Aérosol Part 7a – Interview de David Benhamou

J’en profites que l’Aérosol soit fermé pour vous partager l’interview de David Benhamou, co-organisateur du lieu. Cela vous occupera en attendant l’ouverture demain après-midi. J’avais tenté ma chance au démarrage du lieu et demandé à David s’il serait intéressé pour répondre à mes questions. Lors d’une de mes virées dans le 18ème, j’étais allé le voir pour au moins un premier contact, mettre un visage sur un prénom. Nous avions ensuite échangé par mail. Lors du passage suivant à l’Aérosol, il a pris le temps pour l’interview ce qui m’a permis d’entrer dans son univers, celui de Maquis-art. J’ai pu comprendre un peu mieux son histoire, sa place dans l’aventure et surtout d’où est né le projet de l’Aérosol. Ensuite il m’a mis dans les mains de son comparse Kévin Ringeval, pour comprendre la partie Polybrid. Alors, prêt.e ?? 1, 2, 3, lisez !!!


Pour commencer, j’aimerai beaucoup comprendre ton parcours, ton histoire. Avant peut-être de rentrer dans le Graffiti et le Street art. Comment t’en est venu à proposer cela ?

David Benhamou : C’est long, très long.

Est-ce qu’il y a eu des moments importants, des tournants qui t’ont fait rentrer en contact avec cet univers ?

DB : Moi, en fait je suis un ancien graffeur. J’ai commencé à graffer à 14 – 15 ans, en 3ème. J’ai commencé à faire des voies de chemin de fer, pas mal de chose autour du graffiti. J’ai beaucoup peint jusqu’à mes 21 ans. Après j’ai eu quelques soucis avec la justice qui m’ont fait arrêté, enfin pas arrêté mais levé le pied.

Quand j’avais 20 ans, j’avais stocké beaucoup de photos. Parce que quand j’allais prendre mes graffs en photo, je prenais tous les graffs qu’il y avait autour. Je stockais tout. A cette époque-là, j’ai voulu créer un magazine. Parce que j’avais des potes, Junky et Dezer qu’avait commencé Kiproline. A l’époque, il fallait 20 000 francs et je les avais pas. J’étais un jeune de 20 ans, étudiant, tout ce qu’il y a de plus classique. J’ai décidé avec CyeTwo, mon compère de l’époque, qui vit au Canada depuis 10 ans, de créer un site internet. J’ai acheté un bouquin de développement, lui a acheté un truc pour savoir comment utiliser Photoshop. Il s’est mis à l’infographie, moi au développement. On a créé Maquis-art en 97. J’ai perdu le nom de la plateforme. Y’avais quelqu’un qui m’avait ressorti des archives sur 90BPM. C’était avant que Free arrive, avant Multimania. Je sais plus, une sorte de prémices de blog, où il fallait un peu développer. C’était une sorte de page perso. On avait créé ça. Puis on arrivait sur Multimania. On a ouvert une page qui s’appelait Maquis-art.free.fr. Là on était dans les années 99. Ensuite, on a acheté un nom de domaine, on a pris des serveurs.

C’est les prémices d’internet. Aujourd’hui le lien est hyper fort entre le graffiti, le Street art et internet aussi. C’est un vecteur, notamment pour des œuvres qui sont éphémères. C’est aussi tâtonné pour montrer avec les moyens du bord de l’époque. Où il fallait plus bidouiller, plus s’y connaître qu’aujourd’hui.

DB : Oui c’est ça. Au début on avait un site entièrement en HTML. Après c’était trop lourd à mettre à jour. On avait déjà commencé cette architecture où on classait par nom, par graffeur, par lieu. On a commencé à monter une base de données. Y’a des gens comme, à l’époque, un mec de ParisGay.com qui nous a beaucoup aidé, un mec de aero.fr également. On a créé ce site, qui a grossit et grossit. Grâce à tous les mecs, des photographes, des administrateurs, qui sont venus nous aider à apporter de la matière. Ils ont tous eu une durée de vie de 3 – 4 ans sur le site, tant qu’ils ont été à fond dedans. Après ils ont une vie, ils passent à autre chose. C’est que des bénévoles qui modèrent le site.

On a eu un très bon référencement sur internet. Aujourd’hui on a la plus grande base de données au monde de Graffiti. Plusieurs grands groupes ont essayé de la racheter à plusieurs reprises. Je vais taire les noms. Le plus grand groupe sur internet qui a essayé de l’absorber pour faire leur truc Street art. Nous, ce n’était pas quelque chose qui était possible de la laisser partir. Sauf si on gardait la main, si cela restait un truc de passionnés. Si c’était pour la racheter pour la mode, c’était pas possible pour nous.

On était très bien référencé sur les Yahoo.fr, avant que Google arrive, sur tous ces annuaires. Après cela nous a couté de nous faire approcher par les gens du monde de l’art. Je pense à un de mes associés qui s’appelle Maurice Grinbaum qui est assez connu dans l’art contemporain. Il m’a approché en 2008 en me disant qu’ « à chaque fois que je tape le nom d’un artiste que je cherche, je tombe sur votre site. Qui vous êtes et qu’est-ce que vous faites ? ». Après il s’est dit « tiens c’est un vendeur de bombes, quoi de mieux pour faire le lien avec les artistes ».

Je vais remonter un petit peu avant. En fait j’étais salarié de Radio France. En tant que technicien. Le site a commencé à me couter très cher. Parce que l’on payait le flux. On payait par rapport au ko consommés. Cela commençait à faire cher car on avait 15000 à 20000 visiteurs / jour. Et des gens qui restaient longtemps. Au début c’était mon développeur, qui après nous a rejoint, qui m’hébergeait. Il m’a dit que c’était plus possible car on payait une blinde en hébergement. Donc on a repris un hébergement à nous. Je m’étais une partie de mon salaire là-dedans. Donc je me suis dit, CyeTwo était déjà parti, il faut que je trouve un moyen de ne pas à devoir payer quoi que ce soit, de rentabiliser le truc.

Donc en 2005, j’ai créé la société Maquis-art. On a commencé à vendre des vidéos, des VHS, du marchandising. Cela a pris tout de suite. Très vite on a vendu des bombes de peinture, à l’époque de la Montana. Cela a plutôt bien marché. Des marques ont été intéressées pour qu’on les distribue sur la France. Cela s’est fait comme ça. On a commencé à être distributeur en 2007, je crois. Je te raconte tout ça parce que tout est lié.

En 2008, Maurice Grinbaum est venu nous chercher. On a préparé la vente de la Cigalle qui a eu lieu en 2009. J’étais avec Emmanuel de Buretel et Alexandre Millon qui était le commissaire-priseur. On s’est retrouvé face à dilemme. Alexandre Millon me disait qu’il voulait du lourd dans la vente, sauf que le marché n’existait pas. Il y avait quelques personnes qui étaient déjà sortis, comme JonOne. Mais vraiment très peu qui était banquable. C’était beaucoup les Street artistes comme Blek le rat, comme Miss.Tic, qui étaient déjà sortis et déjà orientés galerie. Alors que les graffeurs ne l’étaient pas du tout. Dans les discussions, je lui disais « ok je connais beaucoup de gens certes mais comment je fais pour te trouver ceux qui valent de l’argent puisqu’ils ne sont pas côté ». Son souhait à Alexandre Millon était que son catalogue ne soit pas ridicule 10 ans plus tard. Là cela ne fait pas encore 10 ans et ce catalogue, j’en suis encore très fier. On était tout sauf ridicule.

C’était avoir une vision de comment cela allait avancer ou pas…

DB : Non. On avait aucune vision de ça.

