Interview de Toctoc

Avec Toctoc, cela s’est fait en deux fois. La première, à force de le suivre, de le tagguer sur mes photos puis de devenir « ami » sur Facebook, je lui ai proposé de le suivre un soir dans une virée collage. L’occasion a failli avoir lieu. Mais finalement cela ne s’est pas fait. Peut être fallait-il que l’eau coule sous les ponts, que les jours passent et ne se ressemblent pas.

Plusieurs mois plus tard (je ne lâche rien), voilà que je suis pris d’envie de le contacter après avoir vu quelques unes de ces oeuvres au Cabinet d’Amateur. Ce soir là, j’étais allé rendre visite à mon cher Codex Urbanus qui faisait une performance live. Dans cette charmante galerie du 11eme, une exposition collective de fin de saison.

Le contacter, disais-je, déjà pour savoir s’il avait des oeuvres en stock avec Batman et Robin (rêvant secrètement d’en acheter une). Puis si nos agendas peuvent coïncider, je serai ravi de l’interviewer. Etant en train de finir de retranscrire la dernière, je ne souhaite pas m’engager dans une si l’autre n’est pas en ligne. Mais bon, il faut faire des exceptions et le plaisir de faire mon travail de passeur me pousse à fixer une date. Il est dispo début août. Il faudra juste que cela soit après le boulot.

Comme d’habitude, le rendez vous approche et les contours se definissent progressivement. Je laisse le choix du lieu au bon vouloir de l’artiste. Un endroit qui lui correspond, dans lequel il est à l’aise. La seule contrainte est qu’il ne soit pas top bruyant pour que je puisse enregistrer. Rdv pris le 4 août 2014 à 18h30 (ramener à 18h15), devant la fontaine Saint Michel. Il m’a dit connaitre plusieurs bars où se poser. Je sors du RER B et descend l’avenue St Michel, évitant les touristes. Le ciel gris n’a rien de rassurant et pour l’anecdote j’espère qu’il ne pleuvra pas en l’attendant car j’ai oublié mon parapluie au travail. J’ouvre de nouveau une fenêtre sur un univers artistique. Cela me réjouit d’avance.


 

Pseudo : Toctoc

C’est intrigant. C’est une onomatopée plutôt curieux comme pseudo. Je voulais savoir s’il avait une petite histoire, comment cela se raccroche à toi.

C’est comme cela que l’on m’appelait quand j’étais petit. Ma famille et mes amis. Toctoc. Je sais pas pourquoi. Je leur ai posé la question de savoir pourquoi et ils ne savent pas. C’est resté mon surnom. De 3 à 10 ans, on m’appelait comme ça. Après je l’ai oublié. Quand j’ai commencé le Street art et que l’on m’a demandé un pseudo, j’ai repensé à celui là, à l’actualiser un petit peu.

C’est un chemin toujours intéressant. Pour chaque artiste, le pseudo a une histoire.

Age : 22 ans

Donc jeune par rapport à moi. On a 10 ans de différence.

Site : https://www.facebook.com/toctoc.streetart

Première fois sur un mur : C’était en septembre 2011 avec le Street artiste JBC. Je voulais me mettre au Street art. J’avais fait pas mal de petits dessins. Je voulais faire mes personnages, mes Duduss, dans la rue. J’étais toujours fan de Street art depuis que je suis arrivé sur Paris. J’ai contacté quelques personnes dont JBC. Il m’a dit avec plaisir, on peut se rencontrer et faire ton premier collage ensemble. On a bu un verre pas loin. Mon premier personnage que j’ai collé était Serge Gainsbourg Duduss au 7 bis rue de Verneuil. C’était il y a presque 3 ans maintenant.

Dernières fois sur un mur : Malheureusement cela fait presque 1 an. Il y a eu la série Keith Haring pour son expo en avril 2014. Mais j’ai du en coller un autre depuis… Je sais plus. Cela remonte un peu.

Je me souviens qu’il y a plus d’un an et demi, je t’avais contacté pour effectivement voir pour que je te suive pendant une session de collage. Et depuis l’occasion ne s’est pas présentée.

Oui depuis je n’ai quasiment rien fait. J’ai eu beaucoup de projets. De l’illustration. Un livre. J’avais mes études à côté. Je n’avais plus trop le temps. J’ai mis cela en stand-by. J’ai fait plus d’illustration. C’était plus facile pour moi. Mais là, je reviens très bientôt. J’ai pas mal de choses en cours.

Lieux de prédilection : J’ai deux lieux que j’aime beaucoup. De St Michel à Odéon, St Germain, tout le quartier. Et sinon le Marais. Il y avait le Keith Haring qui était au bout de la rue là-bas, vers St Germain. Il a disparu il y a un moins. Il n’y en a plus beaucoup dans Paris. Mais cela va revenir.

Tu te définirais comment : artiste, je sais pas. En tout cas c’est ma passion. Alors passionné en tout cas. Que ce soit les illustrations, mes livres ou le Street art, je le fais toujours avec passion. C’est après le boulot que je le fais. Je vais trouver du temps pour le faire.

Dessinateur ?

Mes dessins ne reflètent pas forcément le niveau de dessin que j’ai. J’ai fait deux prépas en arts. Une école de graphisme. Du coup c’est vrai, et cela me fait rire, beaucoup de gens me disent « Mais tu sais vraiment dessiner ou pas ? », ils se posent vraiment la question. Au final, les gens ne savent pas ce que je fais par ailleurs. A travers mes dessins, cela ne se voit pas que je sais dessiner ou pas. Dessinateur à côté oui mais mes Duduss c’est de l’illustration, c’est pas du très grand niveau de dessin. Enfin je pense.

Pas tout le monde est déjà capable de faire ce que tu fais.

Après c’est plus enfantin, graphique que dessin pure, au fusain ou autre.

