Retour en arrière. Nous sommes le 19 août. Je passes une bonne partie de mon après-midi à l’Aérosol. J’ai fait déjà plusieurs passages sur le quai. Les gens vont et viennent, certains avec une bombe à la main. D’autres en roller filent à toute vitesse. Je me suis lancé à interroger les visiteurs pour recueillir leur avis sur le lieu. J’espère pouvoir interviewer David Benhamou, l’un des organisateurs de ce lieu. Et puis en entrant dans le bâtiment, je vois la fin de l’entrainement avec les Paris Rollergirls. Gagné par une certaine énergie, je me permets de les aborder pour savoir si cela les tente de répondre à quelques questions. Elle me dit que cela peut le faire et m’amène vers une deuxième femme, responsable de la com dans l’association. Ok pour elles. Elles plient leur affaire, descendent de leurs patins et le rdv est pris dans 20 minutes vers le bar.
Voici donc à lire l’interview de deux Paris Rollergirls, à la découverte d’un sport pour ma part méconnu le Roller Derby. En face de moi Bitch’Plz et Atomic Blondie. Bonne lecture !
Alors l’idée est de comprendre qui vous êtes et ce que vous faites dans cet endroit pour le moins improbable
F1 – Bitch’Plz : En fait, on avait vu que cela ouvrait, au début de l’été. On avait commencé à voir des choses sur Facebook. Cela doit être les algorithmes de Facebook qui font que dès qu’il y a marqué roller cela apparaît dans notre fils d’actualité. On a vu Roule des patins. Du coup, on les a contactés. On est venu les voir quand c’était pas du tout installer, pour imaginer un projet avec eux. Parce que nous comme on n’a pas de gymnase l’été et que l’on besoin de faire nos ateliers pour recruter à la rentrée, on cherchait un lieu ouvert. Tout le mois de juillet on était aux Invalides mais autant te dire qu’il y avait 4 personnes donc c’était pas terrible. On les a donc contactés. Rue des patins nous a proposés de venir aux soirées, de rouler disco pour mettre un peu d’animation. On a fait un petit partenariat comme ça et du coup, le samedi, on a un créneau pour faire des ateliers.
Mais qui êtes vous ? Parce que je n’ai pas encore posé cette question. Et aussi, l’intérêt de cette interview est de comprendre ce que vous faites, le lien qui s’est tissé avec une autre structure, avec un lieu comme celui-là. Un moyen j’imagine pour vous faire connaître, pour pérenniser votre action. Donc commençons par là, qui êtes vous ?
F1 : Alors on est les Paris Rollergirls. C’est un club de Roller Derby féminin, à Paris. On est un gros club avec pas mal d’adhérents. On fait du Roller Derby, c’est un sport de contact sur patins. C’est aussi un mélange de cultures, du sport et de la rue Donc c’est le lieu qui nous correspond. Et le Roller Derby pour l’histoire, cela a commencé dans les années 40, 50.
F2 – Atomic Blondie : Même un peu avant.
F1 : C’était un truc complètement dans le show, comme le Catch. Après cela s’est un peu perdu. C’est réapparu il y a une quinzaine d’année aux Etats Unis. Et c’est arrivé en Europe il y a une dizaine d’année et en France 7 – 8 ans. On a fêté nos 7 ans cette année. On est plusieurs clubs à Paris mais nous sommes le plus vieux.
Et cela représente combien de personnes ? y’a-t-il un noyau dur ? Et d’ailleurs est-ce qu’il y a une formation à faire pour pratiquer ?
F2 : Déjà ce qui est important de savoir, c’est que le Roller Derby est régi par une fédération mais nous sommes des associations. Cela fonctionne par le bénévolat des joueuses. Par les joueuses, pour les joueuses. C’est le credo de la WFTDA, la fédération de Derby mondiale. Ça c’est vraiment une chose qui est assez chouette, si on veut progresser il faut s’investir. Que ce soit dans l’associatif, dans le sport, financièrement aussi parce que forcément on n’est pas aidé. Du coup, c’est pour cela que c’est génial de trouver un partenariat comme celui-là, où on se retrouve avec un toit couvert, pendant l’été, où il y a une super ambiance et où il y a du monde. Cela nous permet de montrer ce qu’est le Roller Derby et c’est juste génial pour nous. C’est de la pub gratuite.
Cela vous permet peut-être de rencontrer de futures joueuses ?
F2 : Exactement. Des gens qui ne nous connaissent pas vraiment. Il y a beaucoup de gens qui sont venus à nous, à ses ateliers par la page Facebook de Roule des patins et par celle de l’Aérosol, qui ne savaient pas pour nous. Il y a des nanas qui nous ont découvert comme ça et cela fait déjà deux ateliers qu’elles sont là. Donc c’est vraiment un partenariat très cool.
Et vous, cela fait longtemps que vous pratiquez ?
F1 : Moi non. Toi non plus ? Ben, en fait, pour l’histoire, notre plus ancienne membre qui est là depuis les débuts, elle prend sa retraite sportive. Là, en ce moment, notre équipe A est aux Etats Unis pour un championnat international.
F2 : C’est la première équipe française à jouer les plays off aux Etats Unis.
Respect alors.
F2 : Fierté !!!
F1 : Et du coup, notre présidente prend sa retraite sportive cet été après ces matchs là. Après, moi, cela fait ma 4ème année de Derby.
F2 : Et moi dans ma 3ème année. Il y a Crapule là-bas, cela doit faire 6 ans. Et Watzé.
F1 : Ah, oui. On ne l’appelle pas Crapule par méchanceté. C’est son surnom.
Je me suis dit… mis à part si vous l’appréciez moyennement.
F1 : Oui, c’est un autre truc du Derby. En fait on a des Derby Name, notre nom de joueuse. Ils sont sur nos maillots. J’ai un prénom mais mon nom de Derby est Bitch’Plz. Elle c’est Crapule.
Mais que vous choisissez ?
F2 : Oui, que l’on choisit.
F1 : Ou qui nous est parfois imposé. Ça peut être une anecdote. Si on s’est bien planté le premier jour.
F2 : Tu peux t’appeler Carpette. Y’a des choses comme ça.
Vous parlez de tournois. Mais comment cela se passe vraiment ? Est-ce que c’est un peu violent, je sais pas si c’est le bon mot ? ou plutôt est-ce que c’est physique ? Est-ce que cela peut rebuter certaines personnes ou au contraire quand elles font l’initiation elles se disent qu’elles pourraient pratiquer ce sport ?
F2 : Quand on fait l’initiation, il y a très peu de contact. Pour pouvoir faire du Roller Derby, avec du contact, avec les règles, il faut savoir un minimum patiner. Là, il y avait certaines nanas qui s’en sortaient très bien. On ne peut pas imposer à des filles qui savent pas freiner, ni tourner, de se rentrer les unes dans les autres.
Oui, il y a déjà une base à avoir.