C’était un sacré pari.

DB : On s’est raccroché à l’histoire des graffeurs et à leur légitimité dans le mouvement. C’est à dire, qu’il m’a dit « voilà si cela n’existe pas on va se baser sur les historiques ». Je suis allé chercher Bando, Colorz. Ils étaient tous très connus dans le Graffiti mais ils commençaient pas forcément à faire des toiles. Ou ils le faisaient vite fait pour se les échanger. A 95% j’ai eu tous ceux que je voulais. Il y a eu 5% d’irréductibles que j’ai pas réussi à avoir parce qu’ils ont refusé, ils m’ont dit que cela ne les intéressait pas. Pour certains, ils sont revenus après. Pour d’autres, ils sont jamais rentrés dans le mouvement. On était allé chercher à l’époque les UV, les TPK, les TPC, les MAC, des mecs comme Colorz qui avait fait la couverture du catalogue, des mecs comme des Seen, des Taki, plein de choses que le marché ne connaissait pas. On a fait cette vente. A l’époque, je sais plus si c’est à cette vente là ou celle d’après mais on a vendu un Dran 500 euros. Aujourd’hui c’est intouchable. On a vendu un Banksy, de 6 mètres de long que l’on voit que sur les photos, parce qu’on voulait pas mettre son nom sur le catalogue car il commençait déjà à avoir des procès. Si tu cherches un peu sur le net tu vas retrouver le catalogue. On avait une palissade de Banksy avec les singes et les pancartes de 6 – 7 mètres de long.

On était en avance sur le marché à cette époque-là. Il n’y avait qu’Arnaud Liveux qui avait commencé à faire des ventes aux enchères. Il avait fait des ventes où il introduisait des artistes qui étaient déjà rentrés en galerie, des ventes d’art contemporain. Donc c’était des ventes de 20, 30 tableaux. La seule vente de 300 pièces, c’était la nôtre, la première vente étiquetée Street art. donc c’est comme ça que je suis rentré dans le milieu de l’art, sans connaître grand monde. Après je me suis fait ami avec des collectionneurs. J’ai de très bonnes relations avec tous ceux qui nous ont prêté des œuvres ici. Grâce à ça, j’ai commencé à monter des collections pour des grands collectionneurs. Ça c’est pour la partie art. Pour la partie bombes de peinture, cela s’est aussi bien développé. On se retrouve aujourd’hui à être les seuls à produire jusqu’au dernier numéro, des magazines sur du roulant. C’est vrai que nous, on est aussi bien dans la fabrication de bombes de peinture, dans le Graffiti pur où on vend à des mecs qui vont faire des œuvres dans des autoroutes, des terrains vagues. Et à côté de ça, on fait de l’expertise auprès des collectionneurs.

Quand on a voulu montrer ce lieu, on voulait vraiment faire un vis ma vie à l’intérieur. Dans le musée, ou l’exposition, ce ne sera que des pièces qui viennent de collections privées, qui ont déjà vécu chez des collectionneurs, qui même pour plusieurs ont été vendues plusieurs fois. Dans les sourcings, y’en a plein qui viennent de ventes aux enchères, aussi bien de chez Art Curial, chez Piasa, chez Cornettes de St Cyr avec qui je travailles. Toutes les œuvres. On a les records de FuturArt sur papier qui était monté à, je sais plus bien, 27 ou 30000 euros. J’ai réussi à le retrouver. J’ai retrouvé le Dandy qui avait fait une fortune, 40000 pour un papier. Sur Shepard Farey, c’est le seul qui a été documenté par lui. Je vais mettre des QRcodes, peut-être pas pour l’inauguration mais très rapidement. Quand tu cliques, cela te met sur un site et là tu vois Sheipard Farey en train de faire une œuvre.

J’ai vraiment travaillé autour de tout ça et je suis vraiment allé chercher chez les plus gros collectionneurs. Je dis pas qu’il y en a qui sont pas gros mais sur des gens passionnés qui sont allés chercher des pépites. Je toque chez eux, je sonne à la porte. Je leur dis « ce que je t’ai vendu la dernière fois est-ce que je peux te le reprendre ? cela te fera un grand trou dans ton salon mais cela sera sympa de le partager ». Presque tous ont dit oui. Je suis très fier de ça. Cela prouve qu’ils ont une très grande confiance en nous. Parce que c’est leur bébé avec lesquels on part. et donc j’ai vraiment voulu qu’à l’intérieur il n’y ait aucun artiste qui donne de toile. Le wagon de Sidney qui est en bas. Le collectionneur me l’a amené, le wagon était abimé. Sidney est en train de le réparer. Donc il va repartir avec un wagon tout neuf. Ça c’est pour la partie muséal.

Pour la partie externe, je sais que la SNCF fait des bons quand je dis ça mais c’est un terrain vague, dans le sens générique Graffiti. Dans le sens où il y a des murs de disponibles, cela dérange personne et on y va. Donc là y’a tous les graffeurs qui sont venus, c’est assez spontané. Pour beaucoup on les connaît bien. C’est des coups de téléphone, « est-ce que l’on peut venir peindre ? ». Ils viennent avec leur peinture, on en vend sur place. Ils font un mix de ce qu’ils ont amené, de ce qu’ils ont pris sur place.

On a trois gammes de murs : des grands carrés que l’on laisse à ceux qui sont en mesure de les prendre en entier et de faire quelques choses de beau ; on en a des plus petits où on laisse tout le monde peindre, sur le sol. Mais on essaie de garder les murs très propres, très beaux. Et de l’autre côté, il va y avoir tous ceux qui vont faire que des lettrages. Comme cela on a quelque chose de cohérent, où tout le monde peut s’exprimer. Il faut savoir que l’on est que sur nos fonds propres. Monter cette expo cela nous coute une blinde, le transport, l’assurance, les récupérer chez les gens, les faire revenir.

Assurer toute cette logistique et assurer les œuvres ici.

DB : Mais on est tellement content de le partager. Je pense au final que l’on devrait rentrer dans nos frais. Mais vraiment, on a pas de subventions de la Mairie, on n’a rien demandé à personne. La seule aide que l’on a et qui n’est pas des moindres, c’est la SNCF qui nous prête le lieu. C’est une location mais ce n’est pas du tout au prix que cela vaut. On a répondu à un appel à projet. C’est dans les tuyaux depuis un an à peu près. On devait le faire dans un autre entrepôt, privé. Cela ne s’est pas fait. On était pas d’accord sur tout. Entre temps, il y a eu l’appel à projet de la SNCF. On en a entendu parler et en quinze jours c’était fait. On est arrivé avec le projet qui était prêt parce qu’on envisageait de le monter ailleurs.

Et puis peut-être une bonne adéquation avec ce que voulait la SNCF, ce qu’il voulait voir vivre ici dans cette friche.

DB : Surement. Parce que, comme on était en concurrence avec d’autres, ils ne nous ont pas beaucoup parlé de ce qu’il y avait en face. Nous avons cette aide de la SNCF. Mais il n’y a aucune main mise sur rien à l’intérieur. On est des locataires, très privilégiés. Parce que l’on a presque 9000m2 je crois. Dans Paris, c’est juste incroyable. Là-dessus, on est très conscient que la SNCF a fait un gros effort. Cela nous coute bien moins cher que ce que l’on était en train de monter dans le privé. Mais on est complètement indépendant de A à Z.

Cela correspond à ce que vous aviez envie de faire, de montrer. La manière aussi dont cela vit. C’est intéressant.

