Interview de Dan23

J’ai juste osé poser la question : puis-je faire un interview avec vous lors de votre passage à Paris ? Et cela s’est fait, simplement. Comme si nous devions nous rencontrer à ce moment là, à cet endroit là. Le rendez vous était pris, jeudi 20 mars, à 14h30, à la galerie Mathgoth.

A mon arrivée, Daniel est devant la porte. L’accrochage est en cours. Une pièce est en finition. Moi dans tout ça, j’espère ne pas trop déranger, ne pas causer de retard. Je commence, assis sur le sol de la galerie, à expliquer le sens de cette interview. De l’autre côté d’un tableau, Dan23, détendu malgré son vernissage demain, ouvert à l’échange, présent pour moi.

Mes questions préparées sur le papier, et moi pour leur donner vie, leur donner une cohérence. Ses réponses fluides, claires, et lui en équilibre devant son tableau pour faire sens, faire monde. Nous étions à l’aise et nous avons pris le temps pour cette rencontre. Là et maintenant.

1 heure à donner et recevoir, à tourner les pages d’une histoire. Un vrai régal tant humainement qu’artistiquement. Je suis ensuite allé voir ses œuvres. Le premier mot qui me vient : puissantes !! Des couleurs qui résonnent au plus profond, dans les tripes. Certes la palette utilisée n’est pas vaste mais est pleinement cohérente tant au niveau de l’influence musicale, que du projet, que de l’homme. Des regards qui transmettent une douceur, une quiétude ; d’autres plus sévères, à la limite de se faire disputer. Le choix des supports est parfois étonnant : tôle métallique, bois.

J’ai en partant l’intime conviction que nos chemins vont se recroiser, que cette rencontre nous a, l’un et l’autre, touchés et qu’il y a quelques choses à faire ensemble. Je vous invite à lire l’interview de Dan23 en mettant en fond sonore Aretha Franklin, Otis Redding et autres artistes de Soul. Et si vous êtes de passage sur Paris, l’exposition à la galerie Mathgoth a lieu jusqu’au 17 avril 2014.


Pseudo : Dan23

Age : 42 ans

Site internet : http://www.dan23.com

1ere fois sur un mur : J’avais 13 ans. Quand la culture Hip Hop est arrivée, en 1984, j’ai commencé en faisant des portraits sur les murs. Avec les bombes de l’époque. Il n’y avait pas de site internet, il n’y avait pas de bouquin. J’habitais Clermont Ferrand à l’époque. J’y allais seul. On avait tous vu l’émission H I P H O P à la télé. C’était les prémisses.

Dernière fois sur un mur : C’était il y a deux semaines. Avec le montage de l’expo, cela n’était pas facile. Mais sinon j’essaie d’y aller 1 à 2 fois par semaine.

Lieux de prédilection : J’essaie toujours de faire ça en centre ville. Je ne vais pas dans les friches, les endroits où personne ne va. Je fais toujours ça au cœur des villes, pour rencontrer du monde. Je ne m’excentre pas.

Et pour l’instant, en France ? à l’étranger ?

Dès que je suis amené à bouger dans une ville, je mets quelques petits trucs. Ça dépend des voyages. J’amène toujours de quoi faire.

Définition : Le terme générique d’artiste me convient bien. De peindre sur un mur ou sur une toile, pour moi, cela ne change pas grand-chose. C’est juste un support différent. On me met dans une catégorie Street art mais moi, je peins tout simplement.

Au niveau de ce que tu fais, ton univers, peux tu me dire ce que tu aimes représenter ?

Ce ne sont que des gens que je connais. Des personnes de mon entourage. C’est à chaque fois des rencontres, musicales, artistiques, humaines ou un bouquin. C’est des gens qui m’ont permis de me construire. Je leur rends hommage. Parfois ce sont des grands musiciens, dont j’apprécie le travail. Ce sont des gens qui ont eu une influence dans ma vie, qui m’ont apporté quelque chose de bien. J’essaie de faire le lien.

Ton actualité : est-ce la première fois que tu exposes sur Paris ?

Oui. C’est ma première exposition personnelle.

Raconte moi ton histoire : Qu’est ce qui est important de connaitre de ton parcours personnel, professionnel ou artistique pour comprendre ton travail aujourd’hui? Quelles sont les étapes qui t’ont fait devenir Dan23?

Il y a eu des rencontres prépondérantes dans ma vie. Dont le barbu qui est là-bas :  Melvin Van Peebles qui n’a pas fait de peinture. Enfin il a été peintre un moment. J’ai vu une soirée documentaire sur lui sur la chaine Arte. C’est quelqu’un qui vient du Bronx, qui n’avait rien pour réussir. Il avait une telle volonté, une telle envie de se construire. J’ai vu ce bonhomme et je me suis dis « Dan, tu vas te mettre à peindre, tu vas travailler assidument, tous les jours, et petit à petit te construire ». Il y a eu d’autres personnes qui m’ont inspiré.

Comme une sorte de ligne, d’objectifs à atteindre.

Une projection. Je me suis dit, je vais le faire. Ça prendra le temps qu’il faut mais je vais me consacrer à cela, corps et âme.

Est-ce que, au cours de toutes ces années, il y a eu des évolutions, des changements ?

Oui. Vu que je suis autodidacte, j’ai tâtonné. Je ne savais pas vraiment quelle voie prendre. J’ai essayé des techniques différentes. Au début je venais de l’aquarelle. Je suis parti ailleurs en faisant du live painting sur scène pendant des concerts. Là j’utilisais de l’acrylique.