F2 : Donc il y un peu de patinage. Mais souvent c’est quelque chose qui fait peur, le contact. Parce que oui on est pas tendre les unes avec les autres, même quand on est coéquipière. Cela arrive de sortir de l’entraînement avec un petit gnon, avec un bleu. Mais en fait, au final, cela devient une fierté parce que le Derby, c’est ça. C’est un sport qui est génial parce qu’il y a de la vitesse, de la stratégie. Il n’y a pas de ballon, ok.
F1 : Moi de toute façon je suis nulle avec un ballon.
F2 : Mais c’est un truc ultra complet où tout le monde trouve sa place. C’est bien d’être tout fin, pour jammer et d’aller partout. C’est bien d’être un peu steady, un peu costaud, pour être bloqueur. Cela peut aller à tout le monde, les grands, les petits.
F1 : C’est un sport qui est très inclusif. C’est une communauté le Derby. Comme c’est un sport qui est né de certaines personnes qui ont monté leur association, qui ont monté leur club, dans l’idée d’apprendre par soi-même. Il y a la culture du Do it yourself qui est très forte dans le Derby.
Cela résonne avec la culture américaine et le sens qu’ils donnent à communautés.
F1 : Cela embrasse la culture féministe, même si aujourd’hui il est aussi pratiqué par des garçons. C’est quand même une fierté féminine. Et aussi d’ouverture. On accepte tous les gabarits, tous les profils, peu importe la sexualité, les origines, les croyances.
Si on a envie de s’y mettre…
F2 : Faut juste avoir un peu de courage.
F1 : Même l’âge.
F2 : C’est 18 ans.
F1 : On demande 18 ans minimum pour des questions de sécurité, d’assurance. Mais après, il y a des membres qui ont 45 ans.
F2 : Notre amie Banana qui est là-bas. Combien elle a ? 44 ? 43 ans ?
F1 : 25 en vrai.
F2 : Oui en termes de Derby, elle a 25. Mais c’est un truc qui est très sportif. Quand on veut le pratiquer à haut niveau, c’est un investissement physique, sportif qui est autant que n’importe quel autre sport.
C’est à peu près combien de temps ?
F2 : Si on se donne vraiment à fond, oui parce que l’on a une vie à côté. En général, c’est 4h par semaine plus ce que l’on appelle le off skate, le workout.
F1 : Renforcement musculaire
F2 : Pour arriver aussi à se mettre en condition. Cela demande beaucoup de cardio comme sport.
F1 : Des muscles aussi. Quand on se fait taper, il faut savoir résister.
F2 : Donc minimum 4h par semaine sur patins. Donc c’est un vrai investissement de temps.
C’est forcément des patins en carré ?
F2 : Oui, forcément.
F1 : Obligatoire.
F2 : Les arbitres ont le droit d’avoir des patins en ligne, mais on n’aime pas ça. Mais sinon les joueuses c’est des patins à roulette.
F1 : C’est pas les mêmes appuis. La façon dont tu joues est adapté au quad. C’est impossible de jouer au Derby avec des patins en ligne.
Le principe du match pour mieux comprendre. C’est en salle, sur une piste spéciale ?
F1 : C’est sur une track, une piste ovale.
F2 : Plate.
F1 : Y’a un autre Derby qui est sur une piste inclinée. Mais nous c’est plat. Elle est ovale. Le match dure 1h. il y a deux mi-temps. Le match se divise en plusieurs petites parties, que l’on appelle « the jam ». À chaque période de jeu, on va aligner 5 joueuses. On a 14 joueuses dans l’équipe mais à chaque jam on va renouveler les joueuses qui sont sur le terrain. 4 personnes en défense et 1 en attaque.
F2 : Qui marque les points.
F1 : Elle va faire ça comment, en dépassant les joueuses adverses. Donc en fait en défense, le but est d’empêcher la joueuse adverse de passer et d’aider sa copine à dépasser les joueuses adverses. Pour ça, on va faire des formations, on va se mettre en mur. On va même donner des « hits », des coups. On va essayer de faire sortir la joueuse adverse, de la faire tomber, de la ralentir. Tout cela avec beaucoup de règles.
F1 + F2 (en chœur) : Pour la sécurité.
Oui j’allais dire. Est-ce que tous les coups sont permis ?
F2 : Absolument pas.
F1 : Des fois on entend souvent ça dans les interviews « est-ce que tous les coups sont permis ? », alors pas du tout.
F2 : Il faut arrêter le mythe de la fille qui arrête l’autre pour lui mettre une droite. Cela n’existe pas.
F1 : Il y a un gros livre de règles qui fait au moins 40 pages.
F2 : Au moins.
F1 : Mais au final, on les connaît toutes par cœur.
Qui permette de faire que le jeu est un intérêt, sinon si c’est pour se bastonner autant le faire à l’extérieur, sans patin.
F2 : C’est ça.
F1 : Oui, autant faire du free fight avec des patins.
F2 : Autant aller dans une cage.
F1 : Donc oui, il y a des règles. Les arbitres sont là pour les rappeler. Dès que l’on fait une faute, si on utilise pas la bonne partie du corps, que l’on tape au mauvais endroit, que l’on fait quelque chose qui n’est pas dans le sens du jeu, il nous siffle la faute. On va en « penalty box », en prison.
F2 : Comme au hockey sur glace.
F1 : Donc du coup, cela permet d’apprendre à jouer plus proprement et d’éviter de faire n’importe quoi, d’assurer la sécurité de tout le monde sur le track.
C’est vrai que je n’en avais jamais entendu parler.
F2 : Pas de souci.
Est-ce qu’on peut vous suivre ? venir voir un match ?
F2 : Là, c’est la grosse pause de l’été. Mais à partir de septembre, les championnats de France vont reprendre. Autant féminin que masculin. Pour les filles, il y a trois niveaux de championnat : Elite pour les 8 meilleures équipes françaises ; National 1, elles sont combien ? 12 ?
F1 : Oui 12, divisées en nord et sud.
F2 : Et ensuite il y a la Nationale 2 où elles sont séparées en régions. Il y a environ 5 à 6 équipes par région. Les plus fortes montent et ainsi de suite. Cela va recommencer en septembre. Effectivement, il va y avoir des matchs en région parisienne. Ce qui est aussi assez chouette avec le Derby c’est que l’on se balade un peu dans toute la France. Moi, personnellement, je n’étais jamais allé à Orléans. Du coup, cela fait partie de ce sport, de se déplacer ensemble, d’aller voir les copines ailleurs.
F1 : Chez nous, de temps en temps, on en organise. Cela dépend des salles à Paris et des gymnases. Cela a quand même un coup de location. Mais on organise des événements, 3 – 4 par année.
F2 : Il y a toujours l’anniversaire de PRG.
F1 : Pour nous suivre, il y a Facebook. C’est là où tout passe.