DB : Beaucoup de gens nous demandent si c’est compliqué. Non pas vraiment. On est en train de faire vivre, ce que l’on vit tous les jours. Aussi bien avec les collectionneurs, que le Graffiti à l’extérieur. Ce que l’on fait toute la journée. Je me dis toujours que c’est un luxe, je suis le plus chanceux. Je me lève le matin pour faire ce qui me plait. C’est vrai que l’on s’éclate. Dans les équipes qui sont là, y’en a qui ont pas dormi cette nuit parce qu’il fallait impérativement finir des choses dans leur tête. C’est pas moi qui les ait pas forcés à ne pas dormir mais ils sont au taquet. L’équipe est supra motivée. Je sais pas quand elle dort. Tout le monde est à fond. Tout le monde blague depuis tout à l’heure, cela rigole. C’est une bonne ambiance.

Et je pense que cela se ressent quand tu restes un peu dehors. Tu as tous les types. Niveau social, niveau tranches d’âges. Tu as des familles avec des bébés. Des retraités avec leur appareil photo qui font 15 mètres de long, qui passe une heure à filmer et à shooter. Et tous ces gens-là on les voit presque revenir tous les jours. Parce que comme les murs changent, ils reviennent. Il se passe une alchimie. En plus on l’a pas vu venir avec la presse. On a toujours pas envoyé le communiqué de presse. Il part lundi. Et on a une presse incroyable. Télérama qui titrait « le spot le plus de Paris ». Le Parisien « ne cherchez plus on a trouvé l’endroit le plus cool de Paris ». Y’a le mot « cool » qui revient et je sais pas pourquoi. On a fait 100 000 vues sur le Parisien, sur le Facebook live qui devait durer 15 minutes et qui a duré 54 minutes. Et en plus on s’est bien marré pendant tout le truc. C’est vraiment du partager. Cela se ressent.

Il y a une belle alchimie.

DB : Et on l’a pas vu venir.

C’est aussi ce que je me disais. On est aussi dans la mode des lieux qui sont éphémères. On le voit. C’est intéressant. Cela crée une dynamique. Je le vois aussi dans mon boulot. Il y a des friches, des lieux inexploités. Pendant quelques mois, voire 1 an, 2 ans, il faut faire vivre ce lieu.

DB : Là c’est la SNCF qui est plus dans ce truc-là. Nous on était plus partie pour chercher un lieu éphémère pour différentes raisons. Moi je suis quelqu’un qui monte plein de projets. Dans mon parcours, je reviens juste deux secondes. J’ai créé une boite d’informatique. Quand j’ai créé mon magasin en ligne, je n’avais pas assez d’argent pour avoir un gros stock. Pour cela il fallait du flux tendu. Pour cela, il n’y avait pas de logiciel donc je l’ai créé. J’ai commencé à le vendre aux banques, à des logisticiens. Cela m’a permis de financer l’arrivée des bombes.

On a des activités à côté. On vient de gagner le prix de l’innovation avec le graffiti numérique. Donc on fait beaucoup de Team building. Maquis-art a développé plein de choses, ce qui nous permet de continuer à vendre des bombes. On se fait d’ailleurs presque pas de marges. Autant on fait de l’argent sur la vente de tableaux, sur les Team Building pour des grosses sociétés. Par contre sur les bombes de peinture, faut être clair, à 3,4€, c’est pas là-dessus que l’on se gratte. On est pas des Robins des Bois mais la marge est ridicule.

En même temps, c’est une vraie logique pour faire vivre cet art là et pour le, c’est pas le bon mot, subventionner, enfin faire en sorte qu’il se démocratise, que tout le monde puisse s’en emparer.

DB : Pendant longtemps mes sociétés ont investi beaucoup dans ce truc-là. Aujourd’hui on ne gagne pas d’argent mais on n’en perd pas. On a voulu construire ce lieu dans la continuité. Pourquoi éphémère parce que l’on n’est pas sûr que cela marche. Est-ce que, à un moment, on sera pas passé de mode ? Parce que c’est des investissements colossaux. On a quand même plus de 8000m2. Dans Paris, c’est intouchable. Voilà le partenariat avec la SNCF. Après, cela a été une rencontre avec Kévin, qui a la structure Polybrid. Je le connais depuis très longtemps. Il a créé une agence de création d’événements, de soirées. Sur ce coup-là, on s’est dit pourquoi pas le faire ensemble. Lui, il a amené toute la partie festive. Moi j’amène toute la partie Graffiti, Street art. Et puis on a associé des gens en plus, le roller notamment. Lui c’est plutôt la partie DJ, festive.

Cela crée une vraie cohérence

DB : Cela se complète bien.

Dans cet aspect arts et cultures urbaines, je pense que cela fait sens. Quand j’interviewais les Paris Rollergirls, elles disaient que c’est un lieu qui nourrit la pratique de leur sport. Cela véhicule leur valeur donc elles retrouvent. Cela crée des liens qu’elles n’auraient pas pu faire et en même temps ils sont tout à fait logique.

DB : Nous, on adore le partage. On les a contactées. On leur a dit qu’on avait un lieu qui était top. Venez-vous amuser. Comme ce que l’on fait avec les graffeurs. On a tout ce qu’il faut pour. Le seul truc que je demande aux graffeurs, si vous voulez nous soutenir, c’est d’acheter les bombes ici. C’est tout. Après le reste, c’est open, on y va. L’alchimie a bien pris. On ne s’y attendait pas. D’avoir autant de monde depuis le début. La SNCF nous a confié que c’était le premier lieu qui était plein depuis le début. On fait 800 personnes le premier jour alors que l’on a commencé à communiquer la veille. On attendait pendant longtemps les autorisations de la Préfecture. On ne savait pas quand on démarrait donc on pouvait pas communiquer. On avait bloqué toute la com. Donc tout s’est fait sur du bouche-à-oreille. Des gens qui étaient au courant que l’on arrivait, qui ont voulu venir voir, à qui ça a plu. Et puis c’est parti.

J’ai commencé un peu à questionner les visiteurs. J’ai eu 2 – 3 personnes pour l’instant. Ce qui m’interpellait c’est de savoir d’où ils viennent, ce qui les a poussés à venir jusqu’ici. Parce que, d’une certaine manière, par rapport à Paris, on n’est pas dans un endroit de passage. On est dans un lieu plutôt excentré. Il faut presque le mériter d’être là. Mais comme tu le dis, je vois les gens qui sont là depuis plusieurs heures. Une que j’ai interviewée qui me dit « je viens du Vaucluse, je vis à côté d’Avignon, c’est un ami qui nous a emmené ici ». Elle rajoute « cela serait super d’avoir des espaces comme cela dans ma région ». On voit que cela passionne les gens. Comme elle disait, beaucoup de choses deviennent accessibles. On peut acheter sa bombe et poser son dessin par terre et en même temps il y a des œuvres de qualité, des artistes que l’on peut voir en direct. Cela aussi crée une proximité qui fait que les gens se posent, presque comme chez eux.

DB : Ils restent des heures. La plupart des gens qui demandent des renseignements, 5 – 6 heures après ils sont toujours là, ils n’ont pas bougé. Ils changent de chaise, de table. Ils avancent. Ils changent d’artiste qui est en train de peindre. Ils m’engueulent parce que quelqu’un a repassé celui qu’ils adoraient et qu’ils pourront plus le voir. C’est marrant. Il y a une vraie alchimie qui s’est créée sur un truc plutôt sympa, où les gens sont bien.

Et puis après, c’est ce que je ressens de ce que tu me racontes, c’est peut-être aussi une personnalité, un groupe, une équipe, dont la philosophie est dans cet échange-là.

