restés bloqués sur ça.

Réellement, tu vas dans la rue, tu sors une bombe, les flics ils débarquent derrière toi. C’est impressionnant. On n’a rien. Un petit peu à Lille. Mais c’est défait rapidement parfois même le jour même. C’est pas accepté. C’est assez compliqué de faire quelque chose. C’est pour ça que je travaille beaucoup dans mon atelier. Je fais pas du vandale ou très peu. Je préfère les murs légaux.

Ce qui fait que venir à Paris, c’est aussi pouvoir t’exprimer, pouvoir faire, pour montrer.

Et puis, il y plus de projets. Chez nous, on va te demander ton métier. Tu vas dire « je suis artiste peintre en street art ». Déjà street art les gens, ils savent pas ce que s’est. Tu leur expliques que ça vient de la rue et ainsi de suite. Ça tilte pas. Tout de suite on va dire que c’est un graffiti. Ben non, c’est pas ça.

C’est très vite stigmatisé comme un truc qui vient dégrader.

C’est vraiment ça. C’est impressionnant. Et c’est dommage. Je précise que j habite dans le pas de calais à environ 1h de Lille

Ce dont je me rends compte finalement, à l’étranger des fois encore plus qu’en France, des gens ont su mettre en avant le Street art. Il y a un potentiel de dingue. Des villes qui ont su donner vie à des quartiers grâce à cela. Tu te dis, cela fait partie du décor. Il y a ces murs qui sont peints, hyper colorés. Alors que là, en France, il y a des murs à plus savoir quoi en faire. On commence petit à petit à les investir. Des endroits où c’est autorisé ou accepté. On voit ensuite des choses superbes, d’une belle qualité, qui font parfois la fierté des lieux où c’est.

Et puis, en plus, ce ne sont pas que des grands noms. T’as des artistes qui sortent de nulle part et qui font des choses magnifiques par rapport à d’autres.

Le Street art n’est pas trop accepté chez nous. Après on va dire, c’est aujourd’hui. Peut être que dans 3 – 4 ans, cela sera accepté, on invitera tout le monde à faire des festivals pour montrer aux enfants, pour donner envie.

C’est un mouvement qui s’étend. Peut être qu’il y aura une possibilité à terme pour que tout le monde en profite. Je pense aussi que cela inspire.

Puis nous, on a déjà la relève à la maison. Sa fille, elle prend une bombe. Elle commence à s’amuser avec. Chaque fois, elle vient dans mon atelier et elle me demande pour prendre une bombe.

A : En plus, il est en face de sa chambre donc c’est facile.

Et elle a 7 ans. Je me dit que quand elle aura une vingtaine d’années.

A : Elle veut être styliste.

Oui elle veut être styliste. Mais c’est la relève.

Et en même temps, on peut en faire des choses sur des vêtements.

Faut donner envie à tout le monde.

C’est une question qui n’est pas simple. Comment tu te définirais ? Est-ce qu’il y a des mots particuliers, artiste ?

Je ne me considère pas comme un artiste. Je suis toujours persuadé que mon tableau est le plus moche de tous. C’est vrai, même au LavoMatik. Même si cela plait, j’ai toujours l’impression d’être le plus bas. Si je me définis comme un artiste, j’ai l’impression d’être prétentieux. Dali c’est un artiste, Picasso, dans le Street art Jef aerosol, Artiste Ouvrier et bien d’autres. Je me considère pas comme un artiste, sachant que en plus j’ai pas la bouteille. Cela ne fait pas 12 ans que je travaille dedans.

Donc tu es dans la cour des petits. Et ça peut être sympa.

C’est ça. Mais cela ne m’empêche pas d’évoluer pour aller dans la cour des grands. Ça donne envie d’y monter. Je suis même gêné quand les gens viennent me voir, me disent « wow, c’est beau, c’est bien ce que tu fais ». Je sais pas quoi répondre. Je l’ai fait avec mes tripes, avec mes couilles.

Tu es presque étonné, surpris des retours que te font les gens. C’est intéressant. Je ne fais pas de la psychologie de comptoir, mais de ton parcours, de tes brisures par rapport à l’art, cela fait qu’à un moment tu as du mal à montrer, à entendre les remarques positives.

Si je me considère comme un grand, je ne pourrais plus monter, je ne pourrais pas me perfectionner. Je me contenterais de ce que je fais. Et là, ça ne plait plus à personne. Et est-ce que cela te plait toi même ? Tu dois t’ennuyer, tu dois en avoir marre, tu dois arrêter. Tu peux pas. Donc pour l’instant, je ne me considère pas comme artiste. Ou débutant on va dire. En apprentissage.

Cela ne sert pas à grand chose de mettre les gens dans des cases mais est-ce qu’il y a des mots qui te qualifieraient ? Moi à un moment, je marquais rock, révolté, anarchiste.

J’ai beaucoup de coups de gueule, dénoncer des injustices, des choses que j’ai vécues aussi. Depuis tout petit, des choses que je ne trouvais pas normal. Je ne pars pas sur la politique, cela ne sert à rien. Tu peux en faire des centaines et des centaines de tableaux sur ça. Mais c’est vraiment ce que j’ai vécu, ce que j’ai ressenti. C’est mes tripes.

A : tu as beaucoup d’influences littéraires.

Oui. Y’a beaucoup de phrases qui me ressemblent. J’essaie aussi de coller les phrases par rapport aux dessins que je fais.

A : Soit les tiennes, soit celles des autres.

De venir renforcer l’image par le texte et inversement.

Faire un ensemble qui soit cohérent, qui me ressemble. Faire que les gens qui connaissent comprennent. Ce que j’ai fait, c’est Le Baron.

A : Comme tu as mis sur ta page, t’es un peu poète, un peu grande gueule. C’est tout à fait ça.

J’essaie de dénoncer mais en partant de ce que je l’ai vécu. Je sais de quoi je parle, ce qui s’est passé, ce que je me suis pris en pleine face. C’est pas des on-dit, c’est mon vécu, mon ressenti. C’est ce que j’essaie d’exprimer sur mes tableaux. C’est, comme on le disait, thérapeutique.

A : Pour lui donner un adjectif, ce serait écorché. C’est exactement ça.

Pour beaucoup de choses.

A : C’est ce côté là qui ressort, même à travers ce qu’il fait.

J’en fais un atout. Je m’en sors. Au début ce n’était pas ça. J’étais plus bas que terre. Ce que je m’en suis pris depuis tout petit. Car cela a commencé tôt. Voilà, c’est ma thérapie.

Ma couleur c’est le noir. Y’aura toujours du noir, derrière. Tu ne me verras pas avec d’autres couleurs. C’est du noir, c’est du sombre, gris foncé. C’est ce que j’aime. C’est moi.

Dans l’idée, ce qui doit te surprendre lorsque les gens te parlent de tes œuvres c’est que finalement, comme elles sont très intimes, inspirées de tes tripes, de ta vie, c’est que cela créé un écho avec eux. Malgré tout ce que tu as donné de toi sur les toiles, cela résonne aussi chez les gens, dans leur vie, en dehors de ton œuvre.

Ils ont peut être vécu la même chose que moi. Ils comprennent. J’aime bien joué aussi avec les phrases. J’aime bien les connotations, que cela ait un double sens. Pour faire réfléchir les gens. Parce que, à travers ton tableau, les gens cherchent une histoire qui leur correspond. C’est ça qui est marrant. Quand je leur explique ce que je voulais dire, les gens comprennent tout de suite. Pas besoin de plus.

Ils se sont inventés quelque chose. Ils ont projeté des choses à l’intérieur, un peu de leur propre histoire, de leur envie. Après dans les parts d’ombre, en utilisant des couleurs sombres, tu projettes un mystère, un endroit où inventer des choses. C’est agréable. Tout n’est pas dit. On peut aussi rentrer par différents biais, par la phrase, par l’image, par les 2. Cela peut permettre d’apprécier différemment tes œuvres.

Dans ce que tu produis, comment tu définirais ce que tu fais ? Je jette du noir sur un truc, je mets du gris à côté…

Quand je travaille, soit je pars sur une phrase et ensuite je vais sortir le dessin qui va avec, soit je suis sur le dessin et je trouve la phrase qui correspond à ce que je pense.

Ce lien entre la création poétique et la création artistique se mêlent toujours. C’est une envie pour toi qu’il y ait toujours les 2. Cela est peut être arrivé qu’il y ait que l’image ou le texte.

Oui, c’est déjà arrivé mais cela me fait bizarre.

A : tu n’aimes pas trop.

Je le trouve plat le tableau. Il manque quelque chose. Il y a des gens qui aiment bien ce que je fais sans la phrase, mais pour moi cela me fait bizarre. Il manque quelque chose. Je cogite. Je cogite. On peut me dire que c’est bien, que tout le monde aime bien.

A : Après, si c’est dans l’article, je suis maltraitée. Je reçois des tableaux sur la tête. Tout le monde est au courant.

Et tu lui dis des fois d’arrêter de chercher la phrase ?

A : Non, c’est quand je dis que c’est bien et que lui trouve que c’est pas bien.

Je suis très perfectionniste. Cela me joue des tours. Quand Angélique va me dire « c’est beau », « c’est nickel », non je reste bloqué sur ça. C’est un truc de dingue. Les tableaux si ça va pas je les jette. Sur elle. C’est déjà arrivé.

Il faut qu’il y ait un sens complet, entre l’image et le texte.

