Une opportunité. Il est parfois question d’opportunité, de saisir la balle au bond, de ne pas repousser, de faire, agir, se lancer. Une porte qui s’entrouvre. L’occasion d’aller voir ce qui se passe de l’autre côté. Je n’avais pas prévu de faire une nouvelle interview ayant déjà celles faites à la Réunion à mettre en ligne pour une, retranscrire et faire valider pour les autres. Mais voilà, la vie m’envoie un signe que je ne peux refuser. Elle me lance presque un défi.
Une opportunité. Il est souvent question d’opportunité, de saisir la main tendue, de prendre le présent au pied de la lettre, de ne pas faire attendre et d’aller vers l’autre. Cela serait presque illogique que de refuser cette interview. Depuis le temps que j’avais justement envie d’en savoir plus sur lui. Direction Ivry-sur-Seine. Rue Pierre et Marie Curie.
La reprise du travail a été bonne, après une semaine de congé dans le Sud. Faut dire qu’il y avait de quoi faire et que la journée a passé sans que j’ai eu le temps de dire « ouf ». Après 2h15 passé au jardin de Gorki, me retrouver dans l’atelier d’un artiste va me plonger dans un tout autre univers. Quoi que. Il est question dans son travail de nature, de nature de la nature, celle des animaux, celle des humains. A voir ce qu’il en dit. A vous de lire entre les lignes et prendre le temps pour découvrir Stew.
Pour ma part je serai patient. Encore un peu. La rencontre prévue ce mercredi est repoussée à la semaine suivante, histoire de prendre le temps. Il est en retard sur certaines découpes et ne peut prendre plus d’une heure aujourd’hui. Comme je préfère avoir le temps, nous nous organisons autrement. Il sera en plus à Nanterre, au CESI. Plus facile pour moi de bloquer deux heures dans ma journée et bifurquer . Ce sera l’occasion de le voir également à l’oeuvre. Je profite quand même de l’opportunité pour faire quelques photos de son atelier. Une partie où il peut tester, faire et défaire, déborder, sortir de la toile sans crainte; une partie où il peut découper, montrer ses oeuvres, être dans la précision.
Je dois faire mon mea culpa car cela fait plus d’un an (7 juin 2017) que j’ai fait cette interview et que je ne la sors que maintenant. Je me suis retrouvé pris dans le quotidien, dans le travail et j’ai procrastiné… Heureusement j’ai pris le temps et là voilà, prête à être partagée. Il est clair que si je ne pouvais faire que ça, photographe-journaliste de Street art, cela serait le kiff…
Yo, check, check, one, two.
Il y a une trame. Mais nous pouvons faire des contours. Cela permet de retrouver d’une interview à l’autre les mêmes choses. Nous pouvons aller à droite et à gauche. Elle commence par une chose toute simple.
La fameuse question, est-ce qu’il y a une signification particulière ?
Alors c’est très simple. Stew, cela me vient de mon enfance. C’est le surnom que j’avais quand j’étais petit. Donc littéralement, Irish stew, c’est le ragout, la compote. C’est le mix de plein d’aliments qui font un bon mélange, un bon petit plat. A la base, c’était une émission radiophonique anglaise sur laquelle je faisais un peu le foufou quand j’étais petit. Vu que mon prénom c’est Steven, Stew cela collait bien. L’émission s’appelait Stew pote. J’ai choisi Stew dans les années 2000, quand j’ai pris un pseudonyme pour faire autre chose que du Graffiti. Je trouvais que cela allait bien, comme tout le monde m’appelait comme ça depuis que j’étais petit. Voilà.
C’est une continuité.
Quel âge as-tu ? Tu peux mentir. Il y a plusieurs personnes qui ont menti.
Je crois que j’ai à peu près 16 ans dans ma tête. Sinon physiquement j’ai 38 ans. 39 cette année. C’est ça ? Je suis né en 78. Faites le calcul.
T’as un physique de 50 ans.
Va te faire enculer ?
Je mettrais l’ensemble de nos échanges dans l’interview et tu me diras si tu veux les conserver ou pas.
Il faut dire qu’il y a Gerek, mon stagiaire.
(Il rigole)Enfoiré.
Non, c’est mon assistant. Sur beaucoup de plans, de gros murs. Et comme on est ici à Nanterre, à l’école du CESI, j’ai tapé au meilleur de tous.
Du renfort.
Avec Gerek. (…) Elle est toute petite donc c’est facile.
Voilà. Ça c’est fait.
Est-ce que tu te rappelles, soit dans le Graffiti, soit dans le Street art, la première fois sur un mur, le moment, l’environnement. A quel âge ? Comment cela s’est passé ? quelles sensations ?
Vraiment la première fois… J’ai fait du tag, je devais avoir 14 ans. C’était plus pour reproduire ce que je voyais dans les magazines de skate. Après, j’ai rencontré des graffeurs. Le premier graffiti que j’ai fait avec un lettrage, je devais avoir 16 ans.
Cela s’est pas mal enchainé. Dans un laps de temps court. Est-ce que tu étais tout seul ou c’était en groupe ?
En groupe.
Et le pendant, c’est la dernière fois. Et on est devant, à quelques mètres près.
Grave.
C’est en cours.
Dans une école d’ingénieur.
A Nanterre. Cela réunit la ville où je travaille et le Street art, trop cool.
C’est une commande institutionnelle. Enfin une commande de l’Ecole.
Sur le parking de l’établissement. Vous êtes sur un mur qui fait combien ?
En fait.
Il faut différencier les deux parties.
Il y a deux parties. On a fait la première partie, au fond là, qui fait 45 mètres de long sur 1,5 mètres de haut. On a fait ça, avec Gerek, il y a deux ans. En 2015. Ils m’ont rappelé il y a quelques semaines pour finir le corner on va dire. La fresque est faite sur le thème de l’eau.
On est pas très loin de la Seine, je ne sais pas s’il y a un lien ?
Y’a un petit lien.
On s’est rencontré la semaine dernière à ton atelier. Au-delà de ton atelier, est-ce que tu as des lieux ou des villes de prédilection ? ou le fait d’avoir un atelier te permet de rayonner autour ?
Depuis que j’ai mon atelier, il y a un an, à Ivry sur Seine, évidemment j’ai pas mal peint à côté. Je n’ai pas trop d’endroit de prédilection. C’est plus les supports que j’aime bien. Le métal.
Comment te définirais tu ? Est-ce que tu te considères comme un graffeur, un Street artiste, artiste, troubadour ?
Je me considère plutôt comme un clown. Dans ma façon d’être. Artistiquement parlant, j’aime bien dire que je suis un infograffeur. Parce que j’ai une formation de graphiste. Cela a un rôle très important dans mon processus créatif. Je vais un peu d’amalgame, entre le graphisme, le graffiti, le collage, le pochoir, le Street art. Enfin. Toutes ces techniques pour faire du Street art.
Cela vient mélanger les techniques, les manières de faire.
Mais le Street art c’est ça. Mélanger les techniques. Se servir beaucoup du numérique. Cela passe par l’atelier. L’ordinateur. En tout cas pour moi.
Comment tu définirais l’univers qui est attaché à Stew ? Est-ce qu’il y a un couleur, une ambiance ?
Y’a une ambiance très japonisante et asiatique.
On retrouve des guerriers, des samouraïs. Il y a parfois la thématique du Kamasoutra.
C’est les estampes japonaises et chinoises qui m’ont beaucoup inspiré. Après j’ai plusieurs univers. J’en ai un très coloré, quand je fais du pochoir, des persos. J’en ai un tourné vers le noir et blanc, minimaliste sur la couleur mais très chargé question illustration.
Y’a dans ton travail ce côté Japon, mythologie. Et tout le volet des animaux, des poissons, des oiseaux. Sur cette fresque, il y a l’eau. Des poissons. Dans les pochoirs, certains sont très géométriques. Cela fait écho à ce que l’on pourrait retrouver dans les dessins autour de calligraphie. Est-ce que c’est une attirance qui s’explique de par ton histoire ?
Y’a une attirance vers l’Asie. Je suis rentré un peu comme tous les enfants de mon âge par les mangas, les jeux vidéo. Cela m’a fait aimer l’Asie et surtout le Japon. Je m’y suis intéressé. Mais c’est passer à côté, c’est un pays lointain. On n’a pas trop de rapport direct avec ce pays en France. A part par le biais des jeux vidéo. Je me suis vraiment intéressé à cette culture, aux estampes japonaises par le biais du textile. Parce que j’adore les motifs textiles. La meilleure façon de les voir c’est sur les estampes. Donc, voilà, cause à effet.
Est-ce qu’en plus de faire ce mur, tu as d’autres actualités ? Tu présentais à ton atelier des choses que tu as fait sur de la céramique.
Oui, de la faïence.
C’est aussi quelque chose qui te permet de te chercher dans des techniques différentes, des supports différents. Est-ce qu’il y a des choses à venir ?
Oui. Tout ce qui est réalité virtuelle ou art numérique, cela me plait. J’ai fait un petit projet d’animation Street art. J’ai décomposé le vol d’un colibri en 25 images. Du coup 25 pochoirs qui ont été posé dans 25 endroits différents de la ville. Et quand tu compiles les 25 images cela crée un flip book. J’essaie de développer cette idée-là, de la mixer avec de la réalité virtuelle. J’ai rencontré récemment Max, un programmeur, qui j’espère deviendra un ami, avec qui on fait des tests en ce moment.
Cela te donne envie d’utiliser tout le potentiel de ces outils-là.
Oui parce que pour moi c’est très important l’artisanat. Qu’il soit traditionnel, bosser avec ces mains ou actuel, avec un ordinateur. Pour moi, coder c’est un langage. Travailler avec de la matière virtuelle et en faire ce que l’on veut. Il y a un petit challenge que j’aime bien.
C’est une partie qui s’appelle raconte-moi ton histoire. Dans l’idée, c’est une série de questions pour comprendre comment tu es devenu Stew. Sans forcément rentrer dans des choses personnelles. Est-ce qu’il y a des étapes clés qui nous permettraient de comprendre ton travail aujourd’hui ? Est-ce que des événements t’ont emmené sur certains chemins ? Comment tu en es venu à dessiner ? En gros, pour qu’un spectateur qui verrait une de tes œuvres comprennent d’où cela vient.
Alors, depuis tout petit je dessine très mal. J’adorais les coloriages.
Cela n’a pas changé.
La question : est-ce qu’il déborde toujours ?
Ensuite il y a eu un moment important. C’est la première fois que j’ai vu du Graffiti. Je savais même pas comment cela s’appelait. J’étais en primaire, je me souviens. C’est un pote, qui était parti aux États-Unis et qui avait ramené des magazines de skate, Thrasher. Dans ces magazines, il y avait du graffiti. Mais moi je disais des dessins. Il y avait du lettrage. On s’amusait à recopier ces lettres et à écrire le nom des filles. C’est le skate qui m’a donné ce gout de la rue et le roller. Très jeune.