DB : Je n’ai pas l’impression de ramener la philosophie Maquis-art. La philosophie de Maquis-art est celle du Graffiti. On est pas précurseur ou inventeur. On est juste en train de traduire ce que l’on connaît. Et le faire de manière cool. Là, y’a quand même pas mal de grands noms du vandale, qui sont venus peindre. Tous, ils sont contents. C’est cool. Ils ont de la place. On a des échafaudages à leur prêter s’ils ont besoin. Bon, on en a pas beaucoup donc ils se battent un peu pour les avoir. Les murs sont grands. Il y a du monde qui passe. Tout les gens qui viennent sont bienveillants. Tu disais tout à l’heure qu’il faut le mériter pour venir. Cela fait 15 jours que l’on est ouvert. Il n’y a pas eu une seule embrouille comme on peut le voir dans des lieux free style. Pas eu de mecs bourrés. Pas eu à intervenir. Il n’y a pas d’animosité. Les mecs de la sécurité rigolent avec tout le monde. C’est cool.

Cela a généré un lieu de vie sympa. C’est vrai que l’espace est hallucinant. Il permet d’étaler des choses. De ne pas être dans des espaces confinés. De pouvoir moduler entre le lieu avec la musique, le roller. Des espaces où l’on peut se poser et être au calme.

DB : L’espace est incroyable. Sans cela, on aurait pas eu cette réussite. Enfin. J’ai pas les comptes encore. Et comme je le répète, c’est que du partage et de la bienveillance. Les gens sont contents. Y’a pas un mot plus haut que l’autre. Quand y’a quelqu’un qui passe sur un autre, y’a discussion. Cela se passe bien. Tout est, depuis le début, dans cet état d’esprit. Cela me fait penser un peu à ce qui se passe à Berlin. J’ai rarement vu des endroits comme ça en France. Aussi cool. Tout le monde se pose. Il y a mon chien qui est en liberté et qui va faire la fête à tout le monde. Le seul qui est autorisé ici.

Quand je discutais avec des visiteurs, je leur demandais si cela allait les inciter à en parler autour d’eux.

DB : Le buzz sur internet est incroyable. Les gens prennent en photo. Localisent la photo. Il y a des gens de Poitiers qui m’ont appelé pour me demander si je n’avais pas entendu parler du site. Je leur dis « oui, j’ai une vague idée de ce que c’est ». C’est marrant.

Cette ouverture.

DB : il est en train de se créer quelque chose que l’on ne s’attendait pas. Un truc aussi mélangé, aussi éclectique. Il y a de tous les âges, toutes les catégories sociales. Et tout le monde est content d’être ensemble. J’ai des gros collectionneurs qui sont venus. Ils viennent avec des grosses bagnoles. Cela a l’habitude des palaces. Tu les lâches là et ils sont heureux. Y’a plein de choses à regarder. On sent pas comme dans les boites de nuit le combat de coq à celui qui va prendre la plus grosse bouteille. Tout le monde est bien. Et c’est peut-être aussi, je réfléchis en même temps que je parle, parce qu’il y a plein de choses à regarder au mur, plein de choses partout et qu’il y a plein d’activités à faire.

Cela génère comme d’autres projets qui ont lieu sur Paris et qui ont fait le Buzz comme à la Tour 13. Victime aussi de leur succès et de la configuration du lieu. Je ne suis jamais rentré dans la Tour 13 parce que faire plus d’1h30 de queue, je ne peux pas. Même pour les musées. Peu importe ce que je vais voir, sauf s’il y a une motivation. Après, on pourrait se dire que la fluidité du lieu, l’espace rend possible.

DB : Quand Medhi a fait la Tour 13, j’ai été hyper surpris. Pour la première fois, je me suis dit « merde, y’a un mec qu’a fait un esprit terrain vague. Il a fait graffer des mecs. Il a fait intervenir des artistes. Et il l’a ouvert au public ». Et ça, c’était tellement commun pour moi, pour nous, d’aller prendre des photos dans des terrains vagues, d’aller voir quelques usines étaient fermées, ce qu’il y avait…

(Une personne entre)

DB : Vas-y entre.

I : Je pensais qu’il n’y avait personne

Bonjour

Discussions entre eux…

On était sur la Tour 13.

DB : Oui. C’était la première fois où je me suis dit « putain y’a un mec qu’est en train d’ouvrir ce que nous on connaît », qui est gratuit. C’est même pas une question d’argent. On doit chercher les lieux, on doit les trouver. Il l’a ouvert et il a fait un buzz incroyable. Je me suis dit c’est la première fois que je vois ça. Je me suis dit qu’on aurait dû faire visiter la piscine Molitor à l’époque, Nanterre circus. Et là, tous les médias se sont focalisés sur un lieu qui était en fait pour nous un terrain vague. Quand nous on a fait ça, je voulais pas du tout faire la même chose. Medhi c’était vraiment les artistes sont intervenus, maintenant vous pouvez visiter. Nous c’est le musée à l’intérieur, c’est que des collections privées, c’est que des œuvres qui ont une valeur et pour lesquelles on va expliquer pourquoi elles sont là. On a les premiers dessins de Bando, qui est quand même la légende. On va s’amuser à mettre des photos de Henry Chalfant avec Keith Haring, Fab Five Freddie, Toxic et Rammellzee. On va mettre la photo entourée d’œuvres que l’on a récupéré de Fab Five Freddie. Y’en a eu 4 – 5 de faites. On a vraiment essayé de rassembler les plus belles pépites que l’on a pu trouver. Ça c’est pour la partie interne. Pour l’extérieur, j’ai envie que cela vive. Medhi avait fait le terrain vague qui ne bouge pas, qui est figé. Nous on fait le terrain vague qui vit tout le temps.

Qui n’arrête jamais de se renouveler.

DB : toi tu es venu la semaine dernière, cela n’a rien à voir avec aujourd’hui. On va essayer de mettre tout en ligne. Tous les jours, tu retrouver toutes les images de ce qui s’est passé. C’est très riche. On le partage sur le site de l’Aérosol. Tu peux télécharger des photos en haute définition. Y’a pas de droits car c’est moi qui prend les photos. On est dans le partage à 100%. Tu veux mettre sur ton blog, tu le fais. Tu veux le partager sur ton Facebook, vas-y.

C’est l’esprit du lieu.

DB : c’est ce qui prend aussi. Faut savoir, qu’un graffeur qui fait son graff le but du jeu c’est qu’on le voit. Là, y’a pas d’histoire de payer des droits, d’ADAGP. La personne qui vient faire un graff ici, on lui fait rien signer. Il sait très bien comment fonctionne le Graffiti, y’a pas besoin de lui expliquer. On a plus peur des gens qui ne connaissent pas le Graffiti pour esquinter les pièces. Mais les graffeurs savent bien que s’ils repassent un autre graffeur, il faut déjà prendre la photo avant, au cas où l’autre ne l’a pas eu. Après repasser l’intégralité de la pièce, pour ne pas lui laisser un petit morceau qui dépasse.

Les codes sont là.