Faut aussi que la technique soit parfaite. La phrase aussi. Si y’a un petit truc sur l’écriture qui me déplait, je vais bomber dessus et recommencer. Je me pourris la vie pour pas grand-chose. Des fois pour un point, je fais tout refaire. Si le style de l’écriture est un peu bizarre, je vais rester bloqué pendant une heure. Je vais analyser le tableau. Je me mets devant. Je le regarde. Pendant une heure, une journée même.

A : Il le prend même en photo pour regarder.

Même quand je suis invité chez des amis.

A : c’était pour cela que je rigolais. Il a fait ça ce week-end.

Mon pote se foutait de ma gueule parce que le « c » était légèrement biscornu.

A : Différent de l’autre « c » de la phrase.

Je voulais tout rebomber et tout réécrire. Et lui « mais non. Arrête. C’est super beau ». ça c’est embêtant. C’est très dur à accepter. Combien de fois on m’a dit quand il y a un petit défaut que c’était pas grave, que ce n’est pas une photocopie, que cela vient de moi, de mes tripes. Si les gens achètent ton tableau c’est qu’ils l’aiment. Faut pas s’embêter à analyser pour un truc.

Y’a eu un moment, je suis resté bloquer parce que sur une petite oreille j’avais fait un truc qui manquait, un petit bout de blanc. J’ai embêté tout le monde pour ça. Au Lavo, je le faisais remarquer à tout le monde. C’était important pour moi. Les autres me disaient d’arrêter, que les défauts font le charme du tableau. Et encore, est-ce que l’on doit appeler ça un défaut ?

Oui. Surtout si les autres aiment l’ensemble.

J’ai un peu de mal d’avoir le même regard que les autres. Tu vas avoir 50 personnes qui vont venir, tu vas avoir plein d’avis dont « c’est beau », « c’est chouette », « c’est propre ». Et moi je me dis « non » et je reste bloqué.

Des détails peuvent pourrir des après midi ?

Ça casse pas les couples.

Je comprends d’une certaine manière. Moi j’écris pas mal. Il y a une époque où je ne supportais pas une rature dans un de mes textes. Je pouvais réécrire une page entière pour ne pas avoir de mot avec des fautes, une rature ou autre. Je travaille sur moi. Depuis j’arrive à tirer des traits pour ne pas tout recommencer mais il faut qu’il soit bien fait. Pourtant curieusement, je savais que quand j’écrivais cela restait très personnel, que cela n’allait pas forcément être partagé. Donc en soi, les ratures, les traits, les annotations, cela restait pour moi. Finalement, je m’imposais beaucoup de contrôle. En plus, j’ai une écriture très cursive, très ronde. On m’a souvent dit que j’avais une écriture de fille quand j’étais petit. Je ne comprenais pas. Pour moi, j’écrivais comme ça, je ne pouvais pas faire autrement. Je pense que cela m’a conditionné à ce que mon écriture soit jolie, sans faute, sans rature. Cela devient quand même épuisant. 

Oui cela te pourrit la vie. Le problème c’est que le temps que tu vas passer pour le refaire, c’est du temps que tu ne mets pas pour autre chose. C’est ça qui est marrant. Comme quoi le cerveau humain il est bizarre. Il peut bloquer sur un petit détail pour rien. Après j’ai toujours été comme ça. Avec l’âge et la bouteille, cela ira peut être un peu mieux. A force aussi de me taper dessus, cela rentrera. Car elle aussi elle me bat.

Dans l’idée, pour que l’on continue à avancer et que l’on comprenne mieux ton univers, on a retracé un petit peu ton parcours. Cela anticipe un peu sur cette partie que j’ai appelé « raconte moi ton histoire ». Est-ce qu’il y a eu des étapes particulières, des moments, des rencontres, des aspirations, qui t’aurais amené à reprendre le dessin, cette activité ? J’entendais des aspirations quand tu étais plus jeune, qui ont été un peu brisés, de partir vers un chemin artistique. Des difficultés donc pour que cela revienne dans ta vie. Est-ce que certains coups de pied dans le derrière, certaines personnes t’ont nourri ? Ces artistes de la cour des grands, est-ce qu’ils/elles t’ont donné envie d’aller plus loin ? 

Quand j’étais petit, je devais avoir 8-10 ans, je regardais Jérôme Mesnager. On le voyait à la télé, on le voyait partout. Il peignait sur la muraille de Chine, en Egypte. Tu le voyais partout, sur canal +, TF1. J’adorais ce qu’il faisait. C’est encore le cas. J’étais très admiratif de voir qu’il voyageait, qu’il était libre. Son talent…

A : Il peut t’en parler pendant des jours.

(Interlude avec la serveuse pour nous encaisser déjà les boissons : bière pour moi, café pour lui, soda pour elle)

A : Fallait pas parler de Jérôme Mesnager.

C’était la porte à ne pas ouvrir.

A : C’est ça.

Jérôme, je l’aime beaucoup. J’ai eu la chance de le rencontrer. Cela m’a fait plus que plaisir. Je lui ai expliqué ce que je t’ai dit, que je le voyais à 10 ans, émerveillé de ce qu’il faisait. Parce que c’est magnifique. Je m’imaginais à sa place.

L’influence : Jérôme Mesnager. Il m’a donné envie. En personnage, j’aimais beaucoup Dali. La personne extravagante, qui touchait un peu à tout. Il faisait de la pub, on le voyait partout. J’aime beaucoup les personnages extravagants. Petit je me suis toujours considéré différent. J’ai jamais voulu être dans un moule, ressemblé au voisin. Avoir 10 000 Baron, cela ne sert à rien. 10 000 Ange, non plus.

A : Unique.

Ça m’inspirait. L’art c’est extravagant. On explose. Même si on joue un personnage ou que l’on soit réellement comme ça dans la vie.

C’est un champ des possibles qui s’invente tout le temps.

Je m’imaginais qu’il y avait plus de possibilités, à crier à tout le monde ta rancœur, ta haine, plus de possibilités d’être accepté en étant artiste qu’en étant une personne…

Lambda, qui ne pourrait pas avoir les mêmes coups de gueule.

Oui, ça ne peut pas le faire. Alors que, quand tu es artiste, sur le tableau, tu peux tout exprimer. Cela m’a pas mal influencé quand j’étais petit. C’est ça qui m’a donné envie de faire les beaux arts. Maintenant que je suis dans le milieu, les influences restent les mêmes. J’ai eu la chance de rencontrer Jérôme Mesnager. J’adore Artiste Ouvrier. Paella. J’ai eu l’occasion d’ailleurs de le voir à l’espace Dali. Je suis fan.

A : Je sais pas si cela influe dans ton travail mais en tout cas c’est ce que t’aime.

Après je veux pas dans mon travail être influencé. Je ne veux pas imiter quelqu’un d’autre. Je veux pas que l’on me dise que le Baron fait du Jef aerosol, fait de l’Artiste Ouvrier et ainsi de suite. Cela ne sert à rien d’imiter quelqu’un.

A : Ce qui est important à savoir c’est qu’il n’y a pas d’œuvre à la maison, sur les murs, d’autres artistes. Même de ceux que l’on aime. Pour ne pas être influencé. Alors qu’on en a.

J’ai eu quelques cadeaux. Je les ai pas affichés. C’est dans une boite.

A : C’est son choix. Je pense que c’est important pour lui.

De ne pas se retrouver visuellement avec des choses avec lesquelles on pourrait se dire « ah merde, j’ai repris ça sur cette œuvre ».

Tu ne vas pas évoluer si on te dit que tu fais comme Jef Aérosol ou que cela ressemble à ce que fait Artiste Ouvrier. Ils ont été connus avant toi, ils sont des pionniers. C’est déjà fait. J’ai quelques œuvres dans une boite. Je les ressors quand je veux les regarder.

A : C’est plus sentimental.

Oui de la nostalgie. Sentimental. Mais sinon je veux pas être influencé. Je veux pas que l’on me dise que je suis une pâle copie de quelqu’un.

Est-ce qu’il y aurait des clés d’entrée pour comprendre ce que tu produis ? Est-ce que toi t’y vois des liens ? Il y a déjà entre la phrase et l’image. Est-ce qu’il y a d’autres choses, la gamme de couleurs par exemple, qui te rendent unique ? Est-ce qu’il y a des caractéristiques ?

Les couleurs ça reste pareil. Je vais dire, j’ai les mêmes couleurs que Jef Aerosol. C’est presque les mêmes tons. Lui va prendre peut être pour le gris un peu plus foncé ou clair. Ça reste que la couleur. Il n’y a pas d’influences.

Mais c’est pas la même méthode de travail. Moi j’aime bien faire ressortir la lumière. On a toujours l’impression qu’il y a un phare qui éclaire d’un côté, comme au cinéma. La dernière fois quand j’ai fait la petite fille, t’avais l’impression qu’il y avait Dieu qui était sur elle. Je joue pas sur les détails, qui sont toujours simples. Surtout jouer sur la lumière parce qu’il y a toujours avec le fond noir une profondeur. Tu te perds dans le tableau.

Sur la manière dont tu conçois les œuvres. Y’a-t-il un repérage d’images, de photos ? Est-ce que tu travailles sur ordinateur pour faire ressortir la lumière, la profondeur ? Les phrases sont-elles notées dans un cahier ?

C’est beaucoup ça. J’ai beaucoup de dossiers de photos qui restent en attente. Je sais que ça va ressortir un jour où j’aurais l’inspiration. Je veux pas travailler à la chaine et faire n’importe quoi. Je veux pas sortir un truc comme ça. ça dépend de mon humeur, suivant si j’ai eu ou non des soucis, si je suis content, si cela ne va pas.

A : Ton côté écorché joue beaucoup sur ton travail.