Le côté urbain.
Ouai. Très tôt. J’aimais beaucoup être dans la rue, à faire du vélo, du skate ou du roller. Sans préférence. Ensuite, j’étais banlieusard. Ce qui a tout changé c’est le train de banlieue. Le fait de le prendre et de voir les tags dans les wagons, les graffitis sur les voies ferrées. Cela m’a beaucoup plu. Et dans les années 96, j’ai rencontré les 73, les EF. Je commençais à trainer sur les terrains. C’est eux qui m’ont appris. Avant j’étais un Toy on va dire. Y’a pas de cours pour apprendre. Mais c’est en les regardant faire que j’ai appris. Le respect des anciens. Les « règles » du Graffiti. Même s’il n’y a pas vraiment de règles.
Est-ce qu’il y avait dans leur façon d’être avec toi l’envie de partager ça ? De te filer des tuyaux, des techniques ?
Oui. C’est ce qui est génial dans le Graffiti. C’est un partage, des rencontres et parfois des embrouilles aussi. Ensuite qu’est-ce qu’il m’est arrivé ? Il y a eu les free party techno qui m’ont pas mal aiguillé un moment dans ma rechercher esthétique du Graffiti. On cherchait tout le temps des endroits désaffectés pour faire des free party. Du coup j’ai pu faire du tracé direct, comme ça. C’est ça aussi qui m’a permis de ne pas faire que du vandale, que sur les trains.
Un jour, je sais plus en quel année, je me suis fait attraper sur un plan vandale sur un train. J’ai eu une amende. Je suis allé au tribunal et tout ça. Cela a été un tournant dans ma vie. Je me suis dit « putain, tu peux plus faire que ça ; y’a pas que le vandale dans la vie ». Je voulais continuer à faire du Graffiti.
Ce n’était pas un cout d’arrêt mais en tout cas, cela a…
Mis un stop. J’adorais faire du roulant, de la voie ferrée surtout. Donc, c’est le moment où j’ai commencé à m’intéresser aux friches. Vraiment. Et du coup à faire du tracé direct. Cela devait être dans les années 2002-2003. Voilà, j’ai fait ça.
2002 c’est aussi l’année où je me suis inscrit à la maison des artistes, que j’ai commencé à bosser en tant que freelance dans la pub. Parce que oui, avant de faire du graffiti, quand j’étais petit, je voulais faire comme métier publicitaire. Pendant 1 an et demi, j’ai bossé dans une agence de com. L’ambiance ne m’a pas du tout plu. Donc j’ai démissionné. Je me suis remis en freelance. En fait. Mon premier taf, le mec m’a proposé un CDI direct. Donc j’ai dit oui. Je pensais que cela allait me plaire mais pas du tout. Je me suis remis en freelance. Et je me suis juré de ne plus jamais faire de la créa pour des agences. Donc j’ai fait que de la maquette, de l’exécution. C’était très bien. Sur la fin, dans les années 2007-2008, j’ai eu la chance d’intégrer une régie magazine de jeux vidéo. C’était pile poil ce que je voulais faire.
Tu étais au bon endroit.
Je suis resté 4 ans là-bas. Et puis avec l’arrivée d’internet et des blogs, toute l’édition, les magazines papier se sont cassés la gueule. De 30 magazines on est passé à 1. Mais cela a coïncidé avec le moment où ma carrière artistique à vraiment décoller.
D’accord.
Cela a coïncidé avec ce premier pas dans la cour des grands. Grace à deux personnes qui sont Christian GUEMY alias C215 et Magda DANYSZ qui m’ont permis de faire une fresque aux Bains Douches. A partir de ce moment-là, j’ai pu montrer que je pouvais faire des gros murs et que je faisais pas que du graffiti, que j’avais un univers propre. Parce que, pendant ces 10 ans où j’étais graphiste-maquettiste, j’ai continué à faire du graffiti. J’ai beaucoup dessiné sur ordinateur. Tout le jus créatif plutôt que de le donner aux agences de com, je m’étais dit « je vais le garder pour moi et en faire quelque chose ». J’ai monté un book. Cela n’a jamais marché pour démarcher les galeries. Mais en tout cas grâce aux Bains, à Magda et Christian, j’ai pu montrer ce que je savais faire. Et ensuite, il y a eu Medhi BEN CHEICK, qui m’a donné l’opportunité d’avoir une résidence pendant 1 an dans la Tour 13.
Cela a été un sacré projet.
Carrément. On ne s’attendait pas à ce qui s’est passé. On sait ce que c’est devenu maintenant. A partir de ce moment-là, c’est la boule de neige, qui grossit. Medhi m’a aussi, sur un coup de bluff, donné l’opportunité de faire le grand héron bleu de 50m. Il n’a qu’une parole. Ça aussi, c’est un tournant. Je suis passé du petit Street artiste, graffeur, anonyme, à un artiste reconnu qui sait faire des fresques géantes. Cela a été une belle carte de visite pour moi.
En plus celle-là est la plus grande qui est sur Paris.
C’est la 2èmed’Europe. La première c’est Pantonio. Voilà.
Je t’ai rencontré également sur Aulnay, lors du Festival Rue des arts. Mais il y a pas mal d’oeuvre à Vitry. J’étais à Sète, il y a pas longtemps et tu y as fait des œuvres. Mais pour le mur dans le 13ème, c’est une dimension gigantesque. C’est même une question de savoir comment tu t’y prends.
Il y a des techniques. Mais là c’est même plus du Graffiti, du Street art. C’est du muralisme. C’est une grille. Tu fais cela sur ton dessin et tu reportes cela sur le mur. A peu près. En te fixant des points de repères. Il n’y a pas de recul.
Ce qui m’a bien fait avancer c’est d’avoir déménagé à Vitry. En 2012. Ensuite, ce qui m’a donné un grand coup de fouet, c’est la naissance de ma fille en 2014. C’est les dates clés. 96, premier graffiti. 2003 je prends le nom de Stew. 2006-2008, j’arrête de faire du graffiti dans la rue, il y a une métamorphose. Je commence à faire du pochoir. Et après 2012, Vitry. 2014, Zoé.
Là, c’est des impacts forts. Sur les sources d’inspiration artistiques, tu parlais de Christian GUEMY alias C215. Mais est-ce qu’il y a d’autres personnes qui t’ont inspiré ?
En fin de compte, ce qui est génial aujourd’hui, c’est que grâce à internet, c’est tout le mouvement Street art qui m’inspire.
Il y a une belle profusion au niveau international.
Que ce soit dans les pochoiristes ou dans les graffeurs. Il y a beaucoup de monde qui m’inspire. Je pourrais pas tous les citer parce qu’il y en a trop. J’aime bien m’inspirer dans cet océan.
Cela nourrit. Car tu es aussi polymorphe, à essayer de prendre ici et là.
Mes vraies références c’est Faile, Obey, WK, Epsylon point.
Et donc là, tu disais aussi dans le côté personnel, est-ce que ta fille t’inspire ? créer des choses pour elle, pour qu’elle soit fier de toi ?
Les oiseaux, c’est pour Zoé. Bien sûr.
Je pense aussi à Christian GUEMY qui a peint sa fille, qui la met en situation dans ses œuvres. C’est un clin d’œil qui est chouette , qui à la limite passe inaperçu, car si on ne le sait pas, on trouve l’œuvre belle quand même. On peut se dire que c’est une envie que l’on peut avoir de transmettre, de montrer à voir ce que papa ou maman font. Cela peut être chouette.
Donc, depuis un an tu as un atelier. Cela te permet d’avoir un espace de création, d’expérimentation. Et aussi un espace pour te poser.
C’est ça.
Là, aussi, est-ce que c’est un tournant intéressant ?
Oui, bien sûr. 2016. L’atelier. Cela a tout changé. J’ai un endroit dédié pour mon travail. Avant je faisais ça dans une chambre, dans un abri de jardin. Donc j’étais obligé de tout ranger, tous les soirs. Aujourd’hui j’ai 65m2 d’atelier, dans un lieu qui fait 800m2.
Un espace de vie en plus sympathique.
Oui. Cela soulage. Je peux travailler sur la longueur. Je peux passer une semaine sur une toile, sans la ranger, sans ranger les pinceaux si j’ai envie. Je peux travailler sur de très grand format. Je pouvais pas le faire avant.
Pouvoir aussi les stocker ?
Oui. Je peux aussi travailler plusieurs pièces en même temps. C’est vraiment plus facile.
Est-ce que c’est un lieu qui te permet de recevoir, de ramener des gens dans tes projets ? tenter comme avec la faïence.
C’est là que j’ai rencontré Max, le programmeur. C’est un lieu de vie. Il n’y a pas que des artistes. Il y a des startups, des artisans. C’est très intéressant tout ce mix.
Cela crée une émulation. De se chercher dans un endroit où tu n’irais pas spontanément. Quand on était en train de parler, il y avait les drones qui circulaient.
Par exemple.
Ils faisaient des essais. C’est curieux mais en même temps pourquoi pas.
Cela soulage quelque part. De ne pas être tout seul, dans son coin. De pouvoir s’évader, échanger, se confronter à d’autres opinions.
Dans des univers différents.
Et puis il y a d’autres artistes, qui ne sont pas issus de la scène Street art ou Graffiti. Eux, ils ont plutôt une formation des Beaux-Arts, Art contemporain. Ils ont une autre histoire de l’art. C’est toujours sympa d’avoir leur avis sur une toile. Ils voient autre chose. Ils ont une autre vision de l’art. C’est intéressant.
Pour avancer, la prochaine partie est niveau technique. Ce sont des questions que les gens se posent, enfin m’ont posé. C’est très rigolo parce que en les analysant avec les autres artistes que j’ai pu interviewer, on se rend compte que c’est des questions bien françaises. Comme celle-ci : est-ce que tu as reçu une formation artistique ou pas ?
La plupart de ma famille et mes amis m’ont demandé de poser cette question. J’ai le sentiment que dans d’autres cultures on ne poserait pas forcément la question. On prendrait la personne avec ce qu’elle est, ce qu’elle fait aujourd’hui. Mais voilà, je te la pose. As-tu reçu un enseignement artistique ? est-ce que tu es passé par une école d’infographie ?
Alors, je n’ai pas eu de chance parce que j’étais mauvais en classe. Très mauvais en cours. Je n’étais pas fait pour l’éducation nationale, on va dire. Ou plutôt l’éducation nationale était pas faite pour moi. Je ne sais pas.
C’est un grand sujet. D’actualité.
30 élèves par classe, ce n’est pas possible. Déjà à mon époque, ce n’était pas possible. 15 ans après, j’ai un petit frère, de 14 ans, c’est pareil, cela n’a pas changé. Je trouve cela honteux. Je ferme la parenthèse.
C’était quoi la question… Ah oui, je n’ai pas eu de formation. En fait, ma formation c’est la rue. J’ai essayé de faire une école en Belgique cela n’a pas marché.
Et après l’infographie ? tu es passé par une école ?