DB : Ils s’appliquent naturellement. On ne fait pas la police, on ne court pas après les gens. Les seuls qui nous font peur sont ceux qui ne connaissent pas ces règles et ces codes. Et eux, ont déjà attaqué plusieurs pièces en mettant des fleurs. Sans se rendre compte. On a fait des petits règlements, avec des plans « ça, vous ne touchez pas ». Et tous les graffeurs qui viennent et qui se présentent me disent « ok, je vais faire ça ». On voit leur dessin et c’est parti. Et ils font des trucs plus beaux les uns que les autres. On a eu beaucoup d’Amérique latine. On a eu des allemands, des belges. Là, y’a pas mal de festivals qui arrivent. Le 30 septembre et 1er octobre, je crois, il va y avoir le festival des TKA. Leurs 30 ans. Ils viennent avec toute leur clique, leurs rappeurs, leurs DJs. Ils vont faire les 300 mètres de mur dans le week-end. Il y a les 93MC qui vont arriver faire quelque chose. Le nouveau festival Loop qui vient d’exploser à Milan qui vient faire un festival ici. Y’a des festivals d’Amérique latine qui arrivent aussi. Ils sont en train de chercher des sponsors pour payer hôtel, billets et tout ça. Et ils vont débarquer. Pareil, tous ces gens-là savent que nous sommes sur nos fonds propres, donc ils ne nous demandent pas si on peut financer. On n’est pas une mairie, on n’est pas l’Etat. Donc ils se démerdent pour amener tout. Et on est encore dans du partage.

Et puis cela offre une liberté pour eux et pour vous. Ils viennent, ils proposent des choses et cela fait vivre le lieu. Et c’est donnant-donnant

DB : C’est même plus que ça. Parce que dans le donnant-donnant, il y a un vrai bénéfice. Là c’est du partage. Il y a des murs, il faut qu’ils vivent. Nous, on a envie de les voir vivre. On a envie qu’ils changent tout le temps donc allez-y.

Les artistes entre eux, les crews et autres. Est-ce que là tu sens que cela communique ? que les gens se refilent le bon plan ?

DB : J’ai vu des trucs assez impressionnants. Des crews qui se faisaient la guerre depuis des années, faire des trucs ensemble. Je terrais les noms. Y’avait deux crews qui étaient en bagarre constante. Cela m’a surpris de les voir sur le même mur. Et, plutôt cool. Quand je suis allé les voir, ils m’ont dit « tout se passe bien ». C’est assez apaisant. Ils savent qu’ils peuvent bénéficier des murs mais qu’il y a quelques règles, que l’on impose un peu. Donc il n’y a pas de débordement. C’est du terrain vague contrôlé. Mais ils savent tous que les murs sont ouverts, qu’ils peuvent y aller.

Cela permet, comme tu le disais, d’avoir un public, d’avoir des gens qui seraient jamais venus dans le fameux terrain vague, perdus, qui ne surfent pas sur les sites spécialisés.

DB : C’est peut-être ce que l’on a piqué à la Tour 13, c’est de l’ouvrir au public et pas qu’à une certaine élite. Tout le monde peut venir et c’est ça qui est vraiment sympa.

Et donc là, le lieu va vivre donc avec début septembre la partie musée. Cela permettra aussi de faire de la médiation, pas juste d’exposer l’œuvre mais d’offrir un plus pour apprendre un peu plus sur l’œuvre et l’artiste.

DB : Ce que l’on va faire c’est qu’on a pas les moyens d’un musée, que l’on a pas les subventions. Donc on est pas capable de fournir des appareils, des audioguides. Par contre on s’est développé un peu, on a du temps donc on va faire des vidéos, des explications. Avec les biographies. Comme on fait dans les catalogues de vente. Tout sera détaillé avec des QRcodes sur tous les cartels. Peut-être pas le 1er septembre, parce que l’on est un peu à la bourre. Mais très vite cela va arriver. Les gens pourront venir avec leur téléphone portable, flasher le QRcode et voir une vidéo. On n’a pas le moyen d’équiper les gens mais les gens peuvent venir équiper. Tout le monde ou presque à un smartphone et des écouteurs. Ils pourront voir des vidéos. François Gauteray qui arrive avec une énorme base de données, sur tout ce qui est archives vidéo. Il va nous en donner beaucoup. Tout cela, ce sera des liens Youtube. On va essayer de documenter le plus possible. Tout sera lié, tout est connecté. C’est la même base de données. En tout cas, on va essayer de le faire comme ça, avec nos moyens, avec nos connaissances.

Une base de données. Autant Maquis-art qui est un poids lourd. Comme tu le disais, tu tapes un nom et tu tombes sur votre site.

DB : On a reproduit la même chose sur l’Aérosol. En plus des photos de Maquis-art. c’est connecté à deux bases de données : un site qui n’est pas connu et qui s’appelle commissairespriseurs.net que notre boîte d’informatique a créé et qui gère les biographies des artistes, mis à jour et le site de Maquis-art pour tous les crews. On récupère toutes les données, que l’on concatène dans l’aerosol.fr. Ces données, c’est un boulot énorme. Mais on les a déjà. Cela fait 20 ans qu’on les stocke. Là, on va juste les chercher pour une photo.

Et cela permet de les faire vivre. L’intérêt d’avoir cette base-là derrière, cela permet de faire des aller-retours avec des choses du passé et qui viennent expliquer le présent, pourquoi la personne fait ça comme œuvre.

DB : Après, dans Maquis-art, on a toujours refusé de mettre des commentaires. On n’est pas là pour dire lui il est meilleur qu’un autre. C’est une politique depuis 20 ans. On n’est pas là pour dire que le vandale c’est bien. On n’est pas là pour cautionner. Il y a des règles. Moi je les ai acceptées quand j’avais 15 ans. J’ai joué avec ces règles. Au jeu du chat et de la souri, il peut y avoir des amendes au bout. Faire des trains, tout le monde dans le Graffiti comprend bien que cela coute de l’argent de nettoyer. Faire des autoroutes, pareil. Il y a des gens qui payent, cela part des impôts. Quand on se fait attraper, on sait ce que l’on risque. C’est un game. Et dans ce jeu, on ne gagne pas à tous les coups.

Et ça, on a toujours refusé sur le site Maquis-art de faire des commentaires. Sur celui de l’Aérosol, pareil. On montre les photos telles qu’elles sont. Tu aimes, t’aimes pas ; peu importe. On n’est pas là pour te l’imposer, pour te le mettre dans le gueule. S’il y a un artiste que l’on aime bien, on clique et on voit tout ce qu’il a fait sur l’Aérosol. Et puis on peut partir sur Maquis-art pour voir le reste, d’autres lieux. On reste dans ce que l’on fait depuis le début, à savoir un travail de fourmi de stocker, d’archiver.

Jouer les passeurs aussi.

DB : Cela fait 20 ans que l’on partage nos photos. Le site nous coute de l’argent mais ne nous a pas vraiment rapporté. On ne vend pas les photos. On touche pas de droits dessus. Depuis le début Maquis-art ce n’est que du partage. On est là pour ça, pour s’amuser. Puis même des fois quand on prend des murs complets, quand il y a des toys, des histoires entre les graffeurs, on n’est pas là pour les commenter. Quand on a pris la photo le toy il y était, l’embrouille était là. Ce n’est pas nous qui avons créé le problème.

Quand on prenait toutes ces photos, quand j’étais jeune, je me disais qu’on est bien conscient que c’est de l’éphémère, que cela va disparaître. On sait qu’il faut que l’on garde les photos. Après, il me fallait un moyen de les partager. Aujourd’hui, chaque artiste met sur son Instagram. Cela se perd en fait. On veut chercher qui sont les potes d’un tel. Y’a machin qui fait un graff et tel pote à côté, on aimerait bien découvrir ce que fait ce pote. Et ben ça, c’était vraiment l’esprit de Maquis-art. c’est pour cela que l’on avait des problèmes de débit.

Cela crée des connections, des hyperliens.

DB : Et en fait, ils se disent « tiens c’est beau ce qu’il a fait à côté ». Et il clique. « Ah lui il est aussi en connexion avec un tel, c’est le pote de tel crew ». C’est ça que l’on a voulu faire depuis le début et c’est que l’on continue à faire avec l’Aérosol. Il y a des connexions.