Tu fais quoi : Mes Duduss, mes personnages ont une forme graphique et synthétique. Grâce à la même base de dessin, ils vont illustrer des personnages différents. Ce qui me plait c’est travailler avec les détails et faire que l’on reconnaisse quelqu’un rapidement. Après je m’amuse dans cet univers à détourner les choses. Le premier exemple qui me vient c’est Batman et Robin. Je les ai faits homosexuels parce que cela me fait rire. Je détourne le réel à ma façon et je m’amuse avec.

Leur nom a une signification particulière ?

Duduss. On me pose souvent cette question mais je ne sais pas. C’est venu quand j’ai commencé en septembre 2011. C’est un petit peu un rapport avec mon nom de famille. Mais après je ne sais pas si c’est vraiment ça. C’est venu un peu tout seul.

Tu vas piocher dans des personnalités qui ont vraiment existé pour les reproduire d’une certaine manière, dans les personnages de BD ou de dessins animés. Est-ce c’est une manière de rendre hommage, de montrer une personne ou un personnage qui t’aurait inspirer ?

La plupart du temps c’est un hommage. Souvent c’est des artistes, des peintres, des acteurs que j’aime beaucoup, que j’ai envie de représenter. Après je m’amuse avec. Après y’a des exceptions. Par exemple, j’ai fait Justin Bieber en Duduss mais je ne suis pas fan de lui. C’était pour une blague qui marchait que avec lui. Ça dépend.

Ils ont tous ou presque un potentiel comique, comme tu le disais. Ils sont mis en scène de telle sorte que le personnage ou un détail nous fasse rire. C’est quelque chose qui te plait. Détourner une actualité ou un personnage pour en rire ?

Je ne sais pas. J’ai directement été dans l’humour. C’est ce qui me plait. De détourner, d’aller dans l’absurde. Essayer de faire rire ou juste sourire. Ça a toujours été mon but. Et en plus, avec mes petits personnages toujours très graphique, très coloré, ça marche plus d’être du côté de l’humour que du côté de l’émotion. Mais si ça m’arrive de faire des choses touchantes. Cela se prête plus à l’humour qu’à autre chose.

Je me suis posé la question : est-ce que des personnes ont déjà dit de tes œuvres que c’était du plagiat, dans l’idée de te servir de quelques choses qui existent déjà, de le mettre à ta sauce mais en tout cas de ne pas créer un personnage inventé ?

Non. Pas du tout.

On les trouve suffisamment originaux.

On ne m’a jamais posé cette question. On n’a jamais fait ce rapport là. Mais c’est vrai que quand je fais Bart Simpson ou des dessins animés, je plagie un peu. Je prends les traits du personnage pour le faire à ma façon. On ne m’a jamais dit quelque chose comme ça.

Après, cela peut être des détails ou une ressemblance. A des moments, c’est ton personnage qui ressemble à une personnalité ou un personnage de connu. C’est assez drôle mais en même temps je me demandais si cela avait pu arriver.

As tu une actualité ?

Y’en a pas mal. Je suis un peu discret depuis un moment. Je fais quelques illustrations à droite, à gauche. Là, j’ai un livre qui sort en septembre. J’ai fait une série d’illustrations, j’ai intégré mes Duduss dans des tableaux de Maitres. J’ai fait une série, une par jour pendant le mois de mars. Je me suis rendu compte que cela avait plu. J’ai voulu en faire un livre. J’en ai fait quelques unes d’inédite, qui ne sont pas sur internet. Il devrait sortir mi-septembre.

Ensuite je vais beaucoup revenir dans la rue. Très bientôt. Avec plusieurs projets différents. Peut être un projet d’illustrations, sur l’actualité, avec un site internet. Je ne peux pas trop en dire. Mais surtout, le projet qui me tient le plus à cœur sur la longue durée, plus vers l’été prochain, ça sera un court métrage. Il est en cours, avec une bonne petite équipe. Histoire que tout se réalisé, que l’on trouve les fonds, cela va prendre peut être un an. Mais c’est sur la bonne voie.

Nous allons passer à la partie que j’ai intitulé : raconte moi ton histoire. Je ne vais pas te faire t’allonger pour retracer ton parcours et voir ce qui va ou ne va pas, ce qui cloche chez toi pour en être arriver là mais c’est plus l’idée qu’est-ce qui est important pour comprendre ton travail ? Que s’est-il passé dans ces 22 années qui sont aujourd’hui derrière toi et qui t’ont fait devenir Toctoc ?

Et bien. J’ai toujours été fan de dessins. J’ai une mère artiste, qui est sortie de l’école Penninghen, une école d’architecture d’intérieur, mon grand père (le père de ma mère) pareil, qui peint. C’est lui qui m’a d’ailleurs initier au dessin, à la peinture. Quand j’avais 5 à 10 ans, je peignais des tableaux avec lui. De là est né ma passion pour le dessin. Donc après ma terminale, je suis venu faire mes études de dessin sur Paris.

L’autre côté de mes Duduss qui représente un personnage célèbre, c’est mon côté fan. Quand j’aime bien une personne, je l’aime vraiment. J’avais toujours un carnet sur moi, pour écrire les citations que j’aimais bien de films ou d’acteurs. Je dessinais à côté. A chaque fois j’aime bien mettre en avant les personnages qui m’inspirent et que j’aime. Là pareil, c’est depuis que je suis tout petit. Ça vient de là je pense. J’aime bien rendre hommage aux gens que j’aime.

Sur ce parcours au niveau du dessin, cette approche que tu as eue très tôt, on pourrait imaginer que tout au long de ton parcours cela était présent, en filigrane, à dessiner sur un bord de feuille, à trouver le temps pour le faire.

