Vente caritative Avoha part 3 – 4 juin 2015

Street Art
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Prendre le temps de se parler, de se voir, d’écouter, de discuter. Prendre le temps car c’est ce qui est le plus important lorsque l’on rencontre quelqu’un. Voilà ce que j’ai fait ce mardi. Pas pour avoir la possibilité de voir les œuvres avant tout le monde. Pas pour avoir un scoop. Simplement pour rencontrer les deux personnes impliquées dans cette vente caritative, pour comprendre ce qui les motivent à se lever ici tous les matins pour travailler, à faire des milliers de kilomètres pour aider là-bas.

18h45. Le rendez vous est pris, dans les bureaux de L’ONG. Je file de Nanterre (de la réunion interpartenariale) pour arriver à l’heure. Vincent m’a annoncé qu’il y aura également Jean-Marc CIVIÈRE, le co-fondateur de Projets Plus Actions. Pour vous dire d’emblée mon ressenti, j’ai rencontré des gens biens, bienveillants, pragmatiques et ambitieux. Si vous pouvez vous extraire de vos obligations pour lire ce qui suit, vous comprendrez un peu l’envers du décor, le travail fourni par deux personnes pour que vivent et perdurent des projets de solidarité, les choix faits pour rendre cette vente possible. Pour les plus fortunés et collectionneurs de Street art rendez vous lundi 8 pour la vente. Pour les autres, rendez vous ce samedi pour le vernissage. Et si l’envie vous vient, vous pouvez soutenir Projets Plus Actions. 

Un peu d’histoire. Jean-Marc est parti plusieurs fois au Bénin mais jamais vraiment comme il le souhaitait, en dehors des circuits fléchés, à son rythme. Un ancien collègue l’a mis en relation avec sa tante, Agnès Bogacki (responsable et fondatrice de l’ONG Andia). Il y retourne pour passer deux jours et découvrir l’action de cette ONG puis le reste de son voyage pour partir découvrir le pays avec un guide. Il récolte auprès de son entourage des fonds pour financer la création d’un cheptel. Finalement, il est allé sur place. Il est resté les 12 jours dans le centre géré par Andia (centre de l’enfance maltraitée). Une expérience passionnante. La visite du pays se fera à un autre moment.

A son retour, un de ces collègues qui avait fait un don a voulu prendre la suite. Elle a fait appel à des donateurs pour créer une pisciculture et planter des arbres fruitiers dans le même centre. Elle a réussi à récolter plus de fond grâce au soutien de leur entreprise.

Là, se pose la question d’un changement professionnel. Comment faire pour continuer à aider ? De là est né Projets Plus Actions en 2006. Leur idée : soutenir un nombre limité de projets, bien les identifier, aller sur place et les accompagner sur du long terme. Ce dont ils se sont aperçus c’est qu’il faut 10 à 20 ans pour aider correctement, pour mettre en œuvre un embryon de changement. Le constat est que bon nombre de bons projets meurent parce qu’ils ne sont pas soutenus financièrement sur plusieurs années. De leur côté, ils font le choix de ne participer qu’à 30% maximum de l’apport financier des projets pour ne pas peser trop sur leurs partenaires locaux. Ils ne créent pas des projets depuis la France mais peuvent éventuellement leur faire des suggestions. Ils souhaitent que cela soit le partenaire sur place qui crée le projet afin de bien s’adapter à l’environnement, à la culture, aux spécificités du terrain.

Les activités ont commencé en 2007 au Bénin. Ils sont restés fidèles au centre de l’enfance maltraitée et continuent à apporter leur aide. Mais rapidement, l’envie était de s’orienter sur des problématiques environnementales. Pour Jean-Marc, c’est une composante sur laquelle il veut agir. Ces enjeux touchent tout le monde et pourtant peu de gens se mobilisent. Il y a tant à faire à ce niveau là et notamment en Afrique. Lorsque certaines zones sont entièrement déforestées, l’incidence sur le climat est indiscutable. Ces dérèglements engendrent de graves problèmes sur les cultures et les récoltes. Comment faire alors pour vivre dans une situation d’insécurité alimentaire ?

L’autre point important, selon lui, concerne la biodiversité à l’échelle planétaire. Il me donne l’exemple des possibilités médicinales de certaines plantes et m’explique qu’il y a encore bons nombres d’espèces de végétaux qui n’ont jamais été étudiés par les laboratoires pharmaceutiques. Ce que contiennent ces plantes peut, comme la Pervenche de Madagascar, rentrer dans la fabrication de traitement contre le cancer. C’est parce que ces plantes sont sauvegardées, que des scientifiques ont pu se pencher dessus que ces traitements ont vu le jour. Pour toutes celles qui ne sont pas encore répertoriées, combien de traitements possibles sont encore à découvrir ? Aujourd’hui, nous assistons à la destruction pure et simple de cette biodiversité, de ces potentiels sans savoir ce que ce plantes pouvaient nous réserver.