Je reviens sur un truc un peu général mais le Graffiti, c’est le seul mouvement artistique qui est mondial, dont les auteurs n’ont jamais cru faire de l’art. au début c’est des adolescents pour d’autres adolescents. Y’a personne qui pensait faire de l’art. on était plus proche de la publicité. Faire voir son nom. C’était pas « je vais faire une belle lettre ».

On entend des cris.

DB : ça c’est le vendeur. Ils n’ont pas dormi mais ils sont au taquet. Ils sont même pas vendeurs à la base, ils sont graffeurs.

L’amélioration des lettres, l’apparition de la couleur c’était de la compétition. Tous les graffeurs ne  voyaient pas ce qu’ils faisaient comme un art, mais comme un sport. Il fallait être meilleur que les autres. C’était de la publicité, avec un problème d’égo, d’exister.

Marquer un territoire, un espace. Se faire repérer.

DB : Pas un territoire. Y’avait pas forcément cette notion. Il fallait que tout le monde nous voit. Le principal c’était d’aller à un endroit où tout le monde pouvait nous voir. D’où la connexion que l’on avait avec Défi. J’ai eu une longue discussion avec le PDG à ce sujet. On faisait le même métier. Nous, on cherchait des toits pour faire des graffs. Eux, ils cherchaient des toits, en légal, pour installer une énorme enseigne lumineuse. L’idée et la façon de faire était plus proche du publicitaire que de l’artiste. Et si on l’a fait avec des bombes de peinture et si c’est devenu un art, c’était au dépend. On ne savait pas.

Aujourd’hui, il y a toujours autant de buzz sur le Graffiti, sur le Street art et c’est toujours à la mode, que ce soit aussi bien dans le marché de l’art ou au niveau populaire. On est tous des générations qui avons grandi avec ça dans les yeux. On passe dans la rue et on se dit « tiens, ça c’est joli, ça j’aime pas ». C’est ça qui a fait que c’est devenu populaire. On a fêté les 40 ans à New York, c’est les 30 ans en France. Les gens se sont imprégnés de ces images et sont devenus critiques par rapport à ça. Cet espèce de bourrage de crâne que les graffeurs ont fait, pour exister, chacun dans sa bulle et avec ses potes, en compétition avec les autres. Moi je conseille toujours à tous ceux qui ne connaissent pas le Graffiti, y’avait un film très bien fait. Whole train. Un film allemand. Où l’on comprend, où l’on voit. C’est la seule fois où je me suis dit, c’est vraiment comme ça. On est en compétition. On est un crew, quelques potes. Les autres, ils ont fait mieux. Il faut que l’on fasse mieux. C’est du sport.

Contrairement à ce que beaucoup de gens croient, ils pensent que c’est très wild style, que c’est du n’importe quoi le Graffiti mais c’est hyper structuré. Autant dans le travail de la lettre, que des personnages. Les mecs travaillent avant. Ils font leur esquisse avant, leurs couleurs. Ils balancent pas les choses n’importe comment. Ils ont très peu de temps. Sur certains trucs, très vandales, les mecs ont 2-3 minutes. Y’en a un qui fait le remplissage, l’autre les contours. Ils savent qu’en avançant comme ça, ils ne vont pas se marcher dessus et qu’en 3 minutes ils ont fait leur chorégraphie. Et ils font un truc incroyable avec l’adrénaline. Tu leurs demandes de faire ça dans un terrain vague, ils n’y arriveront pas.

Je sais plus où je voulais en venir. Si, le Graffiti est un mouvement mondial, fait par des adolescents pour des adolescents. Avec des styles complètement différents. Tu vas en Chine, ils sont en train d’exploser. En Amérique latine, cela a déjà explosé. En Russie, c’est des tueurs.

Ce qui est intéressant, au-delà d’être dans la mode, il ne se passe pas de mode. Il avance avec son temps. Il avance avec l’actualité, ce qui se passe et se vit dans la société dans laquelle il est implanté. Cela a une résonnance. Au-delà des artistes. C’est aussi pour le lieu, pour les habitants. Après cela fait partie de leur quotidien comme tu le disais.

DB : Et c’est mieux accepté. Quand on était jeune, il y a 25 ans, c’était pas pareil. Ah, cela fait 25 ans. Merde. Tout à l’heure je te disais 20-25 ans mais c’est plus 30-35 ans que cela existe en France. Cela ne rajeunit pas.

Ce lieu. La manière dont vous le faites vivre, dont vous envisagez les choses. Les gens qui viennent. C’est peut-être tout cela, l’alchimie qui est en train de prendre. Autant vous que les artistes, que le public.

DB : Je pense que c’est ça. C’est la même alchimie que Medhi avait réussi à faire à la Tour 13. Qui était aussi un lieu SNCF. C’est différent. Mais cela reste dans le partage.

Ephémère. On était dans cette idée-là. Le musée ouvre en septembre. Est-ce que vous savez jusqu’à quand vous êtes là ?

DB : On a signé le bail jusqu’au 28 janvier. On espère que cela va durer un peu plus. Il n’y a rien d’officiel. On reste jusqu’à démolition. On sait qu’elle a pris un peu de retard. Donc on espère que l’on pourra en profiter encore un peu. Après, tout le monde nous parle d’un lieu plus pérenne.

Mais est-ce que c’est le but aussi ?

DB : Pour l’instant ça l’est pas.

Comme tu le disais, est-ce que ce n’est pas comme ça que cela doit se vivre pour que cela apporte quelque chose.

DB : Si on fait quelque chose de plus pérenne, cela sera différent. Parce qu’on tournerait vite en rond. Le but c’est de faire des choses différentes. Peut-être que dans un autre lieu, on mettra que des artistes à l’intérieur. Je sais pas. J’ai pas encore réfléchit au truc. Là on a vraiment voulu scinder les deux. Tout ce qui est issue du marché de l’art à l’intérieur, tout ce qui est pur Graffiti, peu importe les techniques, à l’extérieur. Quand je dis Graffiti, j’englobe le Street art. On va dire Arts Urbains. Après tous les débats, qu’est-ce que le Street art ? Vous êtes plus Graffiti, on est plus Street art ? Il y a des gens qui œuvrent à l’extérieur et des gens qui ont acheté et qui veulent montrer à l’intérieur.

Nous avons fait, au fils de la discussion, le tour de ce que j’avais comme question à te poser. L’intérêt aussi de mixer autant dans la manière dont cela vit, autant musée, œuvres de collections qui sont exposées, œuvres qui ramènent dans le passé d’un artiste avec ce qui se passe à l’extérieur, qui est fait aujourd’hui et qui sera peut-être pas là demain.

DB : A l’extérieur, il n’y a aucun but commercial. C’est le vrai Graffiti, le vrai Street art. après, je sais qu’il y a plein de journalistes qui n’y connaissent rien et qui nous posent des questions « oui, mais le Street art, cela devrait être dans la rue ». Le Graffiti vivant doit rester gratuit. Après que les gens commencent à faire des toiles, commencent à les vendre, cela choque beaucoup de gens. Mais je vois pas pourquoi. Qui n’a pas rêvé en étant jeune de vivre de sa passion. Quelqu’un qui dessine bien, il n’y a pas de raison pour qu’il ne fasse pas des tableaux et n’en vivent pas. Si y’a une demande, des gens qui sont prêts à les acheter, pourquoi pas. Moi ce que je trouve choquant, c’est de bloquer les gens. Vous êtes un Street artiste donc vous restez dans la rue. Non.