A un moment, je me dis tiens, j’ai l’idée, j’ai trouvé la phrase qui va correspondre, je vais coller comme ça. Et d’un seul coup, tout arrive. Je ne réfléchis pas. Le mélange se fait naturellement.

A : A n’importe quelle heure du jour et de la nuit.

L’autre jour, je l’ai réveillée à 4h du matin pour lui montrer quelque chose. Parce que je travaille la nuit. Je suis calme. D’un seul coup, j’ai une idée. Y’avait telle photo pour aller avec telle phrase. Moi, je cogite. Mon cerveau ne s’éteint jamais. Je me fais même engueuler par ma femme parce que je m’arrête jamais. Même le dimanche. C’est un truc de dingue. Il faut toujours que j’aie des idées.

Il y a un côté fulgurant, d’un seul coup ça matche.

J’ai déjà essayé de prendre une photo et de la mettre avec telle phrase. Mais cela ne colle pas parce que je l’ai pas voulu. Faire à la chaine c’est pas bon. Je vais le laisser de côté, cogiter sur une autre idée. Peut être un mois ou deux après, cela va venir tout seul. Au moment de sortir ce tableau, ça colle bien. C’est ça qui est super.

Dans ces textes, est-ce que c’est des choses que tu crées, que tu lis ?

C’est beaucoup de littérature. De temps en temps, cela vient de moi. J’aime beaucoup jouer avec la littérature, je trouve qu’avec certains écrivains cela colle avec notre époque.

Cela vient provoquer un dialogue.

Je trouve que certaines phrases colle bien avec ce que je veux dénoncer.

Dans les images, est-ce que c’est des choses que tu prends en photo ?

C’est beaucoup le feeling. Faut que je trouve le petit détail sur la photo, soit je la prend, soit elle est téléchargée. Je suis attentif au regard. Cela représente l’émotion que j’ai le jour même. Je regarde les yeux, par là passe toutes les émotions. Si la personne est triste ou joyeuse.

On dit souvent que les yeux ne trichent pas dans les émotions, que c’est le reflet de l’âme. C’est le sentiment aussi que j’ai. C’est pour ça que quand je fais les interviews, je suis content d’être dans cet échange. On se rencontre vraiment. On est à proximité. On se regarde. Cela crée une interaction. Le fait d’être face à face permet de décrypter des choses, d’oser aller plus loin. Parfois je me dis « tiens là il y a quelque chose à creuser » parce qu’il est en train de me dire quelque chose avec ses yeux qu’il ne me dit pas avec les mots. Même lorsque je regardais certaines de tes œuvres, j’étais troublé. Soit d’avoir l’impression d’être regardé, soit de me demander qu’est ce que la personne est en train de regarder ? Qu’est ce que cela veut dire ?

Quand je parle à quelqu’un, je le regarde toujours dans les yeux. Tu sais au moins ce qu’il pense. J’aime beaucoup travailler la phrase par rapport au regard de la personne que je vais faire.

A : Tu te mets beaucoup à la place du personnage que tu présentes. Quand tu trouves d’abord l’image. Souvent tu me dis en regardant l’image, ce que ressent la personne, ce qu’elle pense.

Il endosse le personnage.

Oui comme si j’étais à l’intérieur. Mais c’est ce que j’ai vécu. Le visage triste, c’est moi. Je m’imagine quand j’ai eu une mauvaise nouvelle. La personne que je vais faire, elle a le même regard que j’avais. Cela marche beaucoup sur mes sentiments.

A : Et en parallèle tu fais des choses très comiques, quand tu as envie de te rigoler

C’est porter par ton environnement, dans l’émotion dans laquelle tu es quand tu crées.

A : Regarde le tableau avec le Tampax, cela a fait rire tout le monde.

Oui. Je suis quand même le seul à avoir fait un tableau avec un Tampax.

A : Mais toujours avec le jeu de mots, le sens. Parce que tu avais envie de faire rire

Je suis très anarchiste. Contourner les règles, les jeux de mots, la connotation sexuelle et anarchiste. J’essaie toujours de jouer avec ça. Mais je suis quand même le premier…

A : A avoir piqué un Tampax à sa femme pour faire une photo, ça c’est sûr. Parce que c’est vraiment ça.

(Rire collectif)

« Vraiment. Tu te fous de moi avec ton idée… »

A : Surtout sur la table du salon.

C’est ça les artistes, il faut laisser faire et voir où ils/elles vont aller.

On parlait de ton emploi du temps… Nocturne et diurne.

J’ai pas d’heure. Selon mon envie. Selon ce que je veux créer.

Et la fatigue ?

Je dors 2-3 heures par nuit. Après on a les enfants à gérer. 4. Les dates, les projets où tu dois rendre des trucs. Si t’es en retard ça fait une mauvaise pub, c’est pas génial. Moi cela ne va pas me déranger de travailler en plein milieu de la nuit. Tant que je m’amuse. C’est thérapeutique.

A : Tu travailles pas mal par période. Parfois tu fais beaucoup de recherche et d autre de la découpe.

Selon mes idées. En plus, j’ai dix idées en même temps. Je vais me dissiper peut être. Je vais faire des recherches. Combien de fois elle me dit « finis ce tableau là, avant d’en commencer un autre ». Mais non. J’ai mon idée, je ne veux pas la perdre. Et je peux pondre 10 idées en même temps.

A : T’as pas mal de choses commencées et pas terminées.

Des choses qui existent déjà, qui sont un peu là. Ce n’est pas « oui ben je le ferai demain ». Elles sont déjà sorties, présentes.

A : Parce qu’elles ne sont pas finies dans ta tête. Ce n’est pas une histoire de timing.

Elles ne sont pas encore mures. Ce que j’ai montré au Lavo, ce que je montre sur Facebook, ce sont des idées qui sont mures, qui peuvent sortir, qui peuvent être vues. Il y a des idées où je me suis perdu dans l’idée. J’arrive pas à la définir. J’essaie et cela ne marche pas.

Pour le Tampax, je l’ai refait 50 fois. Je commence. Avec le Posca, ça ne marchait pas. Les « A » d’anarchisme n’y étaient pas. J’ai essayé avec une écriture cela ne marchait pas. Je suis resté bloqué. J’avais le tableau devant moi et pendant des journées je le regardais en me disant « faut le finir ».

A : Ce que tu fais souvent c’est de le laisser à vue dans la maison. Tu passes devant. Tu laisses comme ça. Et subitement il est plus là, il est reparti.

C’est bon j’ai l’idée. D’un seul coup, cela germe et c’est comme ça.

A : Même quand tu as terminé, tu le laisses à vue.

Faut que je m’habitue au tableau.

A : Comme tu le trouves jamais beau.

Comme je suis perfectionniste, je laisse le tableau. J’attends 2-3 jours. Si je m’habitue, c’est que c’est bon. Si je m’habitue pas, c’est pas bon.

Et là, il repart. Où il sert à cogner ?

A : Non, maintenant que j’ai des témoins, il ne me frappe plus (rires).

Ce sont des productions qui sont exposées. Est-ce qu’il y a des choses qui sont faites pour être mise dans la rue, pour lesquelles tu profites d’un séjour à Paris pour coller ?

Oui y’a pas mal de créations qui peuvent aller dans la rue.

Sous forme de pochoir ? De collage ?

La dernière fois on a fait un collage à côté du Lavo. Y’avais une tête de Dieu. J’avais pas eu le temps de mettre ma phrase.

Ça a l’air de te perturber encore ?

Oui j’ai pas l’habitude de le faire sans phrase. J’avais trouvé la phrase qui collait en plus. C’était « Oh Dieu merci je suis athée ». J’imaginais Jésus sur sa croix en train de se dire « la religion m’a tué ». Je serai pas fils de Dieu, j’aurai pas fini ainsi.

A : bon faut le dire il a été dans une école catho. Il a été traumatisé.

J’ai été traumatisé par pas mal de chose.

A : C’est une influence. Etrangement tu ne fais pas du tout de politique et tu assumes le fait de ne pas en faire. Tu as dis à pas mal de personnes que tu étais apolitique, que c’était pas ton truc. Mais par contre sur la religion, t’as fait pas mal de choses dont des tableaux qui ne sont pas encore sortis et qui sont pas mal. Ils ont été stoppés à cause des événements

Il y a des tableaux qui méritent d’être sortis. Je vais faire parler de moi. Si je veux prendre le Vatican sur la tête, faut les sortir.

A : Proportionnellement y’a beaucoup de trucs autour de la religion. Toujours dans le respect.

C’est un thème intéressant car cela ouvre un dialogue que l’on a peut être pas. D’ailleurs c’est l’un des grands questionnements que j’ai au travail. A la suite des événements à Charlie Hebdo, je me suis retrouvé avec mes collègues et je nous ai demandé : qu’est ce que l’on fait, au quotidien, dans notre association ? Est-ce que l’on ose ouvrir des espaces de dialogue ? Pointer du doigt ce qui dysfonctionne ici ou ailleurs ? C’est pas simple et c’est vrai que cela peut choquer.

Il y a beaucoup de réactions. Toutes mes œuvres on peut les mettre dans la rue. Mais il faut voir l’impact qu’elles pourraient avoir. Regarde le tableau d’Epsy avec mes fesses. Cela a été bien accepté au niveau des artistes, les gens l’ont pris à la rigolade, c’était sympa. Mais cela peut choquer des gens.

A : Dans la rue, tu obliges les gens à regarder.

Rien que la phrase de Gâchette derrière. Cela peut choquer. On va dire, on est dans une époque où tu vas montrer un bout de sein sur une publicité et on va supprimer la publicité. On va en parler. Sur Facebook, tu vas montrer un peu tes fesses et tu te fais supprimer. Tu vas te faire zapper parce qu’il y a beaucoup de personnes qui n’ont pas de 2nd degré. Ils ont pas d’humour.