F1 : Notre page c’est Paris Rollergirls sur Facebook. On publie toutes les infos, les matchs, là où l’on se déplace. On partage même les matchs qui se jouent dans la région, ou ceux que l’on organise.
On sent une sacrée cohésion, un bel esprit.
F1 : On passe beaucoup de temps ensemble. Parce que l’on s’entraîne beaucoup. Et puis en déplacement, on le fait ensemble.
F2 : On dort dans les chambres d’hôtel ensemble.
F1 : On partage des couchettes, chez des gens. Et puis, c’est un sport d’équipe. On n’aime pas l’individualité.
F2 : Cela ne marche pas.
F1 : Cet esprit d’équipe il se cultive aussi en dehors. Au-delà d’être une équipe, on est aussi des copines, on va boire des coups ensemble.
F2 : Après on peut pas toutes être meilleures amies, mais on se respecte et on joue ensemble.
Difficile effectivement dans un groupe.
F2 : Mais c’est un truc particulier. On ne peut pas faire dans la consommation : venir, s’entraîner et partir. C’est très difficile de faire ça, d’une part parce que l’ambiance est chouette et que la plupart du temps les filles sont chouettes aussi. Donc on a envie de faire plus. Mais si l’on veut que le sport et l’association avance, il faut donner de soi. Donc il y a des gens qui font de la com, y’a ceux qui font les événements, y’a des gens qui cherchent les sponsors, ceux qui font la cuisine. Il faut qu’il y ait un peu d’émulation là-dedans pour que cela fonctionne, pour que les gens aient envie de venir. Le renouvellement de cette année c’est essayer de faire venir pour faire des démonstrations pendant les mi-temps. Essayer de trouver des gens pour faire du roller dance. Voilà, trouver des trucs pour rendre cela accueillant pour tous les âges.
C’est intéressant puisque vous disiez un sport féministe. Est-ce que cela marque quand vous êtes en démonstration ou que vous faites des cours, est-ce que les gens viennent vous voir, les femmes, les filles, les jeunes ? Est-ce qu’il y a un engouement ?
F2 : Ce qui est très chouette et on l’a vu la semaine dernière. Y’a des très jeunes filles qui veulent faire du Derby. Y’a une nana qui est venu nous voir, qui devait avoir pas plus de 13 ans, et qui avait hâte d’avoir 18 ans parce qu’elle voulait pouvoir mettre des protections et jouer au Derby. C’est assez chouette. Cela fait venir avant tout des gens qui sont dans cet état d’esprit, très ouvert. C’est un safe place. On peut être une femme, être habillé comme on veut, dire ce que l’on veut.
F1 : C’est quand même un sport de contact.
F2 : Du respect.
F1 : C’est aussi de l’empowerment pour les filles qui pratique, de se sentir comme une femme forte, de savoir que l’on est capable de faire du sport physique.
Sur vos rollers, faut pas vous chercher quoi.
F1 + F2 (en chœur) : Exactement.
F1 : Des fois, on en vient un peu violente à l’extérieur.
Des réflexes qui viennent.
F2 : Dans le métro notamment.
F1 : Et même, ce que j’apprécie c’est de savoir que je fais partie d’une communauté qui s’est créée d’elle-même. Par les joueuses, pour les joueuses. Oui je sais, il y a des garçons aussi on les oublie pas. Mais on a tous créé ça pour se donner l’occasion de s’exprimer. Je sais que, quand on est en match, c’est un bon défouloir aussi. De savoir que l’on est capable de monter des championnats de France, d’organiser des événements assez énormes. Tout cela vient de la volonté de donner pour les autres. Encore une fois c’est bénévole.
F2 : On touche rien du tout.
F1 : C’est aussi une fierté que de se dire que l’on a monté tout ça, avec des amies. On est un sacré groupe de nanas
C’est de qualité. Cela embarque plein de gens de toute la France. Voire en emmènent certaines à l’international.
F2 : Même l’année dernière, on a été joué à Birmingham. Dans ma première année, je suis allé jouer à Madrid. Improbable.
F1 : L’année dernière je suis allé à Helsinki en Suède.
F2 : Y’a un truc. C’est toujours bon enfant quand on rencontre les autres équipes.
F1 : Oui, il y a le moment de match où il y a une rivalité. On y va pour gagner, bien sûr. Il y a de la compétition.
F2 : Il y a du respect.
F1 : Même, sans avoir enlevé les patins, dès le coup de sifflet final,…
F2 : On se fait des câlins.
F1 : Ok on se fait un câlin entre l’équipe puis on va faire un câlin à l’autre équipe. On se remercie.
F2 : On remercie le public.
F1 : On remercie les arbitres.
F2 : Y’a beaucoup de respect. C’est vraiment un sport où s’il n’y a pas de respect… on s’en amuse de ce côté un peu bourrin de temps en temps, quand une nana met un hit bien placé, correct, moi je me marre. Le nombre de fois où je me suis pris des coups, je me suis dit « ah ben ouai, quand même ». On repart. Et à la fin du match, « il était pas mal celui-là ». Cela fait partie de cet état d’esprit, avec beaucoup de respect. Ce sport est vraiment très chouette à pratiquer.
Cela donne envie de venir voir.
F2 : Avec plaisir. Il va y avoir normalement un gros événement avec l’équipe de France de Roller Derby. Dont 10 joueuses de PRG Elite qui doivent faire partie de l’équipe de France. Fierté ! Y’a un gros événement le 3ème week-end de septembre.
D’accord.
F2 : Ahh merde c’est à Tourcoing. J’étais persuadé que c’était à Paris. Bon, ben, c’est pas très loin. Mais de toute façon, il va y avoir les championnats qui vont recommencer.
F1 : Y’a la World cup qui arrive bientôt.
F2 : Y’a la coupe du monde en 2018 à Manchester.
F1 : On attend encore la sélection et l’équipe officielle qui va partir. Mais on espère qu’il y aura des joueuses de notre club.
F2 : C’est sûr.
C’est aussi intéressant de se rendre compte que c’est un groupe qui représente la France et qui est composé de différentes équipes.
F1 : On est beaucoup à avoir pris nos places. On a nos pass pour 3 jours. Il y a énormément de matchs, énormément d’équipe. Et quelque soit l’équipe de France qui sera constituée, on sera derrière elles. Parce qu’elles nous représentent.
F2 : C’est vraiment les meilleures joueuses de France.
F1 : Parce que là, le Derby en France, en Europe, on commence à se faire connaître. On est dans une effervescence.
C’est chouette aussi de voir, comme on le disait tout au départ, un lieu qui vous permette de montrer ce que vous faites.
F1 : Nous qui n’avions pas de gymnase attitré cet été, un lieu comme ça c’est pas plus mal. Tout à l’heure on est sorti, on a fait une petite démonstration. Les gens ils regardaient quand on faisait les ateliers. On aurait été dans un gymnase, on aurait pas eu cette visibilité. Cela ne veut pas dire qu’ils vont s’inscrire demain.