Ce qui est marrant c’est qu’avant je n’étais pas du tout dans ce style très graphique, très cartoon. Quand je dessinais avec mon grand père, c’était de l’aquarelle, du vrai dessin au fusain, du crayonné. J’ai fait deux prépas en arts appliqués à Paris. Tous les dessins que je faisais, mes croquis personnels étaient toujours du dessin avec beaucoup d’énergie. Pas comme Basquiat mais bon. Plein d’énergie, plein de traits, beaucoup de couleurs. Au final ce n’est pas du tout le dessin que je fais avec mes Duduss, très graphique, cartoon.

D’ailleurs ce qui est drôle c’est que, pendant que je faisais mes années de prépa où je faisais ce genre de dessin, ma tante qui est peintre, elle m’a dit qu’elle me voyait plus dans le cartoon. Elle aimait bien ce que je faisais mais en même temps c’est ma tante. Moi je lui disais « je n’aime pas ça », « je ne ferais jamais ça ». C’est marrant parce que c’est ce que j’ai été amené à faire et ce qui marche et qui me plait maintenant. Avant je n’étais pas du tout dans ce traité là, j’étais plus crayonné, instinctivement comme ça.

Tu disais que dessiner sur un mur était une envie depuis un moment et qu’il y a eu une rencontre déterminante. Mais avant de faire sur un mur, pourquoi cela a tardé ?

J’ai eu mon bac à 17 ans. Je viens de la campagne. Il n’y avait pas de Street art, de graff.

Quelle campagne ?

C’est dans le centre géographique de la France. Meillant. Un petit patelin de 800 habitants, pas loin de Bourges. Il n’y avait rien de tout ça. Je n’y connaissais rien. Quand je suis arrivé à 17 ans à Paris pour faire mes études, j’ai commencé à découvrir le Street art. Je me suis intéressé à ce mouvement, Banksy, etc. C’est vrai que cela m’intéressait mais pas tant que ça pendant mes deux années de prépa. Quand j’ai commencé à vraiment m’y intéresser, c’était à la fin de la 2ème année à Paris. Directement j’ai voulu sauter le pas. J’ai contacté des galeries pour savoir ce qui se passait. Pas pour exposer chez eux, mais savoir quel(le)s artistes il fallait suivre, etc. On m’a conseillé JBC. Je lui ai directement envoyé un mail via Facebook. Il m’a dit « écoutes on se rencontre, avec plaisir ». C’est venu un peu tout seul. Je m’y suis intéressé vraiment durant l’été et en septembre j’ai rencontré JBC, avec qui j’ai fait mon premier collage.

Je l’ai croisé sur Aulnay, il n’y a pas longtemps, pour le festival Rue des arts. Un super mec. C’est intéressant de se dire quand on est jeune, que l’on a envie de faire du Street art, que l’on peut rentrer en contact facilement, que l’on peut oser demander des choses. Là, pour le coup il y a quelqu’un de disponible, de facile d’accès.

Exactement. Je suis plutôt timide avec les gens. Mais à travers les mails, je vais oser. J’y vais gentiment mais bon « est-ce que l’on peut se rencontrer car j’aimerai me lancer dans le Street art ». J’ai envoyé à JBC et Gregos. Les deux m’ont répondu directement. J’ai fait une collaboration avec Gregos en avril 2012. Juste avant ma première expo. C’est les deux personnes que j’ai contactées, qui ont été très gentilles et qui ont accepté directement. Ça a été très agréable et ça m’a donné encore plus envie de rentrer dans le monde du Street art à Paris.

Des univers très intéressant, l’un comme l’autre. Il y’ a du potentiel. Au niveau de sources d’inspirations personnelles ou artistiques, tu parlais de plusieurs membres de ta famille, qui sont artistes ou qui ont une pratique. Est-ce qu’il y aurait d’autres sources d’inspirations ? Est-ce que tu te vois descendant d’un mouvement artistique, philosophique particulier ?

Dans les deux, j’en ai un. Y’a Keith Haring, qui pour moi est un grand maitre et donc je suis un fan absolu. Il serait un peu le côté graphique, dessins au contour noir. Je ne dis pas que je fais du Keith Haring mais mon style se prête plus à lui qu’à Basquiat. Je suis un grand fan et je pense que je m’en suis inspiré au début. Après plus philosophique, il y a Tim Burton. Je suis un fan de ses films et surtout de ses dessins, de son art. Il y a eu son expo à la Cinémathèque. J’en ai fait un projet dans la rue, dont il y a une vidéo sur le net. Tim Burton est un univers complet. Il est un grand artiste. Quand il passe, que ce soit de l’aquarelle ou du feutre, n’importe quel dessin, ça va être du Tim Burton. Un univers que l’on va reconnaître directement. Pour ça, je suis fan. Ça m’inspire également, d’avoir un univers à moi. Essayer de construire quelque chose.

Dans le parallèle avec Keith Haring, c’est frappant dans son travail : ses personnages, l’intensité visuel qu’ils ont, cela parle. Comme dans ton travail. A un moment, on a la scène devant nous. On peut l’interpréter plutôt facilement. Il y a beaucoup de choses visuelles. Y’a pas besoin de se prendre la tête. Il peut y avoir plusieurs niveaux de lecture mais en tout cas elle impacte très vite. Pour Tim Burton, de tous tes projets à venir dont tu viens de parler, c’est un peu la même idée. Un artiste global, autant dessinateur que réalisateur. L’envie d’aller au bout de son univers, dans lequel il y a des personnes qui le suivent comme Johnny Depp. Un univers abouti, complet, cohérent. Il y a comme toi plein de tiroirs, plein de facettes dont les gens ne se rendent pas forcément compte.