Il y a des réactions qui peuvent être très violentes. Je trouve qu’internet, Facebook, ne permet pas vraiment le dialogue. On joue au punching ball avec la phrase qui va provoquer, on sort du contexte et on fait dire plein de choses aussi que personne n’assume. Tout le monde dit « c’est pas moi qui aie commencé » ou « j’ai rien avoir avec ça ».

Le problème c’est que les gens ne te connaissent pas. Ceux qui me connaissent vont me dire que cela me correspond, que c’est bien Le Baron. T’es comme ça à la maison, t’es comme ça partout.

A : ça c’est important.

Mais cela peut choquer ceux qui ne me connaissent pas. Moi je tape dans le trash pour dénoncer pas mal de choses. Tu mets ça dans la rue… Je sais pas si ça serait bien accepté.

A : Rien que le tableau que tu avais fait sur le suicide. Il avait vraiment choqué les gens alors que c’était un message pour aider les personnes qui allaient mal et pas inciter au suicide.

Il y en a beaucoup qui n’ont pas compris le message. C’était pour dénoncer, dire qu’il y a beaucoup de gens qui sont tout seuls, qui vont se buter. Pour ouvrir les yeux à tout le monde. Quelques uns ont compris. Mais j’ai été pas mal critiqué à cause de ça. Il y a les cachetons, c’est horrible. Je sais pas si tu l’as vu. Le rasoir avec les veines. Pourtant j’ai écris une phrase.

A : les gens n’ont même pas eu le courage de la lire.

Est-ce qu’ils ont voulu comprendre d’une certaine manière ?

Parce que c’était expliqué. C’était pour dénoncer. Ton voisin, ton ami, ta femme, ton enfant, il peut se buter et tu le sais même pas. Pourquoi il a fait ça. Les gens tu sais jamais comment ils vont le prendre. C’est ça qui est compliqué.

A : La phrase c’était « pourquoi tu souris alors que je me suiciderai ? ». Les gens ont pas compris. Il y a des gens qui sourient et qui ne voient pas à côté que quelqu’un va mal.

Ils l’ont pris au 1er degré. Certains ont dit qu’un tableau comme ça ne devrait pas se montrer, que c’est un appel au suicide.

Alors que c’est une réalité sociétale qui est hyper forte, que l’on n’ose pas regarder. Et c’est peut être bien là où se joue la chose par rapport à ton œuvre. Tu donnes à voir quelque chose que personne n’a envie de voir.

C’était ce que je voulais.

Finalement la réaction montre bien qu’il est important d’en parler.

Tout le monde a en lui une dépression qui va sortir ou pas. Quand cela va mal, quand tu ne vois pas le bout du tunnel, y’a parfois qu’une solution : je vais me buter, je veux plus ressentir ça. C’est cet appel là que je voulais montrer. En disant, ton pote, ta femme, elle est au bout du rouleau, elle va se buter et tu le vois même pas qu’il faut l’aider. Moi j’ai eu la chance que quand cela n’allait pas j’étais toujours bien entouré. Tout le monde me relevait, me tapais au cul en disant « c’est bon demain ça va aller ». C’était pour dire qu’il faut faire pareil. Si tout le monde était plus unis, il y aurait peut être moins de suicide, moins de meurtre, moins de folie.

Une vigilance les uns envers les autres. De la bienveillance.

A : c’est pas ce message qui est ressortit.

On est aussi dans une époque où les gens ne comprennent pas. Ils sont bloqués sur l’image et ils peuvent plus.

Cela les fige dans leur position et ensuite black out.

Pourtant il était pas si choquant que ça.

A : y’avait pas de scène de personne décédée.

Non rien du tout. Simplement les 4 façons les plus communes pour se tuer. Mais pour dire faut faire attention. Cela arrive à tout le monde. On est humain. Mais c’est mieux que tu sois entouré, qu’on le voit et que l’on t’aide plutôt que tu te butes.

De ne pas regarder, de ne pas oser aller vers l’autre.

Même à l’école. On entend qu’un gamin s’est buté parce que cela n’allait pas en classe. Je n’aimerais pas que ma fille se bute parce que cela ne va pas avec son instit ou une camarade. C’est un cri d’alerte. Il faut dire, il faut ouvrir les yeux et réagir. T’as beaucoup de message qui ne sont perçu correctement.

Soyons clairs. Il reste 1/3 de l’interview à faire. Mais il est 18h50. Qu’est ce que l’on fait ? Tout est possible.

On peut continuer. Juste faut envoyer un message à une amie

A : On peut prendre un p’tit truc à manger.

Moi ça va, j’ai pas faim.

A : Il ne mange jamais ce mec.

Je ne mange pas, je ne dors pas.

Mais ?

A : qu’est-ce qu’il est chiant.

C’est parce que j’ai toujours la tête dans le guidon. C’est la priorité. Y’a des moments je ne vais pas manger pendant 2-3 jours. C’est impressionnant. Je mange presque rien, je dors par beaucoup. C’est peut être un avantage. Il ne faut pas perdre de temps. La vie est trop courte.

A : Tu veux grignoter un p’tit truc ?

Oui.

Comme mes parents m’ont refusé de faire les beaux-arts, c’est peut être cela qui est resté coincé chez moi. Il faut que je m’exprime. On n’a pas assez de temps. Les journées vont trop vite. Donc je travaille tout le temps. Pour moi, je ne le vois pas car c’est un plaisir. J’ai besoin de sortir les idées. Si cela reste en moi, je vais me focaliser là dessus, je ne vais pas passer une bonne journée. Même en vacances, j’ai mon portable, mon logiciel pour travailler.

Sympa les vacances avec toi… En même temps je comprends tout à fait. Certains amis m’appellent l’homme-tortue, car j’ai toujours mon sac à dos avec moi. A l’intérieur, il y a mon appareil photo, plusieurs carnets pour écrire. Des fois, ils se baladent avec moi. Mais juste de savoir qu’ils sont là, que je peux griffonner quelques mots, que c’est marqué quelque part, c’est important.

J’ai toujours peur d’oublier. Donc dès que j’ai une idée, il faut qu’elle sorte. Je te dis souvent à 4h du matin, je la réveille et je lui demande « c’est une bonne idée ? ». Elle me répond « ça peut pas attendre demain ? ». Je dis non.

Sur les collaborations, sur ton entourage, j’ai une série de questions. Déjà, le LavoMatik, c’est un repère pour retrouver les copains ? C’est un lieu incontournable où voir tes œuvres ?

Oui pour retrouver les copains.

A : comme tu le dis toujours tu te sens chez toi au Lavo.

Chez Ben, la première fois, j’ai été reçu comme si c’était mes parents qui me recevaient. Pour moi le Lavo c’est ma maison. Je me sens bien, moi même. Je peux me marrer comme je veux.

(Prise de décision sur les choses à partage pour manger et boire)

Le Lavo est un lieu incontournable. L’avantage c’est que Ben arrive à réunir dans le cadre des Murs Ouverts plus de 70 artistes. Tu ne vois pas ça ailleurs. Les artistes se sentent bien, discutent bien avec tout le monde. Le public y revient.

Puis le Lavo, c’est la maison pour tout le monde, là où il faut se retrouver. C’est cool. Moi, c’est ma maison. Là où je me sens bien. Je suis content de connaître Ben, Anna et le Lavo.

Quand on est devant, lors de vernissage ou d’événement, cela regroupe tout le monde. Il y a de la convivialité, on se retrouve en famille. Toujours de bon moment.

C’est là aussi où on peut discuter. Comme t’as le feeling avec certains, ça part sur des collabs. « Tiens on va faire un truc ensemble ». Ce n’est pas calculé. On se marre bien. Après tu te rends compte que ce sont toujours les mêmes avec qui tu fais des collabs, des projets. Tu les connais déjà.

J’étais content quand Nath m’a dit qu’elle m’avait mis dans le livre à côté de KristX. C’est la première que j’ai rencontrée au Lavo. Le feeling a super bien marché. Maintenant on s’appelle régulièrement. On va faire des trucs ensemble. C’est au Lavo que je l’ai rencontrée. Ce qui est bien là-bas c’est que tout le monde est détendu. Tu passes la porte…

On ne se formalise pas. Il y a tout plein d’artistes effectivement. La dernière fois que j’y suis allé, Artiste Ouvrier était en train de faire une œuvre. Nemi était dans le coin. J’avance. Finalement il y avait plein de monde : Stoul qui signait son livre à l’intérieur. Et puis en plus c’est en mode « on ouvre la porte, y’a qui aujourd’hui ? ».

C’est vrai. Tu ne sais jamais qui va être là. Dans les soirées, même en semaine, tu vas aller chez Ben, tu sais jamais quel artiste va être là. C’est toujours des surprises. Des bonnes surprises.

Avec qui tu as déjà fait des collaborations ou avec qui tu aimerais en faire (qui ne sont pas encore au courant) ?

En collaboration, il y a KristX. Je vais faire quelques projets où elle est dedans. On parle souvent de faire une collaboration ensemble car on a le même univers. J’aime beaucoup ce qu’elle fait et c’est réciproque. J’aime bien quand elle travaille avec le noir. Elle est assez trash. Je l’adore. Je suis certain que cela va coller ensemble. On va faire quelque chose de bien.

Cela nécessite du temps, des rencontres, des moments de création ensemble ou bien vous arrivez à faire cela à distance.

On se téléphone. Toutes les semaines.