Quand j’ai fait le projet « Tour Paris 13 », j’ai rencontré plein de gens, vu plusieurs techniques et je me suis dit qu’il fallait que je trouve une technique que les autres n’utilisaient pas. Je suis donc revenu à l’aquarelle, que j’avais lâché depuis 10 ans, qui était à la base ma technique de prédilection. Je suis revenu à mes premiers amours. De temps en temps tu te perds, et tu reviens à ce que tu sais faire. Et c’est vrai qu’en plus personne ne l’utilise. Cela permet de se différencier.

As tu reçu un enseignement artistique ? 

Non. Je n’ai pas de cursus artistique, ni universitaire dans l’art. Je pense que ce n’est pas forcément nécessaire. Je pense que cela aide et permet de prendre des raccourcis. Mais finalement j’ai pris ma personne avec mes défauts et j’en ai fait des qualités. Je suis quelqu’un de spontanée, donc l’aquarelle était la technique qu’il fallait. Tu ne peux pas revenir en arrière. J’aime faire des choses vite fait, donc le croquis, que l’on retrouve dans ma peinture. Je suis quelqu’un de sale donc il y a des coulures, des taches.

Dans l’histoire d’une œuvre, est-ce que tu la conçois à part, fais tu un croquis ? Est-ce que c’est réfléchi en amont ?

Oui c’est toujours réfléchi. Il y a un travail sur ordinateur. Je cherche le cadrage, l’ambiance colorée. Je pousse les contrastes. Tout est fait ainsi sur ordi. Parfois quelques croquis préparatoires mais pas beaucoup. Je travaille à partir de photos.

Au niveau du matériel et des moyens que tu utilises pour réaliser tes œuvres ? Et au niveau des supports ?

Aquarelle. Un peu d’acrylique. Un peu de bombe. Mais c’est l’aquarelle qui prime. 

Je peins sur des toiles mais je préfère les matériaux un peu brut: tôles d’acier, bois. Cela me rappelle déjà le travail de la rue. Et il y a un graphisme derrière. Ton pinceau ne fonctionne pas de la même manière sur du bois ou de l’acier. Et puis même dans un souci éthique, c’est des matériaux de récupérations, qui à la base sont voués à aller à la poubelle. De leur remettre un coup de pinceau, cela permet de leur redonner vie, qu’ils retournent dans le système. D’ailleurs, je vais de plus en plus opter pour des matériaux de récup.

Le mode opératoire ?

Pour l’instant je n’ai peint que de manière illégale. Le fait d’être maintenant en galerie, on me propose des murs légaux. Cela change la donne. Tu dois préparer ça différemment. Tu sais que cela va être pérenne, que cela va rester. Donc tu fais attention au sujet que tu vas mettre en place. C’est souvent des grandes surfaces donc tu ne travailles pas cela pareil. Là, je vais rentrer dans une autre phase qui est plus légale. Même si je vais continuer à faire de l’illégale.

Est-ce que tu repères parfois des nouveaux lieux ? Suivant l’emplacement, projettes tu ce que tu vas faire ?

Oui. Je me promène, je fais des photos, je prends des mesures. Et puis après pareil sur ordi, je commence à mettre en place. Je travaille avant en atelier. Après j’arrive sur le lieu, déjà repéré. Il y a tout un mode opératoire, rarement une spontanéité. A part quand je vais dans des villes pendant un voyage. Et encore je peux amener mon ordi et faire mon ébauche.

Est-ce que tu fais ça de nuit ou en journée ?

Je fais ça en plein après midi, quand il y a le plus de monde possible. Pour rencontrer les gens. Quand tu as un métier artistique, forcément derrière c’est pour faire des rencontres. Je pense que tu as un besoin de reconnaissance, d’amour et c’est le moyen le plus simple.

Et tu as déjà eu des problèmes ?

C’est déjà arrivé que je me fasse arrêter. Ou des gens qui n’apprécient pas forcément ce que tu es en train de faire. Moi cela ne me pose aucun problème. Je comprends que cela ne plaise pas à tout le monde. J’explique ma démarche. Si je vois qu’en face la personne est agressive, le débat est stérile. Donc je dis « ok on n’est pas d’accord » mais je cherche pas à suralimenter le truc.

Et quand la police arrive, c’est moi qui viens les voir. « Bonjour messieurs ». Je leur présente mon travail, ma démarche. Je n’ai pas du tout en tête l’idée que je suis en train de vandaliser. Je me dis plus que je suis en train de faire quelque chose de positif. Mais je ne me prends pas trop la tête. J’assume complètement et s’il y a des conséquences, je les assume aussi. S’ils m’arrêtent et qu’ils me foutent une amende, et bien j’aurai une amende. Cela fait partie du jeu.

Utiliser un pseudo : c’est pour mieux se cacher ou se montrer ? En même temps comme ce que tu fais n’est pas légal, cela permet de dissocier le pseudo du vrai nom/prénom ?

Cela permet de distancier le travail professionnel de ta vie de tous les jours. Je fais vraiment la distinction. Le taf, cela ne doit pas prendre une part trop importante dans ma vie. Le bonheur, j’y accède plus avec la famille, les enfants, les amis. C’est là où je le trouve. Ce n’est pas en vendant des toiles. Je suis toujours gêné de rencontrer des gens qui me disent « c’est super ce que tu fais, t’es un génie ». Je n’y crois pas trop. Tout un chacun fait un travail, le mien j’essaie de le faire avec passion. Un boulanger fait aussi bien son pain et je ne vois pas pourquoi à lui aussi on ne lui dirait pas qu’il est un génie.