Après ce que j’aime bien de Tim Burton, c’est que je n’ai pas envie de me mettre dans le tiroir de Street artiste ou illustrateur. Il a commencé à dessiner pour Disney à la base. Des dessins que je trouve magnifiques. Cela ne l’a pas empêché de faire son premier court métrage, de faire des films, de continuer à faire de la photo, de la peinture, de la sculpture. Ne pas se restreindre. Aller voir ailleurs pour nourrir le reste. En ce moment je fais que de l’illustration, mais cela m’a permis de nourrir ce que je vais faire dans le Street art plus tard. J’aime bien cette idée là, de faire avec plusieurs disciplines différentes.

Un petit volet, sur la technique. Les gens se posent la question de savoir si l’artiste a ou pas suivi un enseignement artistique. Tu disais que tu as fais des études d’arts.

J’ai fait deux prépas d’arts. Mes cours étaient du dessin analytique, du dessin au fusain, de la peinture, de l’art graphique, de l’architecture, de la maquette. C’était deux années dans deux écoles différentes. C’était que de l’art pur. Après j’ai fait une licence de communication visuelle et d’art graphique. Donc toujours du dessin, mais aussi la partie sur ordinateur. J’ai aussi un master de direction artistique, la mise en page. J’ai un enseignement artistique. Ce que je fais avec Toctoc, cela me suit à travers ce que je fais à côté. C’est plus ou moins lié.

Comment tu conçois tes créations? Sur papier? Un cahier? Tu disais tout à l’heure que quand tu étais jeune, tu notais les citations qui te plaisaient dans un carnet. Est-ce qu’il existe la même chose pour les Duduss.

Cela dépend. J’ai un carnet de croquis, où je note à chaque fois que j’ai une idée. Soit parce que un ami m’a dit une phrase qui me fait penser à une scène. Soit dans un film, une réplique. Soit dans une expo, une peinture. Je vais le noter. Mais c’est aussi sur le coup. Ce qui va venir bientôt dans la rue, j’avais envie de faire quelque chose sur les séries télé. Je suis fan. Je me nourris beaucoup de ça. Je me lance et fais directement mes croquis. Je ne passe pas par des réflexions intermédiaires. Il y a des choses qui vont être plus étudiées, à chercher le sens, d’autres où cela va être plus instinctif, que j’ai envie de le faire maintenant. Il y a plusieurs types de projets.

Sur quoi tu peins ? Ce que je voyais dans la rue, collés, c’était du papier kraft. Est-ce que cela t’arrive de travailler sur d’autres supports ?

Dans la rue, je peins sur du papier kraft que je colle ensuite. Après cela m’est aussi arrivé de dessiner à la main, de le colorier puis de le scanner et de l’imprimer pour le coller. Ça je l’ai fait qu’une fois. J’avais envie de répéter le visuel dans plusieurs endroits. C’était plus facile pour moi de l’imprimer.

Pour ce qui va venir, il y a des projets où je vais peindre et un autre notamment où j’ai déjà dessiné sur papier, que je vais scanner et coller dans les rues. Je ne me restreins pas à une technique spéciale. Cela dépend du projet.

Pour l’instant, par rapport aux outils que tu utilises pour peindre, c’est des feutres ? C’est de la peinture ? C’est des bombes ?

Tout au début je n’utilisais que de la gouache. Au pinceau. Comme on m’avait appris à l’école. Après, depuis un an, cela m’arrive de faire des pochoirs, de faire à la bombe. Directement sur le papier kraft. Ça dépend. Si c’est un grand format, je vais utiliser la bombe. Quand il y a des petits détails, je vais utiliser le pinceau ou des feutres Posca. Pour l’instant je suis plus à l’aise avec les pinceaux. Alors que cela doit être l’inverse pour bon nombre de Street artistes. Cela va peut être changer. Encore une fois cela dépend des projets, de leur dimension.

Dans ce que tu fais, ce que j’ai vu dans la rue, il y a souvent des pièces uniques. Le dessin est peint, il n’est pas reproduit. Il est fait de manière artisanale. C’est quand même une de tes spécificités. Ce n’est pas négligeable. Ils ont une durée de vie éphémère et s’ils disparaissent, on ne les reverra plus. Sauf si tu mets à les redessiner.

Et puis je ne dessinerais jamais le même. Le Keith Haring qui était vers St Germain. C’était Keith Haring Duduss qui promène son chien et c’était le vrai dessin de Keith Haring. Ce dessin je l’ai refait une fois sur une toile pour une expo. C’était pas exactement le même de toute façon. A part dans la rue, il ne se trouve nulle part ailleurs. C’était une pièce unique.

Quelle est ton mode opératoire ? Est-ce qu’il y a des repérages ? Est-ce que ça peut être de manière spontanée avec ton matériel dans ton sac? De nuit ou de jour ? C’était une chose que j’allais peut être vivre avec toi mais cela n’a pas pu se faire.

Alors déjà pas de jour. C’est un peu par peur des gendarmes. Mais surtout parce que je n’aime pas trop être vu, je suis timide. J’ai du mal à ce que les gens s’intéressent, je ne veux pas attirer une foule autour de moi. Une fois que je suis plus là, cela ne me dérange pas. Mais je n’aime pas trop que l’on me voit en train de coller. Je fais souvent faire la nuit.

Des fois, il y a des projets comme le Keith Haring où j’avais déjà vu le spot, qui me plaisait et où je voyais parfaitement le Duduss ici. Donc là c’est fait exprès. Des fois, je vais faire une série, 6-7, je prends mon sac à dos et mon pot de colle. Je vais tomber sur un lieu qui me plait et je vais coller là. Y’a deux trucs différents : l’un, instinctif où je vais prendre mon sac et coller sur le mur qui me plait ; l’autre, où je vais repérer en journée, créer mon Duduss et revenir deux ou trois jours après.

Au niveau de la hauteur où tu colles, cela correspond à ta taille, sans forcément monter sur un escabeau. Pour avoir vu celui de Keith Haring, c’est mis à même le sol, comme s’il était en train de balader son chien sur le trottoir.