A : Téléphone. Facebook. Une communication puissante. Quelques parts tu ne ressens pas la distance car vous êtes tout le temps en communication.

C’est un truc de dingue. C’est le jour où on aura le temps. Du jour au lendemain, ça va arriver. Je lui dirais que je suis sur Paris, pour deux jours. Et ça se fera. Souvent c’est ça. Jamais calculer d’avance.

A : Faire une collab avec KristX ?

Ouai. Y’en a beaucoup qui l’attente cette collab. Parce qu’ils savent que l’on s’entend bien, que l’on est toujours ensemble, que l’on a à peu près le même univers. On est pas mal dans les mêmes projets. Donc cela rapproche. On se critique pas mal aussi. Quand elle fait ses œuvres, elle me les envoie pour savoir si ça me plait.

A : l’avis de l’un est important pour l’autre.

Y’a des moments, on va s’appeler pour se dire des conneries, pour se marrer, pour imiter des gens. Ça vient naturellement

Est-ce que l’on t’aurait approché pour faire une collab avec toi ?

J’ai plusieurs collabs en cours. J’ai été voir Artiste Ouvrier et la WCA, Adey et Obi Wood. On a bossé pendant 3 jours pour faire une expo qui va être à Lille au mois de mai. Ça c’est une belle collab. On a bien travaillé ensemble.

(les plats arrivent)

Dans l’expo il y a également Jesus Destroyeur. C’est un mec de Caen. Qui bosse souvent avec la WCA de Caen, qui est super sympa. Ça sera à Lille, j’espère que tu viendras nous voir.

C’est bien de provoquer des choses hors Paris.

C’est ce que l’on disait, c’est le Lavo qui m’a fait rencontré Artiste Ouvrier. Après on a bien discuté ensemble, via Facebook aussi. On a échangé nos numéros de téléphone. On s’est appelé. ça l’a fait. C’était pas prévu pour l’expo. Mais c’était pour faire un mur et s’éclater ensemble. Cela a donné l’idée de l’expo avec la WCA et Jesus Destroyer. C’est jamais calculé. Très spontané.

J’ai une collab avec Aurel. Il est en train de terminer le tableau. Il fait le fond. Et je vais coller quelques pochoirs dessus. Après il y a pas mal de gros projets qui vont arriver cette année. C’est cool.

Si par mon intermédiaire, tu avais une question à poser à un ou à tous les artistes, qu’est ce que tu demanderais ?

J’aimerai bien savoir si Jérôme Mesnager aimerait bien faire quelque chose avec moi.

La perche est lancée.

Réellement. Déjà c’est quelqu’un que je connais depuis tout petit. J’ai eu la chance de le rencontrer. Il nous a accueilli dans son atelier comme des rois. Il est génial, émouvant. L’homme blanc, j’aime beaucoup. Il n’y a pas de détail. Il arrive à faire passer des sentiments, en jouant avec l’ombre. Il arrive à te décrire une scène, l’émotion rien qu’avec un homme blanc. Réellement j’aimerai bien travailler avec lui. J’en serai honoré.

A : Un avec qui tu voulais aussi travailler c’est Artiste Ouvrier.

Oui. Mais maintenant c’est fait. C’est génial. C’est quelqu’un aussi de super, d’adorable. Il a des superbes idées. Il est même allé se déplacer pour acheter du chocolat à Angélique car il savait qu’elle aimait ça. Il nous a fait à manger, c’était extraordinaire.

A : on a vraiment été super bien reçu.

C’est quelqu’un de vrai. Y’en a beaucoup qui ont oublié d’être humble.

C’est vrai que je l’ai croisé plusieurs fois. Il est intriguant en plus. Je l’ai vu à l’expo Dali fait le mur. J’ai beaucoup rigolé car Jérôme Mesnager s’était tapé l’incruste dans sa toile. L’un qui dit qu’il aimerait bien mettre un p’tit corps blanc là dedans, l’autre qui lui répond « ben vas y ».

Ils ont l’habitude de travailler ensemble, ce sont de grands amis.

Oui cela se voyait. C’était facile.

Ils font une expo à deux bientôt (à voir Exposition 10 ans de peinture à quatre mains).

A : Je me souviens de toi, quand tu prenais des photos des œuvres d’Artiste Ouvrier dans Paris, en train de dire « c’est génial », « c’est un boss ».

Quand je l’ai rencontré, je lui montrais les photos. Tu vois je ne déconne pas, je te connais. T’avais fait ça. Je connais quasiment tout ce qu’il a fait.

Il y a une maitrise. Des pochoirs comme de vraies dentelles. Ce qui m’avait plu à l’expo Dali, il y avait une telle maitrise, une telle recherche, une volonté d’aller au bout. Il recommençait parfois toute une partie de son œuvre parce que cela ne lui plaisait pas. Et moi je me disais que c’était déjà superbe. Lui, à enlever et à recommencer.

Et arriver à la fin c’est superbe. Le tableau qu’il a fait pour Dali. J’étais sur le flan. Tu as de la couleur partout. Je suis pas fan de couleur, mais lui, elles se marient bien. C’est travaillé. Les pochoirs déjà, la découpe qu’il fait, y’a tellement de détails. C’est magnifique. Tu sais même pas où regarder tellement c’est beau.

A : Je me souviens de toi encore en train de dire que tu ne pourrais jamais le rencontrer, que c’est le boss du boss.

Je reste petit. C’est même marrant de voir des gens qui me disent qu’ils adorent ce que je fais. Parce que moi, je ne vois pas ça. J’ai toujours l’impression que cela reste en famille, que cela ne sort pas. J’ai toujours l’impression d’être un peu connu à Paris, mais voilà, cela reste à Paris. Quand je discute avec des gens qui viennent du Nord ou d’ailleurs, et qu’ils connaissent ce que je fais, je me dis mince. C’est marrant. Alors que je ne me considère pas comme Artiste Ouvrier, Jérôme Mesnager, enfin comme des artistes. Et puis, travailler avec eux, c’est dingue.

Je transmettrai. Ou via sa sœur, Véronique si jamais.

Elle le sait en plus que je veux travailler avec son frère. Quand je lui en parle, elle voit à quel point je suis émerveillé. Un jour, quand je l’aurai mérité. Parce qu’il faut pas pousser

Et là, ce soir, c’est l’anniversaire d’Epsylon Point. J’ai bien compris un jour, quand une personne l’avait appelé Epsylon et que lui avait rajouté le « point », qu’il faut tout dire. Donc depuis je fais hyper gaffe. Là aussi, on est avec un sacré personnage. Je l’ai croisé à des vernissages. Notamment quand Critères Edition avait réuni tous les artistes de la série Opus Délits. J’ai eu une petite dédicace.

C’est pas là où il a dédicacé par terre. Y’a un moment où il était à moitié allongé par terre parce qu’il n’y avait plus de table.

Oui c’est ça. Ils étaient nombreux. Il n’avait pas prévu assez de table. Ils étaient déjà entassés les uns à côté des autres. Il était sorti du cadre.

Oui mais c’est sympa. Ce soir y’a que Epsy qui a une table pour dédicacer. Les autres le font dehors. C’est bon enfant. C’est génial. Si c’est un peu trop scolaire, c’est pas bien.

Et là, puisque c’était le but, chacun(e) des artistes a fait une œuvre pour lui. C’est aussi un projet intéressant.

Ça a été super motivant. J’ai adoré de faire quelque chose pour lui. Quand il est venu à la maison, j’étais stressé. Comme un gosse. Je savais qu’Epsy et Nath allaient venir. Je connaissais sa réputation, que c’était le pionner du pochoir. Pour moi c’était comme mon maitre. J’ai du respect. Il en a fait depuis plus de temps que moi. Et ben, j’étais impressionné. Ce qui était marrant, quand ils sont arrivés, je les ai accueillis et Epsy m’a pris dans les bras. D’un seul coup, tout s’est effacé. Tu voyais qu’il était content de me voir, il était heureux d’être à la maison

Il est rentré. Il a fait son tour pour voir la maison. C’est quelqu’un de super. Nath aussi. Tu peux regarder ses yeux. Quand il parle de peinture, de ses amis, il est super touchant. Y’a même des moments où cela te prend aux tripes. Je sais pas comment dire ça. Il est émouvant. Cela aurait pu être mon père.

A : D’où ton texte dans le livre.

Ouai. Parce que je suis parti en disant qu’il était mon père. Je suis parti sur ça parce que quand on m’a demandé de participer au projet de livre, il y avait beaucoup de chose qui collait avec Epsy. J’avais des fois l’impression de m’entendre 30 ans plus tard. On avait plein de points communs. Ça a été le début. Et arriver à la fin, quand il est venu à la maison, au moment de repartir j’étais triste parce que cela n’avait pas duré longtemps. Pourtant ils sont restés deux heures. J’étais heureux, comme un gamin le jour de Noël.

C’est chouette aussi, ce lien avec les pairs. Ceux qui sont inspirants, qui ont marqué l’histoire.

Il reste quelqu’un de humble, qui ne critiquera jamais personne. Même s’il aime pas certaines personnes, il ne le dit pas. C’est quelqu’un de vrai. A croire que c’est les vieux artistes qui sont comme ça

Une question qui revient beaucoup pour les gens c’est de savoir si tu gagnes ta vie en étant artiste, en exposant. Pour toi, est-ce vrai ? Ou est-ce plus une difficulté ? Cela revient aussi à ce que l’on se disait au début : est-ce un vrai métier ? Est-ce que les gens le considèrent aussi comme une passion, une chose qui est à mener à côté d’autre chose ? Quand on fait le choix de vivre pleinement de ça, est-ce que c’est compliqué ? Est-ce que les gens demandent des explications ?