J’ai pas mon baccalauréat évidemment. J’ai fait mon service militaire à 19 ans dans les chasseurs alpins. J’étais un peu…
Un trublion.
Merci Gerek. Et donc… après, à la sortie de l’armée, je voulais faire du graphisme. Donc j’ai fait un BEP. Que je n’ai pas eu. Mais cela m’a appris quand même quelque chose. Je suis plutôt autodidacte. Et après j’ai fait un BTS multimédia. Pareil. Cela m’a donné des pistes, pour explorer les logiciels.
Pour toucher à plein de choses.
Oui voilà. Mais je me suis formé tout seul.
Et aujourd’hui, quand tu crées, que tu conçois des choses, quand tu as des idées, as-tu des supports, des cahiers pour garder des traces ?
J’ai des carnets de croquis. Comme tout le monde.
Et après, c’est du travail sur ordinateur…
Cela passe toujours par l’ordinateur. Tout ce que je fais, que je dessine sur carnet ou quoi. Tout ce que je fais passe par une tablette graphique, sur Illustrator. Je vectorise tout. Parce que cela me permet de stocker plus facilement, d’avoir tous mes dessins en numérique. De pouvoir les agrandir ou les rétrécir à la taille que je veux. Prendre des détails. Donc tout passe par Illustrator, Photoshop.
Et ensuite ?
C’est imprimer.
Impression, découpe ?
C’est ça. Imprimer, découper.
Après, sur certains pochoirs que tu vas utiliser, tu vas les prendre comme un imprimé. Tu vas les apposer, en utilisant des tailles différentes.
Oui. Des motifs.
Style, ici, fond acrylique ?
La technique. C’est simple. Tous les aplats je les fais à l’acrylique. C’est plus simple et plus joli. Et puis on peut faire des effets aussi. Mais ça reste plus des aplats. Donc je bosse beaucoup à l’acrylique, pour des grandes surfaces. Et après, tout ce qui est pochoir, détail, c’est fait à la bombe.
Donc ce qui fait que tu as une palette de motifs, de pochoirs, que tu as maintenu en tête quand tu en as besoin sur certaines créas
Non. Je crée au fur et à mesure tous les patterns, les étoiles, les motifs, les fleurs. Je pars d’une idée simple. Il y a 4 éléments sur terre : le feu, l’air, la terre et l’eau. Mes patterns rentrent toujours dans une de ces cases-là. J’en crée énormément. Je les crayonne et puis après je les fais bien sur ordi. De temps en temps, quand je suis sur un projet et qu’il me faut un élément que je n’ai pas sous la main, je le dessine et le découpe directement dans une feuille.
Cela va te permettre après dans un choix large, d’avoir une gamme en fonction de ce que tu veux faire, une base. Sinon, quels sont les supports que tu utilises ? autant dans la rue, tu parles des murs, de la taule, autant dans ton atelier, des toiles, des éventails, de la céramique. C’est un truc qui te plait de faire sur des supports aussi différents ?
Oui, bien sûr.
Un support qui va te poser à un moment donné des questions techniques, de dire « tiens, comment je m’adapte à tel chose ».
Oui, ça c’est de la recherche. Mais… cela peut arriver que des gens viennent avec des projets. Récemment, il y a un mec qui est venu en me disant « j’ai récupéré du cuir recyclé ». Enfin c’est des pièces de cuir qui ont des défauts. Ils les mettent à la poubelle. Il arrive à les récupérer. Il m’a demandé si je pouvais peindre dessus pour ensuite en faire des sacs.
Un nouveau support que tu n’avais jamais testé.
Pareil, la céramique, c’est une rencontre. Cela faisait un moment que je voulais faire ça, que je trouvais que cela collait bien avec mon univers. J’ai rencontré Philippe LALANE. C’est lui qui m’a mis en relation avec les artisans. C’est beaucoup de rencontres.
C’est aussi des aventures humaines.
Moi, je ne travaille que comme ça. Avec Gerek, c’est pareil. J’ai pas passé une annonce pour avoir un assistant. C’est un jour Gerek qui m’a contacté sur Facebook en me disant « ouai, tout, j’ai du temps, j’aimerais bien t’aider si tu as besoin ». Je lui ai dit « vas-y, on se rencontre ». Puis on s’est rencontré et maintenant on est des potes. Enfin… (rire) on est des potes.
T’as besoin de lui jusqu’à quand ?
Quand j’ai besoin de lui, je l’appelle. Il passe 2-3h.
Après, comment tu procèdes en fait, quand c’est une commande ? est-ce que tu réponds vraiment à une demande ou est-ce que tu présentes des choses ?
Ici, par exemple, il y avait un thème. Il y a le format du mur. Et après moi je propose quelque chose dans mon univers. Parce que s’ils me contactent c’est qu’ils aiment mon univers. Je leur propose quelque chose. Et en général, j’ai très peu de contraintes. A par la taille du mur et le thème.
Spontanément, quand tu as envie de créer à l’extérieur pour toi, cela se passe comment ? Est-ce que tu vas chercher des murs ? as-tu des coins qui t’inspirent ?
J’ai une déformation professionnelle du Graffiti. J’ai tout le temps un marqueur dans ma poche. Je regarde tout le temps. J’ai cette vision de la vie. Je vois les bons spots où poser. Même si je suis pas du tout dans un environnement Graffiti, où dans l’idée de poser une œuvre, mon œil regarde toujours. Une porte en ferraille. Là cela pourrait être sympa.
Est-ce que cela t’est déjà arrivé de trouver des supports dans la rue, du bois ou autre, et de le ramener ?
Au début je faisais beaucoup ça. Même cela m’arrive de chiner pour peindre dessus.
Cela t’arrive encore de faire du vandale ?
Oui. Faire du graffiti. Évidemment. Y’a pas longtemps j’ai vu mon vieil acolyte de connerie on va dire. Il est passé à l’atelier. On a fait un petit truc ensemble.
Là, c’est une partie sur la politique. Non pas à de la manière dont ce terme est galvaudé aujourd’hui. Mais bien, d’intervenir dans la vie de la cité. Est-ce que c’est quelque chose à laquelle tu penses, dans le choix d’une œuvre ou d’un lieu ? Est-ce que cela résonne ou n’a pas d’importance ?
Alors… pour moi, je suis vraiment apolitique. C’est à dire je ne vais pas m’intéresser, même si j’ai des idées. Dans ce que je veux proposer aux gens c’est apolitique.
C’est neutre.
Et je trouve déjà qu’aller peindre dans la rue sans autorisation, c’est déjà un symbole fort.
Pour moi, c’est l’enjeu de mon travail. Je suis en lien sur Nanterre avec les habitants. Le mot « politique » a à être remis à l’honneur sur certains choix et redire aux gens que certains actes sont politiques, un choix de vie, une manière d’aller vers ses voisins. La politique n’est pas juste ce qui se passe à l’Assemblée Nationale.
Bien sûr.
Je me souviens à Aulnay dans le centre commercial, le fait qu’il y ait des artistes qui reprennent en main ce lieu…
Qui est laissé à l’abandon.
Qui s’effondre sur lui-même. Et qui, sur une semaine, arrêtent le temps. Les œuvres d’ailleurs ont bien perduré.
Le mien est toujours là.
Les gens se sont posés.
Ils s’approprient ou se réapproprient l’espace urbain. Je trouve que c’est très important, d’être bien dans son environnement. Y’a deux choses pour moi très importantes, l’environnement des jeunes et ce que l’on va leur inculquer. Qui aujourd’hui passe le plus de temps avec nos enfants, c’est l’école. Je dis cela pour inclure les maitresses, les enseignants, les assistants. C’est l’Éducation Nationale. Si je devais avoir des choix politiques à faire, ce serait vraiment à ce niveau-là. Pour la jeunesse, pour leur environnement – d’apprentissage ou de vie. C’est sûr que dans les grosses cités à Vitry, à part la grisaille et la pollution, y’a pas grand-chose pour eux. Moi je peins des oiseaux sur des murs gris. C’est pas grand-chose.
Dis-moi si je me trompe, mais il n’y a quasiment jamais de phrases, de mots dans tes œuvres.
C’est vrai.
Est-ce que cela t’est arrivé d’y ajouter une phrase, une citation ? Ou cela ne fait pas parti de ce que tu proposes sur les murs ?
J’ai envie de dire que je suis un artiste très jeune. Je me considère vraiment comme un artiste depuis que j’ai l’atelier, l’année dernière. Je l’ai pas fait encore. C’est quelque chose que je ferai surement. Mettre des slogans, des phrases, des mots. Mais je sais pas encore comme le faire encore.
Est-ce que sur une création ou un moment de ton parcours, tu aurais une anecdote qui t’aurait marqué soit dans la rencontre avec le public ou autre ? A un moment où tu étais en train de créer, un bon ou mauvais souvenir ?
Si. Un bon moment, y’a pas très longtemps. J’étais en train de peindre un oiseau, en vandale, dans la rue. Y’a toujours cette petite adrénaline à te dire, les flics vont passer, ils vont m’arrêter. Même si depuis que je peins des oiseaux on me fait plus chier. Je suis en train de peindre, juste derrière moi il y a une voiture qui pile. Je me dis « ça y est, c’est bon pour moi ». Et en fait, c’est une dame. Elle fait marche arrière. Elle baisse sa vitre et me dit « ah, merci beaucoup, c’est très joli ». Voilà. Plutôt sympa.
D’un seul coup, la crainte change…
On est passé des petits vandales qui peignaient dans la pisse, qui dégradaient, à des artistes, des gens que les municipalités appellent. Le directeur du CESI, qui est une école réputée en France, est venu me contacter. Moi qui n’aie pas le bac.
C’est intéressant aussi de se dire que tu es sollicité par ces personnes.
On n’est plus considéré comme des mecs comme lui là (montrant Gérek).
Moi je dis rien.
C’est mieux. Tu n’as rien à dire de toute façon…
Non c’est vrai.
Il reste trois petits chapitres. Sur l’histoire des collaborations, on parlait de certaines rencontres qui ont eu des répercussions, qui t’ont aidé dans ton travail. Est-ce qu’il y a des moments de collaborations, dans la création d’une œuvre commune ?
Dernièrement avec la Faïencerie Georges. C’était un très bon moment de collaboration. C’était une première pour moi d’apposer mes créations et de peindre sur ce support, en volume, noble. J’avais déjà peint sur des toys. Mais là c’est vraiment un objet qui peut durer des millénaires. C’est de la faïence. Quand je serai mort, le truc sera toujours là. Et quand mes petits enfants seront morts, si j’en ai, cela n’aura pas bougé.
La puissance de cet objet-là.
Oui. Qui dure dans le temps. Pas comme une peinture qui peut être détériorée. Un vase, tu le fais tomber et c’est fini. Mais bon. C’était vraiment une bonne expérience.
J’ai vu aussi sur ton site, des collabs sur des vêtements.