C’est ça qui me plait. Comme si le personnage était avec nous. Si je le collais au milieu d’un mur, qu’il était en train de voler, ce serait plus une œuvre. Ce serait moins intéressant. Je le colle sur le mur de sorte à ce qu’il soit presque réel, qu’il soit là avec nous. Je préfère cette idée là.

Il questionne là, comme un peu dans la science fiction, à être dans le réel. C’est le petit endroit politique de la chose. Il faut prendre cela comme agir dans la cité, venir interpeller les habitants d’un quartier, ses concitoyens. Est-ce que pour toi, de coller sur les murs, il y a une portée politique ? Pointer une actualité, sans être forcément dans un côté militant ?

Oui, forcément. Lorsque l’on travaille dans la rue, c’est un des objectifs. D’interpeller les passants. Militant, je ne sais pas. Ce que je cherche juste, c’est faire rire. De créer des scénettes drôles, touchantes.

J’ai fait quelques trucs un peu plus engagés, notamment pour Act Up Paris. J’ai fait Batman et Robin gay dans un cœur. Ça c’était pour défendre à côté d’Act Up Paris pour les droits des homosexuel(le)s. Cela me plait assez de travailler pour ce genre de cause, en faisant toujours ce que je veux. Agir pour des causes importantes. Ce week-end, j’ai réalisé une œuvre pour le projet Vénus. C’est pour la prévention du cancer du sein. J’ai fait une toile qui va être exposée à Lyon. Travailler pour ce genre de choses plus personnelles, c’est faire passer un message. Ce côté là me plait mais je ne vais pas en abuser. Je le fais de temps en temps. Ce n’est pas mon but principal. Ce serait plus apporter de la joie, de l’amusement dans la rue et aux passants.

Cette dimension de s’engager pour une cause entraine aussi pour le coup pas que l’artiste mais aussi l’individu. On pourrait se dire que dans cette action j’engage mon nom pour une cause. Cela relie le côté personnel. Cela pose la question du sens autant pour l’artiste et pour l’être humain.

Les gens se posent souvent cette question : utiliser un pseudo, c’est pour mieux se montrer ou mieux se cacher? Dans le Street art, peu utilise leur véritable nom.

Je n’ai pas trop réfléchi à ça. Quand j’ai commencé à coller, on m’a demandé quel était mon surnom. Tout Street artiste ne donne pas leur vrai nom, ils ont tous un surnom. Du coup j’ai directement donné Toctoc. Il me plaisait donc je voulais le garder. Je préfère avoir ma vie personnelle, avec Victor, et avoir ce que je fais à côté, avec Toctoc. Pour moi, c’est deux choses bien différentes. En plus, j’ai un travail à côté. C’est un peu deux personnalités différentes, même si je ne suis pas schizophrène. C’est deux choses que j’essaie et que j’arrive, je crois, à bien distinguer. Je n’ai pas envie de tout mélanger.

Pour mieux les faire exister ?

Oui, exactement. Pour avoir une vie artistique et une vie personnelle.

Est-ce qu’il y aurait une ou plusieurs anecdotes concernant une création et le moment où elle a été mise dans la rue ? Même de nuit, t’aie-t-il arrivé des trucs de fou ?

Y’en a eu vraiment plusieurs. La première qui me vient en tête c’est justement un de mes premiers, ma collaboration avec Gregos. Début 2012. Gregos n’était pas là, il m’avait donné son masque que j’avais peint et que j’étais allé coller tout seul. J’étais aller coller avec mes parents. Ils étaient là pour venir voir mon expo. Ils avaient une voiture donc j’en avais profité. C’est un des seuls collages que j’ai fait de jour. J’avais mon échelle. J’étais en haut, en train de coller. J’avais plus qu’à finir. Mes parents, en bas, étaient en train de crier « y’a les flics ! ». Ils se sont barrés de deux côtés différents. « Y’a les flics » et il me laisse tout seul sur mon échelle, avec mon pot de colle. Au final, c’était juste la police de la préfecture. Ils ne se sont pas arrêtés pour me voir. Du coup, cela m’a fait rire de voir mes parents partir en courant et ne pas du tout m’aider. Ils m’ont bien lâché comme il faut.

C’est rigolo, l’imbrication entre la vie artiste et le reste. Certains artistes peuvent être identifiés avec leur vrai nom. Certains ont un métier à côté qui n’a rien à voir. Parfois on arrive à faire le lien et entrecouper les informations. Pour ma part ce n’est pas quelque chose qui m’intéresse d’aller à tout prix faire ces connexions. Comme il le disait, bon je vais dire son nom car il faut toujours citer Codex Urbanus dans une interview, il a été le premier à être interviewé et il m’avait dit sur cette idée « aujourd’hui t’es venu voir Batman et pas Bruce Wayne. Ce n’est pas que Bruce Wayne est inintéressant. Mais là aujourd’hui, tu t’es intéressé à Batman. ». En même temps, ce n’est pas devenir schizophrène, mais c’est reposer là où s’inscrit l’interview. Je viens poser des questions à la personne qui colle dans la rue. Des gens voulaient que je vous demande vos vrais noms et prénoms mais pour moi cela n’avait pas de sens. Je préfère me dire que j’ai rencontré tel artiste et de susciter l’envie pour les lecteurs d’aller à la rencontre de cet artiste, d’aller voir une expo.

Un petit point sur les collaborations. On parlait de JBC, de Gregos toute à l’heure. Est-ce qu’il y a eu des rencontres déterminantes ? Jusqu’où cela est allé ? Des échanges sur les techniques ?

Je n’ai jamais fait de collaboration avec JBC par contre. C’est lui qui m’a aidé à coller mon premier Duduss. Je n’ai pas collaboré mais cela va peut être se faire d’ailleurs parce que j’aime beaucoup ce qu’il fait et que l’on s’entend bien.