Et Dan23, cela a une signification ?

Dan parce que c’est mon prénom. Et 23… Au début de la culture Hip Hop, tout le monde avait un chiffre qui suivait son pseudo. Souvent c’était One. Mais moi je ne me voyais pas le premier. En plus DanOne, cela faisait Danone. 23 c’est un chiffre fétiche. C’est vraiment un chiffre qui me suit beaucoup. C’est devenu donc Dan23 naturellement.

La dimension politique : Est-ce que dessiner sur les murs, c’est pour questionner les habitants au sein d’une cité ? Est-ce que ce rôle là est important pour toi ?

Je ne me pose pas trop la question. Je pars du principe que la société propose des choses aux gens qui ne sont pas forcément de qualité (la nourriture, la musique) sauf si tu es curieux et que si tu le fais toi-même. L’art c’est pareil. Il y en a plein, cela ne les intéresse pas. Donc c’est plus dans cette dimension : il y a l’art en galerie, au musée, et il y a l’art dans la rue. Proposer des choses gratuitement et de faire en sorte que ce soit de qualité. Mais je n’ai pas forcément derrière de dimension politique. Cela va peut être changer lorsque j’aurai des grands murs. Essayer de faire des thèmes plus politique. Cela sera la prochaine étape.

Faire les choses gratuitement c’est important. Je le fais le plus souvent possible, pour des associations ou dans la rue. Il y a une dimension pour certains artistes purement commerciale. Dessiner dans la rue te permet de te faire de la pub. Je ne crois pas au discours «  je fais ça pour changer la planète ». Je pense que tout ceux qui peignent dans la rue, c’est aussi pour la com pour se vendre.

La plupart de tes œuvres n’ont pas de slogan, de phrase accolée, d’autres artistes le font. Tu en penses quoi ?

Moi, c’est très consensuel. Ce n’est absolument pas pour heurter.

Dans le choix des personnages que tu vas peindre, pour leur rendre hommages comme tu me le disais tout à l’heure, est-ce que tu les choisis aussi pour leur propre message ?

Oui. Ce n’est pas juste un hommage à un artiste. Je vais lire toute sa biographie. Je vais regarder des documentaires. Je connais beaucoup de choses sur les personnages que je peins. C’est aussi permettre un lien avec les gens. Lorsqu’ils vont s’approcher de la toile et me demander qui c’est, je serais en mesure de leur expliquer, de raconter l’histoire de ces personnes. Ce sont des gens qui oeuvrent pour que le monde soit un peu plus juste.

C’est aussi un lien avec eux, tu t’es intéressé à eux.

Oui c’est faire passer le message. On vit dans une société très individualiste. Regarde ces bonhommes, ils font ceci, ils font cela. De temps en temps, il faut aussi se retourner sur les autres. Et proposer quelque chose de généreux.

Est-ce que tu aurais une anecdote à me raconter sur une création dans la rue ?

C’est déjà arrivé qu’il y ait des réactions violentes. Je vais souvent peindre avec mes enfants. Un jour, la police arrive. J’étais en train de faire le portrait de ma fille, c’était marrant. Ils m’ont embarqué. Ils ont ramené ma fille à la maison donc elle était toute impressionnée. Il faut dire qu’ils étaient venus à trois camions comme si j’étais l’ennemi public numéro 1. Pour moi c’était surdimensionné par rapport à l’acte. Je suis ni un tueur, ni un violeur.

Sinon, rien d’exceptionnel car les endroits que je peins sont déjà dégradés. Donc je sais que pénalement ils ne peuvent pas me faire grand-chose. Après, il n’y a aucun risque, mise à part une rencontre inopportune, comme tu peux en avoir quand tu prends le métro. Et puis j’y vais toujours avec le sourire. Je suis content. Pour moi c’est vraiment important de le faire à visage découvert, en pleine journée, d’être accueillant quand les gens viennent.

Des fois, des belles réactions ?

Souvent. C’est avec les gens qui ont le temps. Donc les enfants et les retraités. Ils prennent le temps de parler, de discuter. C’est pour ça que je le fais. Il y a des belles rencontres. Certains même après t’invitent chez eux, à la maison, pour manger. Et moi, je suis friand de ça. De rencontrer des gens qui ne viennent pas du même milieu que moi, qui n’ont pas la même démarche. J’ai toujours été ravi de rencontrer des gens différents.

Tu disais tout à l’heure que tu le faisais parfois pour des associations. Cela te tient à cœur ?

Cela me paraît primordial. Surtout lorsque à un moment cela marche pour toi et que tu récupères de l’argent, pourquoi ne pas en faire profiter des gens qui en ont besoin. Je pense que je vais le faire de plus en plus souvent. Je suis contacté pour des ventes aux enchères. A chaque fois je dis oui. Pour moi c’est juste faire un dessin. Je ne me fatigue pas à aller bosser sur un chantier. Je dessine tous les jours. Donc pourquoi ne pas le faire pour aider les autres.

Je fais partie d’une association qui s’occupe d’un orphelinat au Burkina Faso. Je serais partant de monter d’autres projets et de les soutenir comme je peux. Tu es confronté à une misère qui est grandissante. C’est important d’apporter une pierre à l’édifice, avec les moyens que tu as. Cela me paraît normal pour moi. C’est comme ça que je trouve mon équilibre.

Est-ce qu’il y a eu des rencontres avec d’autres artistes qui t’ont apporté quelque chose ? De la technique ? Des virées ensemble ?