J’ai fait du textile. Je suis venu au pochoir par la sérigraphie. C’est ce qui m’a permis de sortir mes illustrations de mon ordinateur. D’une façon manuelle, artisanale. Et après,… avec mon ex copine, qui a la marque Ekicé, on a fait plein de collaborations ensemble. On avait cette amour du Japon tous les deux.
Cela permettait d’emmener des œuvres sur d’autres supports. Après, sur murs, est-ce que cela t’arrive de faire avec d’autres artistes ?
J’en ai fait.
Ou est-ce que tu n’aimes pas trop ça ?
C’est pas ça. Les collabs j’en ai fait beaucoup jusqu’à 2006-2008. Beaucoup d’expos, de collabs. Mais c’est quelque chose qui a un moment m’a… j’ai eu de mauvaises expériences. Des gens qui prenaient trop la grosse tête.
Cela devenait plus un problème.
Oui, plus que de s’amuser. Donc je fais peu de collab. J’en ai fait une récemment, l’année dernière, en Norvège. Avec un artiste norvégien qui s’appelle Newton. On est parti à 3. Y’avait deux murs à faire. On m’avait donné un gros mur, Newton un plus petit. Pendant le voyage on s’est bien entendu. Il m’a montré l’esquisse qu’il voulait faire. Moi j’avais la mienne. On s’est dit « ah mais attends. Toi tu fais un renard qui ouvre la bouche, qui crie et moi je fais un oiseau qui s’envole. On pourrait faire que l’oiseau sorte de la bouche de ton renard ». C’est venu comme ça. On l’a fait ensemble sur le gros mur. Et on a bien fait. C’était super cool. Humain. Une belle rencontre. Quelque chose de cool.
Je me posais la question, non pas que je souhaiterai faire cela avec toi, mais comme tu fais de l’illustration, est-ce que tu as déjà été tenté par faire un livre, notamment pour enfant ? est-ce que l’on est déjà venu te solliciter pour écrire une histoire et que tu l’illustres, crées des personnages ?
Alors. J’aimerai beaucoup le faire. Y’a un projet qui ne s’est jamais fait. Il y en a eu un, de faire un livre. J’aimerai beaucoup. Je ne sais pas trop comment m’y prendre. Faudrait que j’écrive une histoire déjà.
Si par mon intermédiaire, tu pouvais poser une question à un artiste ou tous les artistes, à qui tu t’adresserais, qu’est-ce que tu lui demanderais ? J’ai eu sur cette question de tout et n’importe quoi.
Un artiste… oui… Si j’aimerais bien demander à David CHO pour avoir autant d’énergie. Tu vois qui sait. Je vais lui poser sur internet. Parce qu’il me fait halluciner.
Il reste deux parties. Niveau financier. Est-ce que l’on en vit ? voilà la question qui se cache là derrière. Je t’en pose plusieurs : il y a une période où tu étais salarié et après tu as arrêté. Est-ce que tu as dû mettre en place une stratégie pour trouver l’équilibre, entre le pro et le perso ? est-ce que tu composes entre des commandes, des choses qui tu fais librement ? comment tu arrives à jongler pour avoir une base dans laquelle tu te retrouves et tu es bien ?
Je jongle avec ce que l’on me donne. Après j’ai la chance d’en vivre. Depuis 3-4 ans. Je fais plus que ça, je ne fais plus de graphisme. Et puis, je gagne ma vie en faisant du muralisme, des commandes institutionnelles. Je fais des expos donc je vends des toiles. Comme j’ai un atelier, je peux avoir une production plutôt professionnelle. C’est comme cela que je gagne ma vie.
Après, sur des projets comme les vases, je ne vais pas gagner vraiment d’argent. C’est plus des projets que j’avais envie de faire. D’ailleurs ce n’est pas moi qui produis les vases, c’est Philippe. Moi je touche une commission dessus. C’est tout. Et après je gagne pas non plus… de quoi payer mon loyer, nourrir ma fille, partir en vacances.
Dans le fait d’exposer, c’est un aspect curieux et intéressant. On a dans le Street art le fait d’être à l’extérieur sur des murs, le fait d’être en galerie et de faire des expositions. Est-ce que c’est un aspect qui te plait ? comme pour les vases, de montrer une partie de ce que tu aimes faire et d’avoir un lieu pour le faire ? pouvoir décliner un thème ? est-ce que dans cet équilibre que tu arrives à trouver là aussi, avec des galeristes avec lesquels cela se passent bien ?
J’ai eu la chance. Au tout début, quand je faisais à peine du Street art, que j’avais mon petit book, j’allais démarcher des galeries et on me riait au nez. Aujourd’hui c’est les galeries qui viennent vers moi, parce que j’ai cette « notoriété ». J’ai la chance de travailler avec des galeries, qui me font confiance, qui me donnent un espace d’expression, une tribune quelque part. Où je peux montrer ce que j’aime. La prochaine expo c’est le 29 septembre (2017) à la Galerie GCA dans le 13ème.
Chouette.
C’est essentiel dans la vie d’un artiste. Comment on vit si on ne peut pas vendre des tableaux ?
Là, tu le dis, l’atelier pourrait servir à montrer des œuvres. Mais quand on n’a pas forcément d’atelier, ce n’est pas le même espace.
C’est pas forcément un lieu d’exposition. Un atelier c’est un espace de travail.
Et de stockage.
Après évidemment, pour les vases, il fallait bien les montrer. On a réussi à faire une expo sur une semaine. En louant un lieu. Mais cela coute très cher. J’avais créé un petit showroom à l’atelier. J’ai nettoyé. Mais après, c’est redevenu un espace de travail. Évidemment il faut que l’on puisse exposer.
Je me souviens d’une expo. Je sais pas le nom exact, chez un encadreur.
Je trouvais la collaboration intéressante. Il y avait tes œuvres et le travail d’encadrement.
Déjà Vincent c’est un pote. Lui son idée a toujours été d’exposer des artistes. Et qui de mieux placer. Il rencontre des artistes et des collectionneurs. Les artistes viennent vers lui pour encadrer leur œuvre et les collectionneurs viennent aussi pour encadrer ce qu’ils ont acheté. Donc il a toujours eu une partie exposition dans son magasin. Aujourd’hui il a même une galerie, qui est à côté de GCA et d’Itinerrance. Et…
Du LavoMatik.
Oui, c’était une belle collaboration. Encadreur c’est un vrai boulot aussi. C’est facile de mettre une caisse américaine. Mais après, de mettre un beau cadre qui vient apporter autant pour l’œuvre. J’ai vendu pas mal de toiles grâce à Vincent. Sur papier surtout.
C’est la dernière série de questions. Cela commence déjà par internet, Facebook et les réseaux sociaux. Là aussi, est-ce un moyen pour toi d’être contacté ?
C’est essentiel.
Est-ce que cela te permet d’aller aussi de faire tes recherches ?
Aujourd’hui le Street art, on aurait pu appeler ça le Web art.
Tellement cela vient en résonnance.
Le Graffiti, du coup par déformation le Street art, ce sont des arts qui est dans la rue, éphémère. Parce que dans la rue cela va être dégradé par le temps, par les passants. Cela va même être effacé par les services de la voirie. C’est un art éphémère. Le Graffiti avant c’était encore plus. Des fois la pièce, elle circulait pendant 3 heures. Fallait aller la chasser. Il fallait une preuve photographique. Aujourd’hui c’est une preuve numérique.
Du coup, tout est sur internet. Aujourd’hui j’ai un Instagram. Cela passe direct sur les autres réseaux sociaux (Facebook, Twitter, FlickR). Cela se fait tout seul. C’est hyper intéressant. En plus, ce qui est génial, c’est que je prends mon téléphone. Là je suis à Nanterre. Je vais allumer mon Instagram et je peux voir ce que fait Obey en direct si cela se trouve. Ou je vais voir un artiste brésilien que personne ne connait, qui vit au fin fond du Brésil et qui grâce à internet va poster une image. Et hop, je peux voir ça. Je peux accéder à Hiroshige, un tatoueur, au Japon en train de tatouer en direct.
C’est le côté instantané, connecté au monde.
Le Street art, c’est le courant artistique du 21èmesiècle. Et il est connecté. C’est indéniable.
Et comment tu vois, tous les amateurs, les passionnés, qui prennent en photo les œuvres ? Comme moi, qui prenais des photos de toi à Aulnay. J’ai eu la chance en étant au chômage d’avoir été là toute la semaine et de voir l’évolution des œuvres, de pouvoir prendre en photo des choses que les artistes ne pouvaient pas faire tout seul.
C’est éphémère.
Je sais pas comment tu vis ce lien avec ces gens, passionnés, qui te contactent.
Je suis plutôt disponible. Tu me contactes et pas de souci. Moi je suis là pour partager. Si je peins dans la rue c’est pour ça. Même si je le fais pour moi d’abord. J’ai envie de faire connaitre notre mouvement. On n’est pas juste des adolescents sans importance qui vont gâcher un mur, qui vont détériorer la ville. On a des choses à dire, à montrer.
Peut-être on s’y prend mal. Au début de chaque carrière artistique, il y a un adolescent un peu fou-fou, tu sais pas où aller, tu essais de t’exprimer. Et comme on ne donne pas assez de lieux d’expression aux jeunes et bien parfois ils font des conneries.
Série de questions. Si tu avais, …
Un morceau de musique, un artiste ou un groupe à nous conseiller à écouter : en ce moment, les Foo Figthers – The pretenders (clip)
Un bar, un restaurant, ici ou ailleurs : le Mama Sista à Saint Cloud (site internet)
Un message, un coup de gueule, une dédicace à passer. L’antenne est libre. Mettez plus d’argent dans les écoles et dans l’éducation.
Un voyage à faire, un lieu à explorer : que j’ai déjà exploré ?
Ou que tu aimerais découvrir ? Le Japon
Une chose que tu n’avais pas encore fait aujourd’hui, que tu aimerais tenter prochainement. Quelque chose d’inédit ? Cela a déjà été fait mais j’aimerais bien peindre un avion.
Et enfin, si tu pouvais me poser une question pour laquelle tu sois sûr et d’une part que je te réponde mais d’autre part que je te dise la vérité, quelle question tu me poserais ?
Est-ce que tu es fan de Jean-Paul Gautier ?
Ah oui, parce que j’ai une magnifique marinière.
Cela me vient comme ça. Pour taquiner.
Fan… alors. J’ai vu une expo de lui au Grand Palais qui m’a fait regarder ce qu’il avait créé d’une manière intéressante. Après fan, je ne mettrais pas forcément ce qu’il a créé. Il a apporté quelque chose.
Moi depuis le 5èmeélément, je suis fan.
Là, c’est vrai qu’il y a de quoi faire dans ce film.
Clair.
Que j’ai revu il y a pas si longtemps. Je suis toujours fan de la regarder.