Le capital mondial constitué par ces végétaux, qui ont permis à l’humanité de vivre, est en danger. Certaines zones du monde ont encore une biodiversité très forte. Il estime qu’elles seront dans le futur une richesse pour les populations locales, des espaces préservés où beaucoup de monde souhaitera se rendre. Si les personnes font le choix de préserver aujourd’hui ces espaces remarquables, ils pourront à termes en tirer bénéfice. Pour lui, ces enjeux environnementaux sont la priorité.

Comment faire pour toucher les populations concernées sur ces enjeux ? Comment faire pencher la balance pour préserver ces zones permettant à moyen ou long terme d’obtenir « retour sur investissement » lorsque de l’autre côté il y a des possibilités à court terme d’en tirer profit, en les surexploitant voire en les détruisant ? Comment intégrer cette vision politique de la gestion de l’environnement ? Comment faire prendre conscience de l’intérêt commun de prendre soin de ces espaces remarquables ?

L’enjeu pour lui est bien là. Et c’est l’une de leur difficulté au quotidien. Comment montrer la plus-value de conserver et protéger ces zones lorsque de l’autre côté des personnes n’ont pas de quoi manger ou nourrir leur famille ? Que faire face à un individu qui gagne de l’argent en détruisant une forêt d’arbres centenaires et qui l’utilise pour se saouler ou pour entretenir une maîtresse ? Cette réalité touche leurs partenaires et par répercussions eux également. Difficile de percevoir cette complexité et de pouvoir la comprendre. Difficile de l’expliquer notamment aux donateurs. Il est plus facile pour lui de le faire lorsqu’il les emmène sur le terrain. Leur réaction commence souvent par « on n’y arrivera jamais », puis il y a des motifs d’espoirs, des discussions et échanges qui permettent d’entrevoir que cela va fonctionner, que les choses ne sont pas linéaires et qu’il faut être confiant.

Lorsqu’il constate que les populations, par elles mêmes, se mettent à s’organiser, lorsqu’il peut être mise en place des mécaniques où la protection de l’environnement peut leur apporter plus que de le détruire, certain(e)s arrivent à rentrer dans ces logiques et de ne plus vivre au jour le jour. Par exemple, ils travaillent avec des pépiniéristes avec lesquels ils signent des contrats pour leur interdire de couper des arbres. Il peut être également intéressant, selon lui, de retourner des braconniers dans ces cercles vertueux. Ces derniers connaissent bien la forêt, les espaces de végétaux et d’animaux qui y vivent. Ils subissent également la raréfaction de ce qu’ils avaient l’habitude de prendre de la forêt donc leur situation est de plus en plus précaire même si elle est plus rémunératrice. Pour certains braconniers, d’avoir un revenu mensuel stable les sécurise ainsi que leur famille.

Il reconnaît cependant la fragilité de conserver ses braconniers devenus éco-gardes dans cette dynamique, notamment lorsqu’ils ont des difficultés pour régler en temps et en heure les salaires. Très rapidement le cercle peut s’inverser et les mauvaises pratiques revenir. Comment garantir sur le long terme les apports financiers sur ces projets ? Comment ne pas voir des mois ou des années de travail gâchés par des problèmes de trésorerie ? Comment ne pas remettre en cause la confiance établie entre l’ONG et les partenaires locaux ? Comment stabiliser les choses dans le contexte économique actuel ? Voilà ce qui les a amené à réfléchir à d’autres sources de financement et notamment réaliser une vente aux enchères.

Pour lui, il est nécessaire de faire différemment pour collecter aujourd’hui des fonds. Le modèle classique de faire appel à des donateurs sensibles à sa cause devient de plus en plus compliqué. Les gens sont sur-sollicités. Projets Plus Actions a commencé ses activités dans un contexte mouvementé, démarrant en 2006 et subissant les effets de la crise de 2008. Le plan de développement posé au départ a été rapidement obsolète. Ils souhaitaient se tourner vers les PME, plus accessible selon lui pour une ONG de leur taille. Seulement en voyant la crise s’installer, les chefs d’entreprises n’avaient plus la tête à financer une ONG. Encore aujourd’hui, il estime que ces personnes sont dans un stress phénoménal, même ceux dont les finances se portent bien.

Les grandes structures, qui ont pu rebondir plus facilement, tentent d’intégrer leurs salariés dans des actions de solidarité (dans le cadre du Responsabilité Sociétale des Entreprises). Mais, étant de gros faiseurs en France et en Europe, ils soutiennent des associations qui agissent de manière locale. Difficile de nouveau pour Projets Plus Actions d’être soutenus par ces groupes, puisqu’elle mène des actions à l’international et sur un créneau très spécifique l’environnement.

Comment donc trouver d’autres sources de revenu pour l’ONG? C’est notamment l’une des raisons de la présence de Vincent BOMMARITO. En 2010, Jean-Marc a l’idée de faire une vente caritative. A trois reprises, impossible d’y arriver. Sur ce, Vincent arrive en avril 2013 et prend le défi de la réaliser. Pour en garder un peu et vous distiller au fur et à mesure les infos, je reprendrai la deuxième partie de l’entretien dans le prochain article. Je vous raconterai donc comment Vincent a organisé et mis en place ces deux ventes aux enchères (Abomey Paris Abomey et Ahova).