F2 : Mais ils vont en parler. Ils vont se dire que c’était sympa.
F1 : Et puis si un jour ils voient un prospectus du Roller Derby, se dire qu’ils peuvent y aller. Le but aussi c’est de donner de la visibilité à notre sport, pas qu’à notre club.
F2 : Y’a d’autres clubs parisiens aussi.
F1 : Parce que notre rêve c’est de passer sur France 3 un jour, commenté par Nelson Montfort.
F2 : Ce serait génial.
Ooh oui.
F1 : Le jour où l’on remplace les championnats du monde d’athlétisme, ce serait top.
Après on se dit que chaque sport a le droit à une place. D’autant plus qu’aujourd’hui il y a une bascule sur le sport féminin, qui commence à être relayé. Et y’a encore de quoi faire. Quand on compare ce qui est gagné à la fin de certains tournois entre les femmes et les hommes, on se rend compte que c’est loin d’être égalitaire.
F2 : Mais cela progresse.
En tout cas on le montre de plus en plus. Cela donne envie à des filles, des femmes de s’y mettre.
F2 : Exactement.
C’est aussi ce genre d’occasion, comme à l’Aérosol, qui permet de rencontrer un public qui ne serait peut-être jamais venu vous voir.
F2 : Et très différent.
F1 : Je pense qu’au final, nous sommes beaucoup à être tombées dans le Derby un peu par hasard. On a tous vu il y a quelques années le film Bliss
F2 : En 2007.
F1 : On l’a tous vu en se disant « c’est rigolo ». C’est américanisé, Hollywood. Il y avait des coups complètement pas légaux. Coup de poing.
F1 : On est tous tombé là-dessus par hasard. Moi je vivais à Orléans. Je me suis dit « tiens je vais essayer ». Je me suis accroché. Il y a 5 ans, jamais je ne me serai dit que je ferai du Roller Derby aujourd’hui.
F2 : Moi non plus.
F1 : Être une nana qui met un maillot, un protège dents, avec le surnom Bitch’Plz, à mettre des coups aux autres, moi j’aurai dit c’est mort. J’étais prête à faire du crochet toute ma vie.
C’est un beau virage.
F2 : Heureusement qu’elle l’a fait, parce qu’elle est efficace, en crochet.
F1 : C’est un sport qui est jeune. On commence à se faire connaître. Mais quand on sait que cela a 10 ans d’âge internationalement, 7 ans en France. Je trouve que l’on est déjà pas mal. On ne peut qu’évoluer. Cela fait deux ans que l’on a les championnats de France.
F2 : Cela se structure.
F1 : Aller. Moi j’y crois au JO.
F2 : Comme beaucoup de sport, cela serait de passer sport olympique. Parce que c’est du sport complètement amateur. Cela peut être un objectif pour ce sport qui est vraiment particulier, ultra complet. Et puis, parce que ce n’est pas juste un club.
F1 : C’est pas juste je paie, je fais mes cours. Je fais partie d’une équipe, d’une association.
Cela se voit. On voit votre groupe. Cela génère une bonne cohésion.
F2 : C’est obligé. De s’ouvrir. On est avec des gens que l’on ne connaît pas, avec qui on se retrouve plus que proche, cela peut faire flipper mais cela peut aider des gens qui ne sont pas forcément à l’aise avec leur corps.
A se surpasser ?
F2 : Oui. Et puis cette espèce de gêne. Dans le Derby, à un moment, t’es sur le track, donc il faut exister. Des gens qui peuvent paraître extrêmement timide en dehors du track, sont des lionnes sur le track. C’est assez chouette aussi. Je pense que c’est un sport qui aider à progresser personnellement. On se rend compte que l’on est capable de faire des choses, qu’il existe des genres complètement différents. Cela nous permet d’être plus à l’aise avec nous-même.
Cela révèle du potentiel.
F1 : Voilà. Et puis même, sur l’idée de s’accepter soi-même, sur le physique encore une fois, on accepte tout le monde. Chaque physique a sa particularité et a son rôle sur un track. Du coup, cela décomplexe carrément. On s’en fout d’avoir 5 kilos en plus.
Là, on te demande d’y aller.
F1 : Mes 5 kilos en plus, cela sera 5 kilos en plus sur la personne que je vais sortir. Et ben tant pis pour elle et pas tant pis pour moi.
F2 : C’est un sport où vraiment l’acceptation de soi-même fait que l’on progresse sportivement.
Chacune sa place. Chacune se donne à fond pendant la partie.
F2 : Y’a pas le choix. On est 4 bloqueuses et une jammeuse. Si y’en a une qui ne se sent pas, qui fait pas son boulot, et ben cela va être compliqué pour les autres. C’est vraiment pour ça que c’est un vrai sport d’équipe. Cela faisait un moment que je n’avais pas fait de sport d’équipe comme le Derby, j’avais fait d’autres sports qui donnent beaucoup de places à l’individualité. Donc je ne connaissais pas ça. C’est vraiment un sentiment assez cool.
C’est l’équipe qui gagne.
F2 : C’est impossible que cela ne se joue que sur une joueuse. Donc pour ça, c’est super euphorisant.
En tout cas, vous avez la pêche. Cela donne envie. Je viendrai voir un match avec plaisir.
F1 : Là on a fait une démonstration. Cela faisait deux mois que l’on avait pas fait de vrai Derby, donc y’a toute l’adrénaline.
F2 : Moi j’ai tout donné sur les freinages.
Vous sentez que là, même si l’on est sur de l’initiation, c’est un sport qui avait un peu disparu de la rue. Je veux dire le roller. Y’a beaucoup de vélos, de trottinettes et les autres trucs là où ils se pêtent la gueule quand il y a une marche. Les rollers en soi ont un peu disparu.
F1 : Cela revient. Le in-line avait vraiment pris le dessus il y a quelques années. Et puis là, le quad commence à revenir. C’est aussi pour cela qu’il y a des initiatives comme ça.
F2 : Les gens sont demandeurs.
F1 : On devient à la mode. Nous, on est trop contente parce que l’on sait bien patiner. On se débrouille.
F2 : C’est le côté vintage du truc.
F1 : Et puis même, dans les pubs.
F2 : Dans les clips.
F1 : Beaucoup de marques utilisent les rollers pour la promotion. On se dit que le Roller Derby va gagner un peu de fame.
F2 : Grâce à ça.
C’est bien possible. C’est des mouvements qui vont qu’il y a des choses qui ne disparaissent pas. On pourrait très bien se dire que cela passe à la trappe.
F2 : Là, il n’est pas parti pour disparaître. Le Derby en France, il est fait que pour monter. Grâce à des initiatives comme cela, cela donne une visibilité. C’est vraiment cool.
On a 7 ans, jusqu’en 2024 pour que cela devienne un sport olympique.