Interview de Stew
Étiquettes : Interview
Une opportunité. Il est parfois question d’opportunité, de saisir la balle au bond, de ne pas repousser, de faire, agir, se lancer. Une porte qui s’entrouvre. L’occasion d’aller voir ce qui se passe de l’autre côté. Je n’avais pas prévu de faire une nouvelle interview ayant déjà celles faites à la Réunion à mettre en ligne pour une, retranscrire et faire valider pour les autres. Mais voilà, la vie m’envoie un signe que je ne peux refuser. Elle me lance presque un défi.
Une opportunité. Il est souvent question d’opportunité, de saisir la main tendue, de prendre le présent au pied de la lettre, de ne pas faire attendre et d’aller vers l’autre. Cela serait presque illogique que de refuser cette interview. Depuis le temps que j’avais justement envie d’en savoir plus sur lui. Direction Ivry-sur-Seine. Rue Pierre et Marie Curie.
La reprise du travail a été bonne, après une semaine de congé dans le Sud. Faut dire qu’il y avait de quoi faire et que la journée a passé sans que j’ai eu le temps de dire « ouf ». Après 2h15 passé au jardin de Gorki, me retrouver dans l’atelier d’un artiste va me plonger dans un tout autre univers. Quoi que. Il est question dans son travail de nature, de nature de la nature, celle des animaux, celle des humains. A voir ce qu’il en dit. A vous de lire entre les lignes et prendre le temps pour découvrir Stew.
Pour ma part je serai patient. Encore un peu. La rencontre prévue ce mercredi est repoussée à la semaine suivante, histoire de prendre le temps. Il est en retard sur certaines découpes et ne peut prendre plus d’une heure aujourd’hui. Comme je préfère avoir le temps, nous nous organisons autrement. Il sera en plus à Nanterre, au CESI. Plus facile pour moi de bloquer deux heures dans ma journée et bifurquer . Ce sera l’occasion de le voir également à l’oeuvre. Je profite quand même de l’opportunité pour faire quelques photos de son atelier. Une partie où il peut tester, faire et défaire, déborder, sortir de la toile sans crainte; une partie où il peut découper, montrer ses oeuvres, être dans la précision.
Je dois faire mon mea culpa car cela fait plus d’un an (7 juin 2017) que j’ai fait cette interview et que je ne la sors que maintenant. Je me suis retrouvé pris dans le quotidien, dans le travail et j’ai procrastiné… Heureusement j’ai pris le temps et là voilà, prête à être partagée. Il est clair que si je ne pouvais faire que ça, photographe-journaliste de Street art, cela serait le kiff…
Yo, check, check, one, two.
Il y a une trame. Mais nous pouvons faire des contours. Cela permet de retrouver d’une interview à l’autre les mêmes choses. Nous pouvons aller à droite et à gauche. Elle commence par une chose toute simple.
Pseudo : Stew
Site internet : http://stewearth.com
La fameuse question, est-ce qu’il y a une signification particulière ?
Alors c’est très simple. Stew, cela me vient de mon enfance. C’est le surnom que j’avais quand j’étais petit. Donc littéralement, Irish stew, c’est le ragout, la compote. C’est le mix de plein d’aliments qui font un bon mélange, un bon petit plat. A la base, c’était une émission radiophonique anglaise sur laquelle je faisais un peu le foufou quand j’étais petit. Vu que mon prénom c’est Steven, Stew cela collait bien. L’émission s’appelait Stew pote. J’ai choisi Stew dans les années 2000, quand j’ai pris un pseudonyme pour faire autre chose que du Graffiti. Je trouvais que cela allait bien, comme tout le monde m’appelait comme ça depuis que j’étais petit. Voilà.
C’est une continuité.
Quel âge as-tu ? Tu peux mentir. Il y a plusieurs personnes qui ont menti.
Je crois que j’ai à peu près 16 ans dans ma tête. Sinon physiquement j’ai 38 ans. 39 cette année. C’est ça ? Je suis né en 78. Faites le calcul.
T’as un physique de 50 ans.
Va te faire enculer ?
Je mettrais l’ensemble de nos échanges dans l’interview et tu me diras si tu veux les conserver ou pas.
Il faut dire qu’il y a Gerek, mon stagiaire.
(Il rigole)Enfoiré.
Non, c’est mon assistant. Sur beaucoup de plans, de gros murs. Et comme on est ici à Nanterre, à l’école du CESI, j’ai tapé au meilleur de tous.
Du renfort.
Avec Gerek. (…) Elle est toute petite donc c’est facile.
Voilà. Ça c’est fait.
Est-ce que tu te rappelles, soit dans le Graffiti, soit dans le Street art, la première fois sur un mur, le moment, l’environnement. A quel âge ? Comment cela s’est passé ? quelles sensations ?
Vraiment la première fois… J’ai fait du tag, je devais avoir 14 ans. C’était plus pour reproduire ce que je voyais dans les magazines de skate. Après, j’ai rencontré des graffeurs. Le premier graffiti que j’ai fait avec un lettrage, je devais avoir 16 ans.
Cela s’est pas mal enchainé. Dans un laps de temps court. Est-ce que tu étais tout seul ou c’était en groupe ?
En groupe.
Et le pendant, c’est la dernière fois. Et on est devant, à quelques mètres près.
Grave.
C’est en cours.
Dans une école d’ingénieur.
A Nanterre. Cela réunit la ville où je travaille et le Street art, trop cool.
C’est une commande institutionnelle. Enfin une commande de l’Ecole.
Sur le parking de l’établissement. Vous êtes sur un mur qui fait combien ?
En fait.
Il faut différencier les deux parties.
Il y a deux parties. On a fait la première partie, au fond là, qui fait 45 mètres de long sur 1,5 mètres de haut. On a fait ça, avec Gerek, il y a deux ans. En 2015. Ils m’ont rappelé il y a quelques semaines pour finir le corner on va dire. La fresque est faite sur le thème de l’eau.
On est pas très loin de la Seine, je ne sais pas s’il y a un lien ?
Y’a un petit lien.
On s’est rencontré la semaine dernière à ton atelier. Au-delà de ton atelier, est-ce que tu as des lieux ou des villes de prédilection ? ou le fait d’avoir un atelier te permet de rayonner autour ?
Depuis que j’ai mon atelier, il y a un an, à Ivry sur Seine, évidemment j’ai pas mal peint à côté. Je n’ai pas trop d’endroit de prédilection. C’est plus les supports que j’aime bien. Le métal.
Comment te définirais tu ? Est-ce que tu te considères comme un graffeur, un Street artiste, artiste, troubadour ?
Je me considère plutôt comme un clown. Dans ma façon d’être. Artistiquement parlant, j’aime bien dire que je suis un infograffeur. Parce que j’ai une formation de graphiste. Cela a un rôle très important dans mon processus créatif. Je vais un peu d’amalgame, entre le graphisme, le graffiti, le collage, le pochoir, le Street art. Enfin. Toutes ces techniques pour faire du Street art.
Cela vient mélanger les techniques, les manières de faire.
Mais le Street art c’est ça. Mélanger les techniques. Se servir beaucoup du numérique. Cela passe par l’atelier. L’ordinateur. En tout cas pour moi.
Comment tu définirais l’univers qui est attaché à Stew ? Est-ce qu’il y a un couleur, une ambiance ?
Y’a une ambiance très japonisante et asiatique.
On retrouve des guerriers, des samouraïs. Il y a parfois la thématique du Kamasoutra.
C’est les estampes japonaises et chinoises qui m’ont beaucoup inspiré. Après j’ai plusieurs univers. J’en ai un très coloré, quand je fais du pochoir, des persos. J’en ai un tourné vers le noir et blanc, minimaliste sur la couleur mais très chargé question illustration.
Y’a dans ton travail ce côté Japon, mythologie. Et tout le volet des animaux, des poissons, des oiseaux. Sur cette fresque, il y a l’eau. Des poissons. Dans les pochoirs, certains sont très géométriques. Cela fait écho à ce que l’on pourrait retrouver dans les dessins autour de calligraphie. Est-ce que c’est une attirance qui s’explique de par ton histoire ?
Y’a une attirance vers l’Asie. Je suis rentré un peu comme tous les enfants de mon âge par les mangas, les jeux vidéo. Cela m’a fait aimer l’Asie et surtout le Japon. Je m’y suis intéressé. Mais c’est passer à côté, c’est un pays lointain. On n’a pas trop de rapport direct avec ce pays en France. A part par le biais des jeux vidéo. Je me suis vraiment intéressé à cette culture, aux estampes japonaises par le biais du textile. Parce que j’adore les motifs textiles. La meilleure façon de les voir c’est sur les estampes. Donc, voilà, cause à effet.
Est-ce qu’en plus de faire ce mur, tu as d’autres actualités ? Tu présentais à ton atelier des choses que tu as fait sur de la céramique.
Oui, de la faïence.
C’est aussi quelque chose qui te permet de te chercher dans des techniques différentes, des supports différents. Est-ce qu’il y a des choses à venir ?
Oui. Tout ce qui est réalité virtuelle ou art numérique, cela me plait. J’ai fait un petit projet d’animation Street art. J’ai décomposé le vol d’un colibri en 25 images. Du coup 25 pochoirs qui ont été posé dans 25 endroits différents de la ville. Et quand tu compiles les 25 images cela crée un flip book. J’essaie de développer cette idée-là, de la mixer avec de la réalité virtuelle. J’ai rencontré récemment Max, un programmeur, qui j’espère deviendra un ami, avec qui on fait des tests en ce moment.
Cela te donne envie d’utiliser tout le potentiel de ces outils-là.
Oui parce que pour moi c’est très important l’artisanat. Qu’il soit traditionnel, bosser avec ces mains ou actuel, avec un ordinateur. Pour moi, coder c’est un langage. Travailler avec de la matière virtuelle et en faire ce que l’on veut. Il y a un petit challenge que j’aime bien.
C’est une partie qui s’appelle raconte-moi ton histoire. Dans l’idée, c’est une série de questions pour comprendre comment tu es devenu Stew. Sans forcément rentrer dans des choses personnelles. Est-ce qu’il y a des étapes clés qui nous permettraient de comprendre ton travail aujourd’hui ? Est-ce que des événements t’ont emmené sur certains chemins ? Comment tu en es venu à dessiner ? En gros, pour qu’un spectateur qui verrait une de tes œuvres comprennent d’où cela vient.
Alors, depuis tout petit je dessine très mal. J’adorais les coloriages.
Cela n’a pas changé.
La question : est-ce qu’il déborde toujours ?
Ensuite il y a eu un moment important. C’est la première fois que j’ai vu du Graffiti. Je savais même pas comment cela s’appelait. J’étais en primaire, je me souviens. C’est un pote, qui était parti aux États-Unis et qui avait ramené des magazines de skate, Thrasher. Dans ces magazines, il y avait du graffiti. Mais moi je disais des dessins. Il y avait du lettrage. On s’amusait à recopier ces lettres et à écrire le nom des filles. C’est le skate qui m’a donné ce gout de la rue et le roller. Très jeune.
Le côté urbain.