Des fois je demande à des journalistes, est-ce que c’était votre passion que d’écrire et de faire des reportages. Est-ce que vous n’avez pas une autre passion? Est-ce que si vous aimiez le judo, vous auriez pas aimé être un grand judoka ? Pourquoi le Street artiste parce qu’il fait dans la rue pourrait pas rêver à mieux.

Gris One, un artiste colombien qui commence à être très côté. Il est resté deux jours en France. Il a fait une fresque. C’est pas nous qui avons pris en charge son billet d’avion. Il a voulu venir, vivre son truc. Il a payé sa peinture. C’est du vrai partage. Et cela choque personne quand on leur dit que c’est comme ça, parce que ce sont les règles du Graffiti. Quand on va dans un terrain vague ou dans la rue, y’a jamais personne qui s’est demandé « tiens je vais graffer le mur d’EDF, je vais leur demander de me payer la peinture ».

En même temps, comme tu le dis, c’est un vrai débat. C’est la frontière, en France, quand je me suis mis à interviewer des artistes, j’ai demandé à des amis, de la famille quelles questions ils aimeraient poser aux artistes. Y’a comme est-ce que vous avez fait des études d’art, de dessin pour devenir artiste. Après il y a est-ce que vous vendez et vivez de votre art. Ces questions revenaient et je les pose. Mais c’est pas parce que, à un moment donné, tu fais le choix de faire une œuvre sur un mur gratuitement, que tu ne peux pas après le faire sur une toile, pour un particulier pour être rémunéré. Cela permet d’équilibrer la balance. C’est aussi une passion qui peut devenir un métier et un moyen de gagner sa vie.

DB : Je sais que j’ai beaucoup cette discussion avec des gens qui sont plutôt dans les mairies. Ils sont parfois choqués. A la fin du mois, vous avez un salaire qui tombe. Comment vous payez votre maison ? Comment vous payez l’école pour les enfants ? Cela ne vient pas du ciel. Ces gens-là ont aussi le besoin de bouffer. S’ils ont trouvé quelque chose qui leur plait, comme tu disais, dans la déco, dans les animations type team building, pourquoi pas. Ici, c’est vraiment l’idée. En mode vis ma vie, de montrer tout cela, tout ce que l’on sait faire. Pourquoi ces gens-là n’auraient pas le droit d’en vivre ? C’est pas parce qu’il a commencé à 15 ans et que pour vous c’est pas quelque chose de sérieux, qu’il a pas le droit d’en faire son métier. Les mecs, ils ont appris à dessiner, ils se sont améliorés.

Il y a beaucoup de graffeurs qui sont tatoueurs. On va recevoir Orizon et Omouk, celui qui a fait les deux grandes fresques dans la salle de roller et la fresque bleue tout au bout. Il va venir tatouer, le mercredi et jeudi. Et on aura Orizon, celui qui tatoue les grandes stars du rap, il est un graffeur à la base. Il s’est d’ailleurs tatoué, pour la petite histoire, Maquis-art team sur le haut du pied. Je l’ai en photo, j’étais mort de rire. Il va venir tatouer ici. Dans tous les gens qui bossent ici, il n’y a que des passionnés, des gens qui ont connu le mouvement et qui viennent pour le partage. Black Ink Story, je sais pas si tu connais. Et bien c’est un de leurs tatoueurs star. Il s’installe dans la pièce en bas. Il va faire venir ces clients ici, pour tatouer dans cet univers là parce que cela lui fait plaisir.

Tout à l’heure je parlais de François de RStyle qui va nous prêter toutes les vidéos. On a des toiles qui arrivent de grands collectionneurs. Mais y’a des gens comme Alain Dominique Gallizia qui nous prêtent des œuvres. Il m’a appelé en me disant « mais pourquoi tu m’as pas sollicité? ». Il va faire des vidéos de ces œuvres ; on verra comment il les a acquises. On est pas beaucoup dans ce marché, c’est une petite niche. Si on ne se connaît pas personnellement, on a entendu parler des uns et des autres. Le lien se fait tout de suite. Y’a plein de gens que je rencontre là que je ne connaissais pas de visu, mais il me dise « je suis un tel, je suis pote d’un tel », tout de suite je situe.

Au niveau populaire, c’est autre chose. Les gens viennent voir et se demandent comment on peut faire un truc comme cela sur un mur. C’est du boulot, y’a pas de raison de ne pas le faire fructifier. Y’en a qui y arrive dans le marché de l’art, d’autre non. Y’a plein de raisons, pas seulement le côté esthétique. Ceux qui y arrivent, je les défends en général. J’ai du mal à entendre « c’est des Street artistes, ils doivent rester dans la rue ». C’est bizarre de vouloir leur interdire d’avoir un aboutissement dans leur passion.

Cela se boucle. On a l’impression que l’artiste doit vivre d’amour et d’eau fraiche.

DB : et être gratuit. C’est pour ça qu’il y a plein de graffeurs qui sont tatoueurs. Y’en a qui sont infographistes. Ils ont acquis des compétences en faisant du Graffiti, y’a pas de raison qu’ils ne l’utilisent pas dans leur métier. Je pense à quelques-uns très connu chez Publicis. Y’en a qui ont bien réussi leur vie. Quand t’as réussi à être créa dans un groupe comme Publicis c’est que tu sais ce que c’est qu’une pub, tu as travaillé autour de ça, du slogan, de la punch line, que tu as cherché les emplacements. Tu as acquis beaucoup avec le Graffiti. Et tu le recraches. Ceux qui arrivent à vivre de leur art, que ce soit dans la déco, dans l’animation, dans l’infographie, dans le tatouage, c’est des choses qu’ils ont acquises.

Et puis, c’est une vraie compétence, un vrai savoir.

DB : Ils ont beaucoup travaillé. Certes, il y en a qui sont plus doués que d’autres. Mais ceux qui ont envie, qui sont pugnaces dans leur art finissent par être bon. Y’en a qui sont pas les meilleurs techniquement mais qui en ont mis tellement partout qu’ils sont plus respecter que quelqu’un qui est incroyable en technique. Quand on voit le travail, la technicité, le temps passé, on ne peut pas dire que c’est pas un art.

C’est vrai que la première fois que Maurice Grinbaum est venu me chercher en 2008, je n’ai pas bien compris. Il m’a dit « y’a un mouvement, cela va faire quelque chose ». Nous à la base, on en faisait pas ça pour ça. Mais après en construisant le truc, y’a des gens qui aiment, qui en veulent chez eux. Plus il y a des gens qui veulent la même personne, plus les prix augmentent ; c’est la loi de l’offre et de la demande. Ce qui fait les côtes des artistes. Si quelqu’un trouve ça vraiment bien il est prêt à mettre un peu plus cher. C’est pour ça que les côtes, dans ce mouvement, se sont vraiment faites aux enchères. Parce que, au début, on proposait des prix bas. On ne savait pas combien cela pouvait valoir. Et puis après, un qui me disait « pourquoi mon copain il vaut plus que moi, parce que moi j’ai fait plus de trucs dans le Graffiti ». Oui mais c’est autre chose. Tout s’est fait comme ici, naturellement. Les côtes ont monté, ont descendu. Y’en a qui ont pris la rage, parce que son copain de l’époque est meilleur que lui, se vend plus cher, va dans de plus belles galeries. Mais cette compétition, on l’avait déjà dans le Graffiti. L’autre, il a fait plus. Pourquoi lui c’est mis en connexion avec un tel. Pourquoi je me suis fait gaulé et pas lui. Tout ça, ça existait déjà avant. Cela a été retranscrit dans le marché de l’art avec un nouveau jeu.