Aérosol Part 4 – Interview Paris Rollergirls
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Retour en arrière. Nous sommes le 19 août. Je passes une bonne partie de mon après-midi à l’Aérosol. J’ai fait déjà plusieurs passages sur le quai. Les gens vont et viennent, certains avec une bombe à la main. D’autres en roller filent à toute vitesse. Je me suis lancé à interroger les visiteurs pour recueillir leur avis sur le lieu. J’espère pouvoir interviewer David Benhamou, l’un des organisateurs de ce lieu. Et puis en entrant dans le bâtiment, je vois la fin de l’entrainement avec les Paris Rollergirls. Gagné par une certaine énergie, je me permets de les aborder pour savoir si cela les tente de répondre à quelques questions. Elle me dit que cela peut le faire et m’amène vers une deuxième femme, responsable de la com dans l’association. Ok pour elles. Elles plient leur affaire, descendent de leurs patins et le rdv est pris dans 20 minutes vers le bar.
Voici donc à lire l’interview de deux Paris Rollergirls, à la découverte d’un sport pour ma part méconnu le Roller Derby. En face de moi Bitch’Plz et Atomic Blondie. Bonne lecture !
PS : * Pour découvrir les Paris Rollergirls : site internet / instagram / twitter / facebook *
Alors l’idée est de comprendre qui vous êtes et ce que vous faites dans cet endroit pour le moins improbable
F1 – Bitch’Plz : En fait, on avait vu que cela ouvrait, au début de l’été. On avait commencé à voir des choses sur Facebook. Cela doit être les algorithmes de Facebook qui font que dès qu’il y a marqué roller cela apparaît dans notre fils d’actualité. On a vu Roule des patins. Du coup, on les a contactés. On est venu les voir quand c’était pas du tout installer, pour imaginer un projet avec eux. Parce que nous comme on n’a pas de gymnase l’été et que l’on besoin de faire nos ateliers pour recruter à la rentrée, on cherchait un lieu ouvert. Tout le mois de juillet on était aux Invalides mais autant te dire qu’il y avait 4 personnes donc c’était pas terrible. On les a donc contactés. Rue des patins nous a proposés de venir aux soirées, de rouler disco pour mettre un peu d’animation. On a fait un petit partenariat comme ça et du coup, le samedi, on a un créneau pour faire des ateliers.
Mais qui êtes vous ? Parce que je n’ai pas encore posé cette question. Et aussi, l’intérêt de cette interview est de comprendre ce que vous faites, le lien qui s’est tissé avec une autre structure, avec un lieu comme celui-là. Un moyen j’imagine pour vous faire connaître, pour pérenniser votre action. Donc commençons par là, qui êtes vous ?
F1 : Alors on est les Paris Rollergirls. C’est un club de Roller Derby féminin, à Paris. On est un gros club avec pas mal d’adhérents. On fait du Roller Derby, c’est un sport de contact sur patins. C’est aussi un mélange de cultures, du sport et de la rue Donc c’est le lieu qui nous correspond. Et le Roller Derby pour l’histoire, cela a commencé dans les années 40, 50.
F2 – Atomic Blondie : Même un peu avant.
F1 : C’était un truc complètement dans le show, comme le Catch. Après cela s’est un peu perdu. C’est réapparu il y a une quinzaine d’année aux Etats Unis. Et c’est arrivé en Europe il y a une dizaine d’année et en France 7 – 8 ans. On a fêté nos 7 ans cette année. On est plusieurs clubs à Paris mais nous sommes le plus vieux.
Et cela représente combien de personnes ? y’a-t-il un noyau dur ? Et d’ailleurs est-ce qu’il y a une formation à faire pour pratiquer ?
F2 : Déjà ce qui est important de savoir, c’est que le Roller Derby est régi par une fédération mais nous sommes des associations. Cela fonctionne par le bénévolat des joueuses. Par les joueuses, pour les joueuses. C’est le credo de la WFTDA, la fédération de Derby mondiale. Ça c’est vraiment une chose qui est assez chouette, si on veut progresser il faut s’investir. Que ce soit dans l’associatif, dans le sport, financièrement aussi parce que forcément on n’est pas aidé. Du coup, c’est pour cela que c’est génial de trouver un partenariat comme celui-là, où on se retrouve avec un toit couvert, pendant l’été, où il y a une super ambiance et où il y a du monde. Cela nous permet de montrer ce qu’est le Roller Derby et c’est juste génial pour nous. C’est de la pub gratuite.
Cela vous permet peut-être de rencontrer de futures joueuses ?
F2 : Exactement. Des gens qui ne nous connaissent pas vraiment. Il y a beaucoup de gens qui sont venus à nous, à ses ateliers par la page Facebook de Roule des patins et par celle de l’Aérosol, qui ne savaient pas pour nous. Il y a des nanas qui nous ont découvert comme ça et cela fait déjà deux ateliers qu’elles sont là. Donc c’est vraiment un partenariat très cool.
Et vous, cela fait longtemps que vous pratiquez ?
F1 : Moi non. Toi non plus ? Ben, en fait, pour l’histoire, notre plus ancienne membre qui est là depuis les débuts, elle prend sa retraite sportive. Là, en ce moment, notre équipe A est aux Etats Unis pour un championnat international.
F2 : C’est la première équipe française à jouer les plays off aux Etats Unis.
Respect alors.
F2 : Fierté !!!
F1 : Et du coup, notre présidente prend sa retraite sportive cet été après ces matchs là. Après, moi, cela fait ma 4ème année de Derby.
F2 : Et moi dans ma 3ème année. Il y a Crapule là-bas, cela doit faire 6 ans. Et Watzé.
F1 : Ah, oui. On ne l’appelle pas Crapule par méchanceté. C’est son surnom.
Je me suis dit… mis à part si vous l’appréciez moyennement.
F1 : Oui, c’est un autre truc du Derby. En fait on a des Derby Name, notre nom de joueuse. Ils sont sur nos maillots. J’ai un prénom mais mon nom de Derby est Bitch’Plz. Elle c’est Crapule.
Mais que vous choisissez ?
F2 : Oui, que l’on choisit.
F1 : Ou qui nous est parfois imposé. Ça peut être une anecdote. Si on s’est bien planté le premier jour.
F2 : Tu peux t’appeler Carpette. Y’a des choses comme ça.
Vous parlez de tournois. Mais comment cela se passe vraiment ? Est-ce que c’est un peu violent, je sais pas si c’est le bon mot ? ou plutôt est-ce que c’est physique ? Est-ce que cela peut rebuter certaines personnes ou au contraire quand elles font l’initiation elles se disent qu’elles pourraient pratiquer ce sport ?
F2 : Quand on fait l’initiation, il y a très peu de contact. Pour pouvoir faire du Roller Derby, avec du contact, avec les règles, il faut savoir un minimum patiner. Là, il y avait certaines nanas qui s’en sortaient très bien. On ne peut pas imposer à des filles qui savent pas freiner, ni tourner, de se rentrer les unes dans les autres.
Oui, il y a déjà une base à avoir.