Ouai. Très tôt. J’aimais beaucoup être dans la rue, à faire du vélo, du skate ou du roller. Sans préférence. Ensuite, j’étais banlieusard. Ce qui a tout changé c’est le train de banlieue. Le fait de le prendre et de voir les tags dans les wagons, les graffitis sur les voies ferrées. Cela m’a beaucoup plu. Et dans les années 96, j’ai rencontré les 73, les EF. Je commençais à trainer sur les terrains. C’est eux qui m’ont appris. Avant j’étais un Toy on va dire. Y’a pas de cours pour apprendre. Mais c’est en les regardant faire que j’ai appris. Le respect des anciens. Les « règles » du Graffiti. Même s’il n’y a pas vraiment de règles.
Est-ce qu’il y avait dans leur façon d’être avec toi l’envie de partager ça ? De te filer des tuyaux, des techniques ?
Oui. C’est ce qui est génial dans le Graffiti. C’est un partage, des rencontres et parfois des embrouilles aussi. Ensuite qu’est-ce qu’il m’est arrivé ? Il y a eu les free party techno qui m’ont pas mal aiguillé un moment dans ma rechercher esthétique du Graffiti. On cherchait tout le temps des endroits désaffectés pour faire des free party. Du coup j’ai pu faire du tracé direct, comme ça. C’est ça aussi qui m’a permis de ne pas faire que du vandale, que sur les trains.
Un jour, je sais plus en quel année, je me suis fait attraper sur un plan vandale sur un train. J’ai eu une amende. Je suis allé au tribunal et tout ça. Cela a été un tournant dans ma vie. Je me suis dit « putain, tu peux plus faire que ça ; y’a pas que le vandale dans la vie ». Je voulais continuer à faire du Graffiti.
Ce n’était pas un cout d’arrêt mais en tout cas, cela a…
Mis un stop. J’adorais faire du roulant, de la voie ferrée surtout. Donc, c’est le moment où j’ai commencé à m’intéresser aux friches. Vraiment. Et du coup à faire du tracé direct. Cela devait être dans les années 2002-2003. Voilà, j’ai fait ça.
2002 c’est aussi l’année où je me suis inscrit à la maison des artistes, que j’ai commencé à bosser en tant que freelance dans la pub. Parce que oui, avant de faire du graffiti, quand j’étais petit, je voulais faire comme métier publicitaire. Pendant 1 an et demi, j’ai bossé dans une agence de com. L’ambiance ne m’a pas du tout plu. Donc j’ai démissionné. Je me suis remis en freelance. En fait. Mon premier taf, le mec m’a proposé un CDI direct. Donc j’ai dit oui. Je pensais que cela allait me plaire mais pas du tout. Je me suis remis en freelance. Et je me suis juré de ne plus jamais faire de la créa pour des agences. Donc j’ai fait que de la maquette, de l’exécution. C’était très bien. Sur la fin, dans les années 2007-2008, j’ai eu la chance d’intégrer une régie magazine de jeux vidéo. C’était pile poil ce que je voulais faire.
Tu étais au bon endroit.
Je suis resté 4 ans là-bas. Et puis avec l’arrivée d’internet et des blogs, toute l’édition, les magazines papier se sont cassés la gueule. De 30 magazines on est passé à 1. Mais cela a coïncidé avec le moment où ma carrière artistique à vraiment décoller.
D’accord.
Cela a coïncidé avec ce premier pas dans la cour des grands. Grace à deux personnes qui sont Christian GUEMY alias C215 et Magda DANYSZ qui m’ont permis de faire une fresque aux Bains Douches. A partir de ce moment-là, j’ai pu montrer que je pouvais faire des gros murs et que je faisais pas que du graffiti, que j’avais un univers propre. Parce que, pendant ces 10 ans où j’étais graphiste-maquettiste, j’ai continué à faire du graffiti. J’ai beaucoup dessiné sur ordinateur. Tout le jus créatif plutôt que de le donner aux agences de com, je m’étais dit « je vais le garder pour moi et en faire quelque chose ». J’ai monté un book. Cela n’a jamais marché pour démarcher les galeries. Mais en tout cas grâce aux Bains, à Magda et Christian, j’ai pu montrer ce que je savais faire. Et ensuite, il y a eu Medhi BEN CHEICK, qui m’a donné l’opportunité d’avoir une résidence pendant 1 an dans la Tour 13.
Cela a été un sacré projet.
Carrément. On ne s’attendait pas à ce qui s’est passé. On sait ce que c’est devenu maintenant. A partir de ce moment-là, c’est la boule de neige, qui grossit. Medhi m’a aussi, sur un coup de bluff, donné l’opportunité de faire le grand héron bleu de 50m. Il n’a qu’une parole. Ça aussi, c’est un tournant. Je suis passé du petit Street artiste, graffeur, anonyme, à un artiste reconnu qui sait faire des fresques géantes. Cela a été une belle carte de visite pour moi.
En plus celle-là est la plus grande qui est sur Paris.
C’est la 2èmed’Europe. La première c’est Pantonio. Voilà.
Je t’ai rencontré également sur Aulnay, lors du Festival Rue des arts. Mais il y a pas mal d’oeuvre à Vitry. J’étais à Sète, il y a pas longtemps et tu y as fait des œuvres. Mais pour le mur dans le 13ème, c’est une dimension gigantesque. C’est même une question de savoir comment tu t’y prends.
Il y a des techniques. Mais là c’est même plus du Graffiti, du Street art. C’est du muralisme. C’est une grille. Tu fais cela sur ton dessin et tu reportes cela sur le mur. A peu près. En te fixant des points de repères. Il n’y a pas de recul.
Ce qui m’a bien fait avancer c’est d’avoir déménagé à Vitry. En 2012. Ensuite, ce qui m’a donné un grand coup de fouet, c’est la naissance de ma fille en 2014. C’est les dates clés. 96, premier graffiti. 2003 je prends le nom de Stew. 2006-2008, j’arrête de faire du graffiti dans la rue, il y a une métamorphose. Je commence à faire du pochoir. Et après 2012, Vitry. 2014, Zoé.
Là, c’est des impacts forts. Sur les sources d’inspiration artistiques, tu parlais de Christian GUEMY alias C215. Mais est-ce qu’il y a d’autres personnes qui t’ont inspiré ?
En fin de compte, ce qui est génial aujourd’hui, c’est que grâce à internet, c’est tout le mouvement Street art qui m’inspire.
Il y a une belle profusion au niveau international.
Que ce soit dans les pochoiristes ou dans les graffeurs. Il y a beaucoup de monde qui m’inspire. Je pourrais pas tous les citer parce qu’il y en a trop. J’aime bien m’inspirer dans cet océan.
Cela nourrit. Car tu es aussi polymorphe, à essayer de prendre ici et là.
Mes vraies références c’est Faile, Obey, WK, Epsylon point.
Et donc là, tu disais aussi dans le côté personnel, est-ce que ta fille t’inspire ? créer des choses pour elle, pour qu’elle soit fier de toi ?
Les oiseaux, c’est pour Zoé. Bien sûr.
Je pense aussi à Christian GUEMY qui a peint sa fille, qui la met en situation dans ses œuvres. C’est un clin d’œil qui est chouette , qui à la limite passe inaperçu, car si on ne le sait pas, on trouve l’œuvre belle quand même. On peut se dire que c’est une envie que l’on peut avoir de transmettre, de montrer à voir ce que papa ou maman font. Cela peut être chouette.
Donc, depuis un an tu as un atelier. Cela te permet d’avoir un espace de création, d’expérimentation. Et aussi un espace pour te poser.
C’est ça.
Là, aussi, est-ce que c’est un tournant intéressant ?
Oui, bien sûr. 2016. L’atelier. Cela a tout changé. J’ai un endroit dédié pour mon travail. Avant je faisais ça dans une chambre, dans un abri de jardin. Donc j’étais obligé de tout ranger, tous les soirs. Aujourd’hui j’ai 65m2 d’atelier, dans un lieu qui fait 800m2.
Un espace de vie en plus sympathique.
Oui. Cela soulage. Je peux travailler sur la longueur. Je peux passer une semaine sur une toile, sans la ranger, sans ranger les pinceaux si j’ai envie. Je peux travailler sur de très grand format. Je pouvais pas le faire avant.
Pouvoir aussi les stocker ?
Oui. Je peux aussi travailler plusieurs pièces en même temps. C’est vraiment plus facile.
Est-ce que c’est un lieu qui te permet de recevoir, de ramener des gens dans tes projets ? tenter comme avec la faïence.
C’est là que j’ai rencontré Max, le programmeur. C’est un lieu de vie. Il n’y a pas que des artistes. Il y a des startups, des artisans. C’est très intéressant tout ce mix.
Cela crée une émulation. De se chercher dans un endroit où tu n’irais pas spontanément. Quand on était en train de parler, il y avait les drones qui circulaient.
Par exemple.
Ils faisaient des essais. C’est curieux mais en même temps pourquoi pas.
Cela soulage quelque part. De ne pas être tout seul, dans son coin. De pouvoir s’évader, échanger, se confronter à d’autres opinions.
Dans des univers différents.
Et puis il y a d’autres artistes, qui ne sont pas issus de la scène Street art ou Graffiti. Eux, ils ont plutôt une formation des Beaux-Arts, Art contemporain. Ils ont une autre histoire de l’art. C’est toujours sympa d’avoir leur avis sur une toile. Ils voient autre chose. Ils ont une autre vision de l’art. C’est intéressant.
Pour avancer, la prochaine partie est niveau technique. Ce sont des questions que les gens se posent, enfin m’ont posé. C’est très rigolo parce que en les analysant avec les autres artistes que j’ai pu interviewer, on se rend compte que c’est des questions bien françaises. Comme celle-ci : est-ce que tu as reçu une formation artistique ou pas ?
La plupart de ma famille et mes amis m’ont demandé de poser cette question. J’ai le sentiment que dans d’autres cultures on ne poserait pas forcément la question. On prendrait la personne avec ce qu’elle est, ce qu’elle fait aujourd’hui. Mais voilà, je te la pose. As-tu reçu un enseignement artistique ? est-ce que tu es passé par une école d’infographie ?
Alors, je n’ai pas eu de chance parce que j’étais mauvais en classe. Très mauvais en cours. Je n’étais pas fait pour l’éducation nationale, on va dire. Ou plutôt l’éducation nationale était pas faite pour moi. Je ne sais pas.
C’est un grand sujet. D’actualité.
30 élèves par classe, ce n’est pas possible. Déjà à mon époque, ce n’était pas possible. 15 ans après, j’ai un petit frère, de 14 ans, c’est pareil, cela n’a pas changé. Je trouve cela honteux. Je ferme la parenthèse.
C’était quoi la question… Ah oui, je n’ai pas eu de formation. En fait, ma formation c’est la rue. J’ai essayé de faire une école en Belgique cela n’a pas marché.
Et après l’infographie ? tu es passé par une école ?
J’ai pas mon baccalauréat évidemment. J’ai fait mon service militaire à 19 ans dans les chasseurs alpins. J’étais un peu…
Un trublion.