Avec Gregos, je n’avais pas collé quand je l’ai contacté. J’ai commencé à faire mes petits Duduss. Je lui ai dit que j’avais deux idées de scène avec ces visages. Je lui ai expliqué exactement ce que je voulais faire, ce que j’avais en tête. Contre toute attente, il m’a dit que ça lui plaisait, que c’était une belle histoire effectivement. Il m’a dit « ok, on se rencontre et je t’offre mes deux masques ». Au final, on en a fait qu’une. Mais c’est une belle rencontre, surtout que je débutais. Cela m’a fait vraiment plaisir qu’un artiste déjà connu me réponde.

Ensuite il y a eu Bastek. J’ai fait 2 collaborations avec lui. C’est une relation plus amicale que j’ai avec lui. On s’entend bien, on s’envoie des messages pour prendre des nouvelles de l’autre. C’est pas que j’apprécie pas les autres mais la relation n’est pas la même. Donc les deux collaborations, c’était super parce qu’en plus c’est avec un ami.

Ma dernière exposition au Cabinet d’Amateur était une collaboration. J’ai été peindre mes Duduss sur les photos d’un photographe, ami de mon frère dont j’apprécie le travail. C’est une collaboration différente de la rue. Mais c’est toujours dans l’idée de peindre grâce et avec le travail d’un autre. Je n’avais encore pas fait ça sur de la photo mais cela m’a plu. Je pense que je le referais bientôt.

Ça permet d’accéder à un autre univers pour le coup. La photo issue du réel. Partir d’une situation qui fait partie du vécu du photographe. D’ailleurs son regard sur l’œuvre doit être intéressante. Comment, dans ce travail là, vous avez travaillé ? Est-ce qu’il t’a proposé une série de photos ? Est-ce que tu as fait tes dessins dans ton coin ou est-ce que vous avez évoqué les possibilités ensemble ?

Je lui ai proposé ce projet. On s’est rencontré. Il a accepté. Directement je lui ai dit qu’il nous fallait un fil conducteur pour la série. On est parti sur l’idée des films. On aime tous les deux le cinéma. Il a beaucoup de photos, que j’aime énormément. Du coup, on a regardé ses photos, une par une. Des fois il me disait « tiens je vois bien ça ici », des fois c’était moi. Je pouvais dire oui ou non et inversement.

Souvent quand moi je voyais une scène sur un de ses photos, lui ne pensait pas du tout à ça. Dans l’autre sens pareil. Il me disait qu’il voyait bien tel Duduss sur cette image, moi je n’aurais jamais vu ça comme ça. On a fait 10 toiles ensemble, à peu près moitié qui vienne de moi, moitié qui vienne de lui. Je n’aurai jamais eu les idées qu’il a eues et il n’aurait jamais eu les idées que j’ai eues. C’était marrant d’avoir ces échanges. Il connaissait mon univers, il savait dans quelle direction aller. L’échange était vraiment génial.

Sublimer et que le travail des deux ne soit pas le travail d’un par rapport à l’autre mais bien ensemble.

Est-ce qu’il y a des collaborations que t’aimerais faire ou refaire ? C’est le moment de passer peut être un message.

Je suis assez timide. Si on me propose une collaboration, je vais directement accepter. Je pense. Mais je vais difficilement demander à quelqu’un de travailler avec moi sur un projet. Je l’ai fait avec Gregos. Mais je suis moins à l’aise pour demander. Il y a beaucoup d’artistes avec qui j’aimerai collaborer, avec lesquels je pense que mes Duduss pourraient bien aller. Comme ça, je n’ai pas forcément d’idée.

Il y a plein de styles et de manières de collaborer entre artistes. Comme disait Kelek, j’aimais beaucoup cette idée, des fois une collaboration va venir dans la rue parce que l’artiste va venir poser un dessin à côté d’un autre et qu’ils vont dialoguer ensemble. Même si ce n’est pas voulu, c’est la rue qui les a fait se rencontrer. Des fois, c’est une juxtaposition de deux univers, où les deux artistes se disent « tu fais ça de ton côté, je fais ça du mien ». Après comme tu le décrivais avec ton ami photographe, cela va plus loin, on va fondre les deux univers l’un dans l’autre. Est-ce que dans toute cette palette de collaboration, tu te retrouves et tu imagines pouvoir faire quelque chose ?

Je pense que oui. Après l’idée d’intégrer un Duduss sur une autre œuvre dans la rue, je ne ferai pas vraiment cela sans son autorisation. Parce que je pense que cela ne se fait pas. Je le ferai pas tout seul. Mais maintenant cela pourrait être marrant.

Comme tu as dit, soit discuter avant et faire quelque chose ensemble, soit mélanger deux univers, soit intégrer dans la rue après l’autre, en demandant son accord, toutes ces choses là je pourrais le faire. Si cela se présentait à moi, je le ferai.

Si par mon intermédiaire tu pouvais poser une question à un autre artiste ou à tous les artistes, tu choisirais qui et tu lui/leur demanderais quoi? Cela aurait pu être dans l’idéel, une question que tu aurais pu poser par exemple à Keith Haring, à Dali.

Et bien. Si je pouvais je demanderais à Keith Haring et Tim Burton ce qu’ils pensent de mon travail. Je n’ai pas vraiment d’autres idées. Cela m’intéresserait d’avoir leur avis. Même si déjà, Tim Burton m’a déjà répondu par rapport à un travail que j’avais fait dans la rue. Ce n’était pas un récit personne, où il me disait ce qu’il aime et ce qu’il n’aime pas. C’était « merci pour ce que tu as fait, etc ». Cela m’a fait extrêmement plaisir. Mais j’aimerais bien avoir leur avis, précis sur ce que je fais.

La partie finance. On ne va pas faire l’état de tes comptes. Cela va dans deux directions. Déjà de savoir si tu vis de ton art ou s’il y a un à-côté qui te permet de vivre.