Oui cela reste compliqué. C’est pas du jour au lendemain où tu vas vendre des toiles. Quand ils achètent un tableau, il achète aussi le personnage qui est avec. Quant ils t’ont rencontré, ils t’ont trouvé sympa, souriant, accueillant. Donc cela leur a donné envie d’avoir une œuvre de toi. Si tu ne sors pas de chez toi, c’est assez compliqué de vendre.

Pour vous aussi, c’est un effort de venir jusqu’ici.

Mais c’est parce qu’on l’a voulu.

Il y a aussi ce que vous allez faire à Lille. Mais pas tous les endroits acceptent, auront l’idée que cela s‘achète. C’est aussi un pas supplémentaire à faire par rapport à d’autres.

C’est normal que je vienne ici. Je suis exposé au Lavo. C’est le respect envers Ben et Anna de se déplacer. Tu leur envoies pas tes œuvres par DHL. Déjà, on accepte de t’exposer au Lavo ou dans une autre galerie. Les gens qui viennent voir, ils sont contents de pouvoir te rencontrer, avoir une dédicace. Si tu te déplaces pas, les gens ne vont pas aimer.

Et moi en premier, je préfère avoir les gens de visu et discuter avec eux. Si je vais voir une expo d’un artiste et qu’il n’est pas là, je vais être déçu. Je vais me dire que le mec ne s’est pas déplacé alors qu’il y a son nom sur l’affiche.

Si on ne se montre pas aujourd’hui, si on se confronte pas au marché, même si le mot n’est pas génial, aux gens qui potentiellement achèteraient l’œuvre…

Si on se montre pas, on n’en vit pas.

Comme tu le disais, on pourrait rester dans son coin et produire, produire.

Mais cela va toujours rester dans ton garage.

Oui il n’y aura pas la rencontre. A la limite, tu cherches à ce que la rencontre ait vraiment lieu. Pas seulement via l’œuvre mais aussi parce que tu es présent, que l’on peut venir te voir, venir te poser des questions.

Les gens, ils aiment bien venir rencontrer les artistes, de voir s’ils ont le feeling avec. Il y a beaucoup de gens s’ils se font rembarrer, ils ne prennent pas. C’est important de se montrer, de discuter. Sinon les gens ne te connaissent pas. Les relations humaines c’est la première base. Si t’en as pas, tu ne vends rien. Quand j’ai commencé à rencontrer les artistes et les gens au Lavo, les gens ont discuté sur mon Facebook, puis ensemble, on a créé des liens. Après ça a été « j’aime bien ton tableau, je vais le prendre ».

A : Même le partage, c’est important. C’est de l’échange. C’est positif.

Comme on le disait, par rapport à l’œuvre autour du suicide, les gens peuvent avoir l’explication. Il peut y avoir un échange. Si les gens ont envie encore une fois. Certains resterons fermés. D’autres qui sont dans le questionnement pourront aller jusqu’au bout. C’est important lorsque l’œuvre questionne qu’il y ait un échange.

Moi j’aime beaucoup savoir ce qu’ils en pensent, ce qu’ils ont compris pour savoir. Ils l’ont peut être vu sous un autre angle. Cela peut donner autre chose, d’autres idées sur un prochain tableau. C’est une inspiration.

Oui se nourrir de la réflexion des autres…

Bon, nous arrivons à la fin. C’est une série de questions Si tu avais un morceau de musique à nous conseiller :

Ce qui nous ressemble le plus…

A : là c’est un grand sujet. Il est guitariste. Il adore la musique.

Les classiques : Noir désir, Bertrand Cantat. On est allé le voir trois fois en 2014. J’adore l’écorché. Voilà, le personnage. Il est à mon image. Quand il fait beau et que je veux m’amuser un p’tit peu c’est le VRP. J’adore. J’en joue pas mal. J’apprends même à ses filles à chanter. C’est marrant.

Ça fait rire tout le monde ou pas ?

Y’a qu’elle qui ne rit pas.

A : ça parle de mémère qui tombe dans les escaliers et qui meurt. Bon pour des enfants de 7-8 ans c’est peut être pas l’idéal.

J’aime beaucoup l’humour noir. Les VRP y’a toujours un mort. C’est toujours marrant. Cela reste dans ta tête et tu te marres. Après y’a quoi. Renaud, depuis que je suis tout petit. J’adore Manu. Depuis tout petit je l’ai dans la tête et quand cela ne va pas j’entends le morceau d’accordéon de la chanson qui résonne en moi. Ça depuis que j’ai 5 ans. Après qu’est-ce qui pourrait aussi…

A : Saez.

Aussi. Ça reste assez écorché. Je vais pas dire révolutionnaire mais il va te balancer des vérités. J’aime beaucoup tous les chanteurs qui parlent le vrai.

A : T’aime les gens qui écrivent bien.

Renaud c’est pareil. Maintenant il a du mal. Mais sinon quand il avait commencé, il balançait sur tout le monde.

Je vous conseille si vous n’y êtes pas encore allés (petit point cinéma) les nouveaux sauvages. Un film argentin. C’est 6 scènes qui tournent autour de la violence. Elle va arriver dans la vie des personnages, qui vont ou pas passer à l’acte, être violent ou de subir la violence. Cela va de rebondissement en rebondissement. Celui qui était le dominant devient le dominé. C’est de l’humour noir.

S’il y avait un endroit où vous êtes bien, pour aller boire un verre ou manger :

Moi c’est le spa. Je me sens bien dans l’eau. Il y a beaucoup d’idées qui ont été pondues quand j’étais dans le spa. Pour me détendre ou manger, ramener des gâteaux. On a déjà fait un pique nique dans le spa. Si je pouvais y rester, je m’y installerai. Combien de fois on a dit à la patronne de nous réserver le spa.

A : T’es pas quelqu’un qui aime bien sortir.

C’est parce que j’analyse beaucoup les gens. Et dans notre région les gens sont bizarres parfois. Donc je sors pas trop au cinéma. Quand je vais aller au resto et je demande une table à part, où il n’y a pas 10 mecs à côté en train de crier, de se marrer.

Etre au calme ?

Oui. Je trouve que c’est déjà speed dans ma vie. C’est pour ça que le spa j’adore. C’est privatif, on n’est qu’à deux pendant deux heures. Nous à deux, on s’ennuie pas, y’a pas de problème.

S’il y avait un coup de gueule, un mot, un message à transmettre :

Le coup de gueule, j’aimerai bien que mes parents me croient. Je leur ai expliqué ce que je faisais, mes projets et j’ai l’impression qu’ils ne comprennent toujours pas. Ils sont restés figés dans l’époque où l’art on n’en vit pas. C’est vrai, j’aimerai bien que mes parents soient fiers. Parce que je bats pour réussir, je me bats pour monter, pour être connu. Et j’aimerai bien avoir du soutien.

Pour te dire, j’ai même pas osé montrer le tableau que j’ai fait pour le livre d’Epsy parce que cela aurait été des critiques, « c’est honteux de faire ça ». Pour te dire, ses parents me demandent tout le temps des nouvelles, ils s’intéressent. Les miens c’est pas ça et ça fait mal au bide.

C’est distant.

Quand je vais au Lavo, je suis moi-même. C’est toujours des super rencontres. Mais pour mes parents, l’argent c’est toujours le sujet. Ils ne comprennent pas que tu fasses des choses gratuitement pour faire de la publicité, pour faire plaisir à quelqu’un.

A : ou parce que cela te fait plaisir tout simplement.

L’autre jour je leur ai dit que j’avais vendu deux tableaux. « ah ouai, mais ça a couté combien ? ». Excuse moi, je n’ai pas un nom pour les vendre 3000 ou 5000 €. Je suis pas connu encore.

C’est même très maladroit.

C’est toujours ça. A chaque fois que je leur dis quelque chose c’est une histoire d’argent. « ça va te ramener quoi ? ».

Parce que pour eux ce n’est pas un boulot. Je suis en train de percer. Cela va être bien. Les projets sont en train d’arriver.

Quand on a été voir Artiste Ouvrier, mes parents m’ont demandé « ça t’a rapporté quoi ? ». Des bons moments déjà. Et puis maintenant une expo.

A : on a rencontré des gens supers. Et ça, ça n’a pas de valeur

Quand on t’invite, c’est aussi comme ça que tu peux faire des rencontres. Donc mon coup de gueule serait de dire à mes parents de parler d’autre chose que de l’argent. Quand je leur ai dit qu’il y avait le livre pareil « cela va te rapporter combien ? ». Je fais ça pour Epsy « Ouai mais cela ne vas te rapporter rien ».

Rien. C’est pour le plaisir. La satisfaction est déjà d’avoir le livre dans les mains. C’est mon premier livre. Y’en a qui vont se battre pendant des années et qui ne seront jamais dans un livre. Moi j’ai la chance d’y être. Ma mère lisait beaucoup donc elle sait la valeur d’un livre. Mais non, maintenant c’est l’argent.

S’il y avait un coup de cœur :

A : Même pas à sa femme…

Elle était pas mal lancée cette perche. Non ?

Je vais dire au niveau artistique : Jérôme Mesnager. Je voudrais bien travailler avec lui, faire quelque chose ensemble. Je l’adore. Je donne même envie à des gens de le connaître, de le rencontrer.

A : Quand il nous a reçus, ma petite qui ne veut jamais parler à personne ne voulait plus repartir. Tellement on était bien. Elle pleurait pour rester. Alors d’habitude elle pleure pour ne pas aller voir les gens. Mais avec ma grande c’est lui qui a presque pleuré quand elle lui a dit c’était lui son artiste préféré. Jérôme c’est quelqu’un de formidable. Les enfants ressentent ces choses.

