Inside out – Mars 2014

Street Art
Étiquettes :

Il faut être patient.

Et dans ce monde où tout va vite, où l’on court pour le profit, pour la gloire, pour l’argent, où l’immédiateté est de rigueur, tout s’inverse avec le projet INSIDE OUT. Prendre le temps. Discuter avec ses voisins de file. Se réjouir du soleil. Faire quelques pas. Sortir son journal. Jouer aux cartes (mince j’ai oublié le jeu de tarot). Appeler ses ami(e)s pour leur dire de venir. Avancer encore. Et surtout être patient.

D’ailleurs plusieurs stratégies se mettent en place : les solitaires qui s’occupent comme ils peuvent, avec un journal gratuit, avec leur téléphone; les malins qui arrivent après et retrouvent une connaissance qui fait déjà la queue; les passionnés qui l’ont déjà fait et qui recommencent; le groupe de jeunes qui seront trop dans le coup une fois avec leur photo en mode JR; les curieux qui ne font que passer et qui, surpris, demandent « Mais vous attendez pourquoi? ».

Les discussions aussi sont surprenantes : sur le beau temps, sur la photographie, sur l’artiste, sur la nouvelle paire de chaussures achetée pendant les soldes, sur la pose à tenir au moment de prendre le cliché, sur ce qu’il reste à faire d’ici la fin de semaine.

Au loin, les portraits en noir et blanc, avec un fond à pois, sortent doucement du véhicule et s’étalent sur le parvis de la Basilique de Saint Denis.

Certains abandonnent. Mais peu. Un père de famille attend devant moi pour ces enfants, qui eux courent de partout. Certain(e)s ont travaillé leur style, ont accessoirisé leur tête d’un chapeau, d’un bonnet, de maquillage, de boucles d’oreille. Le rideau noir du camion s’ouvre et se ferme. Encore une demi heure.

Les deux jeunes femmes derrière moi finissent par se poser LA question : Est ce que JR est là? Est il dans le camion? Et l’une de répondre « je ne l’ai pas vu. Normalement il a des lunettes noires et un chapeau ». Comme quoi, le camouflage est efficace et précède celui qui le porte.

Plus que huit personnes. Les enfants sont revenus. Excités à l’idée d’avoir une photo géante d’eux mais ne voulant surtout pas que les gens puissent la voir. Mon tour, enfin (après 2h d’attente). Monter dans le camion. Baisser au maximum le siège. 5 secondes. Regarder l’objectif. 4,3,2,1… Je sors. Moins d’une minute plus tard, ma photo apparait sur le côté du véhicule. Elle descend. Ma tête. Puis elle glisse.

2eme question cruciale, existentielle : garder la photo ou aller la coller avec les autres? J’ai choisi de ne pas m’attacher à l’objet et de laisser vivre mon portrait à côté des autres, sur le parvis de la basilique. Les jeunes derrière moi ont choisi l’autre option. Peut être ont-elles tendance à vouloir être le centre de l’attention ou sujettes à se sur-estimer. « Comme ça on pourra la montrer aux ami(e)s ». « Fais un selfie sur la photo ». Quelle mise en abîme, un selfie dans un autoportrait.

Ça y est. Ma photo est collée. Parmi tant d’autres.

Le projet INSIDE OUT se déroule dans le cadre de rénovation de plusieurs monuments nationaux.
Plus d’information sur le site : http://www.insideoutproject.net/fr et http://www.au-pantheon.fr/fr/