Il y a un à-côté. J’ai commencé en étant étudiant et je le suis toujours. Je suis en stage. Je gagne un peu de sous avec Toctoc. Mais je ne pourrais pas en vivre. Certains mois c’est bon. D’autres je ne gagne rien car je ne fais rien tout simplement. Donc si je devais en vivre, je me donnerais plus à fond. Aujourd’hui ce ne serait pas stable. Cela n’a jamais été mon but, en tout cas pour l’instant.

Dans cette idée là, d’avoir un boulot à côté et Toctoc de l’autre, est-ce qu’il y a une stratégie pour avoir un équilibre, pour que tu sois content, pour ne pas délaisser un pour l’autre ? Même si là, tu me disais que tu avais mis de côté la rue. Est-ce que tu t’y retrouves ? Est-ce qu’à des moments tu te dis qu’il te faudrait une semaine pour faire certaine chose ?

J’ai deux frères et mes parents. Je suis très proche d’eux. Il y a des périodes, comme par exemple en début 2013, pendant quatre mois où je faisais une illustration par jour. Je les mettais sur les réseaux sociaux. Cela me plaisait au début. A côté j’étais en licence. Ce n’était pas simple de combiner les deux. Cela m’arrivait souvent de craquer, de leur dire que je voulais tout arrêter, mes études et Toctoc. Des moments où j’en ai vraiment eu marre, où je travaillais beaucoup. Mes parents et ma famille me rappellent aujourd’hui de ces moments où j’avais du mal à allier les deux. Maintenant j’arrive un peu plus à gérer mes priorités. Quand j’ai des choses à faire au boulot, je travaille et ne fais rien à côté. Quand je suis plus libre, je travaille pour Toctoc. C’est toujours assez difficile.

Cela me fruste parfois car j’ai beaucoup d’idées et pas beaucoup de temps pour toutes les faire. En parlant de ça à mes parents et mes frères, j’en suis venu à l’idée de prendre quelques mois à la fin de mon stage. J’ai mis des sous de côté depuis que je travaille. Je vais prendre du temps pour mener à bien mes projets artistiques, notamment avec Toctoc. Voir ce que cela donne, ne pas être dans le regret. Je n’avais jamais pu faire cela pleinement donc cela va me faire du bien.

C’est un sacré soutien d’avoir ta famille derrière toi.

Je vis avec mes frères depuis que je suis sur Paris. Quand je rentre du boulot crevé, que j’ai un truc à faire pour ma licence, que j’ai également un truc pour Toctoc parce que je me suis engagé, que je n’en dors pas la nuit pour pouvoir tout réaliser, c’est un sacré soutien de les avoir auprès de moi. Comme mes parents et mes amis. Quand je suis fatigué, que je n’en peux plus, ils sont là, ils me disent de faire une pause, d’y revenir après. Ils arrivent à me calmer, à me recentrer, là où je n’arriverai pas à le faire tout seul.

L’idée de prendre du temps. Tu es jeune aussi. Mais il est important de ne pas passer à côté de quelque chose. Il y a peut être une opportunité, une fenêtre de temps qui permet de faire ça. Il est important de se l’autoriser.

Là je finis mon stage de fin d’étude. Je n’ai pas de boulot. J’en profite, je vais faire ça à fond avant de retrouver un travail.

Ce qui va vouloir dire que je vais te rappeler à partir de septembre pour savoir quel soir tu vas aller coller et te suivre.

C’est ça.

La réponse, je l’ai. Tu exposes. Mais la première fois, par rapport à l’arrivée de Toctoc sur un mur, c’est arrivé combien de temps après ?

J’ai collé mon premier en septembre 2011. Après je n’en ai pas collé tout de suite. Trois autres décembre 2011. Vers janvier – février 2012, y’a la galerie Ligne 13 (vers métro La Fourche) qui m’envoie un message : « voilà Toctoc, on aime bien ce que tu fais. On voudrais que tu exposes chez nous ». J’avais collé 4 Duduss dans les rues. J’étais tout nouveau et bien surpris. J’étais content. En avril 2012, c’était la première fois que j’exposais. Après tout s’est enchainé. J’ai fait directement ma première expo personnelle en juillet 2012 vers Bourges. Une ville m’a accepté dans sa bibliothèque ; j’ai fait une expo de deux mois. Ensuite le Cabinet d’Amateur m’a contacté. Puis j’ai eu d’autres galeries qui sont venues vers moi.

Est-ce que c’est facile ou pas d’être exposé, de sélectionner ses œuvres, de trouver un fil rouge ? Est-ce que c’est un travail qui te plait de réfléchir à ce que tu vas montrer, ce que tu vas choisir ?

C’est ce que je trouve intéressant. C’est un autre système de travail. Pour ne pas piocher et prendre telle œuvre ou telle œuvre, je crée spécialement pour l’expo. Je vais trouver un fil rouge. La première expo personnelle c’était le thème de la musique, 21 toiles avec des musiciens. J’aime bien trouver un lien. Je travaille à chaque fois de manière différente. La dernière expo c’était les films, sur des photos. J’ai fait également sur des toiles, sur des matières un peu cartonnées pour l’utiliser. Ça dépend de la philosophie de l’expo, de la galerie et de ce que je veux donner. Je vais m’amuser avec tout ça.

Alors j’en vois un (Toctoc porte un t-shirt avec un de ses œuvres) mais est-ce qu’il y des produits dérivés ? J’ai vu une ligne de sac, j’avais vu un t-shirt. Est-ce que c’est des choses que l’on peut trouver facilement ? Est-ce qu’il y a d’autres choses ?