Il y a plein de personnes. Je suis friand de rencontres, notamment de gens qui ont des techniques différentes. Comme je n’ai pas de cursus artistique, je vais forcément apprendre quelque chose. Je fais parfois mes propres recherches sur internet pour découvrir de nouvelles techniques, en regardant des vidéos. Tu vois comment les gens bossent. Je m’imprègne de leur travail. Je sais qu’il y a certains artistes qui disent qu’il ne faut pas prendre leur technique. Moi cela ne me pose aucun problème. Je donne mes techniques et je le fais très simplement. Je suis beaucoup plus dans cette notion de partage.

Je pense que plus il y aura de gens qui écouteront de la bonne musique, qui mangeront de bonne chose, qui feront de la peinture, de la sculpture, mieux le monde se portera. Donc je suis pas du tout à cacher ce que je fais, c’est plutôt l’inverse en disant « vas-y, pique mes trucs et je ne vais pas t’emmerder ».

Plus on donne, et plus l’autre va donner à son tour.

Oui. C’est important d’essayer d’avoir une démarche de générosité, pour que petit à petit cela fasse boule de neige, qu’il y ait plus en plus de gens. J’ouvre toujours ma porte de mon atelier. Il y a des petits gamins qui viennent, qui me demandent comment je fais ça. J’explique. Cela me paraît normal, surtout avec des gens qui ont des questions, qui ont envie de comprendre et de s’investir. Quand je peux aider, d’une manière ou d’une autre, je le fais.

Et cela t’est déjà arrivé de collaborer avec d’autres artistes ?

Dès que je peux. Il y en a plein d’artistes avec lesquels j’ai envie de collaborer. A Strasbourg, malheureusement il n’y a pas grand monde. Là, vu que je suis amené à bouger, je vais leur proposer. En disant tout simplement « quand est-ce que l’on se fait une collab ? ». En ce moment, j’ai un grand atelier à Strasbourg. Ce qui va se passer bientôt, c’est que je vais inviter les artistes. Je leur dirai « tu viens une semaine, à la maison et à l’atelier on bosse ensemble ».

Y’a-t-il des noms que tu pourrais me donner ?

J’aime bien le travail d’Inti car il utilise la même gamme chromatique que moi. Il y a Mode2, David Walker qui est également exposé à Mathgoth, Jorge Rodriguez-Gerada. Mais que ce soit même pas forcément dans la peinture. J’aimerai bien des projets musicaux. Tout type de rencontres, je suis preneur. Je suis d’ailleurs assez ouvert pour faire des décors de film. Chaque expérience, chaque rencontre t’amène quelque chose de positif. Plus il y a en et mieux je me porte.

C’est un boulot où tu es tout seul. Tu travailles seul. Cela te déstructure, t’emmène dans ta bulle. Je ne pense pas que ce soit la bonne solution. Jusque là je fonctionnais de cette manière mais maintenant je vais faire en sorte de bouger un maximum, de ramener des gens dans mon atelier, que cela soit beaucoup plus vivant.

Cela peut être travailler avec une troupe de théâtre, d’ouvrir le champs, de faire des rencontres sympas.  Parce que les gens ont d’autres recettes de vie et qu’ils t’apportent leur petite recette. Forcément tu repars avec quelque chose. Alors que quand tu fais tout seul, tu tournes en rond. Tu es dans ton monde, dans ton truc, tu te perfectionnes. Et puis tu alimentes ton égo. Alors que c’est faux. Il est important de se confronter à des choses que tu ne connais pas pour te rendre compte que tu n’es pas unique, que tu es juste une personne parmi des milliards.

Rester humble, finalement.

Parce qu’en plus tu vis dans un truc quand tu es peintre, où les gens viennent, te font des compliments, te disent que c’est bien. Tu rentres aussi dans un monde où il y a du pognon. Tu traines avec des journalistes qui vont te complimenter. Tu vas être avec des collectionneurs qui eux aussi vont faire pareil. Et tu peux très vite croire que tu es quelqu’un d’important. Alors que non. Tu es juste un bonhomme qui fait de la peinture. C’est pour ça que j’aime bien sortir de ça, me confronter à d’autres façons de faire, d’autres façons de voir.

J’aime bien d’ailleurs me détacher de mon travail, que l’on me rencontre pour qui je suis et pas que pour les peintures. Il y a une époque où je ne pensais pas du tout comme ça. Parce que j’avais besoin de reconnaissance quand j’étais jeune notamment. Je savais que je le trouvais avec la peinture. Maintenant je suis passé à autre chose.

J’ai envie plus de me découvrir moi et c’est en se confrontant à d’autres. Ce n’est surtout pas en recevant des compliments que l’on y arrive. Tu es juste flatté mais cela dure qu’un temps. Et puis surtout c’est comme une drogue. Tu vas faire plus de peinture, pour avoir plus de reconnaissance. Mais intérieurement, est-ce que tu as réussi à te combler, à être heureux ?

J’ai compris que la recherche du bonheur ne passe pas forcément par le travail mais par autre chose, notamment des rencontres, des gens qui vont te remettre en cause, qui s’en foutent de ton travail. Ils voient ces côtés positifs et négatifs, en tant qu’humain. Ils te disent « c’est bien, tu fais des jolies peintures mais là tu déconnes ». Cela évite de se mentir à soi même. Parce que tu te caches parfois derrière l’artiste qui fait de belles images. Tu te mens à toi même et tu ne vas pas affronter la réalité. Je suis dans une étape où je sais que cela marche. Je n’ai plus de souci là dessus. Donc je passe à d’autres choses.