Et c’est ce que moi j’essaie de retranscrire et de bien différencier ici. Le Graffiti, la version rue, sur les murs, doit être gratuit, doit être offert, on doit se faire plaisir. Et à l’intérieur, on va chercher des trucs pointus, des œuvres de collectionneurs qui ont réfléchi, qui ont eu un coup de cœur. Il y a certaines toiles que j’ai récupérées qui sont passées plusieurs fois en vente, qui sont allées aux Etats-Unis, qui ont été revendu en France, qui sont reparties en Belgique, en Angleterre. C’est des œuvres qui ont eu un vrai parcours. C’est ce qui m’a semblé le plus intéressant à faire, plutôt que de faire une expo de MJC. En me disant, je ramène tous mes copains et je les mets au mur. Ce n’était pas le but.

Les œuvres de collection à l’intérieur, le Graffiti pur à l’extérieur et nous, on fait le lien. C’est pour ça que j’ai mis la boutique au milieu. On fait le lien, on vend les bombes. C’est un kiffe.

En tout cas, cela m’a bien inspiré, car mon filleul qui a eu 10 ans cet été, fan de Graffiti, je lui ai offert en cadeau de lui acheter des bombes et de venir ici pour graffer. Il avait des étoiles dans les yeux en se disant qu’il allait pouvoir le faire.

DB : ça, on le voit avec tous les âges. Des gens qui ont jamais osé le faire, qui vont le faire ici. Ils n’iraient jamais dans un terrain vague, passer par-dessus un grillage. Le graffeur, lui, a toujours l’esprit d’un cambrioleur. Il va essayer de trouver des lieux abandonnés ou pas. Mais le but c’est d’être vu. La performance est très importante. C’est le côté sportif. On est en compétition. Car, si tu regardes bien, dans le Graffiti tu as tous les milieux sociaux. Tout à l’heure je parlais, quand tu vois Bando, Philippe Lehman, qui est une des plus grosses richesses enfin quelqu’un qui a jamais eu à se poser des questions s’il allait travailler ou pas, et que tu vois qu’il est à côté des piliers de cité à Stains, qu’ils parlent le même langage et qu’ils font faire le même graff, avec le même respect l’un pour l’autre. C’est comme le sport.

Peu importe d’où tu viens, qui t’es, si t’es assez fort dans la compétition, tu es accepté. Ça, c’est vraiment important. Peu importe si tu peux acheter tes bombes, si tu les voles. Tout ça, c’est des conneries. Ce qui est important c’est ce que tu vas cracher sur le mur. Et pour cracher quelque chose de beau sur le mur, il faut travailler. Des heures et des heures. C’est pas inné contrairement à ce que les gens croient. Y’en a qui sont doués naturellement mais ils travaillent quand même. Quand on dit « le Street art, cela devrait être dans la rue », les gens ont l’impression que l’on vient, que l’on fait n’importe quoi. Je le vois sur le Graffiti numérique. Quand je donne des bombes de peinture virtuelles à des gens, je vois leur réaction, comment ils percevaient le Graffiti avant. Imagine-toi devant une feuille de papier, tu fais pas n’importe quoi. Et bien là, la feuille de papier elle est droite, devant toi. Vas-y, réfléchis deux secondes, appliques toi. Tu vas voir, tu vas pouvoir sortir quelque chose.

C’est aussi ça qui est chouette dans le lieu et qui permet peut-être à certaines personnes de réaliser, quand il voit l’artiste faire. Je me souviens, cela reste une claque. Il y avait un festival Rue des arts à Aulnay. J’habites la ville. J’y allais tous les jours. Pendant une semaine, j’ai pu voir l’évolution des œuvres. Je me rappelle de cette photo, de Vinnie. Elle est avec une feuille A4 et devant elle, son mur fait une quinzaine de mettre de large sur 3 de haut. Elle arrive à projeter ce qu’elle a dessiné en A4 sur un mur. La majorité des gens seraient dans des choses disproportionnées.

DB : C’est du travail.

Elle est là. Elle répète son geste. Et puis elle le faisait. Ce n’était pas une improvisation.

DB : Même pour 2-3 minutes, ce n’est pas de l’improvisation. On improvise que quand on est très bon. Le mec avec qui j’ai créé Maquis-art, CyeTwo, lui il improvisait. Mais il était très bon. Par contre des fois, il se plantait. Après y’a tout le travail d’adrénaline, qui te transcende. Je prends mon exemple. J’étais toujours meilleur sous pression que quand j’étais dans un terrain vague. Cela me faisait chier en fait. Je faisais mon trait, je pouvais le faire 3 fois. J’avais le droit à l’erreur. Alors que quand t’es sous adrénaline, ton trait il est tout de suite bien placé. Au bon endroit. T’as pas le choix. Il faut y aller. Un chirurgien sur sa première opération, il n’a pas le droit de se planter. Il a répété, il s’est fait chier mais le jour où il commence, il faut que cela soit parfait. Sinon il y a des conséquences.

Dans le feu de l’action, l’énergie est canalisée. Le savoir, les acquis sont là pour être efficace.

DB : C’est parti. Faut que ce soit propre. Sinon tu vas regretter quand tu vas passer devant.

Oups, je n’aurai peut-être pas dû.

DB : Ouai. Je vais le repasser celui-là. J’ai des exemples avec CyeTwo, mon pote avec qui on a créé Maquis-art. on avait fait un truc énorme Gare du Nord en 1996, que l’on avait signé et qui y est encore. Il est monté sur l’échelle, complètement bourré. J’avais peur qu’il tombe. Et lui « c’est moi qui m’occupe du tracé ». Quand on a pris du recul, on s’est dit « putain le con ». On avait l’impression qu’il alignait pas deux mots, il nous a sorti un truc incroyable. Et je pense que les gens l’ont apprécié parce qu’il est encore là. Cela n’a pas été repassé. Quand on reparle de ce truc-là, avec des gens qui se rappellent de nous, quand je leur dis qu’il ne tenait pas debout le mec quand il a tracé, tout le monde se dit merde. Et le truc il faisait 12 mètres de long sur 7 de haut. Un truc très gros. Il est monté, il a fait son trait. Il descend, déplace l’échelle. On a essayé de le refaire, parce que la peinture était partie, en 2005. Et ben, il a refait le lettrage, il était pas bourré ben il n’y est pas arrivé. C’était beaucoup moins bien. Il a voulu changé quelques trucs et quand on a pris du recul on s’est dit qu’il n’aurait rien dû changer. On aurait dû rester sur la version 96. C’est rigolo.

Là, notre lieu, on le veut toujours en mouvement. En partage. Avec les gens du quartier mais beaucoup plus loin. Quand tu as fait l’interview des gens du roller, nous, on n’y connaît rien. Par contre, quand y’a des gens qui s’y connaissent bien, qu’ils viennent s’amuser comme ils ont envie. On espère le rentabiliser avec le bar, parce que c’est là-dessus que l’on va pouvoir payer tous les frais, l’électricité, le transport et tout ça. C’est la seule source de revenu.

C’est une belle initiative. Je vois, il n’y a pas un regard malveillant, ni triste. Y’a plein de vitalité, de sourires. Les gens en parlent, on envie de revenir.

DB : Le partage partout. C’est ce que nous, on n’a toujours vécu dans le Graffiti. Moi, quand Kool Shen disait, « J’ai passé mon adolescence à défoncer des trains / Je ne regrette rien / On a tellement tutoyé de fois le bonheur / Qu’on pourrait mourir demain »

C’est tellement ce que nous on ressent. C’est de l’adrénaline. Là, on le partage. C’est plutôt cool.

Belle vie à l’Aérosol et merci d’avoir pris le temps.