F2 : Donc il y un peu de patinage. Mais souvent c’est quelque chose qui fait peur, le contact. Parce que oui on est pas tendre les unes avec les autres, même quand on est coéquipière. Cela arrive de sortir de l’entraînement avec un petit gnon, avec un bleu. Mais en fait, au final, cela devient une fierté parce que le Derby, c’est ça. C’est un sport qui est génial parce qu’il y a de la vitesse, de la stratégie. Il n’y a pas de ballon, ok.
F1 : Moi de toute façon je suis nulle avec un ballon.
F2 : Mais c’est un truc ultra complet où tout le monde trouve sa place. C’est bien d’être tout fin, pour jammer et d’aller partout. C’est bien d’être un peu steady, un peu costaud, pour être bloqueur. Cela peut aller à tout le monde, les grands, les petits.
F1 : C’est un sport qui est très inclusif. C’est une communauté le Derby. Comme c’est un sport qui est né de certaines personnes qui ont monté leur association, qui ont monté leur club, dans l’idée d’apprendre par soi-même. Il y a la culture du Do it yourself qui est très forte dans le Derby.
Cela résonne avec la culture américaine et le sens qu’ils donnent à communautés.
F1 : Cela embrasse la culture féministe, même si aujourd’hui il est aussi pratiqué par des garçons. C’est quand même une fierté féminine. Et aussi d’ouverture. On accepte tous les gabarits, tous les profils, peu importe la sexualité, les origines, les croyances.
Si on a envie de s’y mettre…
F2 : Faut juste avoir un peu de courage.
F1 : Même l’âge.
F2 : C’est 18 ans.
F1 : On demande 18 ans minimum pour des questions de sécurité, d’assurance. Mais après, il y a des membres qui ont 45 ans.
F2 : Notre amie Banana qui est là-bas. Combien elle a ? 44 ? 43 ans ?
F1 : 25 en vrai.
F2 : Oui en termes de Derby, elle a 25. Mais c’est un truc qui est très sportif. Quand on veut le pratiquer à haut niveau, c’est un investissement physique, sportif qui est autant que n’importe quel autre sport.
C’est à peu près combien de temps ?
F2 : Si on se donne vraiment à fond, oui parce que l’on a une vie à côté. En général, c’est 4h par semaine plus ce que l’on appelle le off skate, le workout.
F1 : Renforcement musculaire
F2 : Pour arriver aussi à se mettre en condition. Cela demande beaucoup de cardio comme sport.
F1 : Des muscles aussi. Quand on se fait taper, il faut savoir résister.
F2 : Donc minimum 4h par semaine sur patins. Donc c’est un vrai investissement de temps.
C’est forcément des patins en carré ?
F2 : Oui, forcément.
F1 : Obligatoire.
F2 : Les arbitres ont le droit d’avoir des patins en ligne, mais on n’aime pas ça. Mais sinon les joueuses c’est des patins à roulette.
F1 : C’est pas les mêmes appuis. La façon dont tu joues est adapté au quad. C’est impossible de jouer au Derby avec des patins en ligne.
Le principe du match pour mieux comprendre. C’est en salle, sur une piste spéciale ?
F1 : C’est sur une track, une piste ovale.
F2 : Plate.
F1 : Y’a un autre Derby qui est sur une piste inclinée. Mais nous c’est plat. Elle est ovale. Le match dure 1h. il y a deux mi-temps. Le match se divise en plusieurs petites parties, que l’on appelle « the jam ». À chaque période de jeu, on va aligner 5 joueuses. On a 14 joueuses dans l’équipe mais à chaque jam on va renouveler les joueuses qui sont sur le terrain. 4 personnes en défense et 1 en attaque.
F2 : Qui marque les points.
F1 : Elle va faire ça comment, en dépassant les joueuses adverses. Donc en fait en défense, le but est d’empêcher la joueuse adverse de passer et d’aider sa copine à dépasser les joueuses adverses. Pour ça, on va faire des formations, on va se mettre en mur. On va même donner des « hits », des coups. On va essayer de faire sortir la joueuse adverse, de la faire tomber, de la ralentir. Tout cela avec beaucoup de règles.
F1 + F2 (en chœur) : Pour la sécurité.
Oui j’allais dire. Est-ce que tous les coups sont permis ?
F2 : Absolument pas.
F1 : Des fois on entend souvent ça dans les interviews « est-ce que tous les coups sont permis ? », alors pas du tout.
F2 : Il faut arrêter le mythe de la fille qui arrête l’autre pour lui mettre une droite. Cela n’existe pas.
F1 : Il y a un gros livre de règles qui fait au moins 40 pages.
F2 : Au moins.
F1 : Mais au final, on les connaît toutes par cœur.
Qui permette de faire que le jeu est un intérêt, sinon si c’est pour se bastonner autant le faire à l’extérieur, sans patin.
F2 : C’est ça.
F1 : Oui, autant faire du free fight avec des patins.
F2 : Autant aller dans une cage.
F1 : Donc oui, il y a des règles. Les arbitres sont là pour les rappeler. Dès que l’on fait une faute, si on utilise pas la bonne partie du corps, que l’on tape au mauvais endroit, que l’on fait quelque chose qui n’est pas dans le sens du jeu, il nous siffle la faute. On va en « penalty box », en prison.
F2 : Comme au hockey sur glace.
F1 : Donc du coup, cela permet d’apprendre à jouer plus proprement et d’éviter de faire n’importe quoi, d’assurer la sécurité de tout le monde sur le track.
C’est vrai que je n’en avais jamais entendu parler.
F2 : Pas de souci.
Est-ce qu’on peut vous suivre ? venir voir un match ?
F2 : Là, c’est la grosse pause de l’été. Mais à partir de septembre, les championnats de France vont reprendre. Autant féminin que masculin. Pour les filles, il y a trois niveaux de championnat : Elite pour les 8 meilleures équipes françaises ; National 1, elles sont combien ? 12 ?
F1 : Oui 12, divisées en nord et sud.
F2 : Et ensuite il y a la Nationale 2 où elles sont séparées en régions. Il y a environ 5 à 6 équipes par région. Les plus fortes montent et ainsi de suite. Cela va recommencer en septembre. Effectivement, il va y avoir des matchs en région parisienne. Ce qui est aussi assez chouette avec le Derby c’est que l’on se balade un peu dans toute la France. Moi, personnellement, je n’étais jamais allé à Orléans. Du coup, cela fait partie de ce sport, de se déplacer ensemble, d’aller voir les copines ailleurs.
F1 : Chez nous, de temps en temps, on en organise. Cela dépend des salles à Paris et des gymnases. Cela a quand même un coup de location. Mais on organise des événements, 3 – 4 par année.
F2 : Il y a toujours l’anniversaire de PRG.
F1 : Pour nous suivre, il y a Facebook. C’est là où tout passe.
F2 : Instagram.