S’il y avait une question à poser à un autre artiste, via ma personne, à qui et que lui demanderais tu ?

A chaque artiste, j’aimerais lui demander : pourquoi il/elle peint ? C’est une question que je me pose souvent. Pourquoi je fais ça ? Pourquoi tu vas parler à telle personne ? Pourquoi t’as choisi cela ? Pourquoi tu t’habilles de cette manière ? Pourquoi tu lis ça ? La motivation qu’il y a derrière. Pourquoi cette personne me parle ? Ce n’est pas forcément une question que l’on se pose. On fait souvent les choses par automatisme. C’est vrai que depuis un certain temps, je me pose souvent cette question : Pourquoi ?

L’important c’est le sens. Pour moi c’est vraiment la question qui permet de savoir qui tu es. Parce que souvent tu ne te poses pas la question, tu avances. La vie est bien faite. Tu es toujours confronté aux mêmes problèmes. Tant que tu ne l’as pas travaillé, il revient. Et à chaque fois, cela fait de plus en plus mal. Parce que en âge tu avances, et tu te dis « j’ai encore fait la boulette ». Donc la question du pourquoi est venue naturellement. Réfléchis pourquoi tu fais ces choix et peut être que cela t’évitera de tomber sur les mêmes problématiques.

Niveau financier : Est-ce que tu vis de ton art ? Ou est-ce qu’il y a un à-côté ?

Non je ne vis que de ça. Il y a un moment où cela a basculé. C’est d’ailleurs assez récent. Avant je faisais du live painting sur scène. C’était quand même de la peinture, mais plus des commandes. Je jonglais entre les deux. Mais maintenant je ne vis plus que de cela. C’est très bien. Je suis content. Je ne peux pas rêver mieux. C’est la seule chose que je fais avec mon cœur.

Cette expo risque d’ailleurs de changer la donne. C’est la première, sur Paris. Tout se passe sur Paris. Derrière, je vais avoir beaucoup de commandes, de projets. Je sais très bien que cette expo va faire un avant et après, d’ailleurs je l’ai fait pour le coup avec mes tripes. Demain c’est un moment important, qui va changer beaucoup de chose. Je suis content que cela arrive. C’est un peu comme si tu t’étais fixé un objectif sur 20-25 ans et que cela arrive. J’ai fait ce que j’avais à faire donc après c’est que du bonus. Je ne me prends pas trop la tête. Je n’ai pas de peur pour la suite. Je me dis tu es arrivé à ce que tu voulais faire, maintenant le reste c’est cadeau.

La question suivante, mais j’ai déjà la réponse puisque nous sommes dans une galerie pour faire cette interview, c’était savoir si tu exposes ? Donc pour aller plus loin, est-ce que tu avais déjà exposé avant celle-ci sur Paris ? Est-ce que tu le vis bien ? Pas trop d’enjeux ?

Tout est arrivé très récemment. Au moment où j’ai décidé de faire un choix, cela m’a fait rencontré des gens. Tant que tu es dans l’entre deux, il y a une énergie qui fait que tu n’y arrive pas.  Tu restes dans un côté artisanal. Et à un moment j’ai dit stop. Je me suis dit que j’allais faire ça et que j’allais m’en donner les moyens. Cela s’est décanté. Je suis hyper content de la tournure que cela prend. En même temps, je me suis formé pendant 20-25 ans. J’ai 42 berges. J’ai acquis certaines connaissances. Je sais pourquoi je suis là. Donc cela arrive au bon moment, au bon endroit. Tout est parfait.

Je ne me pose pas trop de question. C’est une suite logique. Je suis prêt pour ça, pour rencontrer les gens. Je n’ai pas le bon discours, mais je sais de quoi je vais parler, de quelle manière.

Tu es exposé dans un bel écrin. Est-ce que l’on est venu te chercher ou est-ce que cela est arrivé par rencontre ?

C’est à partir du projet « Paris tour 13 ». Je connaissais la galerie Mathgoth depuis pas mal de temps parce qu’il y a beaucoup d’artistes exposés que j’adore. Donc forcément je suivais le parcours de la galerie.

En fin de compte, suite au projet « Paris tour 13 », au début ils m’ont appelé pour une expo en commun. J’étais super content. J’avais commencé à bosser sur l’expo. Ils m’ont rappelé pour me dire que je ne faisais plus l’expo en commun, et j’ai dit « oh ben merde ». Ils m’ont dit « tu fais partie de la galerie, on t’embauche pour une expo solo ». Ce n’était pas du tout prévu. Ce qui fait que dans mon planning, j’ai eu trois semaines pour tout faire. C’était charrette. J’avais à côté, dans ma vie, plein de trucs à gérer. Je me suis dit « comment je vais faire ? ». C’était le moment le plus dense de ma vie.

En même temps je n’avais pas le choix, j’attendais ce moment depuis 25 ans. Avec l’envie d’assurer, montrer de quoi je suis capable. Je suis « un papy » dans la scène Street art. La nouvelle génération, je les côtoie beaucoup. Il y a plein de trucs qui me désolent. Je me rends compte qu’il y en a plein qui ne savent pas dessiner. Donc j’ai amené beaucoup de croquis pour montrer que les papys, ils viennent du brut, du terroir, du dessin. Et montrer d’autres choses, colorés. Montrer mon savoir faire sans me mettre la pression.