Merci Gerek. Et donc… après, à la sortie de l’armée, je voulais faire du graphisme. Donc j’ai fait un BEP. Que je n’ai pas eu. Mais cela m’a appris quand même quelque chose. Je suis plutôt autodidacte. Et après j’ai fait un BTS multimédia. Pareil. Cela m’a donné des pistes, pour explorer les logiciels.
Pour toucher à plein de choses.
Oui voilà. Mais je me suis formé tout seul.
Et aujourd’hui, quand tu crées, que tu conçois des choses, quand tu as des idées, as-tu des supports, des cahiers pour garder des traces ?
J’ai des carnets de croquis. Comme tout le monde.
Et après, c’est du travail sur ordinateur…
Cela passe toujours par l’ordinateur. Tout ce que je fais, que je dessine sur carnet ou quoi. Tout ce que je fais passe par une tablette graphique, sur Illustrator. Je vectorise tout. Parce que cela me permet de stocker plus facilement, d’avoir tous mes dessins en numérique. De pouvoir les agrandir ou les rétrécir à la taille que je veux. Prendre des détails. Donc tout passe par Illustrator, Photoshop.
Et ensuite ?
C’est imprimer.
Impression, découpe ?
C’est ça. Imprimer, découper.
Après, sur certains pochoirs que tu vas utiliser, tu vas les prendre comme un imprimé. Tu vas les apposer, en utilisant des tailles différentes.
Oui. Des motifs.
Style, ici, fond acrylique ?
La technique. C’est simple. Tous les aplats je les fais à l’acrylique. C’est plus simple et plus joli. Et puis on peut faire des effets aussi. Mais ça reste plus des aplats. Donc je bosse beaucoup à l’acrylique, pour des grandes surfaces. Et après, tout ce qui est pochoir, détail, c’est fait à la bombe.
Donc ce qui fait que tu as une palette de motifs, de pochoirs, que tu as maintenu en tête quand tu en as besoin sur certaines créas
Non. Je crée au fur et à mesure tous les patterns, les étoiles, les motifs, les fleurs. Je pars d’une idée simple. Il y a 4 éléments sur terre : le feu, l’air, la terre et l’eau. Mes patterns rentrent toujours dans une de ces cases-là. J’en crée énormément. Je les crayonne et puis après je les fais bien sur ordi. De temps en temps, quand je suis sur un projet et qu’il me faut un élément que je n’ai pas sous la main, je le dessine et le découpe directement dans une feuille.
Cela va te permettre après dans un choix large, d’avoir une gamme en fonction de ce que tu veux faire, une base. Sinon, quels sont les supports que tu utilises ? autant dans la rue, tu parles des murs, de la taule, autant dans ton atelier, des toiles, des éventails, de la céramique. C’est un truc qui te plait de faire sur des supports aussi différents ?
Oui, bien sûr.
Un support qui va te poser à un moment donné des questions techniques, de dire « tiens, comment je m’adapte à tel chose ».
Oui, ça c’est de la recherche. Mais… cela peut arriver que des gens viennent avec des projets. Récemment, il y a un mec qui est venu en me disant « j’ai récupéré du cuir recyclé ». Enfin c’est des pièces de cuir qui ont des défauts. Ils les mettent à la poubelle. Il arrive à les récupérer. Il m’a demandé si je pouvais peindre dessus pour ensuite en faire des sacs.
Un nouveau support que tu n’avais jamais testé.
Pareil, la céramique, c’est une rencontre. Cela faisait un moment que je voulais faire ça, que je trouvais que cela collait bien avec mon univers. J’ai rencontré Philippe LALANE. C’est lui qui m’a mis en relation avec les artisans. C’est beaucoup de rencontres.
C’est aussi des aventures humaines.
Moi, je ne travaille que comme ça. Avec Gerek, c’est pareil. J’ai pas passé une annonce pour avoir un assistant. C’est un jour Gerek qui m’a contacté sur Facebook en me disant « ouai, tout, j’ai du temps, j’aimerais bien t’aider si tu as besoin ». Je lui ai dit « vas-y, on se rencontre ». Puis on s’est rencontré et maintenant on est des potes. Enfin… (rire) on est des potes.
T’as besoin de lui jusqu’à quand ?
Quand j’ai besoin de lui, je l’appelle. Il passe 2-3h.
Après, comment tu procèdes en fait, quand c’est une commande ? est-ce que tu réponds vraiment à une demande ou est-ce que tu présentes des choses ?
Ici, par exemple, il y avait un thème. Il y a le format du mur. Et après moi je propose quelque chose dans mon univers. Parce que s’ils me contactent c’est qu’ils aiment mon univers. Je leur propose quelque chose. Et en général, j’ai très peu de contraintes. A par la taille du mur et le thème.
Spontanément, quand tu as envie de créer à l’extérieur pour toi, cela se passe comment ? Est-ce que tu vas chercher des murs ? as-tu des coins qui t’inspirent ?
J’ai une déformation professionnelle du Graffiti. J’ai tout le temps un marqueur dans ma poche. Je regarde tout le temps. J’ai cette vision de la vie. Je vois les bons spots où poser. Même si je suis pas du tout dans un environnement Graffiti, où dans l’idée de poser une œuvre, mon œil regarde toujours. Une porte en ferraille. Là cela pourrait être sympa.
Est-ce que cela t’est déjà arrivé de trouver des supports dans la rue, du bois ou autre, et de le ramener ?
Au début je faisais beaucoup ça. Même cela m’arrive de chiner pour peindre dessus.
Cela t’arrive encore de faire du vandale ?
Oui. Faire du graffiti. Évidemment. Y’a pas longtemps j’ai vu mon vieil acolyte de connerie on va dire. Il est passé à l’atelier. On a fait un petit truc ensemble.
Là, c’est une partie sur la politique. Non pas à de la manière dont ce terme est galvaudé aujourd’hui. Mais bien, d’intervenir dans la vie de la cité. Est-ce que c’est quelque chose à laquelle tu penses, dans le choix d’une œuvre ou d’un lieu ? Est-ce que cela résonne ou n’a pas d’importance ?
Alors… pour moi, je suis vraiment apolitique. C’est à dire je ne vais pas m’intéresser, même si j’ai des idées. Dans ce que je veux proposer aux gens c’est apolitique.
C’est neutre.
Et je trouve déjà qu’aller peindre dans la rue sans autorisation, c’est déjà un symbole fort.
Pour moi, c’est l’enjeu de mon travail. Je suis en lien sur Nanterre avec les habitants. Le mot « politique » a à être remis à l’honneur sur certains choix et redire aux gens que certains actes sont politiques, un choix de vie, une manière d’aller vers ses voisins. La politique n’est pas juste ce qui se passe à l’Assemblée Nationale.
Bien sûr.
Je me souviens à Aulnay dans le centre commercial, le fait qu’il y ait des artistes qui reprennent en main ce lieu…
Qui est laissé à l’abandon.
Qui s’effondre sur lui-même. Et qui, sur une semaine, arrêtent le temps. Les œuvres d’ailleurs ont bien perduré.
Le mien est toujours là.
Les gens se sont posés.
Ils s’approprient ou se réapproprient l’espace urbain. Je trouve que c’est très important, d’être bien dans son environnement. Y’a deux choses pour moi très importantes, l’environnement des jeunes et ce que l’on va leur inculquer. Qui aujourd’hui passe le plus de temps avec nos enfants, c’est l’école. Je dis cela pour inclure les maitresses, les enseignants, les assistants. C’est l’Éducation Nationale. Si je devais avoir des choix politiques à faire, ce serait vraiment à ce niveau-là. Pour la jeunesse, pour leur environnement – d’apprentissage ou de vie. C’est sûr que dans les grosses cités à Vitry, à part la grisaille et la pollution, y’a pas grand-chose pour eux. Moi je peins des oiseaux sur des murs gris. C’est pas grand-chose.
Dis-moi si je me trompe, mais il n’y a quasiment jamais de phrases, de mots dans tes œuvres.
C’est vrai.
Est-ce que cela t’est arrivé d’y ajouter une phrase, une citation ? Ou cela ne fait pas parti de ce que tu proposes sur les murs ?
J’ai envie de dire que je suis un artiste très jeune. Je me considère vraiment comme un artiste depuis que j’ai l’atelier, l’année dernière. Je l’ai pas fait encore. C’est quelque chose que je ferai surement. Mettre des slogans, des phrases, des mots. Mais je sais pas encore comme le faire encore.
Est-ce que sur une création ou un moment de ton parcours, tu aurais une anecdote qui t’aurait marqué soit dans la rencontre avec le public ou autre ? A un moment où tu étais en train de créer, un bon ou mauvais souvenir ?
Si. Un bon moment, y’a pas très longtemps. J’étais en train de peindre un oiseau, en vandale, dans la rue. Y’a toujours cette petite adrénaline à te dire, les flics vont passer, ils vont m’arrêter. Même si depuis que je peins des oiseaux on me fait plus chier. Je suis en train de peindre, juste derrière moi il y a une voiture qui pile. Je me dis « ça y est, c’est bon pour moi ». Et en fait, c’est une dame. Elle fait marche arrière. Elle baisse sa vitre et me dit « ah, merci beaucoup, c’est très joli ». Voilà. Plutôt sympa.
D’un seul coup, la crainte change…
On est passé des petits vandales qui peignaient dans la pisse, qui dégradaient, à des artistes, des gens que les municipalités appellent. Le directeur du CESI, qui est une école réputée en France, est venu me contacter. Moi qui n’aie pas le bac.
C’est intéressant aussi de se dire que tu es sollicité par ces personnes.
On n’est plus considéré comme des mecs comme lui là (montrant Gérek).
Moi je dis rien.
C’est mieux. Tu n’as rien à dire de toute façon…
Non c’est vrai.
Il reste trois petits chapitres. Sur l’histoire des collaborations, on parlait de certaines rencontres qui ont eu des répercussions, qui t’ont aidé dans ton travail. Est-ce qu’il y a des moments de collaborations, dans la création d’une œuvre commune ?
Dernièrement avec la Faïencerie Georges. C’était un très bon moment de collaboration. C’était une première pour moi d’apposer mes créations et de peindre sur ce support, en volume, noble. J’avais déjà peint sur des toys. Mais là c’est vraiment un objet qui peut durer des millénaires. C’est de la faïence. Quand je serai mort, le truc sera toujours là. Et quand mes petits enfants seront morts, si j’en ai, cela n’aura pas bougé.
La puissance de cet objet-là.
Oui. Qui dure dans le temps. Pas comme une peinture qui peut être détériorée. Un vase, tu le fais tomber et c’est fini. Mais bon. C’était vraiment une bonne expérience.
J’ai vu aussi sur ton site, des collabs sur des vêtements.
J’ai fait du textile. Je suis venu au pochoir par la sérigraphie. C’est ce qui m’a permis de sortir mes illustrations de mon ordinateur. D’une façon manuelle, artisanale. Et après,… avec mon ex copine, qui a la marque Ekicé, on a fait plein de collaborations ensemble. On avait cette amour du Japon tous les deux.