F1 : Notre page c’est Paris Rollergirls sur Facebook. On publie toutes les infos, les matchs, là où l’on se déplace. On partage même les matchs qui se jouent dans la région, ou ceux que l’on organise.
On sent une sacrée cohésion, un bel esprit.
F1 : On passe beaucoup de temps ensemble. Parce que l’on s’entraîne beaucoup. Et puis en déplacement, on le fait ensemble.
F2 : On dort dans les chambres d’hôtel ensemble.
F1 : On partage des couchettes, chez des gens. Et puis, c’est un sport d’équipe. On n’aime pas l’individualité.
F2 : Cela ne marche pas.
F1 : Cet esprit d’équipe il se cultive aussi en dehors. Au-delà d’être une équipe, on est aussi des copines, on va boire des coups ensemble.
F2 : Après on peut pas toutes être meilleures amies, mais on se respecte et on joue ensemble.
Difficile effectivement dans un groupe.
F2 : Mais c’est un truc particulier. On ne peut pas faire dans la consommation : venir, s’entraîner et partir. C’est très difficile de faire ça, d’une part parce que l’ambiance est chouette et que la plupart du temps les filles sont chouettes aussi. Donc on a envie de faire plus. Mais si l’on veut que le sport et l’association avance, il faut donner de soi. Donc il y a des gens qui font de la com, y’a ceux qui font les événements, y’a des gens qui cherchent les sponsors, ceux qui font la cuisine. Il faut qu’il y ait un peu d’émulation là-dedans pour que cela fonctionne, pour que les gens aient envie de venir. Le renouvellement de cette année c’est essayer de faire venir pour faire des démonstrations pendant les mi-temps. Essayer de trouver des gens pour faire du roller dance. Voilà, trouver des trucs pour rendre cela accueillant pour tous les âges.
C’est intéressant puisque vous disiez un sport féministe. Est-ce que cela marque quand vous êtes en démonstration ou que vous faites des cours, est-ce que les gens viennent vous voir, les femmes, les filles, les jeunes ? Est-ce qu’il y a un engouement ?
F2 : Ce qui est très chouette et on l’a vu la semaine dernière. Y’a des très jeunes filles qui veulent faire du Derby. Y’a une nana qui est venu nous voir, qui devait avoir pas plus de 13 ans, et qui avait hâte d’avoir 18 ans parce qu’elle voulait pouvoir mettre des protections et jouer au Derby. C’est assez chouette. Cela fait venir avant tout des gens qui sont dans cet état d’esprit, très ouvert. C’est un safe place. On peut être une femme, être habillé comme on veut, dire ce que l’on veut.
F1 : C’est quand même un sport de contact.
F2 : Du respect.
F1 : C’est aussi de l’empowerment pour les filles qui pratique, de se sentir comme une femme forte, de savoir que l’on est capable de faire du sport physique.
Sur vos rollers, faut pas vous chercher quoi.
F1 + F2 (en chœur) : Exactement.
F1 : Des fois, on en vient un peu violente à l’extérieur.
Des réflexes qui viennent.
F2 : Dans le métro notamment.
F1 : Et même, ce que j’apprécie c’est de savoir que je fais partie d’une communauté qui s’est créée d’elle-même. Par les joueuses, pour les joueuses. Oui je sais, il y a des garçons aussi on les oublie pas. Mais on a tous créé ça pour se donner l’occasion de s’exprimer. Je sais que, quand on est en match, c’est un bon défouloir aussi. De savoir que l’on est capable de monter des championnats de France, d’organiser des événements assez énormes. Tout cela vient de la volonté de donner pour les autres. Encore une fois c’est bénévole.
F2 : On touche rien du tout.
F1 : C’est aussi une fierté que de se dire que l’on a monté tout ça, avec des amies. On est un sacré groupe de nanas
C’est de qualité. Cela embarque plein de gens de toute la France. Voire en emmènent certaines à l’international.
F2 : Même l’année dernière, on a été joué à Birmingham. Dans ma première année, je suis allé jouer à Madrid. Improbable.
F1 : L’année dernière je suis allé à Helsinki en Suède.
F2 : Y’a un truc. C’est toujours bon enfant quand on rencontre les autres équipes.
F1 : Oui, il y a le moment de match où il y a une rivalité. On y va pour gagner, bien sûr. Il y a de la compétition.
F2 : Il y a du respect.
F1 : Même, sans avoir enlevé les patins, dès le coup de sifflet final,…
F2 : On se fait des câlins.
F1 : Ok on se fait un câlin entre l’équipe puis on va faire un câlin à l’autre équipe. On se remercie.
F2 : On remercie le public.
F1 : On remercie les arbitres.
F2 : Y’a beaucoup de respect. C’est vraiment un sport où s’il n’y a pas de respect… on s’en amuse de ce côté un peu bourrin de temps en temps, quand une nana met un hit bien placé, correct, moi je me marre. Le nombre de fois où je me suis pris des coups, je me suis dit « ah ben ouai, quand même ». On repart. Et à la fin du match, « il était pas mal celui-là ». Cela fait partie de cet état d’esprit, avec beaucoup de respect. Ce sport est vraiment très chouette à pratiquer.
Cela donne envie de venir voir.
F2 : Avec plaisir. Il va y avoir normalement un gros événement avec l’équipe de France de Roller Derby. Dont 10 joueuses de PRG Elite qui doivent faire partie de l’équipe de France. Fierté ! Y’a un gros événement le 3ème week-end de septembre.
D’accord.
F2 : Ahh merde c’est à Tourcoing. J’étais persuadé que c’était à Paris. Bon, ben, c’est pas très loin. Mais de toute façon, il va y avoir les championnats qui vont recommencer.
F1 : Y’a la World cup qui arrive bientôt.
F2 : Y’a la coupe du monde en 2018 à Manchester.
F1 : On attend encore la sélection et l’équipe officielle qui va partir. Mais on espère qu’il y aura des joueuses de notre club.
F2 : C’est sûr.
C’est aussi intéressant de se rendre compte que c’est un groupe qui représente la France et qui est composé de différentes équipes.
F1 : On est beaucoup à avoir pris nos places. On a nos pass pour 3 jours. Il y a énormément de matchs, énormément d’équipe. Et quelque soit l’équipe de France qui sera constituée, on sera derrière elles. Parce qu’elles nous représentent.
F2 : C’est vraiment les meilleures joueuses de France.
F1 : Parce que là, le Derby en France, en Europe, on commence à se faire connaître. On est dans une effervescence.
C’est chouette aussi de voir, comme on le disait tout au départ, un lieu qui vous permette de montrer ce que vous faites.
F1 : Nous qui n’avions pas de gymnase attitré cet été, un lieu comme ça c’est pas plus mal. Tout à l’heure on est sorti, on a fait une petite démonstration. Les gens ils regardaient quand on faisait les ateliers. On aurait été dans un gymnase, on aurait pas eu cette visibilité. Cela ne veut pas dire qu’ils vont s’inscrire demain.