C’est ma première expo, j’avais de toute façon trois semaines pour la faire donc je n’avais pas le temps de monter un concept. Ça sera l’étape suivante. J’attends de voir comment cela va se passer. J’ai vu que je pouvais faire 30 toiles en 3 semaines. Derrière, la prochaine expo, je vais la préparer, avec une thématique, avec beaucoup de scène, avec plein de personnages. J’ai déjà plein d’idées. Mais j’attends les retours de celle-là.

Cela sera aussi un moment de rencontres. Je le vois par rapport à l’événement sur Facebook, les personnes qui déclarent participer : le cercle des amateurs de Street Art, des collectionneurs.

Même si je suis un papy, les gens ont rarement vu mon travail. J’étais à Strasbourg, éloigné. C’est assez marrant, il y a beaucoup de gens de la culture Hip Hop qui aiment bien mon travail, alors que l’on n’a pas du tout les mêmes codes. Ils sentent que derrière j’ai un background Hip Hop. Ils savent que j’ai une technique différente. Donc je pense que par curiosité, il y a pas mal de gens qui vont venir. Pour les gens qui me connaissent, ils savent que je ne suis pas un requin, que je suis accessible. En tout cas, j’essaie de l’être.

Je suis curieux de savoir ce qui va se passer demain. J’ai hâte. Surtout à ce moment de ma vie.

C’est un peu, un point de convergence. Beaucoup de choses s’accumulent au même moment, sans qu’il y ait danger forcément. C’est juste ce qu’il faut, quand il faut.

C’est ce qui devait arriver. C’est effectivement un point de convergence gigantesque. Comme si tout était accès sur mon 42ème anniversaire qui arrive la semaine prochaine. A 42 ans, il se passe un truc. Il faudrait que je regarde sur 42 ans, s’il y a une signification. Jusqu’à la j’ai pris ce chemin, et après je me dis j’en prendrai un autre. A partir de la semaine prochaine. Avec les acquis que j’ai accumulés, avec les choses que j’ai comprises. C’est intéressant.

D’un seul coup, une visibilité sur plusieurs œuvres, sur plusieurs techniques.

Sur 15-20 ans de travail. J’ai ressorti tous les gens qui m’ont épaulé, soutenu. C’est un feed-back sur toutes ces années. Je passe à autre chose. Je vais tourner une page. Je rends un hommage. Et pourtant il y a des gens qui sont là et qui ne m’ont pas forcément soutenu. Mais ils font partie du parcours. Ils m’ont formé. Je clos un truc.

Il y a une phrase issue d’un poème d’Antonio Machado qui dit « Caminante no hay camino, se hace camino al andar ». Ce qui veut dire « Marcheur, il n’y a pas de chemin, 
Le chemin se construit en marchant ». Les pas s’enchainent et c’est aussi important de marcher que de découvrir le chemin.

C’est marrant. J’ai vu un film qui traitait de cela. Un vieux qui disait à un jeune « je vais te montrer un truc génial en haut de la montagne ». Ils marchent des heures et des heures. Il demande « c’est où ? ». Le vieux lui dit « regarde le caillou ». L’autre qui lui répond « tu te fous de ma gueule ». Et le vieux de dire « c’est le chemin parcouru qui est important, le fait que tu aie marché, que tu aie regardé, que tu aie espéré ». C’est vraiment ça. Tu ne te rends pas compte tant que t’es en mouvement, que t’es jeune, mais en fin de compte chaque action a une répercussion. Un jour, il arrive des trucs. L’expo c’est vraiment ça, l’enchainement de plein de choses qui m’ont emmené là.

De voir des photographes ou des amateurs, prendre en photo tes œuvres, les faire circuler, les tagguer, est-ce que tu regardes cela ? 

Au début oui. Parce que tu as besoin de reconnaissance. Maintenant je ne fais plus trop attention. Mais c’est assez récent. Je regarde de moins en moins. A un moment, c’était important. Même si je ne suis pas quelqu’un qui doute, cela m’a permis de me sécuriser. Je suis aujourd’hui passer à autre chose. Le travail a pris moins de place dans ma vie. Je vais regarder de temps en temps. On ne sort pas d’une habitude comme ça.

Internet, c’est aussi un support important. Cela nous a permis notre rencontre d’aujourd’hui. Cela permet de faire vivre le Street art. Comment tu vois cela ?

C’est indispensable. Le Street art ne serait pas devenu ce qu’il est sans internet. Les nouvelles technologies ont amené son essor. Sans, cela serait né et serait mort. Cela a une dimension mondiale. Tu mets un truc, ça fait le tour du monde en deux secondes. Il y a des artistes qui font du Street art au Japon, en Israël, au Kazakhstan.

C’est un mouvement artistique qui est devenu mondial grâce à internet. Et les artistes peuvent être autonomes sans exposer en galerie. Moi aujourd’hui je suis à Mathgoth, mais j’ai vécu de la peinture pendant 10 ans sans être en galerie. Je vendais en direct. L’outil internet a complètement changé la donne. Avant tu devais démarcher des galeries, maintenant c’est les galeristes qui te démarchent parce qu’ils ont vu ta page Facebook.

Cela crée un réseau, un lien, entre individus, même j’imagine entre artistes.

Tu peux suivre les gens, parler avec eux alors qu’ils habitent à l’autre bout du monde. Cela a changé la donne. J’avais compris cela dès le début d’internet. Je savais que ça serait une révolution. C’est là que je me suis dit « tu seras peintre ». Tu vas apprendre à faire des sites internet. Tu vas apprendre à faire des livres tout seul. Pendant 15 ans, je me suis formé au graphisme. Le besoin d’avoir un contrôle total sur ce que je faisais. Pour ça, l’outil internet c’était génial.