Alors les sacs j’ai fait ça il y a un an. Je demandais à des filles de me donner un sac dont elles voulaient se débarrasser ou customiser, je leur demandais quel Duduss et quelle scène et je leur dessinais. Il n’y a pas de sérigraphie. C’est sur demande. Depuis deux mois, avec le site www.monsieurtshirt.com, ils me font des t-shirts à partir de 9 visuels que je leur ai donné. On peut commander ces t-shirts sur leur site.

C’est aussi intéressant. D’une certaine manière, cela porte ton univers différemment. Des gens deviennent avec leur t-shirts des représentants de Toctoc. C’est une autre manière d’appréhender le travail artistique. Je me posais la question également d’en créer une BD, un dessin animé. C’est un univers à mon sens qui s’y prête. J’aimerai découvrir ton univers animé. De mélanger la réalité et le personnage de fiction. Cela me ferait rigoler d’avoir un Duduss là, assis à côté de nous, en train de boire un verre. Ce type de projet là, est-ce que l’on est venu te solliciter ou est-ce que tu avais le faire, d’aller chercher une équipe pour réaliser ça ?

J’ai voulu lancer une gamme de t-shirt l’année dernière. Par moi-même je n’ai pas réussi à le faire. C’était trop compliqué de le gérer seul. monsieurtshirt est venu me voir pour ça. C’est eux qui me l’ont proposé. Pour mon court métrage, j’ai commencé il y a quelques mois sur le scénario, sur le story-board. J’ai commencé à le faire tout seul. J’en ai parlé à des personnes, qui en ont parlé autour d’elles. Finalement, une boite de production m’a contacté en me disant qu’elle avait entendu parler du projet et qu’elle avait envie de le faire. J’ai directement accepté. A chaque fois, c’est eux qui viennent à moi ou c’est des rencontres. D’ailleurs c’est          marrant ce que tu disais car le court-métrage, cela va être des Duduss dans la réalité, dans un vrai film. C’est exactement mon projet.

Je vais dire ce que j’ai fait hier au soir. En préparant l’interview, je regardais Mary Poppins. C’est l’un des premiers films qui mêlait réalité et animation, qui faisait rentrer autant les personnages de fictions dans le réel et les acteurs dans le dessin animé.

Concernant internet, Facebook, est-ce que c’est quelque chose que tu utilises ? Est-ce que cela permet de tisser un réseau ? Comment tu vis cela ?

Cela me plait. C’est très utile pour les artistes et surtout pour les Street artistes. Cela permet de donner une longévité aux œuvres éphémères. On prend une photo de notre œuvre dans la rue, on la met sur internet. Ça permet de la faire vivre. Après d’autres gens vont prendre une autre photo, ils vont la mettre sur Facebook. Cela fait vivre une œuvre. Pareil pour les illustrations. Cela permet de la faire voir à tout le monde. En plus maintenant, c’est ça qui est bien fait, c’est que les personnes qui ont envie de voir ce que je fais peuvent aller sur mon page Facebook. Cela montre mon travail et permet d’être au courant de mon actualité. C’est un moyen de diffusion parfait.

C’est presque la fin. Juste une série de questions.

Si tu avais un morceau de musique, un groupe, une style à me conseiller?

Ma chanson préférée, que je trouve la plus complète, est Sympathy for the devils des Rolling Stone.

Si tu avais un bar où prendre un verre, un restaurant où manger ?

Que je réfléchisse. Il y a un restaurant que j’ai fait il y a pas longtemps et qui m’a marqué c’est le Miss-Ko, avenue Georges V. C’est un restaurant japonais qui a été designé par Stark. J’ai été vraiment marqué par son univers, son ambiance un peu feutrée, sa nourriture.

Si tu avais un message, un coup de gueule, une dédicace à passer, un cri du cœur ?

Le message que je fais passer par Facebook, de partout, c’est « longue vie au Duduss »

Si tu avais un voyage à faire ?

Déjà, c’est marrant, je pars en octobre pour 3 semaines au Etats Unis. Avec ma cousine. On se fait un road trip à deux. On voulait le faire depuis qu’on est petit. Maintenant que l’on a fini nos études, on va le faire. Je vais en profiter pour coller mes Duduss. Un endroit que j’aimerai bien faire, mais peut être pas pour l’instant, c’est l’Amérique du Sud, Argentine, Brésil. C’est un endroit où j’aimerai bien collé également.

Les Etats Unis. Côte est ou ouest ?

On part de New York pour aller à Los Angeles en passant par Chicago. Une traversée des Etats Unis.

Si tes Duduss avait un message à te dire ?

Ça pourrait être « arrête de te foutre de notre gueule ». Parce que je leur fais subir des choses pas sympas. Moi ça me fait rire et le gens aussi.

Si tu avais un conseil à donner à un(e) jeune qui voudrait faire du Street art et qui te contacterait directement comme tu l’as fait ?

Je les aiderais avec plaisir. De toute façon, le conseil que je pourrais leur donner est celui que l’on m’a donné c’est de se lancer. Si tu es passionné, cela va le faire.

Si tu me posais une question pour laquelle tu étais assuré que je te donne une réponse et que je dise la vérité, tu me demanderais quoi ?

Il faudrait que je réfléchisse pour le coup… C’est quel est ton Duduss préféré et s’il y avait une scène à imaginer avec lui qu’est-ce que tu le verrais faire ?

Alors mon Duduss préféré. En fait j’ai trouvé très sympa Batman et Robin gay dans un cœur. Justement, c’était marrant de détourner les codes du héros virils avec son compagnon. Là pour le coup, l’univers dans lequel ils sont vient perturber tout ça. Donc si c’était eux. Peut être de les prendre à contre emploi dans des déguisements d’autres. Que l’on puisse imaginer qu’ils sont en train d’essayer les pouvoirs d’autres super héros et qu’ils se foutent de la gueule de l’autre. Par exemple, que Batman essaie de faire comme Spiderman et n’y arrive pas.

D’accord. C’est une idée qui pourrait être intéressante.