Infra – 12 novembre 2012

Danse
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Il est temps (nécessaire peut être) d’expliquer le lien avec la musique de Max Richter et cela passe par Infra. Mais Infra qu’est ce donc?? l’histoire que je vais vous raconter nous emmènera d’Aulnay à Londres, de la musique à la danse, des rires aux larmes. Cette histoire me lie définitivement à ce compositeur, à sa musique comme si j’avais mis du temps à le trouver, comme si nous avions toujours été connecté. 

2011, En surfant sur internet à la recherche de musique à découvrir, je suis tombé sur Max Richter. Musique de film avec Valse avec Bachir, des projets plus personnels avec The Blue Notebook. Et Infra. Environ 30 minutes de musique. 13 musiques avec des noms énigmatiques. Un voyage à l’intérieur de moi, dans mes méandres, dans les limbes. Des sons, des bruits. Une voix comme dans une vieille radio. Puis des instruments de musique : violon, alto, violoncelle. Une vibration immense m’envahit. Une résonance inexpliquée. 

J’écoute en boucle cette musique. Sur le chemin du travail. A la maison. Dans le RER ou dans la rue. Je suis emporté. Cela devient une addiction, un besoin de remplir les moments de vide par ces morceaux de musique. Matin, midi et soir. Je ne peux m’empêcher. Cela devient incontournable pour écrire. Je mets mon casque, lance Infra 1 et appuie sur la touche « repeat all ». Je pleure parfois, je sors toute cette bouillasse à l’intérieur, ce que je ne veux pas voir, ce que j’ai trop voulu cacher. Cette musique devient une forme de catalyse, fait précipiter les impuretés, elle fait tourbillonner les émotions. Elle révèle mes parts d’ombre. 

Un jour, en discutant avec une amie, je veux lui faire écouter cette musique. Mon téléphone n’est pas opérationnel. Je vais sur un ordinateur, tape sur Youtube « Infra » pour trouver en écoute gratuite les morceaux. Et là. Stupéfaction, je vois une vidéo de danse contemporaine. Nous écoutons un ou deux morceaux. Puis je me lance sur la toile pour comprendre le lien entre cette chorégraphie et la musique. Révélation : cela a été composé par Max Richter spécialement pour un ballet de danse de Wayne McGregor. Infra est donc le nom d’une musique et le nom d’un ballet. Dès cet instant, je rêve de le pouvoir le voir. Créé en 2000, cela semble compromis. Se joue-t-il encore quelque part?

Je cherche. Infra, Wayne McGregor. Sans me faire trop d’illusion. Et là. Londres, Royal Opera House, novembre 2012. Plusieurs dates. Le ballet est repris. Sans attendre, je bloque 2 places. Je ne sais pas si mon copain sera disponible pour venir avec moi mais je trouverais bien quelqu’un pour m’accompagner. Je ne peux passer à côté de cette occasion. De fil en aiguille, nous arrivons à bloquer 5 jours à Londres avec au milieu la représentation. Je concocte un programme sympathique autour de cette date. Visite de Londres, Bricklane, Notthing Hill, la City, London Eye, comédie musicale Billy Elliot (les photos d’ailleurs se trouvent ici). 

Le voyage arrive. Eurostar. Auberge de jeunesse, Clink hostel à proximité de King Cross Station. De quoi s’amuser dans cette ville si magnifique, si tourbillonnante. Le jour J arrive. Direction Covent Garden. L’Opéra est dans un des coins de la place. J’avais pris « la totale ». Nous avions rendez-vous avant pour dîner dans le restaurant de l’Opéra. J’avais choisi en amont le dîner, l’entrée, le plat et le dessert. Nous avions même le choix du moment où nous voulions manger (à l’entracte par exemple). Un régal en tout cas. Nous entrons dans la salle. Majestueuse. Rouge. Nous sommes au balcon. Juste ce qu’il faut pour avoir une vue d’ensemble. 

La lumière diminue progressivement.  Enfin. 3 ballets ce soir. Avec une coupure entre chaque. Nous commençons avec Viscera de Liam Scarlet. Puis viens Infra de Wayne Mcgregor. Et pour finir Fool’s paradise de Christopher Wheeldon. Le moment temps attendu arrive. Comme si mon corps se devait de voir ce ballet, comme si ma vie ne pouvait être sans passer par là, tout disparait, le lieu, le temps s’arrête. 

Je pleure. Je ne peux m’empêcher, je ne peux les retenir. La musique pénètre au plus profond, fais vibrer chaque cellule. Elle déverrouille ce qui n’a jamais pu sortir,  ce qui assombrit parfois ma lumière, ce que je ne comprends pas toujours au fond de moi. Je pleure. Chaque larme comme pour retrouver mon humanité, me réapproprier mes faiblesses et mes forces, me ré-enchanter. Je suis là, plongé dans l’inconnue, à chercher les choses sur lesquels je peux me réjouir d’être en vie, à remettre en place le puzzle de ma vie. Je pleure. 

L’intensité de la musique, la beauté des corps sur scène, la magnifique chorégraphie font de cet instant un des événements clés de ma vie. Ceux que l’on peut compter, ceux qui marquent un avant et un après, un changement tellement radical que le chemin a dévié sans retour possible. J’avais fait le choix de ne pas trop chercher sur le net de vidéo du spectacle pour me réserver des surprises. Ce fut le cas. Les rythmes s’accélèrent. Les danseurs et danseuses. Les couples qui se font et se défont. La mise en scène grandiose. Une femme seule et tous ces passants qui continuent leur route, qui ne voient pas, qui sont indifférents. Un déchirement. Une main tendue dans ce vacarme. Heureusement. 

Les deux autres ballets étaient bien mais Infra reste mon coup de coeur. Il a eu (et la musique a encore) une emprise tellement forte sur moi que je me souviens avec détails de chaque minute, de chaque mouvement. J’ai eu tellement de chance de le voir. Depuis j’ai vu Max Richter en concert à la Philharmonie de Paris avec Vivaldi recomposed et The Blue Notebook. Une chose est sûre, je rêvais de pouvoir assister à une autre représentation d’Infra. Cela sera fait cette année, puisqu’il se rejoue à Londres en novembre.

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