C’est un bel outil, avec un potentiel intéressant. Moi qui ai vécu à l’étranger, qui ai aujourd’hui une partie de ma famille qui vit dans les départements d’Outre-mer, c’est magique de pouvoir se parler, se voir, pouvoir discuter. Il y a un lien malgré la distance.

Si tu avais un groupe de musique ou une chanson à me conseiller :

J’en ai plein. Toutes mes peintures portent le nom d’une chanson. Je suis très Soul. J’écoute aussi du Funk, Hip Hop et Jazz. J’ai une prédilection pour les artistes de Soul. Donny Hathaway, Aretha Franklin, Curtis Mayfield. J’en ai à foison. Chaque morceau a vraiment un impact particulier. De temps en temps, je vais écouter du Hip Hop, pour remettre de la niaque en moi. De la Soul pour me calmer. Du Funk pour danser.

Je fais un lien avec le nom de l’expo « Express yourself », est-ce qu’il y a une signification, notamment avec la Soul Musique ? Historiquement parlant elle est la mère de beaucoup de style de musique. C’est également une musique qui met en vibration, qui sort des tripes, où l’on ne feint pas une émotion.

La soul c’est l’âme. C’est de l’émotion pure. Le funk c’est plus de l’énergie, la danse. Il y a un côté très sexuel. Le Hip Hop c’est plus revendicatif. Chaque style de musique va être associé à quelque chose de différent et à chaque moment de ta vie tu as besoin de l’une ou de l’autre.

Et donc « Express yourself » ?

Exprime toi toi-même. Soit toi-même. Rentre pas dans un moule, en te disant il faut penser comme-ci, c’est eux les méchants, eux les gentils. Pense par toi même.

C’est autant pour toi que pour les autres ?

Oui. Je pense que tu construis tes rapports humains dans le fait d’être honnête. Donc je n’ai pas forcément envie d’avoir de gens qui viennent me dire « c’est génial ». J’ai aussi envie d’entendre que « c’est pas bien bossé », « tu t’es pas fait chié la dessus ». La discussion ne marche pas si tu fais d’une manière trop passionnée, à vouloir exploser la tête de l’autre. Je pense que tu peux avoir des points de vue différents. Si tu es respectueux, c’est un enrichissement pour les deux personnes.

C’est comprendre aussi d’où la personne parle, comprendre pourquoi l’interaction se fait ou pas sans être dans un dénigrement.

Si c’est juste pour dire « c’est de la merde », si c’est pas construit, cela ne m’intéresse pas. Si je t’écoute et si tu m’écoutes, dans ce cas, cela va être une super rencontre.

Si tu avais un lieu où boire un verre :

Hier je suis allé à la Machine, voir un concert de Hip Hop. Génial. Le cadre intimiste. Je ne connais pas d’autres lieux sur Paris.

J’aime bien les lieux atypiques, et les gens atypiques d’ailleurs. Les choses très stéréotypées qui ressemblent aux autres bars, aux autres restos, cela ne m’intéresse pas. J’aime quand il y a une âme, que la personne apporte sa culture au sein de son établissement.

Puisque tu en parlais tout à l’heure, il y a aussi la qualité de ce que tu vas y trouver.

Pour moi un cuistot, il doit choisir des bons aliments. S’il fait juste de la cuisine pour se faire du blé, il a rien compris. Comme un peindre, s’il fait ça uniquement pour faire plaisir au public et vendre ses toiles, il a rien compris. Il faut vraiment faire des choses où l’on ne t’attend pas, prendre des risques, changer à un moment d’axe. C’est que quand tu prends des risques que tu es libre. Comme quand tu pars en voyage, tu prends le risque de partir, dans un pays où tu ne connais pas les gens, où tu ne connais pas la langue. En fin de compte, tu en reviens magnifié. C’est génial, une superbe expérience. Il faut toujours avoir une petite part d’imprévu, à un endroit où tu te dis « je ne sais pas comment faire ». Y’a que comme ça que tu te réveilles.

Si tu avais un coup de gueule à passer :

Cette thématique de expo (il montre l’un des murs de la galerie). Même si les gens ne le voient pas, s’imaginent que c’est simpliste. La section « Open your eyes ». C’est vraiment ouvres les yeux. Même moi. Ouvre tes yeux. On te dit que lui c’est le vilain dictateur, que lui c’est le gentil ; on te dit que l’on va faire une guerre humanitaire et c’est de la belle merde. Quand tu fouilles, que tu vas sur internet, que tu regardes, pas ce que balancent les médias, mais plus les journaux d’investigations, tu te rends compte que l’on se fout royalement de ta gueule.

On voit que le monde tourne pas rond. Les 96 plus grandes fortunes du monde ont plus de la moitié des richesses mondiales. 96 bonhommes pourraient sauver le monde. Eux, ils accumulent des richesses gigantesques, qu’ils cachent dans des paradis fiscaux. Alors que par une redistribution il pourrait changer la donne. C’est des gens qui sont en plus accueillis, avec le tapis rouge alors que c’est des escrocs. Ils tuent des gens, ils foutent des milliers de gens dans la merde. Ils polluent la planète. Ils te donnent à manger de la merde. Et ils ne vont pas faire un jour de cabane. Après on le voit, toutes les affaires, les mecs qui  détournent des millions et qui ont 3 mois de sursis et l’autre qui se fait choper avec 3 barrettes de shit et qui prend 6 mois. Ouvre les yeux sur ce que l’on te donne à bouffer, c’est de la merde. On se fait tous plus ou moins entuber. Donc fais attention. Renseigne toi.