Cela permettait d’emmener des œuvres sur d’autres supports. Après, sur murs, est-ce que cela t’arrive de faire avec d’autres artistes ?
J’en ai fait.
Ou est-ce que tu n’aimes pas trop ça ?
C’est pas ça. Les collabs j’en ai fait beaucoup jusqu’à 2006-2008. Beaucoup d’expos, de collabs. Mais c’est quelque chose qui a un moment m’a… j’ai eu de mauvaises expériences. Des gens qui prenaient trop la grosse tête.
Cela devenait plus un problème.
Oui, plus que de s’amuser. Donc je fais peu de collab. J’en ai fait une récemment, l’année dernière, en Norvège. Avec un artiste norvégien qui s’appelle Newton. On est parti à 3. Y’avait deux murs à faire. On m’avait donné un gros mur, Newton un plus petit. Pendant le voyage on s’est bien entendu. Il m’a montré l’esquisse qu’il voulait faire. Moi j’avais la mienne. On s’est dit « ah mais attends. Toi tu fais un renard qui ouvre la bouche, qui crie et moi je fais un oiseau qui s’envole. On pourrait faire que l’oiseau sorte de la bouche de ton renard ». C’est venu comme ça. On l’a fait ensemble sur le gros mur. Et on a bien fait. C’était super cool. Humain. Une belle rencontre. Quelque chose de cool.
Je me posais la question, non pas que je souhaiterai faire cela avec toi, mais comme tu fais de l’illustration, est-ce que tu as déjà été tenté par faire un livre, notamment pour enfant ? est-ce que l’on est déjà venu te solliciter pour écrire une histoire et que tu l’illustres, crées des personnages ?
Alors. J’aimerai beaucoup le faire. Y’a un projet qui ne s’est jamais fait. Il y en a eu un, de faire un livre. J’aimerai beaucoup. Je ne sais pas trop comment m’y prendre. Faudrait que j’écrive une histoire déjà.
Si par mon intermédiaire, tu pouvais poser une question à un artiste ou tous les artistes, à qui tu t’adresserais, qu’est-ce que tu lui demanderais ? J’ai eu sur cette question de tout et n’importe quoi.
Un artiste… oui… Si j’aimerais bien demander à David CHO pour avoir autant d’énergie. Tu vois qui sait. Je vais lui poser sur internet. Parce qu’il me fait halluciner.
Il reste deux parties. Niveau financier. Est-ce que l’on en vit ? voilà la question qui se cache là derrière. Je t’en pose plusieurs : il y a une période où tu étais salarié et après tu as arrêté. Est-ce que tu as dû mettre en place une stratégie pour trouver l’équilibre, entre le pro et le perso ? est-ce que tu composes entre des commandes, des choses qui tu fais librement ? comment tu arrives à jongler pour avoir une base dans laquelle tu te retrouves et tu es bien ?
Je jongle avec ce que l’on me donne. Après j’ai la chance d’en vivre. Depuis 3-4 ans. Je fais plus que ça, je ne fais plus de graphisme. Et puis, je gagne ma vie en faisant du muralisme, des commandes institutionnelles. Je fais des expos donc je vends des toiles. Comme j’ai un atelier, je peux avoir une production plutôt professionnelle. C’est comme cela que je gagne ma vie.
Après, sur des projets comme les vases, je ne vais pas gagner vraiment d’argent. C’est plus des projets que j’avais envie de faire. D’ailleurs ce n’est pas moi qui produis les vases, c’est Philippe. Moi je touche une commission dessus. C’est tout. Et après je gagne pas non plus… de quoi payer mon loyer, nourrir ma fille, partir en vacances.
Dans le fait d’exposer, c’est un aspect curieux et intéressant. On a dans le Street art le fait d’être à l’extérieur sur des murs, le fait d’être en galerie et de faire des expositions. Est-ce que c’est un aspect qui te plait ? comme pour les vases, de montrer une partie de ce que tu aimes faire et d’avoir un lieu pour le faire ? pouvoir décliner un thème ? est-ce que dans cet équilibre que tu arrives à trouver là aussi, avec des galeristes avec lesquels cela se passent bien ?
J’ai eu la chance. Au tout début, quand je faisais à peine du Street art, que j’avais mon petit book, j’allais démarcher des galeries et on me riait au nez. Aujourd’hui c’est les galeries qui viennent vers moi, parce que j’ai cette « notoriété ». J’ai la chance de travailler avec des galeries, qui me font confiance, qui me donnent un espace d’expression, une tribune quelque part. Où je peux montrer ce que j’aime. La prochaine expo c’est le 29 septembre (2017) à la Galerie GCA dans le 13ème.
Chouette.
C’est essentiel dans la vie d’un artiste. Comment on vit si on ne peut pas vendre des tableaux ?
Là, tu le dis, l’atelier pourrait servir à montrer des œuvres. Mais quand on n’a pas forcément d’atelier, ce n’est pas le même espace.
C’est pas forcément un lieu d’exposition. Un atelier c’est un espace de travail.
Et de stockage.
Après évidemment, pour les vases, il fallait bien les montrer. On a réussi à faire une expo sur une semaine. En louant un lieu. Mais cela coute très cher. J’avais créé un petit showroom à l’atelier. J’ai nettoyé. Mais après, c’est redevenu un espace de travail. Évidemment il faut que l’on puisse exposer.
Je me souviens d’une expo. Je sais pas le nom exact, chez un encadreur.
Vincent TIERCIN (Galerie Art&Craft)
Je trouvais la collaboration intéressante. Il y avait tes œuvres et le travail d’encadrement.
Déjà Vincent c’est un pote. Lui son idée a toujours été d’exposer des artistes. Et qui de mieux placer. Il rencontre des artistes et des collectionneurs. Les artistes viennent vers lui pour encadrer leur œuvre et les collectionneurs viennent aussi pour encadrer ce qu’ils ont acheté. Donc il a toujours eu une partie exposition dans son magasin. Aujourd’hui il a même une galerie, qui est à côté de GCA et d’Itinerrance. Et…
Du LavoMatik.
Oui, c’était une belle collaboration. Encadreur c’est un vrai boulot aussi. C’est facile de mettre une caisse américaine. Mais après, de mettre un beau cadre qui vient apporter autant pour l’œuvre. J’ai vendu pas mal de toiles grâce à Vincent. Sur papier surtout.
C’est la dernière série de questions. Cela commence déjà par internet, Facebook et les réseaux sociaux. Là aussi, est-ce un moyen pour toi d’être contacté ?
C’est essentiel.
Est-ce que cela te permet d’aller aussi de faire tes recherches ?
Aujourd’hui le Street art, on aurait pu appeler ça le Web art.
Tellement cela vient en résonnance.
Le Graffiti, du coup par déformation le Street art, ce sont des arts qui est dans la rue, éphémère. Parce que dans la rue cela va être dégradé par le temps, par les passants. Cela va même être effacé par les services de la voirie. C’est un art éphémère. Le Graffiti avant c’était encore plus. Des fois la pièce, elle circulait pendant 3 heures. Fallait aller la chasser. Il fallait une preuve photographique. Aujourd’hui c’est une preuve numérique.
Du coup, tout est sur internet. Aujourd’hui j’ai un Instagram. Cela passe direct sur les autres réseaux sociaux (Facebook, Twitter, FlickR). Cela se fait tout seul. C’est hyper intéressant. En plus, ce qui est génial, c’est que je prends mon téléphone. Là je suis à Nanterre. Je vais allumer mon Instagram et je peux voir ce que fait Obey en direct si cela se trouve. Ou je vais voir un artiste brésilien que personne ne connait, qui vit au fin fond du Brésil et qui grâce à internet va poster une image. Et hop, je peux voir ça. Je peux accéder à Hiroshige, un tatoueur, au Japon en train de tatouer en direct.
C’est le côté instantané, connecté au monde.
Le Street art, c’est le courant artistique du 21èmesiècle. Et il est connecté. C’est indéniable.
Et comment tu vois, tous les amateurs, les passionnés, qui prennent en photo les œuvres ? Comme moi, qui prenais des photos de toi à Aulnay. J’ai eu la chance en étant au chômage d’avoir été là toute la semaine et de voir l’évolution des œuvres, de pouvoir prendre en photo des choses que les artistes ne pouvaient pas faire tout seul.
C’est éphémère.
Je sais pas comment tu vis ce lien avec ces gens, passionnés, qui te contactent.
Je suis plutôt disponible. Tu me contactes et pas de souci. Moi je suis là pour partager. Si je peins dans la rue c’est pour ça. Même si je le fais pour moi d’abord. J’ai envie de faire connaitre notre mouvement. On n’est pas juste des adolescents sans importance qui vont gâcher un mur, qui vont détériorer la ville. On a des choses à dire, à montrer.
Peut-être on s’y prend mal. Au début de chaque carrière artistique, il y a un adolescent un peu fou-fou, tu sais pas où aller, tu essais de t’exprimer. Et comme on ne donne pas assez de lieux d’expression aux jeunes et bien parfois ils font des conneries.
Série de questions. Si tu avais, …
Un morceau de musique, un artiste ou un groupe à nous conseiller à écouter : en ce moment, les Foo Figthers – The pretenders (clip)
Un bar, un restaurant, ici ou ailleurs : le Mama Sista à Saint Cloud (site internet)
Un message, un coup de gueule, une dédicace à passer. L’antenne est libre. Mettez plus d’argent dans les écoles et dans l’éducation.
Un voyage à faire, un lieu à explorer : que j’ai déjà exploré ?
Ou que tu aimerais découvrir ? Le Japon
Une chose que tu n’avais pas encore fait aujourd’hui, que tu aimerais tenter prochainement. Quelque chose d’inédit ? Cela a déjà été fait mais j’aimerais bien peindre un avion.
Et enfin, si tu pouvais me poser une question pour laquelle tu sois sûr et d’une part que je te réponde mais d’autre part que je te dise la vérité, quelle question tu me poserais ?
Est-ce que tu es fan de Jean-Paul Gautier ?
Ah oui, parce que j’ai une magnifique marinière.
Cela me vient comme ça. Pour taquiner.
Fan… alors. J’ai vu une expo de lui au Grand Palais qui m’a fait regarder ce qu’il avait créé d’une manière intéressante. Après fan, je ne mettrais pas forcément ce qu’il a créé. Il a apporté quelque chose.
Moi depuis le 5èmeélément, je suis fan.
Là, c’est vrai qu’il y a de quoi faire dans ce film.
Clair.
Que j’ai revu il y a pas si longtemps. Je suis toujours fan de la regarder.
Leeloo Dallas multipass.
C’est ça. Tu connais les répliques par cœur.
Il est top ce film.
En tout cas, merci.
C’est moi.
PS : En bonus, je vous propose de voir les expositions passées de Stew : novembre 2014, mai 2016, septembre 2017