F2 : Mais ils vont en parler. Ils vont se dire que c’était sympa.
F1 : Et puis si un jour ils voient un prospectus du Roller Derby, se dire qu’ils peuvent y aller. Le but aussi c’est de donner de la visibilité à notre sport, pas qu’à notre club.
F2 : Y’a d’autres clubs parisiens aussi.
F1 : Parce que notre rêve c’est de passer sur France 3 un jour, commenté par Nelson Montfort.
F2 : Ce serait génial.
Ooh oui.
F1 : Le jour où l’on remplace les championnats du monde d’athlétisme, ce serait top.
Après on se dit que chaque sport a le droit à une place. D’autant plus qu’aujourd’hui il y a une bascule sur le sport féminin, qui commence à être relayé. Et y’a encore de quoi faire. Quand on compare ce qui est gagné à la fin de certains tournois entre les femmes et les hommes, on se rend compte que c’est loin d’être égalitaire.
F2 : Mais cela progresse.
En tout cas on le montre de plus en plus. Cela donne envie à des filles, des femmes de s’y mettre.
F2 : Exactement.
C’est aussi ce genre d’occasion, comme à l’Aérosol, qui permet de rencontrer un public qui ne serait peut-être jamais venu vous voir.
F2 : Et très différent.
F1 : Je pense qu’au final, nous sommes beaucoup à être tombées dans le Derby un peu par hasard. On a tous vu il y a quelques années le film Bliss
F2 : En 2007.
F1 : On l’a tous vu en se disant « c’est rigolo ». C’est américanisé, Hollywood. Il y avait des coups complètement pas légaux. Coup de poing.
F2 : Ah Drew Barrymore.
F1 : On est tous tombé là-dessus par hasard. Moi je vivais à Orléans. Je me suis dit « tiens je vais essayer ». Je me suis accroché. Il y a 5 ans, jamais je ne me serai dit que je ferai du Roller Derby aujourd’hui.
F2 : Moi non plus.
F1 : Être une nana qui met un maillot, un protège dents, avec le surnom Bitch’Plz, à mettre des coups aux autres, moi j’aurai dit c’est mort. J’étais prête à faire du crochet toute ma vie.
C’est un beau virage.
F2 : Heureusement qu’elle l’a fait, parce qu’elle est efficace, en crochet.
F1 : C’est un sport qui est jeune. On commence à se faire connaître. Mais quand on sait que cela a 10 ans d’âge internationalement, 7 ans en France. Je trouve que l’on est déjà pas mal. On ne peut qu’évoluer. Cela fait deux ans que l’on a les championnats de France.
F2 : Cela se structure.
F1 : Aller. Moi j’y crois au JO.
F2 : Comme beaucoup de sport, cela serait de passer sport olympique. Parce que c’est du sport complètement amateur. Cela peut être un objectif pour ce sport qui est vraiment particulier, ultra complet. Et puis, parce que ce n’est pas juste un club.
F1 : C’est pas juste je paie, je fais mes cours. Je fais partie d’une équipe, d’une association.
Cela se voit. On voit votre groupe. Cela génère une bonne cohésion.
F2 : C’est obligé. De s’ouvrir. On est avec des gens que l’on ne connaît pas, avec qui on se retrouve plus que proche, cela peut faire flipper mais cela peut aider des gens qui ne sont pas forcément à l’aise avec leur corps.
A se surpasser ?
F2 : Oui. Et puis cette espèce de gêne. Dans le Derby, à un moment, t’es sur le track, donc il faut exister. Des gens qui peuvent paraître extrêmement timide en dehors du track, sont des lionnes sur le track. C’est assez chouette aussi. Je pense que c’est un sport qui aider à progresser personnellement. On se rend compte que l’on est capable de faire des choses, qu’il existe des genres complètement différents. Cela nous permet d’être plus à l’aise avec nous-même.
Cela révèle du potentiel.
F1 : Voilà. Et puis même, sur l’idée de s’accepter soi-même, sur le physique encore une fois, on accepte tout le monde. Chaque physique a sa particularité et a son rôle sur un track. Du coup, cela décomplexe carrément. On s’en fout d’avoir 5 kilos en plus.
Là, on te demande d’y aller.
F1 : Mes 5 kilos en plus, cela sera 5 kilos en plus sur la personne que je vais sortir. Et ben tant pis pour elle et pas tant pis pour moi.
F2 : C’est un sport où vraiment l’acceptation de soi-même fait que l’on progresse sportivement.
Chacune sa place. Chacune se donne à fond pendant la partie.
F2 : Y’a pas le choix. On est 4 bloqueuses et une jammeuse. Si y’en a une qui ne se sent pas, qui fait pas son boulot, et ben cela va être compliqué pour les autres. C’est vraiment pour ça que c’est un vrai sport d’équipe. Cela faisait un moment que je n’avais pas fait de sport d’équipe comme le Derby, j’avais fait d’autres sports qui donnent beaucoup de places à l’individualité. Donc je ne connaissais pas ça. C’est vraiment un sentiment assez cool.
C’est l’équipe qui gagne.
F2 : C’est impossible que cela ne se joue que sur une joueuse. Donc pour ça, c’est super euphorisant.
En tout cas, vous avez la pêche. Cela donne envie. Je viendrai voir un match avec plaisir.
F1 : Là on a fait une démonstration. Cela faisait deux mois que l’on avait pas fait de vrai Derby, donc y’a toute l’adrénaline.
F2 : Moi j’ai tout donné sur les freinages.
Vous sentez que là, même si l’on est sur de l’initiation, c’est un sport qui avait un peu disparu de la rue. Je veux dire le roller. Y’a beaucoup de vélos, de trottinettes et les autres trucs là où ils se pêtent la gueule quand il y a une marche. Les rollers en soi ont un peu disparu.
F1 : Cela revient. Le in-line avait vraiment pris le dessus il y a quelques années. Et puis là, le quad commence à revenir. C’est aussi pour cela qu’il y a des initiatives comme ça.
F2 : Les gens sont demandeurs.
F1 : On devient à la mode. Nous, on est trop contente parce que l’on sait bien patiner. On se débrouille.
F2 : C’est le côté vintage du truc.
F1 : Et puis même, dans les pubs.
F2 : Dans les clips.
F1 : Beaucoup de marques utilisent les rollers pour la promotion. On se dit que le Roller Derby va gagner un peu de fame.
F2 : Grâce à ça.
C’est bien possible. C’est des mouvements qui vont qu’il y a des choses qui ne disparaissent pas. On pourrait très bien se dire que cela passe à la trappe.
F2 : Là, il n’est pas parti pour disparaître. Le Derby en France, il est fait que pour monter. Grâce à des initiatives comme cela, cela donne une visibilité. C’est vraiment cool.
On a 7 ans, jusqu’en 2024 pour que cela devienne un sport olympique.
F2 : C’est ça. Mission acceptée.