On a passé un cap, où la France est partie dans plein de guerres. On est allé en Libye, là au Mali. Je me suis pas mal documenté. Tu te rends compte que c’est fait pour des intérêts économiques et pas du tout pour sauver les gens. 10 ans plus tard tu regardes le pays, ils n’ont rien fait. Ils sont venus mettre des bombes mais ils n’ont pas construit d’écoles. Ils sont juste allés piquer les ressources de ce pays et le peuple derrière il subit les séquelles de la guerre, des gens ont été persécutés, des femmes violées. Il n’y a plus d’hôpitaux, plus d’écoles. C’est des peuples qui vont mettre 50 ans pour reconstruire. Et pendant ce temps, nos gros industriels, ils se sont gavés jusqu’à l’os.

Ouvre les yeux parce que y’en a raz le bol. Cela dure depuis trop longtemps. La révolution, elle passe déjà par une révolution intellectuelle. Plus de gens vont comprendre, plus nous pourrons renverser ces systèmes. Ce qu’on fait les blacks dans les années 60 dans les Etats-Unis. Je pense qu’il y a eu plein de révolution qui sont arrivées où c’est le peuple qui a dit « vous, vous dégagez ».

Si tu avais un voyage à faire :

Il y en a plein aussi. Je pense déjà à l’Afrique. Obligatoirement. Je peins que des blacks donc l’Afrique sera très vite une des destinations. Me promener là-bas. Aussi Fidji, l’Islande, Canada.

Là je pense que, maintenant que j’ai trouvé mon rythme, je vais enchainer beaucoup les voyages pour ramener du neuf dans mes créations, dans ma vie. Arrêter le côté rester à la maison, même si j’ai deux gamins. Forcément il faut rester pour eux. Mais là, les rentrées d’argent font que je peux aller découvrir le monde.

Cela pourrait être un voyage dans l’optique d’un projet, d’une exposition ?

Complètement. Je me vois bien comme ça, monter des expos thématiques par pays. Parce que vu que j’ai un besoin de rencontrer les gens, quand tu vas dans un pays, tu te poses, tu rencontres des gens. Trop simple de faire un portrait du bonhomme en disant que je suis peintre, regarde ce que je fais. Trop simple d’avoir des bonnes gueules. Et puis ramener l’âme du pays. Ma prochaine étape, cela va être de me dire, je pars deux ou trois semaines dans un pays et puis je reviens avec de quoi faire pour monter des expos.

Et prendre le temps. Quand tu dis 2 ou 3 semaines. Pour ne pas juste venir piocher et repartir.

Non prendre le temps de découvrir la musique du pays, la bouffe du pays. S’imprégner. Trouver quelqu’un sur place, qui va pouvoir te faire prendre des raccourcis. Tu appelles. Sors moi dans les bars, dans les bons restos.

Maintenant que je suis arrivé à faire une thématique sur 15 ans, je vais avoir des axes de recherche. En me disant je vais aller plus là dessus. La suite logique : les femmes. Je sais que je vais beaucoup travailler sur les femmes. Portrait. Je vais faire beaucoup de photos.

Sur des détails ? Ou des portraits ?

Des portraits. Même en pied, en entier. Forcément quand tu es un homme, c’est ce que tu ne comprends pas, les femmes. Cela va être une bonne façon de faire des rencontres, de poser des questions, de prendre le temps.  C’est la prochaine étape. Pendant 4-5 mois, faire des portraits de femme. Et puis après passer à autre chose, les voyages.

Si tu avais une question à me poser, où tu étais assuré que je réponde et que je te dise la vérité, tu me demanderais quoi ?

C’est : Pourquoi tu es venu faire cette interview ?

Je n’ai pas fait la Tour 13 car je n’avais pas la patience d’attendre. Quand j’ai pris en photo tes œuvres à Vitry, je les ai prises en essayant de les contextualiser, avec des gens, à utiliser tes œuvres pour regarder la ville. La couleur m’intrigue de manière viscérale. Elle vient m’interroger. En même temps elle me rassure, en même temps elle m’inquiète. Cela provoque beaucoup de sensation. Là, nous avions l’occasion de nous voir. Je cherche à faire découvrir quelqu’un, à montrer ce qui m’a touché. Concernant mon site internet, j’aimerais bien qu’à termes cela continue, que je puisse l’enrichir, pouvoir rencontrer de nouvelles personnes, de jouer ce rôle de passeur sur le Street art. C’est montrer des artistes et les rencontrer. Il y a quelques années je n’aurai peut être pas oser te demander pour cette interview, venir là. Aujourd’hui je suis au chômage donc j’ai plein de temps à consacrer à cela. Beaucoup de choses se jouent également pour moi. Avec ce qui m’est arrivé depuis un an, un licenciement, un prudhomme, je me dis que je suis content de qui je suis devenu aujourd’hui, d’avoir assumer certaines choses, d’être aller le plus loin possible, même si cela a été difficile.

Il y avait aussi se servir de cette bonne énergie. Il y avait un moment et un lieu. Je suis content d’être aller jusqu’au bout et de t’avoir rencontré. Maintenant je peux mettre un visage, je te comprends mieux et j’aimerais en découvrir davantage. C’est peut être la possibilité de créer quelque chose avec les artistes que j’ai rencontré. Notamment avec toi, je me dis, comme j’écris, que si je me penchais sur une toile, j’aurai peut être un texte qui pourrait venir, un écho.