Il a un côté écorché qui fait que l’on se ressemble. Y’a beaucoup de choses qu’il m’a dit que je comprenais.

A : Vous vous êtes compris et c’est pour ça que c’était intéressant.

Même sa sœur, Véro…

A : Elle était très étonnée de tout ça.

De ce qu’il nous avait dit parce qu’il en parlait rarement

A : et même toi. Tu t’es confié sur certains sujets dont tu ne parles pas spécialement. Choses que moi je sais, mais que tu ne dis pas aux gens. Mais pourquoi parce que lui aussi il s’est ouvert. Il y a eu un réel échange.

Pourtant on était venu pour le rencontrer, pour voir son atelier.

A : c’est pour te faire plaisir et pour ma fille. Elle l’adore. C’est elle qui t’a poussé à l’appeler.

Cela faisait 2-3 semaines que j’avais son numéro. A chaque fois qu’il fallait appuyer sur son nom, cela bloquait car je ne savais plus quoi dire. J’étais tellement impressionné.

A : « J’adore ce que vous faites… » (rire)

La première fois que je l’ai eu, c’est ce que j’ai fait.

Ça parle. Ça raisonne. Je suis en connexion avec l’univers de Jérôme Mesnager. Mes parents habitaient en Guyane. Il avait fait une série du corps blanc là-bas, notamment au bagne. C’est un livre qui me ramenait dans ce que j’avais vécu avec mes parents. J’étais allé sur l’île du diable. Il y avait une intelligence de projeter le corps blanc dans ces paysages là, dans ce lieu végétal, dans cette histoire chargée. Ce bouquin, je l’ai acheté et envoyé à mes parents. Ma mère l’a adoré.

Il arrive à passer un message, c’est un truc de dingue.

A : on a eu le même ressenti quand on est allé chez lui. Nous, on vient du nord. Il a fait une carte avec les mines, où il a peint l’homme blanc. C’était à l’époque du tournage de Germinal. Il nous a dit qu’il connaissait bien Renaud. Cela nous touchait beaucoup. On avait le même ressenti, de trouver l’homme blanc chez nous.

Cette carte il nous l a dédicacé et maintenant elle est dans ma boite souvenir. J’aime bien l’ouvrir et cela me fait penser à ça.

Dans le corps blanc, il y a un mouvement qui est assez dingue. Il y a une force.

Jérôme dit toujours « vive la vie » et il nous le montre. C’est ça qui est marrant sur ces tableaux, le corps blanc est toujours joyeux.

On a aussi la possibilité de s’inventer plein de choses avec ce corps là, que l’on peut transposer dans plein d’imaginaire.

A : Tu peux tout lui faire faire.

S’il y avait un voyage, une envie d’évasion, vous iriez où ? Avec ou sans les enfants si on arrive à les faire garder.

Bonne question. Comme je ne voyage pas souvent, c’est assez compliqué. C’est un appel : j’aimerai bien visiter l’Inde. (clin d’oeil à Artiste ouvrier en Inde au moment de l’interview)

Y’a pas un lieu où j’aimerai mettre les pieds en particulier, un pays où j’aimerai aller exclusivement. Je ferai un tour du monde. pour découvrir.

A : Parce que tu es plus sur l’humain.

Plus une histoire de rencontre.

Pas avec des voyages organisés. Tu vas prendre l’avion, aller au Canada ou en Australie, aller te fondre avec la population, faire des rencontres. C’est mieux. Pas en mode Club Med, pas avec un tour opérateur.

Tu veux pas ta casquette et suivre un groupe ?

Réellement on va toujours à la découverte.

A : On va rencontrer le petit producteur de vin. On discute avec lui.

On discute longtemps avec lui.

A : on parle beaucoup aux gens.

J’adore le contact humain. J’aime bien me fondre dans la population. C’est là où tu apprends plein de choses, où tu découvres la culture. Même si des fois il y a la barrière de la langue, tu arrives toujours à te faire comprendre, à trouver quelqu’un pour aider. Et puis tu as des traducteurs maintenant (en montrant le téléphone mobile).

A : quand on te demande quels sont tes meilleurs souvenirs de vacances, tu vas toujours parler des gens.

Je parle jamais d’un lieu, toujours des rencontres. C’est marrant.

A : même si on les revois jamais.

On a fait du camping, du côté de la Touraine. Il y avait des hollandais qui venaient boire un verre avec nous. On discutait beaucoup, découvrir les cultures respectives. On a passé des superbes soirées. Ce contact, j’aime bien.

A : on parlait d’éducation, comment cela se passait chez eux et chez nous.

C’est ça qui est bien. Le lendemain tu es moins bête.

Et tu te souviens de quelqu’un, tu as pris le temps de le rencontrer.

Un lieu peut être que dans 3-4 ans tu l’auras oublié. Alors que la personne, tu l’as toujours en mémoire. Que ce soit des étrangers ou des français. Quand tu as leur numéro, tu peux te dire la prochaine fois on va chez eux. C’est ça qui est bien. Tu as plus de souvenirs qu’un tas de pierre ou un château. Moi j’ai pas peur d’aller vers les gens, de voir si le feeling passe.

A : Comme le château où nous étions allés. On a passé toute la journée. Il y a une association qui le restaure. On a parlé avec tout le monde. On est resté le soir après le spectacle.

Il fermait et on était encore à l’intérieur.

A : on a fait la bise à tout le monde en partant. Des gens de milieux différents, des gens du cirque, du monde du spectacle, d’étudiants en histoire de l’art. C’était des échanges purs.

Tout le monde a joué le jeu, tout le monde à discuter avec nous.

A : les enfants ont fait des jouets ensemble. A tel point que l’on est parti en même temps qu’eux.

On peut aller n’importe où. Tant que l’on rencontre des gens intéressants

La dernière question. Si tu ou vous aviez une question à me poser, à laquelle vous seriez assurer que je vous réponde (ce qui est simple) mais surtout que je vous dise la vérité (et je m’y engage), qu’est-ce que tu ou vous me demanderiez ?

A : là c’est à toi de lui poser une question, pas à moi, ne me regarde pas comme ça

En même temps, tu as interviewé pas mal de grand nom, j’aimerai bien savoir comment tu me vois

Y’a des fois quand tu interviews les gens, quand c’est ton métier, t’es obligé parfois d’interviewer quelqu’un que t’aime pas. Tu vois.

A : je pense pas que tu sois face à cette situation.

J’aimerai bien savoir comment tu me vois.

Ce qui est curieux dans les interviews que j’ai faites, cela a toujours commencé par une rencontre, par une envie. Parfois c’est moi qui y suis allé, qui ai demandé. Je pense à Kashink. Parce que son univers m’intriguait tellement que j’avais plein de questions à lui poser.

A chaque fois, c’est permettre à un artiste de se raconter. Une chose importante c’est que le lieu corresponde à la personne, là où elle se sent le plus à l’aise. Etre bienveillant. Les gens sont prêts à se raconter et pour moi c’est un privilège que de recueillir ce qu’ils vont me dire. Je suis très respectueux aussi. Avec les yeux grand ouvert.

L’idée derrière ces interviews est toute simple : c’est de faire découvrir aux autres, notamment à ma famille, mes parents des artistes. Parfois ils me posaient des questions et je ne savais pas quoi leur répondre. Je pouvais dire leur pseudo, leur technique et encore. Je ne cherche pas à tirer les vers du nez, je ne veux pas faire l’interview type qui finalement est retravaillé et modifiée. C’est pour cela aussi que je la retranscris, pour garder tout ce qui se vit, le parler également, la façon dont on s’est dit les choses. Quand j’ai lu d’autres interviews, il y a des « il m’a dit que… » et on s’est même pas ce qui a vraiment été dit.

Et pour toi. J’étais très curieux. Je n’en savais finalement pas beaucoup donc je voulais en découvrir plus. Je pensais d’ailleurs que tu étais là depuis longtemps, que tu faisais partie de la grande famille du Street art. Je voyais que tu étais connecté avec plein de gens. Je me disais ce mec a un réseau de dingue, il connaît du monde.

A : Est-ce un mytho ? Un imposteur ?

Est-ce que c’est vraiment lui qui crée ?

J’ai pas voulu faire mon Banksy, me cacher.

A : C’est marrant parce que ce que tu dis, y’a plein de gens qui pensent pareil.

On l’entend tout le temps.

A : Très souvent. On pensait que tu faisais ça depuis 30 ans ou que tu étais connu à l’étranger.

Bien entendu, j’entends des noms qui sont connues ou qui semblent aller vers la notoriété. En fait, c’est pas forcément vers eux que j’ai envie d’aller. Sauf s’il y a eu quelque chose, ce n’est pas le nom que j’ai envie d’interviewé mais la personne derrière.

Après comme me l’a dit Codex, j’avais adoré cette phrase donc je la reprend ; quand on a fait l’interview, j’avais une question que les gens m’avait dit de poser mais bon j’étais pas chaud, j’étais même mal à l’aise parce que pour moi cela n’avait pas forcément d’intérêt à savoir : quel est ton vrai prénom ? Il m’avait répondu : « aujourd’hui tu es venu voir Batman, Bruce Wayne n’est pas très loin, c’est peut être un mec super bien, mais là c’est Batman qui t’intéresse ». Pour moi c’était ça. Y’a peut être quelqu’un derrière qui a un prénom, qui fait d’ailleurs autre chose qui n’a rien à voir mais je suis venu voir l’artiste aujourd’hui, son univers. Ce qui me fait plaisir. Dans toute interview, il faut que je place au moins une fois son pseudo sinon il m’en veut. C’est quand même le premier à avoir

Ça a toujours été au feeling. Et j’ai vraiment envie que cela reste comme ça. Après te concernant, j’aimerai voir plus d’œuvres. J’ai eu l’impression d’en voir pas assez. Il va falloir creuser, aller plus loin. La facilité avec laquelle on s’est abordé. « Ben tiens, passes si t’es au LavoMatik ». Cela m’a porté, m’a donné envie. Et je me suis dit quoi qu’il arrive, on se sera parlé, je te comprendrais mieux ou j’aurai encore plein de questions à poser. Pour moi c’est l’essentiel.

Je dis pas que j’aimerai jouer l’entremetteur mais cela me ferait hyper plaisir de provoquer une rencontre entre ton univers artistique et celui de Jérôme Mesnager. KristX que je ne connaissais pas, quand j’ai vu son expo, j’étais sidéré, stupéfait d’ailleurs devant une œuvre pendant au moins 15 minutes (à me dire est-ce que cela vaut le coup de la prendre en photo, qu’est-ce que cela va rendre, il faudrait que les gens viennent la voir, un vrai dilemme. Et puis je me suis dit qu’il fallait que je la prenne, que c’était tellement beau et qu’il fallait partager cela). La curiosité de savoir qu’il y aura un jour quelque chose entre elle et toi, cela me plait, j’attends de voir ça.

Franchement je te trouve humble. Tu mérite une place, à ce que l’on parle de toi. Je suis hyper content de faire cette interview, que cela va participer à mieux te connaître, mieux apprécier ton travail. Finalement, je me disais que tu étais installé.

A : c’est vraiment marrant.

Quasiment tout le monde nous le dit. Les gens ont l’impression que je suis implanté depuis des années.

Il y a aussi ce lieu, le LavoMatik. J’ai l’impression que cela a joué. Je t’ai vu dans cet univers, je vous ai vus. Une simplicité pour se rencontrer, sans qu’il y ait d’enjeux important.

A : c’est vrai que c’est important. A chaque fois, tu remets souvent ça en cause, que tu veux pas que les gens disent que tu te la pètes, que t’as la grosse tête.

Je ne suis pas comme ça.

A : Combien de fois tu discutes avec les gens simplement, sur Facebook, comme ça, « ça va ?, salut ». Hier encore tu étais au téléphone avec un client, en rigolant.

Faut que l’on fasse gaffe, il va se flageller ce soir… Avec toi, le contact est simple. Je me suis dit que j’allais rencontrer un artiste et surtout quelqu’un de bien. Et cela m’a plu. Au delà de savoir ce qu’il en sortira. C’est vrai que j’aurai du mal à faire les interviews autrement aujourd’hui. Quitte à ce qu’elle n’est pas lieu si c’est trop prise de tête ou si l’on n’arrive pas à se voir. Il faut déjà que cela me fasse plaisir. Si je suis mal à l’aise, et si l’autre est mal à l’aise, alors il n’y aura rien d’extra qui en sortira.

C’est pareil. Je veux à tout prix rencontrer Paella.

A : tout le monde dis « ah bon, vous ne vous connaissez pas ».

Cela fait plusieurs fois que j’essaie au Lavo. J’adore ce qu’il fait. Je suis resté bloqué pendant une heure devant son tableau à l’Espace Dali. J’ai adoré. On a eu plusieurs occasions au Lavo mais cela ne s’est pas fait. La dernière fois, Ange était malade donc on est parti. Et Paella est arrivé 5 minutes après. Mais je me dis, c’est pas grave. C’était peut être pas la journée où je devais le rencontrer.

A : on est allé au Frigo et il n’était pas là ce jour là. Alors qu’il y est toujours.

Je me dis, ce n’est pas grave, cela se fera bientôt. Il y aura une autre occasion qui permettra peut être de faire quelque chose ensemble. La route commence. Il y a du chemin à faire. Si tu avais tout, tout de suite, ça ne serait pas marrant. Après tu serais pas quoi foutre.

Une de mes amies sera ravi que je place cette phrase dans l’interview : « caminante no hay camino, se hace camino al andar » qui veut dire c’est en cheminant que l’on découvre le chemin, que l’on se découvre soi et les autres, l’important n’est pas la destination. 

Un but c’est toujours intéressant car cela donne l’envie. Mais si tu n’as que ça, il y arrivera un moment où tu vas l’atteindre et ensuite plus rien.

Et puis tu rates de belles rencontres. Faut pas être trop fixé sur un objectif, faut être ouvert. Je profite de la vie. C’est peut être pour ça que j’ai des facilités à discuter avec tout le monde, à aller vers la rencontre. Je me prends pas la tête. Je le fais pour mes peintures mais avec les gens faut que ça soit cool. Je me dis toujours que cela arrivera un jour. Avec Jérôme, cela arrivera. Mais je suis pas pressé. Pas grave si c’est pas demain. J’ai besoin aussi de murir, de grandir. Plus tard, cela sera mieux. Qui te dis que ce que tu fais aujourd’hui, cela te plaira encore dans 10 ans. Peut être qu’il y a des choses que je ferais plus pareil. Faut avoir le temps. J’ai encore toute la vie devant moi. C’est que le début. Peut être que dans 10 ans, on en reparlera.

Ok. Prenons date.

Pour moi c’est le début.

A : Après aussi c’est ta mentalité. Même dans 10 ans, tu diras que c’est le début.

Parce que l’on est comme ça.

A : Toi surtout. Ne m’intègre pas dans tes propos (rire) L’avantage c’est que tu es dans la vie comme tu es là, comme au LavoMatik, comme avec Clément, comme avec les amies. C’est important

C’est là aussi où l’on ne triche pas. Et cela fait du bien. Je crois qu’il y a de ça, pour moi, dans le monde dans lequel on est, ces rencontres qui font du bien. Déjà. C’est simple. On peut partager tant de choses. Cela n’enlève pas qu’il y a des moments compliqués, durs. Mais en même temps, on sait que l’on a des gens bienveillants. On s’apporte des choses. Cette dynamique là, elle est agréable. Et c’est une des choses qui m’a motivé à te rencontrer. L’autre coup j’étais malade. L’autre coup ceci. Un jour, ça va se faire.

Et c’est pas grave.

Et la spontanéité, comme tu dis, j’apprécie beaucoup.

C’est pas un oubli. Il y a des choses dans la vie qui font que ce jour là tu peux pas.

A : et après il y a des trucs tout simple. « Salut, comment ça va ? ». Je sais que quand j’ai été malade, tu as demandé de mes nouvelles. C’est des choses que l’on fait dans la vie courante. Nous, on est comme ça. On se rend compte que dans le milieu ce n’est pas toujours comme ça.

Je m’inquiète des gens. J’aime bien avoir des nouvelles. C’est normal. Je m’intéresse à eux, à ce qu’ils font. Et pas seulement dans la peinture. Je vais pas être borné sur une personne ou un métier. Je m’intéresse à tout. On reste dans les relations humaines. J’aime bien faire parler les gens, les écouter. Et puis j’apprends des choses. C’est comme ça que tu grandis. J’espère pas être un vieux con à la fin. Tu peux le noter.

A : combien de fois tu le dis à Lou. Si je suis un vieux con…

On ressortira l’interview et on lui dirait « oh dis donc ».

Je veux pas me la péter. Je veux pas être un vieux con. Je veux être dans 10 ans comme je suis aujourd’hui. Je veux pas que l’on me dise que Le Baron se la pète, qu’au début il était pas comme ça. Je veux être come Epsy, comme Jérôme.

A : Je te le dis, ça ne pourra pas arriver. J’ai des soutiens autour de moi qui ne te laisseront pas devenir un connard.

Je veux bien être un vieux mais pas un con.

A : Vieux c’est que dans la tête. T’as des jeunes vieux et des vieux jeunes.

Oui. C’est l’envie de vivre et de partager. Il n’y a pas d’âge pour ça.

Il y a encore deux choses. L’une s’il y a des photos, des œuvres que tu veux mettre pour illustrer l’interview, envoie les moi. La deuxième chose c’est une dédicace, qui peut prendre la forme que tu veux et que tu peux me faire un autre jour qu’aujourd ‘hui.

Ps : Nous nous rendons tous les 3 au LavoMatik. Du monde au dehors et dedans. Espy a sorti un accessoire de fête. Un livre est édité pour l’occasion dans lequel la grande famille du Street art lui rend hommage avec un dessin, une œuvre originale. Difficile de se frayer un chemin pour voir les oeuvres. Les fans profitent de la présence de nombreux artistes pour faire dédicacer le livre. Ça griffonne dans un coin, ça sort les poscas dans un autre, ça souffle sur la page pour sécher l’encre. Pour ma part, j’apprécierai bien avoir un mot de chaque mais le temps file et ma patience est limitée dans ce genre de moment. Surtout après avoir plus de 2h20 à discuter avec Le Baron. Je ne pourrais être que frustré d’entendre « c’est pour qui… », de répondre « je m’appelle Clément, j’apprécie beaucoup ce que vous faites » et de me retrouver expédier à côté en quelques secondes. Pourtant du beau monde il y en avait. Certain(e) qui pourrait se voir interviewé(e) un jour.

Ps 2 : Angélique a été étonnée. Elle attendait une question qui n’est pas venu, à savoir pourquoi « Le Baron » ? L’explication du pseudo finalement, je ne l’ai pas demandé. A vous donc d’aller le voir pour lui poser la question.